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     Date : 19990414

     Dossier : IMM-3634-98

ENTRE :

     LIBAN HASSAN,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle la SSR a statué, le 15 juin 1998, que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur est un citoyen de la Somalie, âgé de 16 ans. Il fonde sa demande sur sa crainte bien fondée d'être persécuté en raison de son appartenance à un groupe social particulier, soit le clan majertan. Voici comment la SSR a résumé les faits dans sa décision :

     [Traduction]
     ... En peu de mots, sa preuve portait que son père était un membre bien connu du clan majertan et un membre du Front démocratique du salut de la Somalie (FDSS), l'organisation politique du clan. Son père a dû quitter la Somalie parce qu'il risquait d'être persécuté par l'ancien président de la Somalie, Siad Barre. Il a réussi à s'enfuir au Canada où il a revendiqué avec succès le statut de réfugié et il est maintenant citoyen canadien. Le demandeur a peur de retourner en Somalie parce qu'il n'a pas vécu dans ce pays depuis qu'il l'a quitté à l'âge de neuf ans avec sa mère, maintenant décédée. Il n'y possède aucun parent et ne connaît pas ce pays. Il craint d'être persécuté par les membres des autres clans et de ne pas bénéficier de la protection des membres de son propre clan puisqu'ils ne le connaissent pas. [Décision, p.1]

[3]      La SSR a jugé que la principale question en litige consistait à déterminer si une véritable possibilité de refuge intérieur s'offrait au demandeur.

[4]      Dans sa décision, la SSR a déclaré qu'il existait une PRI dans le Nord-Est de la Somalie. Cependant, pour ce qui est de cette conclusion, ses déclarations concernant la question de savoir si la PRI était raisonnable dans le cas du jeune demandeur se limitent à ce qui suit :

     [Traduction]
     En tenant compte de l'ensemble de la preuve, je juge qu'il n'existe pas de preuve crédible ou digne de foi de l'existence d'une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté dans le Nord-Est où son clan est au pouvoir. De plus, je suis d'avis que s'il en avait besoin, il pourrait avoir recours à son clan pour recevoir de l'aide pas seulement parce qu'il est Majertan, mais aussi en raison du fait que son père était membre du FDSS, le parti au pouvoir dans cette région.
     Cela dit, je suis conscient du fait que le demandeur a présenté sa demande de statut de réfugié en 1995, mais qu'il l'a retirée en pensant que la demande de parrainage de son père serait accueillie. Je suis conscient du fait que son père a déployé tout les efforts possibles pour parrainer son admission au Canada, qu'il s'est occupé de lui depuis son arrivée au Canada et que, de plus, il lui a fourni de l'aide financière outre-mer avant son entrée au pays. Je suis également conscient du fait que le demandeur a quitté la Somalie il y a huit ans et que le seul environnement stable qu'il connaisse est auprès de son père au Canada. Même si tous ces faits font grandement appel à des considérations humanitaires, le mandat de la Commission se limite à décider si le demandeur est un réfugié au sens de la Convention. ...
     Bien que le demandeur puisse avoir de bonnes raisons de vouloir demeurer au Canada, et des raisons valables de ne pas souhaiter retourner en Somalie, ces raisons ne sont pas prévues dans la Convention. En conséquence, elles vont au-delà du mandat de la Commission. [Décision p. 3 et 4]

[5]      Je suis complètement d'accord avec la prétention du demandeur suivant laquelle, dans le cas d'un demandeur mineur, une PRI ne peut être raisonnable à moins qu'il existe des conditions d'accueil adéquates. Dans l'affaire Yassin Yussuf Osman c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration1 mettant en cause des faits qui ressemblent beaucoup à ceux dont la Cour est saisie, j'ai déclaré ce qui suit :

     Pour ce qui est de la question de savoir si une PRI est une option raisonnable, la Commission dit que la PRI est [Traduction] " raisonnable dans les circonstances de ce cas particulier ". Toutefois, il n'existe aucune preuve que la Commission a évalué les circonstances particulières du requérant, dont son jeune âge, l'impact sur lui de la violence à l'égard de sa famille et la période substantielle de son absence de la Somalie, dans la détermination du caractère raisonnable de la PRI. Je conclus qu'en l'espèce, le fait pour la Commission de conclure que la PRI était raisonnable sans examiner ces facteurs particuliers est une conclusion tirée sans tenir compte des documents dont elle disposait. [p. 5]

[6]      À mon avis, la SSR a commis une erreur comparable à celle commise dans l'affaire Yassin Yussuf Osman. En l'espèce, la SSR a omis de tenir compte de la preuve qui lui a été présentée suivant laquelle le demandeur :

     -      est un enfant
     -      n'est jamais allé dans le Nord-Est de la Somalie (il était un résident de Mogadishu avant la guerre)
     -      n'a aucun parent en Somalie qui pourrait prendre soin de lui et le protéger
     -      n'a pas vécu en Somalie depuis l'âge de neuf ans
     -      n'a aucun moyen de subvenir à ses besoins ou de gagner un revenu
     -      n'aurait pas accès aux écoles, aux hôpitaux et aux autres services

[7]      Par conséquent, je conclus que la SSR n'a pas évalué les circonstances particulières du demandeur pour se prononcer sur le caractère raisonnable de la PRI, ce qui constitue une erreur donnant ouverture à contrôle judiciaire.

[8]      Pour ces motifs, j'annule la décision de la SSR et je renvoie l'affaire devant un tribunal différemment constitué pour réexamen.

     " Douglas R. Campbell "

                                         J.C.F.C.

TORONTO (ONTARIO)

Le 14 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3634-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LIBAN HASSAN,

     demandeur,

                     - et -
                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
                     L'IMMIGRATION,

     défendeur.

DATE DE L'AUDIENCE :          LE MERCREDI 14 AVRIL 1999
LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :          LE MERCREDI 14 AVRIL 1999
ONT COMPARU :              M e David Yerzy
                             Pour le demandeur
                     M e Toby Hoffman
                             Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                     David Yerzy
                     Avocat
                     108-14, avenue Prince Arthur
                     Toronto (Ontario)
                     M5R 1A9
                             Pour le demandeur
                     Morris Rosenberg
                     Sous-procureur général du Canada
                             Pour le défendeur     

    

                                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                              Date : 19990414
                                              Dossier : IMM-3634-98
                                         Entre :
                                         LIBAN HASSAN,
                                              demandeur,
                                         - et -
                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                              défendeur.
                                                                         
                                             
                                              MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                                        
__________________

     1 Yassin Yussuf Osman c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 9 avril 1997, IMM-1667-96.

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