Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




     Date : 19991216

     Dossier : T-195-94


ENTRE :

     VISX INCORPORATED,


     demanderesse,


     - et -


     NIDEK CO., LTD.,

     707284 ONTARIO INC., faisant affaire sous le nom de INSTRUMED CANADA,

     DR HOWARD GIMBEL et DR DONALD JOHNSON,


     défendeurs.


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ :

1. CONTEXTE

[1]      Cette action en contrefaçon de brevet plutôt complexe met en cause des revendications apparaissant dans trois brevets canadiens qui sont la propriété de la demanderesse (VISX) et qui portent essentiellement sur un appareil utilisé pour effectuer, sur la cornée de l"oeil, au moyen d"un laser à excimère, des opérations chirurgicales visant à corriger des problèmes tels que la myopie (vision nette des objets rapprochés seulement) et l"astigmatisme (courbure irrégulière).

[2]      VISX est une société qui a été constituée en juin 1988 sous le régime des lois de l"État du Delaware, aux É.-U., et dont le siège social se trouve à Santa Clara, en Californie. Elle fabrique et vend des appareils de chirurgie de la cornée au Canada et à l"étranger et détient dans divers pays un certain nombre de brevets sur des méthodes et des appareils utilisés dans ce type de chirurgie.

[3]      La défenderesse (Nidek) est une société dont le siège social se trouve à Gamagori, au Japon. Elle fabrique un appareil de chirurgie ophtalmique désigné EC-5000 et vendu dans plusieurs pays, dont le Canada, et qui est utilisé pour les opérations de l"oeil. Parmi celles-ci, on remarque la photo-kératectomie réfractive (PRK) et le kératomileusis laser in situ (LASIK).

[4]      Les deux défendeurs, le Dr Howard Gimbel et le Dr Donald Johnson, font partie des chirurgiens qui utilisent l"appareil EC-5000 au Canada. Le Dr Gimbel est un ophtalmologiste qui a des bureaux dans toutes les régions du pays et à l"étranger, mais exerce principalement à Calgary, en Alberta. Le Dr Donald Johnson est un ophtalmologiste qui a également des bureaux au Canada et à l"étranger, mais exerce principalement à New Westminster (Colombie-Britannique).


[5]      Le litige porte sur les trois brevets suivants :

         i)      le brevet "732 - Brevet canadien no 1,243,732 dont la demande a été déposée en octobre 1984, qui revendique une priorité à partir de novembre 1983, et a été délivré en octobre 1988;
         ii)      le brevet "813 - Brevet canadien no 1,271,813 dont la demande a été déposée en juin 1986, qui revendique une priorité à partir de juin 1985 et a été délivré en juillet 1990; et
         iii)      le brevet "658 - Brevet canadien no 1,254,658 dont la demande a été déposée en mai 1986, qui ne revendique aucune priorité et a été délivré en mai 1989.
         Francis A. L"Esperance est le seul inventeur mentionné dans chacun de ces trois brevets.

[6]      Pour faciliter la compréhension des présents motifs, le brevet "732 sera désigné " le brevet sur la myopie " car il vise à corriger la courbure de la cornée afin de réduire la myopie. Le brevet "813 sera désigné " le brevet sur l"astigmatisme " car il vise à effectuer une correction cylindrique de la courbure antérieure afin de réduire l"astigmatisme. Le brevet "658 sera désigné " le brevet d"affichage topographique " car il porte sur une combinaison de trois unités basée sur une unité d"affichage topographique.

[7]      Les brevets sur la myopie et sur l"astigmatisme sont étroitement liés, exposant tous les deux une méthode de correction de la forme de la cornée au moyen d"un laser. Le brevet sur la myopie divulgue que la technologie de l"invention peut être utilisée pour divers problèmes de l"oeil, y compris l"astigmatisme, mais ne contient aucune revendication explicite au sujet de l"astigmatisme. Le brevet sur l"astigmatisme revendique la même méthode, mais en l"appliquant exclusivement à l"astigmatisme. La divulgation et les revendications des deux brevets sont presque identiques.

[8]      Par ailleurs, le brevet sur l"affichage topographique porte sur la mesure et l"affichage de la topographie, c"est-à-dire la surface de la cornée, et sur le transfert de cette information, par l"intermédiaire d"un ordinateur, à une surface cornéenne idéalisée, commandant ainsi au laser de donner à la cornée la forme voulue.

2. INTERPRÉTATION

2.1 Principes de base de l"interprétation

[9]      Il n"est pas contesté que la première tâche de la Cour dans les procédures de ce type consiste à " interpréter " le brevet. Il faut interpréter les revendications avant d"examiner la contrefaçon présumée ou la validité du brevet. L"interprétation d"un brevet est un point de droit qu"il appartient à la Cour de trancher. Par conséquent, les revendications doivent être interprétées sans référence à l"état de la technique ou aux contrefaçons alléguées. Le brevet doit faire l"objet d"une interprétation utilitaire plutôt que d"une interprétation littérale découlant d"une simple analyse verbale méticuleuse. En d"autres termes, les revendications doivent être interprétées " par un esprit qui cherche à comprendre, et non par un esprit qui cultive le malentendu "1.

[10]      La Cour doit examiner l"ensemble de la divulgation et des revendications afin de déterminer la nature et le mode de fonctionnement de l"invention, sans être ni indulgente ni dure, et chercher une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le breveté et pour le public. Ce n"est pas le moment d"être trop rusé ou formaliste2. W.L. Hayhurst a adopté des directives d"interprétation pratiques qui s"appuient sur la jurisprudence canadienne pertinente3 :

         [traduction]
         i)      la date pertinente pour l"interprétation est la date de dépôt de la demande de brevet;
         i)      il appartient à la Cour de faire l"interprétation en adoptant le point de vue d"une personne experte dans le domaine;
         ii)      le mémoire descriptif doit être interprété comme un tout;
         iii)      le mémoire descriptif doit être interprété sans référence à d"autres documents;
         iv)      l "interprétation doit précéder l"examen des questions de validité et de contrefaçon;
         v)      une interprétation utilitaire s"impose, ni indulgente ni dure.
             i)      Ce qui est " essentiel " est une question d"interprétation.
             ii)      Les mêmes principes d"interprétation doivent être appliqués à tous les mémoires descriptifs.
             iii)      Quand plusieurs interprétations raisonnables sont possibles, la Cour retient celle qui confirme la validité du brevet.
             iv)      Dans la mesure du possible, des significations différentes doivent être attribuées à des revendications différentes.

[11]      Il n"est pas contesté non plus qu"un brevet doit être interprété d"après son contenu, comme tout document juridique. Le brevet doit de plus être interprété par rapport aux connaissances d"une personne experte dans la technique en cause4. Par conséquent, un témoignage d"expert peut aider la Cour à interpréter les revendications en fournissant des éléments d"information sur des questions techniques et un brevet doit être interprété à la date de sa délivrance.

2.2 Témoins experts

[12]      La Cour a bénéficié des avis savants de plusieurs témoins experts. Au nom de VISX, le Dr Neal A. Sher, un ophtalmologiste et spécialiste en chirurgie réfractive pratiquant à Minneapolis (Minnesota), a d"abord témoigné. Il a une vaste expérience des systèmes de chirurgie laser de la cornée ainsi que d"autres méthodes de chirurgie réfractive. Son témoignage portait sur l"anatomie de l"oeil, les problèmes de réfraction de l"oeil tels que la myopie, l"astigmatisme, l"hypermétropie, ainsi que sur les caractéristiques ophtalmiques des brevets en litige. Il connaît bien l"appareil Nidek EC-5000.

[13]      Le deuxième expert à témoigner au nom de VISX était M. J. Gary Eden, professeur de génie électrique et d"informatique à l"Université de l"Illinois. C"est un expert dans le domaine des systèmes optiques et des lasers ultraviolets, avec une vaste expérience en optique en général et en optique physique en particulier. Il a témoigné sur les principes de base des lasers et des systèmes optiques, ainsi que sur le principe de la topographie.

[14]      Témoignant au nom de Nidek, M. Kan Ohtsuki détient un diplôme d"ingénieur spécialisé en mécanismes de précision, pour systèmes optiques particulièrement. Il est le concepteur de l"appareil EC-5000 qui serait une contrefaçon, ainsi qu"un employé de Nidek. Il a témoigné à titre d"expert sur la conception et la construction de cet appareil. Il a témoigné en japonais avec l"aide d"un interprète.

[15]      Le Dr Stephen D. Klyce est professeur d"ophtalmologie et d"anatomie au département d"ophtalmologie du Louisiana State University Medical Centre de la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, aux États-Unis. Il est spécialisé en recherche sur la chirurgie de l"oeil, particulièrement sur la chirurgie de la cornée et la topographie connexe. Son témoignage a porté sur la topographie.

[16]      M. Peter Oesterlin détient un Ph.D. en physique de l"Université de Fribourg, en Allemagne obtenu en 1979. Il a effectué des recherches post-doctorales à l"Université Stanford, en Californie, aux États-Unis, dans le domaine des applications scientifiques des lasers. Son témoignage a porté sur l"état de la technique et sur des questions liées à la focalisation et à l"imagerie.

[17]      Le défendeur, le Dr Howard Gimbel, est professeur adjoint d"enseignement clinique au département de chirurgie de l"Université de Calgary (Alberta). Il a témoigné à titre d"expert sur la photo-kératectomie réfractive.

[18]      Tous les témoins experts ont fourni de précieux renseignements techniques à la Cour. Bien que, comme prévu dans ces cas, leurs témoignages aient été plus favorables à la partie qui avait fait appel à eux, ils ont néanmoins honnêtement éclairé la Cour sur ces matières complexes. Ils n"étaient pas d"accord sur certaines des questions clés. Pour faire l"interprétation impartiale des revendications des brevets en litige, j"ai adopté un point de vue utilitaire, me plaçant précisément dans " l"optique " des experts. Il est clair que je me suis présenté à l"audience sans opinion préconçue dans ces domaines hautement spécialisés que sont l"ophtalmologie et la kératectomie.

2.3 Le brevet sur la myopie (brevet "732)

[19]      Généralement parlant, le brevet sur la myopie porte sur un appareil de chirurgie ophtalmique utilisé pour effectuer une ablation sélective de la surface antérieure de la cornée en enlevant le tissu de la partie optique de la cornée dans le but d"obtenir une correction de la courbure de la cornée qui réduit la myopie. Il envisage l"utilisation d"un laser de balayage à rayonnement ultraviolet. La densité de flux du faisceau émis par le laser est commandée de façon à obtenir la profondeur d"ablation désirée. Le balayage peut être commandé de façon à modifier la surface antérieure de la cornée pour que celle-ci devienne la lentille correctrice, rendant ainsi inutile l"utilisation d"une lentille de contact ou d"une autre lentille correctrice.

[20]      La divulgation intitulée [traduction] " Méthode et appareil de chirurgie ophtalmologique " indique que l"invention est utilisée dans les opérations sur la surface externe de la cornée. Ces opérations nécessitaient habituellement une manipulation adroite d"un instrument de coupe qui pouvait endommager plusieurs couches de cellules des deux côtés de l"entrée de l"instrument. Le laser CO2 a été utilisé pour réduire ces dommages chirurgicaux au minimum. Le faisceau de ce type de laser a sa longueur d"onde dans l"infrarouge (10,6 micromètres) et un effet secondaire négatif : les cellules voisines du tissu qui a subi une ablation sont carbonisées. Toutefois, le rayonnement à longueur d"onde dans l"ultraviolet est constitué de photons de grande énergie qui décomposent les molécules du tissu au moment de l"impact, ce qui produit une ablation du tissu par photolyse.

[21]      L"objet de l"invention est de fournir un appareil et une méthode améliorés en utilisant un appareil de sculpture pour les opérations sur la surface externe de la cornée de l"oeil. Cet appareil comprend trois éléments. Le premier est un laser qui est doté d"un châssis et émet un faisceau dans l"ultraviolet; le deuxième est un dispositif de balayage qui fait dévier ce faisceau; le troisième est un dispositif fixé au corps pour stabiliser un oeil du patient.

[22]      L"invention fournit également un anneau creux à circonférence continue comme article manufacturé utilisé en chirurgie de la cornée.

[23]      L"appareil peut être utilisé pour réduire les problèmes de myopie, d"hypermétropie et d"astigmatisme de l"oeil et pour les greffes de cornée. Il comprend un dispositif automatique permettant d"effectuer l"irradiation ultraviolette en toute sécurité. Il fixe la position de l"oeil par rapport à un laser de balayage à rayonnement ultraviolet. Ce laser peut émettre un rayonnement ultraviolet ayant une énergie suffisante pour produire une photolyse d"ablation contrôlée de la cornée, spécifiquement de l"épithélium, de la membrane de Bowman et du stroma de la cornée.

[24]      La densée de flux du rayonnement et le temps d"exposition sont commandés de façon à obtenir la profondeur désirée pour l"ablation, qui est une étape de sculpture locale. Le balayage peut également être commandé de façon à réduire la courbure sphérique de la face antérieure de la cornée, ce qui réduit la myopie. (Le brevet permet également de commander le balayage de façon à accroître la courbure sphérique pour réduire l"hypermétropie, mais cet aspect n"est pas en cause.)


[25]      La description détaillée est accompagnée de 12 figures dont les six premières sont reproduites ci-dessous :

[26]      La figure 1 est un schéma en perspective qui décrit la disposition générale des éléments actifs de l"invention. La pièce de retenue 10 sert à fixer la tête du patient (celui-ci étant étendu face vers le haut) de telle sorte que l"oeil 11 qui doit subir l"opération est aligné de façon fixe avec la projection vers le bas 12 de l"axe central 12' du faisceau émis par un laser stationnaire 13, et un dispositif de balayage 14 produit une déviation programmée du faisceau laser par rapport à l"axe central 12. Le laser 13 est alimenté par un bloc d"alimentation approprié 15 et le dispositif de balayage 14 comprend un dispositif de commande actionnable sélectivement, symbolisé par l"élément 16, qui sert à déterminer la configuration de balayage, les limites effectives du balayage et, si désiré, le profil variable avec le temps de l"une ou de plusieurs des composantes dimensionnelles du balayage.

[27]      Le laser choisi comme élément 13 doit émettre de préférence un rayonnement ultraviolet de longueur d"onde nettement inférieure à 400 nanomètres, plus précisément de 193 nanomètres pour les lasers à fluorure d"argon. L"un des lasers à excimères commerciaux présentement offerts par Lambda Physik GmbH de Göttingen, en Allemagne, par exemple le laser à fluorure d"argon EMG 103, est satisfaisant comme laser 13; dans ce produit, l"énergie maximale par impulsion est de 200 millijoules, la fréquence de répétition des impulsions est de 200 impulsions par seconde et l"on dispose de 3 x 105 décharges à chaque rechargement avant que la puissance ne tombe à 50 % de la puissance nominale à cette fréquence de répétition. La durée des impulsions est d"environ 15 nanosecondes et les dimensions typiques du faisceau à 25 centimètres (10 pouces) sont de 10 mm x 22 mm. Pour réduire celles-ci et obtenir un spot carré arrondi utile de 0,5 mm sur 0,5 mm à la position de l"oeil 11, les lentilles correctrices 26 doivent comprendre un élément cylindrique et un élément sphérique qui réduisent la taille du faisceau et compriment la section rectangulaire de celui-ci de façon à produire une section essentiellement carrée.

[28]      La figure 2 est une vue simplifiée de la section longitudinale qui montre le dispositif de fixation de l"oeil utilisé avec l"appareil de la figure 1.

[29]      Les figures 3 et 4 sont des schémas simplifiés qui illustrent différentes configurations de balayage obtenues avec l"appareil de la figure 1.

[30]      Ces balayages sont rectilignes. Un dispositif de balayage approprié, le " Microscan 771 ", est disponible dans le commerce. La programmation du balayage est telle que l"on peut faire une incision à une profondeur prédéterminée avec le laser ultraviolet pour reformer le contour extérieur de la cornée dans toute l"étendue de la frontière de champ prédéterminée. Ceci est effectué par une photodécomposition progressive précise du tissu cornéen jusqu"à une profondeur limite de 0,35 mm.

[31]      Les figures 5 et 6 sont des vues en coupe simplifiées illustrant différentes courbures de surface sculptée obtenues avec l"une ou l"autre des configuration de balayage des figures 3 et 4.

[32]      La situation décrite sur la figure 5 correspond à un oeil myope et le trait discontinu 31 représente la courbure finale que l"on peut donner à la surface externe de la cornée 32 pour modifier les propriétés optiques de l"oeil. Ceci se fait en programmant le microprocesseur pour réduire progressivement le rayon du cercle limite 30.

2.4 Interprétation des revendications 1 et 2 du brevet de la myopie (brevet "732)

[33]      Seules les revendications 1 et 2 du brevet de la myopie sont en cause. La revendication 1 est la suivante :

[traduction] Un appareil de chirurgie ophtalmologique effectuant l"ablation sélective de la surface antérieure de la cornée avec une pénétration variée allant jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma pour modifier la courbure antérieure en effectuant une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée, cet appareil comprenant : un laser qui produit un faisceau pulsé dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur la cornée avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu, à chaque exposition répétée, à une profondeur qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé; ce dispositif comprenant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective, a) de former et de contrôler une zone d"exposition circulaire jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins et b) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition circulaire différente jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, chacune de ces zones circulaires se trouvant dans la zone optique de la cornée et étant placée de façon concentrique par rapport à l"axe optique de la cornée; la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans les deux zones d"exposition avec cet appareil pouvant corriger la courbure de celle-ci de façon à réduire la myopie.

[34]      " Un appareil de chirurgie ophtalmologique ... ". La revendication n"expose pas une méthode d"opération, mais porte sur un appareil qui est une machine dotée d"une combinaison de plusieurs éléments.

[35]      " ...effectuant l"ablation sélective de la surface antérieure de la cornée ... ". Selon les experts de la demanderesse, la surface antérieure de la cornée est la surface qui se présente au chirurgien au moment précis de l"ablation. La cornée est constituée de cinq couches fondamentales : l"épithélium, la membrane de Bowman, le stroma, la membrane de Descemet et l"endothélium. Pour atteindre le stroma, l"ablation doit pénétrer la surface antérieure de la cornée, ce qui comprend les deux couches supérieures, nommément l"épithélium et la membrane de Bowman, avant d"atteindre le stroma, tel que l"indique le schéma du Dr Sher apparaissant à l"alinéa 39 de sa déclaration (pièce P-5) :

[36]      Le Dr Sher a convenu que, normalement, la surface antérieure de la cornée serait l"épithélium, mais il affirme que, à l"endroit où l"épithélium a été raclé précédemment par le chirurgien, la couche alors exposée devient la surface antérieure. Toutefois, d"après le Dr Gimbel, tel que décrit dans le brevet, la surface antérieure de la cornée est l"épithélium. Durant son contre-interrogatoire, il a dit qu"après le raclage de l"épithélium préalable à l"opération au laser, on ne peut considérer la couche sous-jacente comme " la surface antérieure, pas plus qu"on ne peut considérer les 'épaules' comme la 'tête' après une décapitation ".

[37]      Tel que mentionné précédemment, la divulgation parle d"[traduction] " opérations sur la surface externe de la cornée ". L"un des objectifs de l"invention est [traduction] " de fournir un appareil et une méthode améliorés pour effectuer des opérations chirurgicales sur la surface externe de la cornée " et " l"invention offre un appareil de sculpture pour les opérations sur la surface externe de la cornée ". La pièce P-7 est un dessin publié par VISX indiquant que la cornée est constituée de cinq couches fondamentales (le film lacrymal n"est pas une couche) et montre nettement que l"épithélium est la surface " antérieure " et que l"endothélium est la surface " postérieure ".

[38]      Ce sens est confirmé comme suit aux pages 3(a) et 4 du mémoire descriptif du brevet :

[traduction] L"appareil fixe la position d"un oeil par rapport à un laser de balayage à rayonnement ultraviolet, à un niveau d"énergie suffisant pour effectuer une photodécomposition ablative contrôlée de la cornée, nommément de l"épithélium, de la membrane de Bowman et du stroma de la cornée.
Il est également confirmé à la page 12, ligne 12 où une méthode de greffe de cornée est décrite dans laquelle les faisceaux [traduction] " produisent ainsi l"excision de l"épithélium au moins ... ".
[39]      " ... avec une pénétration variée allant jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma ... ". Il n"est pas contesté que la pénétration doit se faire jusque dans le stroma, mais qu"elle ne doit pas aller au-delà et que la pénétration maximale doit être prédéterminée. Le stroma est de loin la couche la plus épaisse de la cornée.
[40]      " ... pour modifier la courbure antérieure ... ". En effectuant l"ablation de la surface antérieure de la cornée, l"appareil doit modifier la courbure antérieure de la cornée (afin de corriger la myopie).
[41]      " ... en effectuant une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée ... ". La modification de la courbure antérieure doit être effectuée en enlevant un certain volume de tissu et le tissu enlevé doit se trouver dans la zone optique de la cornée, qui est la partie de la cornée centrée autour de l"axe optique.
[42]      " ... cet appareil comprenant : un laser qui produit un faisceau pulsé dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; ". Après le préambule, cette partie décrit les éléments de la revendication. Le faisceau du laser pulsé doit avoir une longueur d"onde dans le domaine ultraviolet, c"est-à-dire entre 100 nanomètres et 400 nanomètres environ. Le mémoire descriptif stipule (à la page 7) [traduction] " 193 nm pour les lasers au fluorure d"argon ".

[43]      " ... un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur la cornée ... ". Les trois expressions " mettre en forme, focaliser et diriger " ont reçu

des interprétations différentes par les deux experts dans le domaine des lasers à excimère, M. Eden qui témoignait pour Visx et le Dr Oesterlin pour Nidek.

[44]      M. Eden définit la locution " mettre en forme " comme suit au paragraphe 55 de sa déclaration (pièce P-27) :

[traduction]
55.      L"expression " mettre en forme " a un sens non technique courant ainsi qu"un sens particulier pour les ingénieurs spécialistes des lasers et les physiciens opticiens tels que moi-même. Le sens non technique est " modifier la forme ". Le sens technique est " modifier la forme de la section du faisceau émis par le laser ". La mise en forme peut se faire au moyen de lentilles et/ou de diagrammes, de fentes ou d"autres éléments physiques, ou de combinaisons de ces dispositifs, qui sont placés sur le trajet du faisceau. "
     (Non souligné dans l"original.)

[45]      Il définit le mot " focaliser " comme suit au paragraphe 56 :




[traduction]

56.      Le terme " focaliser " a un sens technique particulier pour un physicien tel que moi-même. Il signifie modifier le trajet des rayons lumineux (au moyen d"un élément optique réfringent tel qu"une lentille) pour faire converger ceux-ci . "
     (Non souligné dans l"original.)

[46]      D"autre part, le Dr Oesterlin, qui témoigne pour Nidek donne le sens suivant pour l"expression " mettre en forme " au paragraphe 47 de sa déclaration (pièce D-104) :

[traduction]
47.      En ce qui concerne un faisceau laser, l"expression " mettre en forme " signifie que la forme ou la section du faisceau émergeant du laser est modifiée . Un faisceau laser, tel que celui produit par l"appareil Lambda Physik Model EMG 103, a une section rectangulaire et, tel que décrit dans le brevet, sa forme est modifiée de façon à produire un spot carré arrondi au moyen d"éléments optiques.
     (Non souligné dans l"original.)

[47]      Pour ce qui est du terme " focaliser ", le Dr Oesterlin déclare qu"il a les deux sens distincts suivants :

[traduction]

48.      En optique, le terme " focaliser " est généralement utilisé pour décrire deux manipulations différentes . Dans l"une, la source d"origine, telle qu"une source lumineuse, est rendue aussi petite que possible par un dispositif optique , comme par exemple quand une personne utilise une loupe pour focaliser les rayons solaires et obtenir un spot afin d"enflammer des morceaux de papier ou de petits morceaux de bois.
49.      L"autre sens du terme " focaliser " a trait à la focalisation de l"image d"un objet. C"est ce qui se passe dans la " focalisation " d"un appareil photo, ou la " focalisation " de l"image d"une diapositive sur un écran avec un projecteur de diapositives. Dans ce contexte, la " focalisation " consiste à ajuster les éléments optiques de façon à obtenir une image aussi nette que possible, avec le moins de flou possible. Contrairement au premier sens de " focaliser ", il ne s"agit pas ici d"obtenir le faisceau le plus petit.
     (Non souligné dans l"original.)

[48]      Selon lui, le premier de ces deux sens est celui qui est approprié au contexte du brevet.

[49]      Évidemment, en cas d"ambiguïté, la revendication en cause est invalide pour raison d"ambiguïté. Mais le fait que deux experts témoignant pour des parties différentes ne sont pas d"accord ne créent pas ipso facto une ambiguïté. Tel que mentionné précédemment, le tribunal doit donner une interprétation utilitaire à une revendication en évitant d"être trop rusé ou formaliste. Quand il y a plus d"une interprétation raisonnable possible, le tribunal doit retenir celle qui confirme la validité du brevet.

[50]      Je suis plutôt porté à accepter l'opinion de M. Eden qui, dans deux séances d"interrogatoire, de contre-interrogatoire et de réinterrogatoire (en preuve et en contre-preuve), s"est avéré logique et transparent dans ses définitions des expressions. La pièce D-109 décrit comme suit les points de vue des deux experts sur la focalisation et la mise en forme :

[51]      Le point de vue du Dr Oesterlin sur la focalisation et la mise en forme apparaît à la partie supérieure de la pièce et celui de M. Eden, à la partie inférieure. Comme on le constate, d"après le Dr Oesterlin, les trois faisceaux laser sont déviés par la lentille, puis sont focalisés au foyer et poursuivent leurs trajets respectifs vers la cornée. Selon lui, la focalisation n"a lieu que si le but est de produire le plus petit spot au foyer. Selon M. Eden, les trois faisceaux qui convergent vers le foyer sont focalisés par la lentille avant d"atteindre le foyer. Ainsi, si un objet est placé sur le trajet des faisceaux avant que ceux-ci n"atteignent le foyer, le spot sur cet objet sera plus grand que celui qui serait produit au foyer. Mais il y a focalisation, quel que soit l"endroit où l"on place un objet devant le foyer. M. Eden cite la définition du terme " focalisation " donnée dans la Van Nostrand"s Scientific Encyclopedia5 :

[traduction] L"opération consistant à commander la convergence et la divergence d"un faisceau de particules ou de radiations.

[52]      En d"autres termes, la " focalisation " consiste à modifier le trajet des rayons lumineux (au moyen d"un élément optique réfringent tel qu"une lentille) pour les faire converger. La " visualisation " (ou " production d"images ") est un cas particulier de focalisation d"après M. Eden. La " visualisation " est un processus optique dans lequel un diagramme d"intensité sur un plan est reproduit ou transféré sur un autre plan appelé plan image. La " visualisation " nécessite une focalisation par un dispositif incorporé à l"appareil, tel qu"une lentille ou des miroirs sphériques, alors que la " mise en forme ", tel que mentionné précédemment, consiste à modifier la forme de la section du faisceau émergeant du laser. La " mise en forme " peut se faire au moyen de lentilles et/ou de diaphragmes, de fentes ou autres éléments physiques placés sur le trajet du faisceau, ou de combinaisons de ces composants.

[53]      Le sens courant du terme " diriger " suggère que le trajet du faisceau est modifié de façon à ce que celui-ci atteigne la cornée. À la page 8 du brevet, la divulgation décrit comme suit la " mise en forme " du faisceau rectangulaire (10 mm x 22 mm) du laser destiné à produire un faisceau plus petit ayant une section de forme différente :

[traduction] Pour obtenir une taille utile typique de spot carré arrondi ... les lentilles correctrices 26 de quartz, de fluorure de calcium ou de fluorure de magnésium devront comprendre un élément cylindrique et un élément sphérique qui réduiront la taille du faisceau dont la section rectangulaire sera comprimée en une section essentiellement carrée ".

[54]      " ... avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu, à chaque exposition répétée, à une profondeur ... ". Une certaine intensité minimale doit être obtenue, suffisante pour que le faisceau laser pénètre dans le tissu de la cornée. La référence à " une profondeur " indique clairement que la profondeur de pénétration est la même pour chaque impulsion à laquelle le tissu de la cornée est exposé.

[55]      " ... qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé...". La pénétration dans le tissu par chaque impulsion particulière transmise au tissu de la cornée n"est qu"une fraction de la pénétration maximale prédéterminée dans le stroma.

[56]      " ... ce dispositif comprenant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective,... " Cette disposition renvoie au " dispositif pour mettre le faisceau en forme, le focaliser et le diriger " et stipule que ce dispositif doit comprendre un mécanisme permettant de déterminer et de contrôler de façon sélective les zones d"exposition, tel que décrit dans les dispositions suivantes.

[57]      " ... a) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition circulaire ... ". Il doit y avoir une première zone d"exposition circulaire sur la cornée. Le mécanisme sélectif décrit ci-dessus doit à la fois déterminer la zone d"exposition, laquelle, étant donné le contexte, doit être reliée à son diamètre, et contrôler l"exposition en fonction du diamètre ainsi déterminé.

[58]      " ... jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins et ... ". Dans la zone d"exposition circulaire, il doit y avoir une profondeur d"ablation minimale correspondant à la profondeur atteinte " à chaque exposition répétée " décrite ci-dessus.

[59]      "... b) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition circulaire différente ... ". Cette disposition correspond au libellé similaire de la disposition a), avec la prescription que la seconde zone d"exposition circulaire doit être différente de la première. À la lumière du libellé discuté ci-dessous selon lequel ces zones sont concentriques, et à la lumière de l"exigence selon laquelle la profondeur d"ablation doit correspondre à la profondeur à chaque exposition répétée décrite ci-dessus, les diamètres des zones d"exposition circulaires doivent être différents.

[60]      " ... jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, ... ". Le sens est le même que pour la première zone d"exposition circulaire dont il est question ci-dessus.

[61]      " ... chacune de ces zones circulaires se trouvant dans la zone optique de la cornée et ... ". La première et la seconde zones circulaires doivent toutes deux se trouver dans la zone optique de la cornée, laquelle, tel que décrit précédemment, est limitée à la zone centrale entourant l"axe optique de la cornée.

[62]      " ... étant placée de façon concentrique par rapport à l"axe optique de la cornée ... ". Les deux zones d"exposition circulaires doivent être centrées sur l"axe optique de la cornée.

[63]      " ... la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans les deux zones d"exposition avec cet appareil pouvant corriger la courbure de celle-ci de façon à réduire la myopie. ". Les pénétrations du faisceau laser dans les deux zones d"expositions circulaires différentes s"ajoutent de telle façon que la pénétration totale dans le tissu dans la zone d"exposition intérieure (petite zone) est plus grande que dans la grande zone. L"effet cumulatif décrit ci-dessus doit réduire la myopie en aplanissant la cornée.

[64]      La revendication 2 du brevet sur la myopie est ainsi conçue :

[traduction] 2. Un appareil de chirurgie ophtalmologique effectuant l"ablation sélective de la surface antérieure de la cornée avec une pénétration variée allant jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma pour modifier la courbure antérieure en effectuant une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée, cet appareil comprenant : un laser qui produit un faisceau dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur la cornée avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu à une profondeur par unité de temps d"exposition qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé; ce dispositif comprenant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective, a) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition circulaire jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins et b) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition circulaire différente jusqu"à ladite profondeur fractionnaire, chacune de ces zones circulaires se trouvant dans la zone optique de la cornée et étant placée de façon concentrique par rapport à l"axe optique de la cornée; la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans ces deux zones d"exposition avec cet appareil pouvant corriger la courbure de celle-ci de façon à réduire la myopie.

[65]      Le libellé est identique à celui de la revendication 1 à deux exceptions près. D"abord, il n"est pas nécessaire que le laser soit pulsé; ensuite, les mots " avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu, à chaque exposition répétée, à une profondeur " sont remplacés par les mots " avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu à une profondeur par unité de temps d"exposition ". Contrairement à la revendication 1, il n"est pas nécessaire que le laser soit pulsé, mais la revendication 2 n"exclut pas cette possibilité.

2.5 Le brevet sur l"astigmatisme (brevet "813)

[66]      Les revendications 10, 11, 16 et 17 de ce brevet sont en cause. La revendication 10 est ainsi libellée :

[traduction] 10. Un appareil de chirurgie ophtalmique servant à réduire un astigmatisme constaté par une ablation sélective de la surface antérieure de la cornée à une pénétration variée allant jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma pour modifier la courbure antérieure par une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée, cet appareil comprenant : un laser produisant un faisceau pulsé dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur la cornée avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu, à chaque exposition répétée, à une profondeur qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé; ce dispositif comprenant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective, a) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition rectangulaire jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, et b) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition rectangulaire différente jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, ces zones rectangulaires ayant des largeurs différentes et étant disposées de façon symétrique par rapport à un axe central coïncidant avec l"axe optique de la cornée et orientées selon l"astigmatisme constaté; la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans les deux zones d"exposition avec cet appareil pouvant corriger la courbure de celle-ci de façon à réduire l"astigmatisme.
[67]      À l"exception des dispositions suivantes, le libellé de cette revendication est identique au libellé correspondant du brevet sur la myopie.
[68]      " ... servant à réduire un astigmatisme constaté ... ". Cette disposition ne fait qu"indiquer que l"appareil est conçu spécifiquement pour réduire l"astigmatisme.
[69]      " ... a) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition rectangulaire ... ". Le sens est évident.
[70]      " ... b) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition rectangulaire différente ... ". À la lumière du libellé discuté ci-dessous selon lequel les zones rectangulaires ont des largeurs différentes et sont placées de façon symétrique par rapport à un axe central, la différence doit se trouver dans la largeur de ces zones d"exposition rectangulaires.
[71]      " ... ces zones rectangulaires ayant des largeurs différentes et étant disposées de façon symétrique par rapport à un axe central coïncidant avec l"axe optique de la cornée et ... ". Chaque zone d"exposition rectangulaire doit être placée de façon symétrique autour de l"axe central. Ainsi, la grande zone d"exposition rectangulaire s"étend à égale distance de chaque côté de l"axe central et plus loin que la petite zone d"exposition rectangulaire.
[72]      " ... orientées selon l"astigmatisme constaté ... ". Il doit y avoir une certaine relation entre l"axe central et l"astigmatisme afin de pouvoir aligner avec l"axe de l"astigmatisme la correction d"astigmatisme qui sera effectuée.
[73]      " ... pouvant corriger la courbure de celle-ci (la cornée)de façon à réduire l"astigmatisme. ". L"effet cumulatif décrit ci-dessus doit réduire l"astigmatisme en aplanissant la cornée autour de l"axe central. Étant donné que l"effet cumulatif enlève plus de tissu au voisinage de l"axe central, la zone au voisinage immédiat sera aplanie par rapport à celle qui se trouve à l"extérieur de la petite zone d"exposition et à l"intérieur de la grande zone d"exposition.
[74]      La revendication 11 du brevet sur l"astigmatisme est ainsi conçue :
[traduction] 11. Un appareil de chirurgie ophtalmique servant à réduire un astigmatisme constaté par une ablation sélective de la surface antérieure de la cornée à une pénétration variée jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma pour modifier la courbure antérieure par une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée, cet appareil comprenant : un laser produisant un faisceau dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur la cornée avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu à une profondeur par unité de temps d"exposition qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé; ce dispositif comportant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective, a) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition rectangulaire jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, et b) de déterminer et de contrôler une zone d"exposition rectangulaire différente jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, ces zones rectangulaires ayant des largeurs différentes et étant disposées de façon symétrique par rapport à un axe central coïncidant avec l"axe optique de la cornée et orientées selon l"astigmatisme constaté; la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans ces deux zones d"exposition avec cet appareil pouvant corriger la courbure de celle-ci de façon à réduire l"astigmatisme.
[75]      Le libellé de cette revendication du brevet sur l"astigmatisme diffère de celui de la revendication 10 de la même façon que la revendication 2 du brevet sur la myopie diffère de la revendication 1 de ce même brevet. Par conséquent, l"interprétation de la modification du libellé est celle exposée par rapport à la revendication 2 du brevet sur la myopie.
[76]      La revendication 16 du brevet sur l"astigmatisme est ainsi libellée :
[traduction] 16. Un appareil de chirurgie ophtalmique servant à réduire un astigmatisme constaté par une ablation sélective de la surface antérieure de la cornée à une pénétration variée jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma pour effectuer une correction cylindrique de la courbure antérieure réduisant l"astigmatisme par une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée, cet appareil comprenant : un laser produisant un faisceau pulsé dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur l"oeil avec une intensité permettant de pénétrer dans le tissu, à chaque exposition répétée, à une profondeur qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé; ce dispositif comprenant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective, de déterminer et de contrôler d"abord une première zone d"exposition rectangulaire jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, et ensuite de déterminer et de contrôler une seconde zone d"exposition rectangulaire différente jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, chacune de ces zones rectangulaires étant disposée de façon symétrique de chaque côté d"un même méridien de la cornée et dans la zone optique de celle-ci, ce méridien pouvant être choisi de façon à être orienté par rapport à l"axe de l"astigmatisme à réduire, la largeur variant d"une zone rectangulaire à l"autre; la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans ces deux zones avec cet appareil pouvant modifier la courbure de celle-ci de façon à corriger l"astigmatisme.
[77]      À l"exception des dispositions suivantes, le libellé de cette revendication est identique au libellé correspondant de la revendication 10 du brevet sur la myopie et l"interprétation est la même.
[78]      " ... pour effectuer une correction cylindrique de la courbure antérieure réduisant l"astigmatisme ... ". Ici également, il est indiqué que l"appareil est conçu pour réduire l"astigmatisme.
[79]      " ... chacune de ces zones rectangulaires étant disposée de façon symétrique de chaque côté d"un même méridien de la cornée et ... ". Les zones rectangulaires sont disposées de façon symétrique de part et d"autre d"un méridien, celui-ci étant une ligne qui passe par l"axe optique.
[80]      " ... dans la zone optique de celle-ci ... ". Le sens est évident.
[81]      " ... ce méridien pouvant être choisi de façon à pouvoir être orienté par rapport à l"axe de l"astigmatisme à réduire, ... ". L"axe central doit être orienté par rapport à l"astigmatisme afin que la correction d"astigmatisme soit alignée avec l"axe d"astigmatisme.
[82]      " ...pouvant modifier la courbure de celle-ci de façon à corriger l"astigmatisme. ". Il en résulte une correction de l"astigmatisme.
[83]      La revendication 17 du brevet sur l"astigmatisme est ainsi conçue :
[traduction] 17. Un appareil de chirurgie ophtalmique effectuant l"ablation sélective de la surface antérieure de la cornée avec une pénétration variée allant jusqu"à une pénétration maximale prédéterminée dans le stroma pour effectuer une correction cylindrique de la courbure antérieure réduisant l"astigmatisme par une extraction volumétrique de tissu dans la zone optique de la cornée, cet appareil comprenant : un laser produisant un faisceau dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique; un dispositif servant à mettre le faisceau en forme, à le focaliser et à le diriger sur l"oeil avec une intensité lui permettant de pénétrer dans le tissu à une profondeur par unité de temps d"exposition qui est une fraction seulement dudit maximum prédéterminé; ce dispositif comprenant lui-même un dispositif permettant, de façon sélective, de déterminer et de contrôler d"abord une première zone d"exposition rectangulaire jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, et de déterminer et de contrôler ensuite une seconde zone d"exposition rectangulaire différente jusqu"à ladite profondeur fractionnaire au moins, chacune de ces zones rectangulaires étant disposée de façon symétrique de chaque côté d"un même méridien de la cornée et dans la zone optique de celle-ci, ce méridien pouvant être choisi de façon à être orienté par rapport à l"axe de l"astigmatisme à réduire, la largeur variant d"une zone rectangulaire à l"autre; la pénétration cumulative de la cornée obtenue dans ces deux zones avec cet appareil pouvant modifier la courbure de celle-ci de façon à corriger l"astigmatisme.
[84]      Le libellé de cette revendication du brevet sur l"astigmatisme diffère de celui de la revendication 16 de la même façon que la revendication 2 du brevet sur la myopie diffère de la revendication 1 de ce même brevet. Par conséquent, l"interprétation de la modification du libellé est celle exposée par rapport à la revendication 2 du brevet sur la myopie.
2.6 Le brevet sur la topographie (brevet "658)
[85]      Cette invention a pour but de fournir un instrument servant à aider de trois façons les opérations de chirurgie réfractive de la cornée. Premièrement, en déterminant la topographie de la surface intérieure de la cornée sous la forme de données numériques qui sont introduites dans la mémoire d"un ordinateur. Deuxièmement, en déterminant l"épaisseur locale de la cornée le long d"axes multiples, également sous la forme de données numériques introduites dans la mémoire de l"ordinateur. Troisièmement, en fournissant un affichage CAO/FAO des deux catégories de données pour aider le chirurgien.
[86]      L"objet énoncé de l"invention est de fournir une méthode et un instrument améliorés de chirurgie non invasive de la cornée pour effectuer des corrections réfractives de l"oeil.
[87]      Les revendications sont illustrées par six dessins :

FIG. 1

MODULE A

MODULE B

TOPOGRAPHIE DE LA SURFACE DE LA CORNÉE (DONNÉES DE SORTIE NUMÉRIQUES)

MESURE DE L"ÉPAISSEUR DE LA CORNÉE (DONNÉES DE SORTIE NUMÉRIQUEs)

MODULE C

AFFICHAGE DU CONTENU DE LA MÉMOIRE DE L"ORDINATEUR

MODULE D


DISPOSITIF DE SCULPTURE À LASER (PUISSANCE, TAILLE DU SPOT,

EXPOSITION OU FRÉQUENCE DE

RÉPÉTITION, DÉVIATION)

AFFICHAGE CAO/FAO

MODULE E

TOPOGRAPHIE IDÉALISÉE (DONNÉES DE SORTIE NUMÉRIQUES)

MODULE G

MODULE E

FIG. 2

DONNÉES PARAMÉTRIQUES DE L"OEIL

EXAMINÉ







MÉRIDIEN À 45o

MODULE F

BANQUE DE DONNÉES D"ÉVALUATION

FIG. 5

FIG. 3






FIG. 6

FIG. 4






     Agents de brevet
     Smart & Biggar
[88]      La figure 1 est un schéma fonctionnel représentant l"appareil et les manipulations effectués avec l"invention. Les figures 2, 3 et 4 sont des diagrammes simplifiés illustrant divers affichages. Les figures 5 et 6 sont des diagrammes simplifiés illustrant divers affichages CAO/FAO.
[89]      Le schéma de la figure 1 décrit tous les éléments d"évaluation et d"analyse de la cornée, ainsi que ceux servant aux opérations d"incision et de kératoplastie basées sur l"analyse.
[90]      L"évaluation utilise les modules A, B et C. Le module A détermine la topographie de la surface cornéenne. Le module B comprend un dispositif pachymétrique qui effectue de multiples mesures de l"épaisseur exacte de la cornée, à quelques millièmes de millimètre, à plusieurs endroits à la surface de la cornée. Le module C comprend un ordinateur dans lequel sont introduites les données topographiques numériques et les données d"épaisseur numériques. Le module D comporte un afficheur CAO/FAO qui utilise les données topographiques et les données d"épaisseur fournies au module C, ainsi que d"autres données numériques provenant du module E. Les données paramétriques de l"oeil mesuré fournies par le module E sont introduites dans le module F.
2.7 Interprétation de la revendication 1 du brevet de la topographie
[91]      La revendication 1, la seule qui soit en cause dans le brevet sur la topographie, est ainsi libellée :
[traduction]
1.      Sont utilisés en combinaison pour une opération de chirurgie ophtalmique à ablation sélective de la zone centrale optique de la surface antérieure de la cornée avec pénétration dans le stroma pour réaliser une extraction volumétrique prédéterminée de sculpture du tissu cornéen, ladite ablation étant essentiellement effectuée sans formation de tissu cicatriciel et, par conséquent, ne dégradant pas la transparence optique du tissu cornéen résiduel, une unité d"affichage topographique pouvant stocker des données numériques et adaptée pour présenter à partir de celles-ci un affichage comparatif de la courbure mesurée et de la courbure idéale désirée pour la cornée, une unité à laser ultraviolet dotée d"un dispositif servant à diriger le rayonnement ultraviolet sur la zone centrale optique de la surface antérieure de la cornée pour effectuer sur celle-ci une ablation sélective par photodécomposition, et un dispositif connecté à ces deux unités pour contrôler l"extraction volumétrique de tissu cornéen pénétrant dans le stroma par la zone centrale optique en utilisant la différence entre ladite courbure mesurée et ladite courbure idéale désirée pour la cornée.
[92]      " Sont utilisés en combinaison ...". Le début de la revendication 1 établit que celle-ci est une combinaison de plusieurs éléments.
[93]      " ... pour une opération de chirurgie ophtalmique ...". Ce libellé associe le brevet sur la topographie au brevet sur la myopie et au brevet sur l"astigmatisme, ces trois brevets ayant le même objet.
[94]      " ... à ablation sélective de la zone centrale optique de la surface antérieure de la cornée avec pénétration dans le stroma ... ". Tel que mentionné précédemment par rapport aux deux autres brevets, la zone centrale qui doit subir l"ablation est la zone centrale de l"épithélium, lequel est la couche de la cornée qui se trouve au-dessus de la membrane de Bowman et du stroma, avec pénétration dans le stroma. Ici également, l"ablation doit traverser les deux couches supérieures pour atteindre le stroma.

[95]      " ... pour réaliser une extraction volumétrique prédéterminée de sculpture du tissu cornéen ... ". La forme de la sculpture à réaliser doit être prédéterminée avant l"opération chirurgicale.

[96]      " ... ladite ablation étant essentiellement effectuée sans formation de tissu cicatriciel et ,par conséquent, ne dégradant pas la transparence optique du tissu cornéen résiduel ... ". La sculpture ne doit pas produire un tissu cicatriciel qui aurait pour effet de dégrader la transparence optique du tissu cornéen résiduel.

[97]      " ... une unité d"affichage topographique pouvant stocker des données numériques et ... ". L"unité doit avoir deux fonctions, celle de produire un affichage topographique et celle de stocker des données numériques. Le sens de l"expression " unité d"affichage topographique " est l"un des objets du litige pour les experts en ophtalmologie. Dans un article intitulé " Corneal Topography in Refractive Keratectomy ", le Dr Klyce (l"expert de Nidek) montre un exemple de topographie cornéenne à la page 25 (pièce D-20). C"est une représentation détaillée des dimensions de la cornée mesurées à des milliers de points. Les cinq dessins qui apparaissent sur cette page sont des isogrammes à code couleur de la surface cornéenne de l"oeil. Questionné directement, le Dr Klyce a répondu que [traduction] " l"expression unité d"affichage topographique est une expression courante qui désigne un isogramme à code couleur ".

[98]      Au cours du contre-interrogatoire, l"article du Dr Klyce et ses isogrammes à code couleur ont été montrés au Dr Sher (l"expert de Visx) auquel on a demandé si le brevet sur la topographie [traduction] " exige que l"on effectue des mesures topographiques du type illustré dans l"article du Dr Klyce, mais à des milliers de points sur la cornée, si cette information est introduite dans un ordinateur qui commande le laser, et si cette information provenant de milliers de points qui peut être affichée sur l"unité d"affichage CAO/FAO est ce dont il est question dans le brevet? ". Il a répondu : " Oui. ".

[99]      " ... adaptée pour présenter à partir de celles-ci un affichage comparatif de la courbure mesurée et de la courbure idéale désirée pour la cornée ... ". La présentation doit être créée à partir des données numériques stockées dans l"unité d"affichage topographique. Celle-ci doit afficher la courbure mesurée de la cornée et la courbure idéale désirée pour la cornée.

[100]      " ... une unité à laser ultraviolet dotée d"un dispositif servant à diriger le rayonnement ultraviolet ... ". L"invention doit comporter une unité dotée d"un laser ultraviolet et d"un mécanisme par lequel le rayonnement ultraviolet peut être dirigé sur le point de destination désiré. Ce laser doit émettre un rayonnement se trouvant dans le domaine ultraviolet du spectre électromagnétique.

[101]      " ... sur la zone centrale optique de la surface antérieure de la cornée ... ". Selon cette disposition, la destination désirée pour le rayonnement ultraviolet doit se trouver dans la zone centrale optique décrite ci-dessus de la surface antérieure de la cornée, c"est-à-dire l"épithélium.

[102]      " ... pour effectuer sur celle-ci une ablation sélective par photodécomposition, et ... ". L"impact du rayonnement ultraviolet sur la zone centrale optique de la surface antérieure de la cornée doit produire l"ablation, laquelle doit être commandée sélectivement.

[103]      " ... un dispositif connecté à ces deux unités ... ". Ces termes signifient que le troisième élément de la combinaison doit être connecté aux deux premiers, c"est-à-dire à l"unité d"affichage topographique et à l"unité à laser ultraviolet.

[104]      À ce sujet, Nidek fait valoir que l"on peut utiliser plusieurs méthodes et plusieurs appareils pour mesurer la cornée. Il y a le kératomètre, un appareil utilisé avant 1900 qui prend les mesures le long de deux axes principaux de la cornée. Ces mesures sont appelées " lectures K ". Il y a également le kératoscope, un appareil simple qui projette une série de cercles concentriques sur la cornée. D"après le Dr Sher, aucun de ces deux appareils ne peut représenter graphiquement les caractéristiques tridimensionnelles d"une surface. Toutefois, dans les années 1980, le kératoscope vidéo a été mis au point. D"après le Dr Klyce, cet appareil peut mesurer la surface cornéenne à plusieurs milliers de points sur l"ensemble de la cornée.

[105]      Nidek soutient que la conclusion évidente que le tribunal doit tirer est que les termes ci-dessus exigent une mesure de la surface de la cornée à des milliers de points, soit au moyen d"un kératoscope vidéo ou d"un appareil équivalent et que cette information est utilisée pour commander le laser durant la correction réfractive. En fait, le sens est confirmé à la page 6, ligne 25 du brevet sur la topographie qui suggère [traduction] " le photo-kératoscope PKS-1000 commercialisé par la société japonaise comme matériel approprié à utiliser dans le module A ...".

[106]      " ... pour contrôler l"extraction volumétrique de tissu cornéen pénétrant dans le stroma par la zone centrale optique en utilisant la différence entre ladite courbure mesurée et ladite courbure idéale désirée pour la cornée ". La fonction du troisième élément est de contrôler l"extraction d"un volume de tissu cornéen dans la zone centrale optique. Cette extraction doit correspondre à la différence entre la courbure mesurée de la cornée et la courbure idéale désirée pour la cornée, ces courbures étant affichées sur l"unité d"affichage topographique.

3. CONTREFAÇON

3.1 Principes généraux

[107]      La Loi sur les brevets6 ne définit pas nommément la contrefaçon, mais tout acte qui nuit à la pleine jouissance d"un monopole accordé au breveté est une contrefaçon. La question de la contrefaçon est une question mixte de fait et de droit. La question de savoir si les activités de la défenderesse se trouvent dans la portée du brevet est une question de fait, mais l"interprétation et la portée du brevet sont des questions de droit. Tel que mentionné précédemment, la première tâche dans une question de contrefaçon est d"interpréter la revendication. Il incombe au breveté de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu"il y a eu contrefaçon7. En examinant la contrefaçon, le tribunal doit garder à l"esprit les termes employés par le breveté pour énoncer sa revendication. Le libellé a été décrit comme une " borne " délimitant le champ intérieur qu"il cherche à protéger contre les empiétements et le champ extérieur où les autres sont libres de circuler8. Le breveté n"a pas le droit de revendiquer une invention de façon à mettre une personne désireuse d"entrer dans le domaine dans une position de doute et de crainte de porter atteinte au monopole9.

3.2 L"appareil Nidek EC-5000

[108]      La machine Nidek a été décrite schématiquement sur le dessin ci-dessous (pièce D-52) déposée par Nidek.

[109]      Une description de cet appareil, intitulée " La machine Nidek ", apparaît dans les motifs de la décision du juge Neuberger de la Haute Cour de justice (Chambre de la chancellerie)10 dans une poursuite entre Visx et Nidek (et deux autres défendeurs) qui ont été publiés le 19 octobre 1998. Bien que le brevet en litige ne soit pas identique à l"un ou l"autre des trois brevets de la présente action, la machine qui serait une contrefaçon est décrite par le savant juge à l"aide d"un dessin semblable à celui de la pièce D-52. Ce jugement n"est pas allé en appel et sa description de la " La machine Nidek " n"a pas été contestée dans la présente action. Il m"apparaît par conséquent approprié et utile de la reproduire :

[traduction] La machine Nidek
Cet appareil utilise un laser à excimère produisant un faisceau qui, après avoir subi une rotation de 90o sous l"effet d"un miroir, traverse un atténuateur, puis est à nouveau réfléchi de 90o cette fois par un miroir de balayage linéaire entraîné par une came reliée à un moteur pas à pas, pour être ensuite transmis à un rotateur d"images dont la rotation est synchronisée avec le mouvement du miroir de balayage linéaire. Après avoir subi la rotation, le faisceau traverse un diaphragme à iris et une fente variable séparée qui en limitent la taille; il traverse ensuite une lentille de projection qui le dirige sur un miroir dichroïque, lequel le fait dévier à 90o pour tomber sur la cornée de l"oeil du patient. L"alignement approprié du faisceau sur la cornée est réalisé à l"aide d"un microscope, un projecteur de repère d"alignement et un système d"éclairage. Tous les éléments de la machine Nidek sont commandés par la carte principale du système qui reçoit des signaux de divers commutateurs et commandes.
Pour le traitement de la myopie et de l"astigmatisme, le miroir de balayage est synchronisé avec les impulsions du laser à excimère de telle façon qu"un passage du miroir de balayage contient normalement jusqu"à 10 impulsions laser. Quand le miroir de balayage atteint la position extrême de sa gamme, le rotateur d"images effectue une rotation de 120o et le miroir de balayage revient en sens inverse. La configuration de balayage résultante est constituée de dix impulsions parallèles suivies de dix autres qui sont décalées d"un angle de 60o et l"opération se continue jusqu"à la fin du balayage. Pour la correction de la myopie, la taille du diaphragme à iris est généralement augmentée de 2 mm environ jusqu"à une valeur maximale prédéterminée et le nombre des balayages de taille maximale est calculé par un ordinateur relié à la carte principale du système avant le début de l"opération. Le balayage avec le faisceau est répété jusqu"à ce que la profondeur d"ablation désirée soit obtenue et cette profondeur est déterminée par le nombre de balayages précalculé. Bien qu"il faudra examiner le fonctionnement de la machine Nidek pour le traitement de la myopie de façon un peu plus détaillée en ce qui concerne la contrefaçon, le traitement normal de la myopie comporte 22 balayages au total, chaque balayage comptant entre quatre et dix impulsions. La section du faisceau quand celui-ci tombe sur la cornée varie entre un minimum de 0,03 mm2 et un maximum de 10,76 mm2.
Bien que j"aie fait allusion au " balayage " avec le faisceau dans la machine Nidek, le balayage et la rotation du faisceau sont effectués pour homogénéiser celui-ci : contrairement à l"appareil du brevet 869, la machine Nidek ne réalise pas l"ablation contrôlée du tissu cornéen par le mouvement de balayage exécuté par le faisceau : le mouvement de balayage est hors de cause dans ce cas. La machine Nidek réalise l"ablation contrôlée par l"effet de l"iris; ainsi, quand le faisceau traverse la partie centrale, sa taille est plus grande que quand il ne peut traverser que le bord du diaphragme à iris. De même, la section du faisceau est plus grande quand le diaphragme est complètement ouvert que quand il n"est que partiellement ouvert. Le professeur Ulrich Sowada, l"expert de Nidek en matière de lasers a déclaré, et je ne crois pas que sa déclaration ait été contestée, que " la machine Nidek ne peut pas et ne pourrait pas contrôler les variations d"ablation par le balayage seulement ".
Le traitement est pratiquement le même pour corriger l"astigmatisme, sauf que l"orientation de la fente peut être ajusté pour obtenir la correction cylindrique désirée de la cornée. La section du faisceau au point où celui-ci tombe sur la cornée pour le traitement de l"astigmatisme varie de 0,16 mm2 à 10,76 mm2.

3.3 Questions de contrefaçon

[110]      Les parties reconnaissent que le litige dans les présentes procédures canadiennes porte sur l"appareil fabriqué par la défenderesse Nidek Co. Ltd. au Japon et fourni par celle-ci aux chirurgiens canadiens sous le nom EC-5000. Elles reconnaissent également que le litige porte précisément sur les expressions suivantes : 1) " surface antérieure de la cornée "; 2) " dispositif pour mettre le faisceau en forme, le focaliser et le diriger sur la cornée "; 3) " unité d"affichage topographique " et 4) " dispositif connecté à ces deux unités ". Ces quatre questions ont déjà été traitées au chapitre de l"interprétation et je vais maintenant tirer les conclusions pertinentes concernant la contrefaçon.



3.4 L"appareil EC-5000 produit-il une ablation de la surface antérieure de la cornée?

[111]      À mon avis, l"appareil EC-5000 ne produit pas " une ablation de la surface antérieure de la cornée ". Si la " surface antérieure de la cornée " dont il est question dans les brevets en litige n"est pas l"épithélium, mais une surface quelconque se présentant au chirurgien, les termes sont ambigus et la revendication est invalide.

[112]      La chirurgie cornéenne pour le traitement de la myopie et de l"astigmatisme est pratiquée de deux façons au Canada. Tel que décrit précédemment, l"une est désignée par le sigle PRK (photo-kératectomie réfractive) et l"autre par le sigle LASIK (kératomileusis laser in situ).

[113]      Tel qu"expliqué par les experts des deux parties, dans une PRK le chirurgien enlève l"épithélium, puis le faisceau laser est dirigé sur la membrane de Bowman qui est alors exposée pour pénétrer dans le stroma de la cornée. L"épithélium pourrait en théorie être enlevé par le laser, mais en pratique le chirurgien l"enlève en le grattant avec un instrument conçu à cette fin.

[114]      Le Dr Gimbel a expliqué que dans une PRK [traduction] " on enlève l"épithélium manuellement en prenant soin de s"assurer que la membrane de Bowman est aussi nettoyée que possible parce que toute parcelle d"épithélium sur la membrane de Bowman produirait au moment de l"ablation une petite bosse sur le stroma après l"enlèvement de ce dernier ". Selon le Dr Ohtsuki, l"utilisation d"un logiciel facultatif spécial (logiciel d"opération transépithéliale) est nécessaire pour permettre au chirurgien d"enlever l"épithélium avec l"appareil EC-5000. Il est vrai que, techniquement, un laser tel que l"appareil EC-5000 pourrait être utilisé pour enlever l"épithélium au lieu d"un moyen manuel, mais cette méthode n"éliminerait pas tout l"épithélium et n"est pas recommandée par conséquent d"après le Dr Ohtsuki.

[115]      Dans un LASIK, le Dr Sher et le Dr Gimbel ont expliqué que le chirurgien doit d"abord découper un lambeau dans la cornée au moyen d"un scalpel ou d"un rabot appelé microkératome. La coupe dans le stroma pénètre jusqu"au tiers de la profondeur et produit un lambeau comprenant l"épithélium, la membrane de Bowman et une partie du stroma. Ce lambeau est replié et le faisceau laser est dirigé sur le stroma exposé pour en enlever la quantité requise. Le lambeau est ensuite replacé sur le stroma exposé et se scelle rapidement. Dans ce cas, la pièce D-69 démontre clairement que le faisceau laser ne tombe pas sur la surface antérieure de la cornée, mais sur le stroma qui se trouve à l"intérieur.

[116]      Ainsi, la " surface antérieure de la cornée ", si elle est interprétée correctement, désigne l"épithélium et il n"y a pas de contrefaçon avec l"appareil EC-5000. Si l"on donne un sens plus large à la " surface antérieure " pour désigner une surface quelconque, les termes sont ambigus et le brevet est invalide.

3.5 Dispositif pour mettre le faisceau en forme, le focaliser et le diriger sur la cornée

[117]      Un schéma simplifié du trajet optique dans l"appareil Nidek EC-5000 (pièce D-18) a été déposé par Nidek à l"audience. En voici la reproduction :

[118]      À mon avis, les termes " dispositif pour mettre le faisceau en forme, le focaliser et le diriger sur la cornée " désignent le rétrécissement et la concentration de la totalité d"un faisceau originellement rectangulaire pour obtenir le spot utile le plus petit sur la cornée. Mais contrairement au brevet, l"appareil Nidek EC-5000 ne comporte pas de lentille cylindrique dans son trajet optique pour faire converger le faisceau, selon M. Ohtsuki. L"appareil Nidek EC-5000 utilise un diaphragme à iris pour traiter la myopie et une fente variable pour traiter l"astigmatisme : aucun de ces dispositifs n"est mentionné dans le brevet sur la myopie et le brevet sur l"astigmatisme.

[119]      Tel qu"indiqué sur la pièce D-18, le trajet optique du mécanisme de balayage Nidek passe par l"ouverture d"un diaphragme ou par une fente. Le laser de l"appareil EC-5000 produit une série de 10 impulsions qui traversent le diaphragme et il y a plus de 100 balayages dans une opération typique. Seules les parties du faisceau qui ne sont pas bloquées par le diaphragme passent par l"ouverture ou la fente. Il n"y a donc aucune " mise en forme ou focalisation " du faisceau au moyen d"une lentille cylindrique montée sur son trajet optique tel qu"exigé par les brevets en litige. Dans l"appareil EC-5000, le faisceau n"est pas complètement concentré sur la cornée et l"ouverture du diaphragme ne laisse passer que les parties du faisceau qui sont nécessaires à l"opération. L"appareil Nidek EC-5000 projette une image nette de l"ouverture sur la cornée. Cette image est produite au-delà du foyer sur une zone appelée zone de " défocalisation " par M. Eden. L"appareil Nidek EC-5000 est donc plutôt un " système d"imagerie ", alors que le brevet parle d"un " système de focalisation ".

[120]      Le brevet sur la myopie et le brevet sur l"astigmatisme utilisent tous deux un spot carré arrondi de 0,5 mm qui est déplacé sur la surface de la zone désignée. Ces deux brevets n"utilisent pas de diaphragme à iris ou de fente variable.

[121]      Contrairement à ce que décrivent les brevets, une correction typique de la myopie effectuée par l"appareil EC-5000 à travers l"ouverture projette une image d"un diamètre de 0,5 mm environ pour le premier seulement de 137 balayages. Après le quatrième balayage, le diamètre de l"image est plus du double du diamètre maximal stipulé dans les brevets. De plus, il n"y a aucune correction réfractive avant 30 balayages au minimum et l"opération de correction réfractive avec l"appareil Nidek EC-5000 n"est parachevée qu"après l"exécution des 137 balayages.

[122]      Par conséquent, Nidek n"est pas coupable de contrefaçon pour ce qui est du " dispositif pour mettre en forme le faisceau, le focaliser et le diriger ".

3.6 " Unité d"affichage topographique "

[123]      Tel que mentionné précédemment dans le chapitre sur l"interprétation, la " topographie cornéenne " comporte des mesures à des milliers de points sur la surface de la cornée. Le Dr Sher, l"expert témoignant pour Visx, reconnaît que l"appareil Nidek EC-5000 n"effectue pas les mesures à des milliers de points requises par la topographie cornéenne. Il a reconnu en contre-interrogatoire que l"appareil Nidek EC-5000 n"effectue pas ces milliers de mesures, en précisant qu"[traduction] " il prend des mesures à 4 points, puis utilise la moyenne des mesures pour construire une image ou une surface idéalisée " et ne peut " fournir l"information topographique " du type requis par le brevet.

[124]      L"information introduite dans l"appareil Nidek EC-5000 est une " lecture K " obtenue à partir de mesures effectuées au moyen d"un kératomètre à quatre points de la cornée. Ces lectures K sont prises dans une autre pièce avant d"être utilisées dans l"appareil EC-5000. Une fois qu"elles ont été introduites dans l"appareil EC-5000, le chirurgien peut enfoncer un bouton (F3) pour afficher une coupe de la cornée. Normalement, aucun schéma de la surface cornéenne ou de la coupe n"apparaît sur l"écran d"affichage de l"appareil EC-5000. Il n"offre donc aucune représentation topographique, seulement une représentation des valeurs kératométriques.

[125]      Par conséquent, étant donné qu"il n"y a pas de données de topographie cornéenne introduites dans l"appareil EC-5000, ni de données mesurées ou affichées par lui, il n"y a pas de contrefaçon du brevet sur la topographie.

3.7 " Dispositifs connectés "

[126]      Le brevet sur la topographie exige un " ... dispositif connecté à ces deux unités (afficheur topographique et laser) pour contrôler l"extraction volumétrique de tissu cornéen pénétrant dans le stroma ... ". Étant donné que l"appareil Nidek EC-5000 n"est pas doté d"une unité d"affichage topographique, il ne peut y avoir de "dispositif connecté à ces deux unités ".

3.8      Aucune contrefaçon par Nidek

[127]      Je suis de l"avis comme le juge Neuberger de la Chambre de la chancellerie (à la page 46) que, [traduction] " de manière générale, il ne fait pas de doute que la machine Nidek est semblable à l"appareil décrit dans le brevet 869 (le brevet Visx) quant à son usage et à sa nature ". Ce dernier a ajouté : [traduction] " Il sert à effectuer une photo-kéractectomie réfractive de l"oeil pour corriger la myopie, l"hypermétropie et l"astigmatisme ... il utilise un laser à excimère qui produit des impulsions de rayonnement ayant une longueur d"onde de 193 nm ". Le juge a toutefois observé (à la page 56) que [traduction] " l"ablation différentielle de tissu cornéen est réalisée avec la machine Nidek par l"utilisation d"un mécanisme à ouverture pour faire varier la taille, la forme et la direction du faisceau ". Il a conclu que la machine Nidek ne contrefaisait pas les revendications en litige devant lui.

[128]      En conclusion, j"estime dans la présente action que Nidek n"a contrefait aucune revendication valide d"aucun des brevets en litige par l"utilisation de l"appareil EC-5000. Mon interprétation des termes " surface antérieure de la cornée " du brevet sur la myopie et du brevet sur l"astigmatisme est que ceux-ci doivent désigner l"épithélium s"ils ne sont pas ambigus. S"ils ne sont pas ambigus, les termes " dispositif pour mettre le faisceau en forme, le focaliser et le diriger " doivent signifier que tout le faisceau est réduit à un petit spot d"environ un demi-millimètre de diamètre au moins qui balaye la cornée. Ce petit spot n"est pas produit par l"appareil EC-5000.

[129]      Pour ce qui est de l"interprétation appropriée du brevet sur la topographie, les termes " surface antérieure de la cornée " ont le même sens que ci-dessus. S"ils ne sont pas ambigus, les termes " unité d"affichage topographique " doivent désigner toute la surface de la cornée mesurée à un grand nombre de points. S"ils ne sont pas ambigus, les termes " dispositif connecté à ces deux unités " doivent signifier que les données résultant des mesures effectuées sur un grand nombre de points à la surface de la cornée doivent être transmises à un ordinateur qui commande le laser. Ce type de connexion ne fait pas partie de l"appareil Nidek EC-5000.

[130]      Par conséquent, j"en conclus qu"il n"y a pas de contrefaçon.

4. VALIDITÉ

4.1 Questions en litige

[131]      Dans leur défense, les défendeurs ont nié toute contrefaçon et ont attaqué la validité des trois brevets dans leur demande reconventionnelle. Par conséquent, même si j"ai conclu à l"absence de contrefaçon de la part des défendeurs, il faut résoudre la question de la validité.

[132]      Il est bien établi en droit qu"un brevet est prima facie jugé valide et que le fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités incombe à la partie qui attaque le brevet. Il n"est pas contesté non plus que s"il est impossible d"interpréter un brevet ou la formulation d"une revendication, le brevet portant sur cette revendication est déclaré ambigu et par conséquent invalide. Toutefois, j"ai donné aux multiples expressions en litige une interprétation utilitaire et je les ai jugées non ambiguës. J"ai également conclu que les termes en lesquels le breveté a exposé ses revendications ne lui offrent aucune protection contre l"utilisation de l"appareil Nidek EC-5000. Autrement dit, bien que j"en sois venu à la conclusion que les brevets ne sont pas invalides pour cause d"ambiguïté, je dois néanmoins déterminer s"ils sont invalides pour d"autres raisons. Les motifs de l"attaque des défendeurs ont été exposés commodément comme suit par leurs avocats :

1)      Est-ce qu"une " invention " a été réalisée ou a-t-on simplement exprimé une " idée "?
2)      L"" invention " revendiquée a-t-elle une plus grande portée que l"" invention " divulguée?
3)      L"" invention " a-t-elle été décrite et revendiquée de façon suffisamment détaillée, ou les revendications sont-elles ambiguës?
4)      Un élément essentiel a-t-il été omis des revendications?
5)      L"" invention " est-elle évidente?
6)      L" " invention " était-elle déjà connue d"une autre personne, était-elle utilisée par une autre personne et a-t-elle été divulguée par une autre personne?
7)      Le brevet sud-africain invalide-t-il le brevet "813?

[133]      Je vais maintenant statuer sur ces sept questions tour à tour.

4.2 Est-ce qu"une " invention " a été réalisée ou a-t-on simplement exprimé une " idée "?

[134]      La jurisprudence a nettement établi qu"une simple " idée " ne peut être brevetée. Pour qu"une invention soit brevetable, il faut une " idée " à laquelle une forme pratique et définie est donnée11.

[135]      Dans ce contexte, Nidek attire l"attention sur le fait que Visx n"a pas fait appel à l"inventeur, le Dr Francis L"Esperance, pour témoigner sur la nature de son invention. Comme il n"y a aucun graphique, aucun tableau, aucune photographie, aucun dessin décrivant les tests ou les essais ayant pu être effectués par l"inventeur dans sa progression vers son invention, le Dr Sher, témoignant au nom de Visx, a convenu en contre-interrogatoire que la progression normale menant à ce type d"invention aurait consisté à utiliser le laser à excimère sur des animaux morts en premier, puis sur des personnes aveugles, et finalement sur des personnes non aveugles [traduction] " suffisamment courageuses ... pour faire ce premier pas géant pour l"humanité ".

[136]      Je ne peux souscrire à la proposition qu"il n"y a pas d"invention. L"article 2 de la Loi sur les brevets définit une " invention " comme " toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières [...] présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité". L"invention doit révéler suffisamment de compétence et d"ingéniosité dans sa découverte pour la rendre brevetable. Elle ne doit pas être une évidence pour les artisans compétents dans le domaine auquel elle se rapporte.

[137]      Les brevets en litige indiquent comment utiliser une combinaison de plusieurs éléments travaillant ensemble pour obtenir les résultats mentionnés dans les revendications. L"invention décrit un appareil complexe qui a attiré l"attention de nombreuses personnes depuis sa création, dont plusieurs ophtalmologistes et experts dans le domaine des lasers à excimère. Les brevets ont été analysés, ont été contestés et ont été défendus par neuf avocats et six experts durant 14 jours au cours du procès. (Sans oublier un juge peinant durant de longues heures pour en approfondir les multiples aspects.) Cette invention n"est pas une idée simple, ni un cadeau du ciel.

[138]      La législation canadienne sur les brevets n"a jamais exigé que les diverses étapes d"expérimentation et d"essai d"une invention soient décrites par l"inventeur avant qu"un brevet puisse lui être délivré.

[139]      Par ailleurs, aucune inférence défavorable ne doit découler du fait que Visx n"a pas demandé à l"inventeur de témoigner dans cette poursuite. En fait, le Dr L"Esperance a témoigné plusieurs fois par le passé sur ces inventions et Nidek aurait pu lui demander de témoigner si elle l"avait voulu.

[140]      Nidek n"a pas allégué que l"invention était inutile.

4.3 L"" invention " revendiquée a-t-elle une plus grande portée que l"" invention " divulguée?

[141]      Nidek allègue que, s"il faut donner aux revendications une interprétation plus large que celle que le tribunal est prêt à leur donner, elles sont invalides parce que leur portée dépasse alors celle de la divulgation. La description contenue dans le mémoire descriptif a pour fonction de permettre la construction et l"utilisation des dispositifs qu"il contient après l"expiration du brevet, et aussi de permettre aux autres de connaître avec une certaine exactitude les frontière du privilège exclusif sur lesquelles ils ne peuvent pas empiéter tant que l"octroi est valide12.

[142]      Toutefois, Nidek n"a pas allégué que les expressions " surface antérieure de la cornée " et " dispositif pour mettre le faisceau en forme, le focaliser et le diriger " avaient une portée excessive. J"en suis venu à la conclusion que, bien qu"elles n"aient pas une portée suffisante pour interdire l"appareil Nidek EC-5000, les frontières du privilège ne vont pas au-delà de la divulgation.

4.4. L"" invention " a-t-elle été décrite de façon suffisamment détaillée?

[143]      Nidek fait valoir qu"une revendication doit être examinée à la lumière du mémoire descriptif de sorte que les termes apparemment généraux utilisés dans la revendication doivent être limités lorsque le mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, ne peut confirmer cette interprétation. La description doit être rédigée de façon à permettre à une personne versée dans l"art ou le domaine de l"invention et ne disposant que des instructions contenues dans la divulgation, d"utiliser l"invention avec autant de succès que l"inventeur pouvait le faire au moment de sa demande de brevet.

[144]      Toutefois, l"" insuffisance " n"est pas la conséquence de l"interprétation ou d"une portée excessive. Elle constitue une approche d"attaque entièrement différente de la validité du brevet et Nidek n"a pas allégué explicitement qu"il y avait " insuffisance ". L"" insuffisance " est un motif d"invalidité distinct de l"" ambiguïté ". L"" insuffisance " porte sur la question de savoir si la description est suffisante pour permettre aux personnes à qui le mémoire descriptif s"adresse de comprendre comment l"objet du brevet doit être construit. L"" ambiguïté " porte sur la question de savoir si l"invention est décrite et connue de façon suffisante pour permettre au public de comprendre la portée du monopole octroyé par les lettres patentes. Cette distinction est accentuée par le fait que l"insuffisance est une question de fait, alors que l"ambiguïté est une question de droit13.

4.5 Un élément essentiel a-t-il été omis des revendications?

[145]      Nidek déclare qu"une revendication est invalide quand, interprétée correctement, elle a une plus grande portée que le brevet, ou qu"elle ne mentionne pas un élément essentiel divulgué dans le mémoire descriptif14. Le brevet sur la myopie et le brevet sur l"astigmatisme indiquent tous deux qu"un [traduction] " dispositif fixé au corps pour stabiliser un oeil du patient par rapport au châssis " est un élément essentiel de l"invention. Le Dr Sher l"a décrit comme suit : [traduction] " Le brevet utilise une méthode pour retenir l"oeil et la tête, une ceinture et des bretelles pour ainsi dire. ". Dans un article qu"il a rédigé en 1991 (pièce D-126), le Dr Sher a affirmé qu"il fallait immobiliser l"oeil pour réaliser une opération de chirurgie réfractive précise, prévisible et sûre.

[146]      Toutefois, le Dr Sher a déclaré dans son témoignage qu"il n"avait pas utilisé le " dispositif fixé au corps ". Selon les témoins présentés par les deux parties, l"immobilisation de la tête et de l"oeil reste une question de choix pour le chirurgien et, dans une certaine mesure, de préférence pour le patient. Généralement, les chirurgiens préfèrent poser une main ferme sur la tête du patient, par mesure de confort et de sécurité pour celui-ci.

[147]      Il n"y a donc pas eu omission d"un élément essentiel dans les revendications.

4.6 L"" invention " était-elle évidente?

[148]      Le tribunal doit déterminer si un technicien versé dans son art et possédant en la matière des connaissances courantes existantes à la date alléguée de l"invention, aurait pu en arriver directement et facilement à l"invention revendiquée. C"est une question de fait15. Il n"y a pas de faculté inventive si l"adaptation d"un appareil connu à une nouvelle fin est semblable à la fin pour laquelle il a déjà été appliqué et si le mode d"application est également semblable16.

[149]      Le motif d"invalidité de l"" évidence " est nécessairement relié à l"interprétation du brevet. Je n"ai pas interprété les brevets en litige de façon assez large pour couvrir un traitement quelconque d"une surface quelconque de la cornée par une partie quelconque du faisceau d"un laser à excimère.

[150]      Nidek a soulevé trois cas d"antériorité par rapport au 17 novembre 1983, date de priorité du brevet sur la myopie, celle-ci étant la " date de l"invention " la plus ancienne sur laquelle se base Visx pour les activités du Dr L"Esperance.

[151]      Premièrement, des chirurgiens ont proposé d"utiliser des lasers tels que le laser CO2 pour produire un petit spot commandé par des micro-ordinateurs en chirurgie de la cornée. On s"est référé à Keates et al., " Carbon Dioxide Laser Beam Control for Corneal Surgery" et aux déclarations du Dr Peter Oesterlin. Toutefois, Keates qualifie le laser CO2 d"" idéal ", ce qui nous éloigne de l"utilisation du laser à excimère. La chirurgie proposée était constituée par des coupes et non par l"enlèvement volumétrique d"un tissu. Ces coupes étaient effectuées à l"extérieur de la zone optique de la cornée et la chirurgie proposée s"est avérée complètement inutile à cause des cicatrices résultant des effets thermiques du laser CO2 .

[152]      Deuxièmement, un système presque identique à celui du brevet de L"Esperance, mais dans lequel le type de laser n"était pas spécifié, a été proposé par Karp dans sa demande de brevet allemand publiée en juin 1983. Karp n"a proposé aucun laser et l"utilisation du laser à excimère n"a pas été évoquée. En fait, Karp a traité des coupes à effectuer à l"extérieur de la zone optique de la cornée.

[153]      Troisièmement, Srinivasan a démontré que le laser à excimère pouvait être utilisé pour l"ablation de tissus tels que les muscles, les cheveux et, à un degré moindre, les os et les dents, sans dommage thermique (Srinivasan et al., " Far-UV Photoetching of Organic Material "). Cependant, les travaux de Srinivasan et le matériel utilisé par celui-ci ne seraient pas connus des personnes ayant des compétences ordinaires en ophtalmologie.

[154]      Aucun de ces trois documents ne traite de la superposition des zones d"exposition à effets de pénétration cumulatifs dans la correction de la courbure de la cornée pour réduire la myopie ou l"astigmatisme, tel que requis par les revendications du brevet sur la myopie et du brevet sur l"astigmatisme.

[155]      Nidek allègue que le Dr L"Esperance n"a fait qu"exprimer, sous la forme d"une demande de brevet, qu"un laser à excimère pouvait remplacer le laser CO2 qui s"était avéré insatisfaisant. Le Dr L"Esperance a reproduit un " brevet fictif " qui ne décrivait pas comment l"" invention " pouvait surmonter les craintes exprimées par les ophtalmologistes d"opérer sur la cornée sans causer des cicatrices, des cancers ou la cécité.

[156]      Dans le cas présent, un " technicien qualifié peu imaginatif " serait un ophtalmologiste ayant des connaissances générales des techniques courantes de chirurgie oculaire au laser, mais aucune connaissance particulière des lasers à excimère. En 1983, le Dr Sher était ce type de personne et son témoignage m"a convaincu que l"invention n"aurait pas été une évidence pour lui à ce moment. En novembre 1983, le Dr Sher avait travaillé avec des lasers ophtalmiques (qui n"étaient pas des lasers à excimère) durant sept ans environ. Il a déclaré qu"il n"a pas pensé en 1983 qu"un laser pourrait être utilisé pour l"ablation de la zone optique de la cornée de façon à produire une modification réfractive; le seul laser qu"il connaissait n"aurait pu être utilisé à cette fin. Il a terminé en disant : [traduction] " J"ai été à la fois étonné et enchanté quand j"ai pris connaissance de l"utilisation potentielle du laser à excimère pour la chirurgie réfractive ".

4.7 L"" invention " était-elle déjà connue d"une autre personne ou utilisée par une autre personne et a-t-elle été divulguée au public?

[157]      Selon les alinéas 27(1)a) et 61(1)a) de la Loi sur les brevets, un brevet est invalide si, avant le moment avéré de l"invention, celle-ci était déjà " connue " d"une autre personne ou " exploitée " par une autre personne ayant " divulgué ou exploité l"invention de telle manière qu"elle était devenue accessible au public ". Cette autre personne n"a pas à affirmer être l"auteur de l"invention, mais seulement que ce qui est revendiqué par le breveté était " connu " d"elle ou " exploité " par elle.

[158]      En ce qui a trait au brevet sur la myopie, la demanderesse ne cite aucune date d"invention antérieure au 17 novembre 1983, date du dépôt de la demande de brevet américain 552,983 du Dr L"Esperance. Nidek allègue que la preuve démontre que l"invention alléguée qui est revendiquée dans le brevet sur la myopie et le brevet sur l"astigmatisme était connue du Dr Stephen L. Trokel et de M. R. Srinivasan ou utilisée par eux avant le 17 novembre 1983.

[159]      En 1980-1981, Srinivasan et ses collègues chez IBM ont découvert le phénomène de la photodécomposition ablative. Ils ont découvert que les polymères et les tissus pouvaient subir une ablation au moyen d"un laser ultraviolet. IBM a déposé en 1982 une demande de brevet décrivant l"utilisation du rayonnement ultraviolet de 193 nm d"un laser à excimère.

[160]      Toutefois, la demande de brevet d"IBM ne mentionnait pas l"oeil explicitement.

[161]      Le Dr Stephen L. Trokel s"intéressait aux lasers à excimère pour la chirurgie optique dès 1981. Il découvrit les travaux d"un certain Dr Taboada qui avait publié des travaux décrivant l"interaction de lasers à excimère de 193 nm et de 248 nm et du tissu cornéen de lapins. Trokel découvrit l"existence des travaux de Srinivasan par l"intermédiaire d"un collègue commun et lui rendit visite à son laboratoire chez IBM en 1983. Il visita le laboratoire de Srinivasan à deux autres reprises en 1983 pour y faire des expériences sur des yeux de veau énucléés. Trokel et Srinivasan ont apparemment parlé tous deux à un petit groupe de personnes en juillet 1983. Il y a eu une autre conversation le 1er juillet 1983 entre Trokel et Charles Munnerlyn. Trokel, Srinivasan et Braren ont publié un mémoire en août 1983. La version préliminaire divulguait les travaux de Srinivasan décrivant l"utilisation d"un laser à fluorure d"argon de 193 nm pour l"ablation du tissu cornéen. D"après Visx et [traduction] " selon les renseignements dont elle dispose ", les travaux de Trokel, Srinivasan et Braren ont été divulgués au Dr L"Esperance en août 1983.

[162]      Toutefois, il n"y a aucune preuve solide que ces divulgations portaient sur les revendications précises des deux inventions ou qu"elles ont en fait été rendues publiques. M. Srinivasan a reconnu en contre-interrogatoire que ses divulgations prétendues n"étaient rien de plus qu"un concept général de l"ablation de la cornée avec un laser à excimère. Aucune des revendications prétendues ne portait sur l"ablation dans des zones d"exposition superposées, l"utilisation de zones d"exposition circulaires pour réduire la myopie, l"utilisation de zones d"exposition rectangulaires pour réduire l"astigmatisme, ou la réduction de ces problèmes par l"effet cumulatif résultant de la superposition de zones d"exposition. Le Dr Trokel a clairement indiqué dans son témoignage, tel que celui-ci a été présenté par Nidek, qu"il n"y a pas eu de publication avant le 15 décembre 1983.

[163]      Nidek fait également référence à la procédure de conflit de priorité d"invention aux États-Unis. Le Dr L"Esperance a obtenu le brevet américain no 4,665,913 le 19 mai 1987 intitulé " Method For Ophthalmological Surgery ". Il avait reçu le numéro de série américain 552,983 dont la demande a été déposée le 17 novembre 1983 (la demande déposée aux États-Unis par rapport à laquelle le brevet sur la myopie revendiquait la priorité). Les revendications 1 et 2 de ce brevet portaient notamment sur [traduction] " la méthode de modification des propriétés optiques d"un oeil en opérant seulement la surface antérieure de la cornée ". Trokel a engagé une procédure de conflit de priorité d"invention contre le Dr L"Esperance en 1988 en déclarant qu"il était le premier inventeur de l"objet de ces deux revendications. Ils ont réglé le différend entre eux. Le Dr L"Esperance a demandé le dépôt d"un jugement défavorable dans la procédure de conflit. Il a été statué que Trokel était le premier inventeur de l"objet des deux revendications et que le Dr L"Esperance n"avait pas droit à un brevet sur ces revendications.

[164]      En tout état de cause, ces deux revendications ne portent que sur des méthodes décrites en termes larges. Elles ne portent pas sur un dispositif pour mettre un faisceau en forme, le focaliser et le diriger, et ne mentionnent pas non plus de correction visant à réduire la myopie ou l"astigmatisme. Il n"y a pas de revendication portant sur les zones d"exposition superposées, ni sur une correction réfractive obtenue avec cette superposition. Il n"y a pas de revendication mentionnant des zones circulaires utilisées pour corriger la myopie, ni de zones rectangulaires pour corriger l"astigmatisme.

[165]      Par conséquent, ce moyen de contestation ne peut être admis.

4.8 Le brevet sud-africain invalide-t-il le brevet sur l"astigmatisme?

[166]      Selon le paragraphe 27(2) de la Loi sur les brevets, une demande de brevet canadien doit être déposée au Canada avant qu"un brevet pour la même invention ait été délivré dans tout autre pays, ou être déposée au Canada dans les douze mois suivant le dépôt d"une demande pour ce brevet dans ce pays étranger. Le brevet sud-africain no 84/7841 a été délivré le 29 mai 1985, plus d"un an avant le dépôt de la demande du brevet sur l"astigmatisme au Canada et avant la date de priorité concernant ce brevet.

[167]      Toutefois, les revendications en litige pour ce qui est du brevet sur l"astigmatisme, ainsi que la divulgation à l"appui, n"apparaissent nulle part dans le brevet sud-africain. La différence fondamentale entre le brevet sur l"astigmatisme et le brevet sud-africain est la façon dont la correction de l"astigmatisme est réalisée. Le brevet sur l"astigmatisme établit sans équivoque que cette correction exige la superposition de zones d"exposition rectangulaires de largeur différente et de même profondeur d"ablation. En revanche, le brevet sud-africain réalise la correction au moyen d"une seule zone d"exposition à durée d"exposition et à profondeur d"ablation variables.

[168]      De plus, un brevet étranger ne peut être tenu pour délivré tant que le breveté ne peut faire valoir ses droits. Or, il a été établi qu"en droit sud-africain, un breveté ne peut faire valoir ses droits sur un brevet sud-africain que neuf mois après l"octroi. Ceci n"aurait pu se produire avant la date de priorité du brevet sur l"astigmatisme.

5. LES DOCTEURS DÉFENDEURS

[169]      Les avocats des docteurs défendeurs ont activement soutenu les arguments de Nidek relatifs à l"interprétation, à la contrefaçon et à la validité. Il s"ensuit qu"ils ont gain de cause ainsi que Nidek en ce qui concerne les deux premières questions. Pour ce qui est de la validité, ils ont ajouté des arguments qui leur sont propres, portant surtout sur le fait que les trois brevets en litige visent des procédures chirurgicales qui ne constituent pas une invention suivant la définition de l"article 2 de la Loi sur les brevets . Tel que mentionné précédemment, une " invention " y est définie comme suit :

" invention " : toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l"un d"eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l"utilité.


[170]      Les docteurs défendeurs ont invoqué le moyen de défense des compétences professionnelles. En résumé, ils allèguent que la prescription quant à l"utilisation mentionnée dans les revendications sur l"appareil n"a pas trait à une " réalisation " ou à un " procédé " visé par la définition, mais porte sur des " procédures chirurgicales professionnelles " non couvertes par la définition du mot " invention ". Ils se réfèrent à la jurisprudence et allèguent qu"une revendication basée sur une nouvelle utilisation pour un ancien produit ou appareil est invalide si cette nouvelle utilisation fait appel aux compétences professionnelles. Par exemple, si un chirurgien élabore une méthode pour effectuer un certain type d"opération, il ne peut en obtenir la propriété ou le privilège exclusif17.
[171]      D"après l"article 11.10.02 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets , dans sa version d"octobre 1996, " les revendications de mode d"emploi visant un usage médical sont rejetées en vertu de l"article 2 de la Loi sur les brevets et selon le jugement rendu dans l"affaire Tennessee Eastman v. Commissioner of Patents (1970), 62 C.P.R. (3d) 117;[1974] R.C.S. 111". L"article dispose de plus :

" (v) De même, des revendications de produits contenant la description d"un usage ou d"une méthode sont acceptables, à condition qu"il ne s"agit pas d"une méthode de traitement médical."18.


[172]      Il a par ailleurs été confirmé par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Schlumberger Canada Ltd. c. Commissaire des brevets19 que l"emploi d"ordinateurs n"a pas pour effet de transformer en invention brevetable ce qui, normalement, ne l"est pas du tout.
[173]      À mon avis, la contestation de la validité des trois brevets en litige ne saurait reposer sur le moyen de défense des compétences professionnelles. Ces brevets ne transmettent pas des compétences professionnelles aux chirurgiens. Ils portent sur un appareil qui est une machine combinant plusieurs éléments. En ce sens, cet appareil est semblable à d"autres appareils de médecine, tels que les machines de radiographie, les foreuses de dentiste, les scalpels, lesquels sont toujours brevetables s"ils sont l"objet d"une invention. L"invention des brevets Visx ne limite pas les compétences du chirurgien. Au contraire, elle vise à aider celui-ci à opérer sur l"oeil humain. Elle focalise et dirige le faisceau et le met en forme. Elle détermine et contrôle une zone d"exposition circulaire et effectue l"ablation. Le chirurgien ne fait que préparer le patient et introduire les mesures de base dans l"ordinateur. Il appuie ensuite sur la pédale pour mettre la machine en marche. De plus, conformément au témoignage du Dr Sher, la myopie, l"hypermétropie et l"astigmatisme ne sont pas des maladies, ils font partie de la condition humaine.
6. DÉCISION
[174]      Par conséquent, les motifs qui précèdent m"amènent à deux conclusions : premièrement, les trois brevets sont valides et, deuxièmement, les défendeurs ne sont pas coupables de contrefaçon. Il s"ensuit que la demanderesse doit assumer tous les dépens de cette action, sauf ceux reliés aux demandes reconventionnelles des défendeurs.



OTTAWA (Ontario)
Le 16 décembre 1999
     _____________________
     Juge
Traduction certifiée conforme
Richard Jacques, LL. L.



     Date : 19991216

     Dossier : T-195-94


OTTAWA (ONTARIO), LE 16 DÉCEMBRE 1999

DEVANT MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ


ENTRE :


     VISX INCORPORATED,


     demanderesse,


     - et -


     NIDEK CO., LTD.,

     707284 ONTARIO INC., faisant affaire sous le nom de INSTRUMED CANADA,

     DR HOWARD GIMBEL et DR DONALD JOHNSON,


     défendeurs.





J U G E M E N T



     1.      L"action en contrefaçon intentée par la demanderesse relativement aux trois brevets en litige est rejetée avec dépens.
     2.      Les demandes reconventionnelles des défendeurs arguant de l"invalidité de ces brevets sont rejetées avec dépens.
     3.      Les brevets no 1,243,732 (brevet sur la myopie), no 1,271,813 (brevet sur l"astigmatisme) et no 1,254,658 (brevet sur la topographie) sont valides, subsistent et n"ont pas fait l"objet d"une contrefaçon par les défendeurs.


     _____________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU DOSSIER :          T-195-94
INTITULÉ DE LA CAUSE :      VISX INCORPORATED c. NIDEK CO., LTD. ET AL.
LIEU DE L"AUDIENCE :          MONTRÉAL
DATES DE L"AUDIENCE :      LES 20, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 29 ET 30 SEPTEMBRE 1999 ET LES 1, 5, 6, 7 ET 8 OCTOBRE 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DE M. LE JUGE DUBÉ EN DATE DU

16 DÉCEMBRE 1999


ONT COMPARU :

J.D. KOKONIS, A.D. MORROW,

ET D.S. LEUNG      POUR LA DEMANDERESSE

R.T. HUGHES, A.B. RENAUD,

ET L.E.T. HORNE      POUR LA DÉFENDERESSE

     NIDEK CO., LTD.

D.W. WATSON, T.G. O"NEILL,

ET S. CHENG      POUR LES DÉFENDEURS

     LE DR HOWARD GIMBEL

     ET LE DR DONALD JOHNSON

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR

OTTAWA      POUR LA DEMANDERESSE

SIM, HUGHES, ASHTON & McKAY

TORONTO      POUR LA DÉFENDERESSE

     NIDEK CO., LTD.

GOWLING, STRATHY & HENDERSON

OTTAWA      POUR LES DÉFENDEURS

     LE DR HOWARD GIMBEL

     ET LE DR DONALD JOHNSON


__________________

1      Baldwin International Radio Co. of Canada v. Western Electric Co. Inc., [1934] R.C.S. 94, aux p. 105 et 106.

2      Consolboard Inc. c. Macmillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, p. 520, (1981), 56 C.P.R. (2d) 145, aux p. 156 et 157, le juge Dickson.

3      W.L. Hayhurst, "THE ART OF CLAIMING AND READING A CLAIM ", 1993 Institut national de la magistrature, Intellectual Property Patent Law, aux p. 186 à 199 (cahier de la jurisprudence et de la doctrine de Nidek, onglet 13).

4      Burton Parsons Chemical Inc. c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd., [1976] 1 R.C.S. 555, à la p. 560, (1974), 17 C.P.R. (2d) 97, à la p. 104, le juge Pigeon.

5      Huitième édition, 1995, p. 1302.

6      L.R.C. (1985), ch. P-4.

7      Lishman c. Erom Roche Inc. (1996), 68 CPR (3d) 72, le juge Rothstein, à la p. 77 (C.F.), conf. par (1996), 71 CPR (3d) 146 (C.A.F.).

8      TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc. (1991), 39 CPR (3d) 176, le juge Stone, aux p. 188 et 189 (C.A.F.).

9      Cincinnati Grinders (Inc.) v. BSA Tools Ltd. (1931), 48 RPC, 33 le juge Romer, à la p. 85 (C.A. Ang.).

10      Visx Incorporated and Nidek Co. Limited et al., CH 1996-V-No. 7408.

11      Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991), 35 CPR (3d) 350, les juges Décary, aux p. 364et 365, et Marceau, à la p. 370 (C.A.F.); Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd. (1992), 150 NR 216, le juge Mahoney rendant jugement pour la Cour au paragraphe 32 (C.A.F.).

12      Pioneer Hi-Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623, le juge Lamer, à la p. 1636 - cahier de la jurisprudence et de la doctrine de Nidek, onglet 1).

13      No-Fume Ltd. v. Pitchford & Co., Ltd. (1935), 52 R.P.C. 231 (C.A.), aux p. 235 et 236; Ernest Seragg & Sons Ltd. v. Leogona Corp. (1964), 45 C.P.P.I. (C. de l"É.), à la p. 99, et Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d), à la p. 473 (C.A.F.).

14      Amfac Foods Ltd. c. Irving Pulp & Paper Ltd. (1986), 12 C.P.R. (3d) 193, le juge Urie rendant jugement pour la Cour, aux p. 201à 205 (C.A.F.).

15      Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals, non publié, 23 avril 1999, C.F. T-2870-96, le juge Reed, aux paragraphes 38, 39 et 62.

16      Morgan & Co. v. Windover & Co. (1890), 7 RPC 131, le juge Herschell, aux p. 137 et 138 (H.L.).

17      Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536, (1983), 67 C.P.R. (2d) 1, à la p. 15; Lawson v. Commissioner of Patents (1970), 62 C.P.R. 101, à la p. 111 (C. de l"É.); Tennessee Eastman Co. et al. c. Commissaires des brevets , [1974] R.C.S. 111, (1973), 8 C.P.R. (2d) 202 et Imperial Chemical Industries Ltd. c. Commissaire des brevets, [1986] 3 C.F. 40, (1986), 9 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.).

18      Recueil des pratiques du Bureau des brevets, octobre 1996, article 11.10.02.

19      (1981), 56 C.P.R. (2d) 204, à la p. 206 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.