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     Date: 19981104

     Dossier: T-167-98

     DANS L'AFFAIRE d'une demande de contrôle judiciaire suivant les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1985, c. F-7, tel qu'amendée, d'une décision de l'Arbitre et membre de la Commission des Relations de Travail dans la Fonction Publique du Canada rendue le 24 décembre 1997, sur les mérites d'un grief déféré à l'arbitrage suivant l'article 92 de la Loi sur les Relations de Travail dans la Fonction Publique du Canada, S.R.C. 1985, c. P-35, tel qu'amendée (dossier no. 166-2-744-6 de la Commission de la Fonction Publique).         

Entre :

     IRENE MARINOS

     Requérante

     - et -

     PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimé

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision arbitrale rendue le 24 décembre 1997, en regard d'un grief renvoyé à l'arbitrage en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, telle qu'amendée. La requérante reproche strictement à l'arbitre de ne pas avoir, dans le contexte de son congédiement injustifié, ordonné sa réintégration dans son emploi au sein de la fonction publique du Canada. Ainsi, sans pour autant attaquer cette partie de la décision qui lui refuse des dommages, la requérante trouve insuffisante la simple compensation accordée pour perte du salaire et des bénéfices auxquels elle avait droit pour dix jours de travail.

[2]      Il importe de reproduire les dispositions pertinentes suivantes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33:

2. (1) In this Act,

[ . . . ]

"employee" means a person employed in that part of the Public Service to which the Commission has the exclusive right and authority to appoint persons;

8. Except as provided in this Act, the Commission has the exclusive right and authority to make appointments to or from within the Public Service of persons for whose appointment there is no authority in or under any other Act of Parliament.

21.2 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Commission may appoint any person to the Public Service for a period not exceeding ninety days.

(2) No person appointed under subsection (1) may work in any particular department, or in any other particular portion of the Public Service, on more than one hundred and twenty-five days in any year.

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

[ . . . ]

"fonctionnaire" Personne employée dans la fonction publique et dont la nomination à celle-ci relève exclusivement de la Commission.

8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commission a compétence exclusive pour nommer à des postes de la fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont la nomination n'est régie par aucune autre loi fédérale.

21.2 (1) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la Commission peut nommer toute personne à la fonction publique pour une période ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours.

(2) Les personnes visées au paragraphe (1) ne peuvent travailler dans un même ministère ou autre secteur de la fonction publique plus de cent vingt-cinq jours dans une année.




(3) The provisions of this Act, other than this section, do not apply to a person who is appointed under subsection (1).

25. An employee who is appointed for a specified period ceases to be an employee at the expiration of that period.


(3) Les dispositions de la présente loi, à l'exception du présent article, ne s'appliquent pas aux personnes visées au paragraphe (1).

25. Le fonctionnaire nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l'expiration de cette période.


[3]      Quant aux pouvoirs de l'arbitre de grief nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ils sont simplement définis comme suit à l'article 96.1 de cette loi telle qu'amendée1:

96.1 An adjudicator has, in relation to the adjudication, all the powers, rights and privileges of the Board, other than the power to make regulations under section 22.


96.1 L'arbitre de grief a, dans le cadre de l'affaire dont il est saisi, tous les droits et pouvoirs de la Commission, sauf le pouvoir réglementaire prévu à l'article 22.


[4]      La seule question à résoudre est celle de savoir si l'arbitre a erré en droit, compte tenu de la preuve devant elle, en jugeant qu'elle n'avait pas compétence pour réintégrer la requérante dans son emploi à l'expiration du terme de 125 jours édicté au paragraphe 21.2(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. La question distincte du droit de la requérante de présenter un grief en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire distincte qui a été entendue et jugée par mon collègue Monsieur le juge Richard dont la décision de reconnaître ce droit de grief à la requérante a fait l'objet d'un appel qui est toujours pendant devant la Section d'appel de cette Cour.

[5]      En l'espèce, les faits énoncés dans l'extrait suivant de la décision de l'arbitre ne sont pas contestés:

             The evidence demonstrated that as of January 5, 1996, Ms. Marinos was employed at the Cowansville Institution on the basis of her acceptance of three consecutive offers of employment. Had Ms. Marinos' employment not been terminated on July 16, 1996, she would have signed the last offer of employment for a term ending on September 30, 1996 (Exhibit 1). Each of these offers of employment stipulates identical terms and conditions of employment except for the particular three-month period covered. They provide clearly that the period is for three months, that she is not subject to the provisions of the Public Service Employment Act, other than section 21.2, and she could not work more than 125 days within a 12-month period. Furthermore, the offer of employment could not be interpreted and considered as a an offer for indeterminate employment (Exhibit 1).                 
             The employer required Ms. Marinos to enter into a separate agreement for each of the three-month periods. The evidence showed that at the end of the first two three-month periods, the employer provided a new offer of employment. The third and last offer of employment stipulates that the period covered commenced on July 3, 1996 and ended September 30, 1996. It is clear that the periods were not simply extended but that new contracts were offered.                 
             [ . . . ]                 
         . . . The evidence is that she had already worked 115 days as of July 17, 1996. [ . . . ]                 

[6]      Devant ces faits, il est manifeste qu'au moment de son congédiement la requérante était une employée occasionnelle nommée à la fonction publique par la Commission de la fonction publique en vertu du paragraphe 21.2(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Elle n'avait donc pas plus de droit que ceux définis par écrit dans son contrat d'engagement avec cette Commission et était assujettie en outre aux paragraphes 21.2(2) et 21.2(3) de la même loi. Ainsi, si elle n'avait pas été congédiée, l'emploi de la requérante aurait de toute façon cessé le 17 juillet 1996, de par l'effet combiné du terme de son engagement et de l'expiration du délai de 115 jours édicté au paragraphe 21.2(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. À compter de cette date, la requérante ne pouvait donc être réintégrée au poste qu'elle avait jusque-là détenu dans la fonction publique sans nouvelle nomination par la Commission de la fonction publique. Cela résulte des prescriptions des articles 8 et 21.2 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et est confirmé par l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Canada (P. G.) c. AFPC, [1991] 1 R.C.S. 614, où Monsieur le juge Sopinka a écrit à la page 634:

             Bref, le juge Marceau résume bien la situation lorsqu'il affirme, au nom de la Cour d'appel à la majorité (à la p. 643):                 
         Il n'y a tout simplement pas de place dans cette construction juridique pour un fonctionnaire (i.e. un employé de la Reine, membre de la fonction publique) sans poste créé par le Conseil du Trésor, et sans nomination faite par la Commission de la fonction publique.                 

[7]      Comme la nomination de la requérante au poste concerné n'est régie par aucune autre loi fédérale que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, je dois conclure que l'arbitre agissant en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne pouvait ordonner ou effectuer la réintégration requise sans usurper le droit exclusif de nomination accordé à la Commission de la fonction publique par les articles 8 et 21.2 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et, donc, sans excéder sa compétence.

[8]      La requérante fait grand état de la preuve factuelle voulant qu'elle avait elle-même reçu trois offres d'emploi consécutives, que l'établissement avait généralement utilisé les employés dits occasionnels de façon continue et optimale, et que l'établissement avait un besoin chronique de personnel. À cet égard, je souscris entièrement aux vues que l'arbitre a exprimées comme suit dans sa décision:

             Moreover, these three consecutive offers of employment and the evidence that some of the correctional offers (sic) were offered full-time term appointments consecutive to these three-month "casual" offers of employment, are not indicative and evidence that Ms. Marinos" employment would have continued indefinitely. Even though the employer may have had a need for the services of correctional officers and there were a number of vacant positions, this does not necessarily translate into a permanent or indeterminate position for Ms. Marinos. [ . . . ]                 

[9]      À mon sens, c'est le contrat d'engagement intervenu entre la Commission de la fonction publique et la requérante qui fait loi entre ces personnes et ce contrat stipule clairement:

         . . . La présente lettre ne doit nullement être interprétée comme une offre d'emploi pour une période indéterminée (permanente) et vous n'avez, à cet égard, aucunement lieu de tabler ou de compter sur un emploi continu à la Fonction publique.                 
         Cette nomination n'est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Notamment, ceci signifie que vous ne serez pas admissible aux concours internes et vous ne pourrez formuler un grief pendant cette période d'emploi. [ . . . ]                 

[10]      Le refus par l'arbitre d'accorder des dommages à la requérante n'étant pas ici attaqué, il serait donc injustifiable d'intervenir en regard de la conclusion suivante de la décision arbitrale:

         . . . On the basis of the evidence adduced and the authority conferred on me as an adjudicator under the PSSRA, I conclude that Ms. Marinos is only entitled to remuneration up to the expiry date of her last contract, namely, September 30, 1996, and provided it does not exceed 125 days in any year. The evidence is that she had already worked 115 days as of July 17, 1996. Thus, Ms. Marinos is only entitled to a further 10 days of compensation.                 

[11]      Considérant que la question en litige concerne fondamentalement la compétence de l'arbitre en matière de nomination d'une personne à un poste de la fonction publique, la norme de contrôle judiciaire que j'ai appliquée dans cette affaire est celle de l'exactitude de la décision plutôt que celle généralement applicable du caractère manifestement déraisonnable de la décision.

[12]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 novembre 1998


__________________

1      L.C. 1992, ch. 54, art. 70.

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