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     T-1392-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 JUIN 1997

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     LORRAINE KOZUB et RON McKAGUE,

     intimés.

    

ORDONNANCE

     La décision du Comité d'appel datée du 9 mai 1996, relativement à l'appel no 96-NAR-0204J, est infirmée et l'affaire est déférée audit Comité pour nouvelle décision, au motif que les nominations de MM. Bruce Bergman et David Lee ont été faites à partir de la liste d'admissibilité établie à la suite du concours no 94-CAE-CC-WPG-355.

     " P. ROULEAU "

                                                                                  JUGE

Traduction certifiée conforme :         
                         F. Blais, LL.L.

     T-1392-96

ENTRE :

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     requérant,

     - et -

     LORRAINE KOZUB et RON McKAGUE,

     intimés.

    

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

     Il est question en l'espèce d'un avis de requête introductif d'instance, présenté en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, en vue de soumettre à un contrôle judiciaire et de faire annuler une décision, datée du 9 mai 1996, d'un Comité d'appel formé sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et présidé par Mme Joan Stewart. Cette décision faisait droit aux appels des intimés, en exécution de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et décrétait que le ministère du Revenu national avait récemment nommé MM. Bruce Bergman et David Lee à des postes au sein du ministère, sans tenir de concours, en janvier 1996.

     Les faits de l'affaire sont assez complexes et il est nécessaire de les exposer en détail pour comprendre les questions juridiques qui sont en cause. En juillet 1994, à la suite d'un concours, le ministère du Revenu national a dressé une liste d'admissibilité à des postes d'enquêteur, Services fiscaux, au niveau AU-02, au sein de la Section des enquêtes spéciales (" SES ") du Bureau des services fiscaux de Winnipeg. MM. Ray Desorcy, David Lee, Bruce Bergman et Bill Hartman sont les employés qui figuraient sur la liste des admissibles, et ils avaient été choisis dans cet ordre au mérite. La liste en question est entrée en vigueur le 18 juillet 1994, et est demeurée valide jusqu'au 18 janvier 1996. Mme Kozub, intimée en l'espèce, ne s'est pas inscrite au concours; le second intimé, M. McKague, s'est inscrit, mais ne remplissait pas les conditions requises.

     M. David Slack, un candidat non retenu au concours, a interjeté appel des choix effectués à la suite du concours. Ni l'un ni l'autre des intimés n'a interjeté appel. En attendant l'issue de l'appel, le ministère a nommé provisoirement MM. Bergman et Lee aux postes de la SES, au niveau AU-02, soit du mois d'août 1994 au mois de septembre 1995. Le 10 juillet 1995, un Comité d'appel présidé par Mme Joan Stewart a rejeté l'appel de M. Slack.

     Dans des lettres datées du 25 août 1995, le ministère a offert à MM. Bergman et Lee une nomination d'une durée indéterminée au poste d'enquêteur, niveau AU-02, au sein de la Section des enquêtes spéciales. Les offres précisaient que les nominations entreraient en vigueur le 5 septembre 1996. Le 1er septembre 1995, MM. Bergman et Lee ont accepté les offres du ministère. À la même date, avant l'entrée en vigueur des nominations, le ministère a offert à MM. Bergman et Lee, qui ont accepté l'offre en question, d'être mutés à des postes de vérificateur principal, au niveau AU-02 là aussi, au sein de la Section de la vérification du ministère, à compter du 5 septembre 1995.

     L'intimée, Mme Kozub, a déposé une plainte auprès de la Commission de la fonction publique au sujet des mutations. Par une décision datée du 9 janvier 1996, rendue à la suite d'une enquête menée en exécution du paragraphe 34.4(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, l'enquêteur chargé d'examiner les mutations a conclu que ces dernières n'étaient pas valables, car elles avaient été faites avant l'entrée en vigueur des nominations. Le 18 janvier 1996, le ministère révoquait les mutations et informaient MM. Bergman et Lee qu'ils réintégreraient leurs postes d'attache à titre d'enquêteur, au niveau AU-02, au sein d ela SES. Le même jour, le ministère envoyait une lettre à MM. Bergman et Lee pour les informer que l'offre, l'acceptation et toutes les autres conditions contenues dans la lettre d'offre du 25 août 1996 demeuraient inchangées.

     Les intimés ont exprimé l'avis que le retour de MM. Bergman et Lee au poste d'enquêteur spécial, niveau AU-02, Section des enquêtes spéciales, constituait une nouvelle nomination faite sans concours, et ils ont interjeté appel des nominations alléguées en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

     Par une décision datée du 9 mai 1996, la présidente du Comité d'appel a décrété qu'elle avait compétence pour entendre les appels, et a conclu que l'appel antérieur de M. Slack et le fait qu'elle avait rejeté cet appel en juillet 1995 n'avaient rien à voir avec sa décision au sujet de l'appel des intimés. La décision indique ce qui suit aux pages 20 et 22 :

     [TRADUCTION]

     [...] l'appel, et le fait que je l'ai rejeté, n'ont rien à voir avec mes décisions. M. Slack avait le droit légal de faire appel s'il croyait que l'issue du concours n'était pas conforme au principe du mérite. Nul ne peut dire avec une certitude absolue qu'un comité d'appel différent n'aurait peut-être pas été d'accord avec lui et aurait fait droit à son appel. Le droit d'appel fait partie intégrante de notre régime de dotation en personnel. En droit, il existe non pas en tant qu'avantage pour un candidat non retenu, mais plutôt comme un moyen de protection qui permet de s'assurer que les nominations respectent bel et bien le principe du mérite. C'est également le cas en l'espèce. Les appelants croient qu'à moins que le ministère ne prenne en considération leurs qualités avant de procéder aux nominations, on ne peut considérer avec confiance que ces dernières satisfont au principe du mérite. C'est ainsi qu'est conçu le régime de dotation en personnel de notre fonction publique.         

     ...

     En résumé, j'ai conclu que le ministère avait nouvellement nommé MM. Bergman et Lee en janvier 1996. J'ai donc compétence pour trancher les appels. Étant donné que le ministère n'a pas comparé les qualités des employés choisis et des appelants, il n'y a aucune façon de savoir si les nominations étaient conformes au principe du mérite. J'ai donc fait droit aux appels de Mme Lorraine Kozub et de M. Ron McKague.         

     Le Procureur général interjette maintenant appel de cette décision au motif que le Comité d'appel n'avait pas compétence pour les entendre.

     Je suis d'accord. Il ressort clairement de la preuve que MM. Bergman et Lee ont été nommés au poste d'enquêteur spécial, Section des enquêtes spéciales, au niveau AU-02, en septembre 2995. Comme l'a admis la présidente du Comité d'appel : [TRADUCTION] " Je n'ai aucun doute que... le ministère aurait procédé aux nominations en 1994 s'il n'y avait pas eu d'appel ". En fait, tout le processus décrit ci-dessus dénote que le ministère avait toujours eu l'intention de procéder aux nominations contestées. Un concours a été tenu en 1994, une liste d'admissibilité a été dressée, un appel, ne mettant en cause ni l'un ni l'autre des intimés, a été interjeté et rejeté, et des lettres de nomination ont été envoyées. Lors du processus d'appel, MM. Bergman et Lee ont été nommés provisoirement, par prudence, aux postes de la SES.

     À mon avis, le Comité d'appel a accordé une trop grande importance à la conclusion de l'enquêteur chargé d'examiner les mutations, conclusion selon laquelle les nominations aux postes de niveau AU-02 au sein de la Section des enquêtes spéciales ne semblaient pas avoir eu lieu. Même si l'on accepte que les mutations de MM. Bergmen et Lee étaient peut-être irrégulières, il ne peut s'ensuivre - et il ne s'ensuit pas - qu'une telle conclusion vicie leur nomination aux postes au sein de la SES. Une " nomination " et une " mutation " sont deux notions distinctes selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et les deux font l'objet de règles et de recours différents.

     Par ailleurs, même si l'on présumait que le Comité d'appel avait conclu avec raison que les nominations de MM. Bergmen et Lee avaient eu lieu en janvier 1996, celles-ci étaient néanmoins valables puisqu'elles avaient été faites, contrairement à la conclusion du Comité, à un moment où la liste d'admissibilité était encore valable. Le Comité d'appel a donc conclu à tort que les nominations avaient eu lieu sans concours. Au contraire, elles ont été faites sur la foi d'une liste d'admissibilité dressée à la suite du concours tenu en 1994, et dont le Comité d'appel a confirmé la validité en juillet 1995.

     Je suis donc convaincu que le Comité d'appel n'avait pas compétence pour entendre les appels des intimés. Les nominations de MM. Bergman et Lee, qu'elles aient eu lieu en septembre 1995 ou en janvier 1996, découlent néanmoins du concours de 1994, dont la validité a été confirmée dans l'appel de M. Slack. Le Comité d'appel n'avait pas compétence pour réviser ce concours pour cause de mutation irrégulière. Ce résultat est marqué au coin du bon sens. Le ministère avait déjà été l'objet d'un appel contre le concours et d'une enquête sur les mutations. Les intimés, qui n'ont pas interjeté appel du concours tenu en 1994, cherchent en fait une troisième occasion de contester les nominations, et il s'agit là d'un procédé que le régime législatif n'envisage tout simplement pas.

     Par ces motifs, la décision du Comité d'appel datée du 9 mai 1996, relativement à l'appel no 96-NAR-0204J, est infirmée, et l'affaire est déférée audit Comité pour nouvelle décision, au motif que les nominations de MM. Bruce Bergman et David Lee ont été faites à partir de la liste d'admissibilité établie à la suite du concours no 94-CAE-CC-WPG-355.


" P. ROULEAU "

JUGE

OTTAWA (Ontario)

Le 24 juin 1997

Traduction certifiée conforme :         
                         F. Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-1392-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le Procureur général du Canada c.
                         Lorraine Kozub et Ron McKague
LIEU DE L'AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              16 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                  24 JUIN 1997

ONT COMPARU :

Me James Mabbutt, c.r.                  POUR LE REQUÉRANT

Me Jean-Daniel Bélanger

Me Ainslie Benedict                      POUR LES INTIMÉS

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Georges Thomson                  POUR LE REQUÉRANT

Sous-procureur général du Canada

Nelligan Power                      POUR LES INTIMÉS

Ottawa (Ontario)

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