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Date : 19991122


Dossier : IMM-712-99

OTTAWA (ONTARIO), CE 22ième JOUR DE NOVEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE L"HONORABLE JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

Entre :

     ANGE DOONDO NSOLE MBOKOSO

     NAOMIE NZITA DONDO TSHIBOLA

     MAYISA JEAN JAC NZITA

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Partie défenderesse


     O R D O N N A N C E


     La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. Le dossier est retourné devant un panel nouvellement constitué pour qu"il étudie la question de savoir si les activités du demandeur au Canada pourraient en faire un réfugié indépendamment de ses activités dans son pays d"origine.




     "Danièle Tremblay-Lamer"









    

        



Date : 19991122


Dossier : IMM-712-99

Entre :

     ANGE DOONDO NSOLE MBOKOSO

     NAOMIE NZITA DONDO TSHIBOLA

     MAYISA JEAN JAC NZITA

     Partie demanderesse


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER:



[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire à l"encontre d"une décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Section du statut) selon laquelle les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]      Les demandeurs sont citoyens de la République Démocratique du Congo (RDC). Ils allèguent une crainte de persécution en raison des activités politiques du demandeur au sein de l"Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) en 1994. Les demandeurs, une famille, basent leur revendication sur la crainte de persécution du demandeur.


[3]      La Section du statut a conclu à l"absence de crédibilité du récit des demandeurs.


[4]      Bien que certaines des invraisemblances notées par le tribunal étaient peu convaincantes, et qu"il s"est glissé une erreur dans l"appréciation des faits, il n"en demeure pas moins qu"il y avait assez de contradictions dans le témoignage du demandeur pour justifier la conclusion du tribunal concernant l"absence de crédibilité du récit.


[5]      Quant au silence du tribunal concernant les activités du demandeur au Canada, le défendeur maintient que l"omission du tribunal à ce sujet ne justifierait aucunement l"intervention de cette cour car le tribunal avait conclu une absence totale de crédibilité du récit.


[6]      Dans Attakora c. Canada (M.E.I)1 la cour rappelle:


[TRADUCTION] Que le requérant soit ou non un témoin digne de foi - et j'ai déjà indiqué que les motifs de la Commission de conclure qu'il ne l'était pas se fondaient sur des erreurs - cela ne l'empêche pas d'être un réfugié à la condition que ses opinions et ses activités politiques soient susceptibles de conduire à son arrestation et à sa punition. Dans ces circonstances, la seule conclusion offerte à la Commission était que le requérant constituait effectivement un réfugié au sens de la Convention.

[7]      Dans Manzila c. Canada (M.C.I.)2, le juge Hugessen a décidé que les activités du demandeur pouvaient faire de lui un réfugié indépendamment des activités dans son pays et que le commissaire avait erré en ignorant ces activités:

L'erreur du commissaire, soit dit avec respect, était qu'il a complètement omis de traiter de la seconde partie de la revendication du demandeur, c'est-à-dire sa prétention que ses activités ici au Canada aurait pour lui des répercussions importantes dans son pays d'origine.    Le commissaire mentionne ces activités au tout début de sa décision mais il n'écarte pas la réclamation du demandeur à l'effet que ces activités ici font de lui un réfugié indépendamment de ses activités dans son pays d'origine.3

[8]      Le défendeur souligne de plus, qu"à son audition, le demandeur n"a jamais indiqué avoir eu des activités politiques au Canada. La procureure cite les arrêts de Guajardo-Espinoza c. Canada (M.E.I.)4 et Pierre-Louis c. Canada (M.E.I.)5 à cet effet. Dans la décision de Pierre-Louis, le juge Décary stipule:

Nous ne croyons pas, en l"espèce, qu"il soit possible de reprocher à la section du statut de ne s"être pas prononcée sur un motif qui n"avait pas été allégué et qui ne ressortait pas de façon perceptible de l"ensemble de la preuve faite.

[9]      Dans l"affaire Guajardo-Espinoza , le juge Létourneau a réitéré les mêmes principes:

Avec respect, nous ne croyons pas que les appelants puissent ex post facto, c'est-à-dire une fois la décision de la Section du statut rendue, changer la nature du débat qu'ils ont porté devant le tribunal à partir d'une seule et unique phrase qu'ils ont pu dénicher dans le dossier après s'y être livrés à un ratissage au peigne fin.    Comme notre Cour l'a exprimé récemment dans l'arrêt Louis c. M.E.I. [ C.A.F., no. A-1264-91, 29 avril 1993 [Voir [1993] A.C.F. no 420].], l'on ne saurait reprocher à la Section du statut de ne pas s'être prononcée sur un motif qui n'avait pas été allégué et qui ne ressortait pas de façon perceptible de l'ensemble de la preuve faite [Id., à la p. 3.].    Accepter le contraire conduirait à un véritable jeu de cache-cache et de devinette et forcerait la Section du statut à se livrer à des enquêtes interminables pour éliminer des motifs qui ne s'appliquent pas de toute façon, que personne ne soulève et que la preuve ne fait ressortir en aucune manière, le tout sans compter les appels vains et inutiles qui ne manqueraient pas de s'ensuivre6.

[10]      Je ne pense pas que dans la présente affaire ces arrêts trouvent application. Le tribunal avait au dossier des éléments de preuve au sujet des activités au Canada qui ressortaient de façon perceptible. En particulier, une lettre écrite par l"UDPS, cellule de Montréal-Est qui indique que le demandeur était un membre actif de leur parti. Cette lettre explique qu"il assistait à des réunions et participait à des manifestations. Vu cette preuve, le tribunal aurait dû examiner l"impact de l"appartenance du demandeur à l"UDPS-Canada pour déterminer si le demandeur possédait une crainte raisonnable de persécution en raison de ses activités au Canada.

[11]      Dans les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. Le dossier est retourné devant un panel nouvellement constitué pour qu"il étudie la question de savoir si les activités du demandeur au Canada pourraient en faire un réfugié indépendamment de ses activités dans son pays d"origine.

[12]      Le procureur du demandeur a demandé que la question suivante soit certifiée:

     Une formation de la Section du Statut de Réfugié saisie d"une revendication du statut de réfugié en vertu de l"article 69.1 de la Loi sur l"immigration qui ne tient pas compte de documents que le revendicateur n"a pas soumis en preuve mais qui étaient en la possession de la formation et qui avaient été portés à la connaissance des membres de cette formation avant l"audience, commet-elle une erreur justifiant l"infirmation de sa décision?


[13]      Le procureur ne m"a pas convaincue de la portée générale d"une telle question. Il n"y aura donc aucune question à certifier.






     "Danièle Tremblay-Lamer"

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 22 novembre 1999

__________________

1      (1989), 99 N.R. 168.

2      (Le 22 septembre 1998) IMM-4757-97 (C.F. 1ère inst.).

3      Ibid. para 4.

4      (1993), 161 N.R. 132.

5      (Le 29 avril 1993) A-1264-91 (C.A.F.).

6      Supra note 4 aux pp. 134-35.

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