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Date : 20050118

Dossier : IMM-89-04

Référence : 2004 CF 1724

Toronto, (Ontario) le 18 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

ALEXANDER MEJIA HERRERA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS MODIFIÉS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]        En l'espèce, le demandeur est citoyen de la Colombie, et il fait une demande d'asile au motif qu'il a été menacé par des paramilitaires. La question en litige est la suivante : y a-t-il eu atteinte au principe d'application régulière de la loi lorsque le demandeur a produit sa preuve devant la Section de la protection des réfugiés (SPR)? Pour les motifs qui suivent, je conclus par l'affirmative.

[2]        Il y a une divergence évidente entre le récit du demandeur dans son FRP, et le récit figurant dans l'affidavit fait, à sa demande, par le témoin appuyant ses prétentions. En ce qui a trait à cette divergence, la SPR pourrait, à bon droit, conclure à l'insuffisance des preuves permettant de donner une suite favorable à la demande d'asile. En l'espèce, la SPR est allée plus loin et elle a conclu que la demande était fondée sur une invention.

[3]        Cependant, en regard de la preuve produite en l'espèce, cette divergence entre les déclarations pourrait, dans une certaine mesure, donner à penser qu'il n'y a pas eu invention. Autrement dit, on pourrait considérer que cette divergence indique que le demandeur et son témoin ne se sont pas mis de connivence afin d'induire la Commission en erreur. Dans un cas de ce genre, il est clair que la prudence s'impose avant de sauter aux conclusions. Il ressort du dossier que la SPR n'a pas soupesé la preuve avec prudence.

[4]        Comme l'a soutenu l'avocat du demandeur relativement à la présente demande, il se pose une grave question qui se rattache au principe de l'application régulière de la loi : le demandeur a-t-il eu droit à une audition équitable devant la SPR? Lors de l'audience, on n'a pas permis au demandeur de produire sa preuve; on a plutôt ordonné à l'agent chargé de la protection des réfugiés d'interroger en premier le demandeur et la SPR a ensuite pris le relais en se livrant à un contre-interrogatoire « musclé » , pour reprendre le qualificatif judicieux de l'avocat du demandeur.


[5]        L'avocat du défendeur invoque le consentement de l'avocat représentant le demandeur à l'audience afin de légitimer la procédure qui a eu lieu. Ayant examiné le procès-verbal de l'audience dans son intégralité, je n'accorde aucun poids à ce consentement. Il est tout à fait manifeste que, à l'ouverture de l'audition, la SPR avait de graves soupçons quant à la crédibilité du demandeur, vu la divergence entre les deux déclarations figurant au dossier. Tout juste avant de demander à l'avocat du demandeur de consentir à la procédure consistant à laisser l'agent chargé de la protection des réfugiés exposer la thèse du demandeur, on a simplement parlé d' « exposer la cause uniquement dans ses grandes lignes » . Ce n'est absolument pas ce qui s'est produit.

[6]        Je suis d'avis que, avant de pouvoir donner du poids au consentement de l'avocat d'un demandeur, il faut qu'il y ait d'abord eu communication complète des modalités de la procédure censée être adoptée. En l'espèce, il était impossible à l'avocat du demandeur de connaître la nature et l'intensité de l'interrogatoire à suivre. Comme la procédure adoptée en l'espèce était fort inhabituelle, je conclus que, avant de poursuivre, il incombait à la SPR d'expliquer les raisons pour lesquelles cette procédure avait été adoptée. Elle n'en rien fait. Par conséquent, je peux très bien comprendre pourquoi l'avocat du demandeur, dans le cadre du présent contrôle judiciaire, soutient que la SPR s'est penchée sur la présente cause sans avoir l'esprit ouvert.

[7]        Je suis d'avis que l'audience s'est déroulée de manière inéquitable; je conclus donc que la décision rendue a donné lieu à une erreur susceptible de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

            Par conséquent, j'annule la décision de la SPR et je renvoie l'affaire à une formation différemment constituée pour réexamen.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-89-04

INTITULÉ :                                                   ALEXANDER MEJIA HERRERA

                                                                       et

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 9 DÉCEMBRE 2004

MOTIFS MODIFIÉS DE

L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                 LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                                 LE 18 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Matthew Jeffery                                               POUR LE DEMANDEUR

Lorne McClenaghan                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Matthew Jeffery                                               POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

Date: 20050118

Dossier : IMM-89-04

ENTRE :

ALEXANDER MEJIA HERRERA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS MODIFIÉS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

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