Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





Date : 20000609

Dossier : IMM-2449-99

Ottawa (Ontario), le vendredi 9 juin 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED


ENTRE :

     GURDAN SINGH GILL,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.



ORDONNANCE


     Après avoir entendu la demande de contrôle judiciaire à Toronto (Ontario), le mardi 6 juin 2000 et pour les motifs d'ordonnance communiqués aujourd'hui,

     LA COUR STATUE COMME SUIT :

     La demande est rejetée.

                             B. Reed

                                 Juge

Traduction certifiée conforme


____________________________

Martine Brunet, LL.B





Date : 20000609


Dossier : IMM-2449-99



ENTRE :

     GURDAN SINGH GILL,

     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.



MOTIFS DE L'ORDONNANCE


MADAME LE JUGE REED :

[1]          Les présents motifs concernent la révision judiciaire de la décision par laquelle une agente des visas a refusé d'accorder au requérant le droit de s'établir à titre d'immigrant indépendant. Dans sa demande d'établissement, le requérant a indiqué qu'il était mécanicien de moteurs diesel et qu'il avait l'intention de travailler en cette qualité au Canada. L'agente des visas a conclu que le requérant ne respectait pas les exigences liées à cette profession et l'a évalué à titre d'aide-mécanicien de moteurs diesel.



[2]          Le requérant conteste la décision de l'agente des visas pour les motifs suivants : (1) elle ne lui a pas accordé suffisamment de possibilités de répondre aux préoccupations qu'elle avait, n'ayant pas expliqué de façon suffisamment précise pourquoi elle ne croyait pas qu'il avait acquis de l'expérience ou suivi une formation comme mécanicien de moteurs diesel; (2) elle a mal interprété la définition prévue dans la CCDP à l'égard d'un mécanicien de moteurs diesel, ayant exigé une formation officielle à l'égard de cette occupation alors qu'une formation sur place est suffisante; (3) elle n'a pas procédé à une évaluation équitable et approfondie de la demande de résidence permanente du requérant.



[3]          L'obligation pour l'agent des visas d'informer une partie requérante de ses préoccupations est bien connue. Elle a été commentée dans plusieurs décisions : Muliadi c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.); Fong c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 205 (C.F. 1re inst.); Chen c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 290 (C.F. 1re inst.); Abbasi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (21 août 1998) IMM-477-98 (C.F. 1re inst.); Lam c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (31 août 1999) IMM-4458-97 (C.F. 1re inst.); Dhillon c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (30 avril 1998) IMM-3098-97 (C.F. 1re inst.); Tahir c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 159 F.T.R. 109; Asghar c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (21 août 1997) IMM-2114-96 (C.F. 1re inst.).



[4]          L'avocate du requérant soutient que l'agente des visas n'a pas articulé de façon suffisamment précise ses préoccupations au sujet des qualités et de l'expérience du requérant, parce qu'elle a exprimé ce doute simplement en disant qu'il était [TRADUCTION] « difficile de croire que vous travaillez vraiment comme mécanicien » . L'agente a toutefois formulé ces commentaires après avoir posé plusieurs questions au requérant : quel type d'emploi exercez-vous?; n'êtes-vous pas surqualifié?; avez-vous reçu une formation comme mécanicien de moteurs diesel?; quand avez-vous commencé à travailler?; que faites-vous?; quels types d'outils utilisez-vous?; sur quel type de machines travaillez-vous?; quel type de formation avez-vous suivie pour exercer cet emploi?. Aucun manquement aux principes d'équité n'a été commis à l'endroit du requérant, parce que l'agente des visas a clairement fait connaître ses préoccupations dans les questions qu'elle a posées.



[5]          Dans la lettre de refus envoyée au requérant, il est mentionné que celui-ci avait été évalué sur la foi des renseignements fournis sur son formulaire de demande et au cours de son entrevue et que, étant donné qu'il n'avait [TRADUCTION] « aucune formation professionnelle comme mécanicien de moteurs diesel » et que l'expérience qu'il a décrite [TRADUCTION] « ne couvrait pas toute la gamme de fonctions » , il a été décidé qu'il n'avait pas les qualités requises d'un mécanicien de moteurs diesel.



[6]          Le seul document que le requérant a remis à l'agente des visas au sujet des qualités qu'il possédait est une lettre dans laquelle son employeur mentionne qu'il avait [TRADUCTION] « travaillé à son atelier comme mécanicien de moteurs diesel de 1982 jusqu'à aujourd'hui » . La lettre ne renferme aucune description des tâches liées au poste du requérant et ne fait pas état non plus de la formation que l'employeur aurait donnée à celui-ci. Il appert des notes de l'agente des visas qui sont consignées dans le CAIPS que le requérant a d'abord répondu aux questions qu'elle avait posées au sujet de la formation en disant qu'il n'avait suivi aucune formation comme mécanicien de moteurs diesel, que le travail n'était pas difficile et qu'il l'avait appris en travaillant sur les tracteurs à la ferme familiale. Dans son affidavit, l'agente des visas mentionne que, lorsqu'elle a demandé au requérant s'il avait reçu une formation comme mécanicien de moteurs diesel, il a répondu par la négative en soulignant toutefois que, étant donné qu'ils avaient des tracteurs sur leur ferme, le travail ne lui semblait pas difficile. Elle souligne également qu'à une autre occasion, lorsqu'elle lui a demandé quel type de formation il avait suivie, il a répondu que le travail n'était pas difficile et qu'il avait reçu une formation de son employeur, lorsqu'il a travaillé pendant deux ans comme aide-mécanicien avant de devenir mécanicien.



[7]          L'avocate du requérant soutient que l'expérience de travail acquise respecte l'exigence de la CCDP en ce qui concerne la formation. Je ne suis pas convaincue qu'elle a raison. Dans l'affaire Ayad c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (20 mai 1997), IMM-1184-96 (C.F. 1re inst.), la Cour a souligné que la formation professionnelle et l'expérience de travail étaient deux choses différentes. Voici comment le juge Denault s'est exprimé :

     Il importe de souligner que lorsqu'un agent des visas analyse la préparation professionnelle spécifique d'un requérant, il doit tenir compte, tel que l'énonce l'Appendice B, de la formation acquise par formation professionnelle, apprentissage, formation en usine en cours d'emploi, et non pas simplement d'une expérience de travail. Il incombe à un requérant de présenter les données pertinentes à sa demande et de faire la preuve qu'il rencontre les exigences de la loi canadienne. À défaut de démontrer qu'il était en voie de formation ou d'apprentissage au cours de la période de travail dont il a fait état, cette Cour ne peut conclure, à cet égard, à une erreur de l'agente des visas.



[8]          Dans la présente affaire, l'agente des visas explique son analyse en ces termes dans son affidavit :

     [TRADUCTION]
     23.      Compte tenu du niveau élevé de la catégorie ainsi que de la préparation professionnelle spécifique [PPS] correspondant au poste de mécanicien de moteurs diesel selon la CCDP, il semblait logique de présumer qu'une formation technique officielle serait exigée et que le travail nécessitait davantage que les connaissances qu'un agriculteur peut acquérir en travaillant sur ses tracteurs. Une PPS de 15 selon la CCDP indique que la formation nécessaire est supérieure à une période de deux à quatre ans.
     24.      J'ai constaté que, d'après la Classification nationale des professions (CNP), la classification utilisée aux fins des demandes actuelles, la profession de mécanicien de moteurs diesel figure sous la rubrique des Mécaniciens/mécaniciennes d'équipement lourd (CNP, code 7312). Bien que l'indicateur d'études et de formation (IEF), qui remplace la PPS, soit de 7 seulement, une formation professionnelle spécialisée est obligatoire et les tâches décrites dépassent de beaucoup celles que M. Gill soutient exécuter.

Je ne puis dire que l'agente des visas a mal interprété les exigences relatives à la préparation professionnelle spécifique de la CCDP en ce qui concerne les mécaniciens de moteurs diesel lorsqu'elle a conclu qu'une formation officielle était nécessaire. La formation officielle peut être donnée par l'employeur, mais elle est différente de l'expérience de travail. De plus, je ne crois pas que l'allusion qu'elle a faite à la CNP a pour effet d'intégrer à la CCDP des exigences plus strictes que celles qui existent vraiment. L'agente des visas a mentionné la CNP à des fins de comparaison et non comme source de référence remplaçant la CCDP.



[9]          L'avocate du requérant fait valoir que l'agente des visas n'a pas procédé à une évaluation équitable et approfondie de la demande de M. Gill, comme elle devait le faire selon des décisions semblables à celles qui ont été rendues dans les affaires Fung c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 236 (C.F. 1re inst.), et Fong c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), précitée. Toutefois, il appert du dossier que l'agente des visas a procédé au type d'évaluation correspondant à la description faite dans les arrêts Fung et Fong. Elle ne s'est pas limitée au titre du poste du requérant; elle a évalué les tâches qu'il accomplissait et a jugé qu'elles étaient insuffisantes pour permettre de conclure qu'il était mécanicien de moteurs diesel.



[10]          L'agente des visas a conclu que le travail du requérant consistait à défaire les moteurs et à les remonter une fois que les pièces concernées avaient été réparées ailleurs. Elle a souligné qu'il lui avait dit que le travail n'était pas difficile et qu'il travaillait uniquement sur les tracteurs. Dans l'affidavit qu'il a produit dans la présente demande de contrôle judiciaire, le requérant fait valoir qu'il est chargé de diagnostiquer les problèmes que comporte un moteur avant de le démonter. Il ajoute avoir mentionné cette tâche à l'agente des visas. Ce type de travail n'est nullement mentionné ailleurs, sauf dans l'affidavit préparé pour la présente demande de contrôle judiciaire.



[11]          Selon l'avocate, le requérant accomplissait toutes les tâches d'un mécanicien de moteurs diesel qui sont décrites dans la CCDP, sauf une. Il ne s'occupe pas d'usiner les pièces. De l'avis de l'avocate, il appert nettement de la jurisprudence qu'une partie requérante n'est pas tenue d'accomplir toutes les tâches décrites dans une description de poste de la CCDP, mais seulement une majorité de celles-ci. L'avocate allègue que l'agente des visas a commis une erreur lorsqu'elle a invoqué, au soutien de sa décision de refuser la demande, le fait que l'expérience de travail acquise par le requérant [TRADUCTION] « n'englobait pas la gamme complète de fonctions » .



[12]          Toutefois, la description des fonctions d'un mécanicien de moteurs diesel qui figure dans la CCDP n'a pas été déposée en preuve, que ce soit par le requérant ou l'intimé. La description de tâches que le requérant m'a citée est une description générale applicable à une large catégorie d'occupations : [TRADUCTION] « Mécanicien et réparateur de machinerie agricole industrielle et d'équipement de construction » . Il n'est pas utile d'utiliser la description visant à couvrir tous ces postes comme norme au regard de laquelle l'évaluation faite par l'agente des visas doit être comparée. De plus, les questions de savoir si la gamme complète de fonctions énoncées dans une description de poste doivent avoir été accomplies et si quelques-unes sont plus importantes que d'autres dépendront de la description des fonctions en question. Tel qu'il est mentionné, le requérant n'a pas présenté à la Cour la description de la CCDP correspondant à un mécanicien de moteurs diesel (8584-382) ou à un aide-mécanicien de moteurs diesel (8584-386).



[13]          Tel qu'il est souligné plus haut, aucun document comportant une description des tâches du requérant n'a été présenté. Peu d'éléments de preuve permettent de dire que le requérant travaillait comme mécanicien de moteurs diesel, si ce n'est la déclaration qu'il a faite verbalement. L'agente des visas lui a demandé s'il pouvait fournir des documents indiquant qu'il est mécanicien de moteurs diesel. Il n'avait pas ces documents en main et n'a pas proposé d'en produire. L'agente des visas s'exprime comme suit dans son affidavit :

     [TRADUCTION]
     19.      J'ai demandé au requérant ce qu'il fait comme travail à l'atelier. Il a répondu que l'entreprise répare des moteurs et qu'il travaille uniquement sur les tracteurs. Il monte et démonte les moteurs. Il a expliqué comment il retirait les écrous et la culasse de cylindre à l'aide d'une clé à douille. Après avoir débloqué les bielles, il retire le piston de la culasse de cylindre. Les pièces sont ensuite envoyées à différents ateliers pour y être réparées. Une fois que les pièces ont été réparées, il les reprend et monte le moteur. Lorsqu'il s'est fait demander quels sont les outils qu'il utilise, il a répondu qu'il emploie une clé à douille, des tournevis et différents types d'instruments calibrés.
         . . .
     25.      Le requérant a dit qu'il démontait les moteurs et qu'il les remontait une fois que les pièces avaient été réparées à d'autres ateliers. Un mécanicien de moteurs diesel ayant les qualités requises selon la CCDP et la CNP aurait dû être en mesure d'effectuer la gamme complète de réparations.
     26.      J'en suis arrivée à la conclusion que le requérant n'avait pas les qualités et l'expérience de travail nécessaires pour travailler comme mécanicien de moteurs diesel au Canada. Étant donné qu'il n'a pas suivi de formation et qu'il ne possède qu'un seul document comme preuve de son expérience, il serait incapable de se trouver un emploi dans ce domaine. Il accomplissait uniquement un nombre restreint de tâches qui seraient attendues d'un mécanicien de moteurs diesel.
         . . .


[14]          Le requérant ne m'a pas convaincue que la décision de l'agente des visas comporte une erreur justifiant l'annulation de cette décision.



[15]          Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande sera rejetée.



     B. Reed

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 9 juin 2000


Traduction certifiée conforme


___________________________

Martine Brunet, LL.B

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  IMM-2449-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :          GURDAN SINGH GILL

                             c.

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              6 juin 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :      Madame le juge Reed

EN DATE DU :                  9 juin 2000


ONT COMPARU :

Me Chantal Desloges                      POUR LE REQUÉRANT

Me Neeta Logsetty                      POUR L'INTIMÉ


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel

Toronto (Ontario)                      POUR LE REQUÉRANT

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              POUR L'INTIMÉ

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.