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Date : 20050118

 

Dossier : IMM-752-04

 

Référence : 2005 CF 61

 

Toronto (Ontario), le 18 janvier 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

 

ENTRE :

 

ROSMARY DE LA TRINIDAD RAMIREZ LOPEZ

(alias ROSMERY DE LA T RAMIREZ LOPEZ)

 

                                                                                                                                    demanderesse

 

                                                                             et

 

 

 

                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

                               MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               En l’espèce, la demanderesse, une citoyenne du Costa Rica, demande l’asile en raison de la persécution fondée sur le sexe au Costa Rica.

 


[2]               Dans son FRP, la demanderesse, laquelle est une jeune femme, relate une histoire détaillée de violence extrême perpétrée contre elle par son « ancien petit ami » qui a 20 ans de plus qu’elle et qui est membre de la police d’enquête judiciaire du Costa Rica. Le témoignage de la demanderesse a été jugé crédible par la CISR. Il est important de comprendre clairement le degré de violence subie par la demanderesse lorsque l’on décide si la CISR a commis une erreur susceptible de révision en rejetant la demande présentée par la demanderesse. La demanderesse a été confrontée à la situation suivante :

[Traduction]

 

 

Sigifredo a commencé à arriver à la maison ivre, tard le soir. Il m’obligeait alors à avoir des relations sexuelles avec lui. J’ai toléré cela parce que je croyais que c’était mon devoir en tant qu’épouse d’avoir des relations sexuelles avec lui, même si je ne le désirais pas.

 

 

Sigifredo est devenu de plus en plus jaloux et il venait me chercher à mon travail parce qu’il craignait que j’aille ailleurs avec mes amis.

 

 

Le 16 août 2001, Sigifredo est arrivé ivre à la maison et m’a dit qu’il voulait faire l’amour avec moi, mais il a toutefois affirmé qu’il désirait quelque chose de plus spécial et qu’il voulait faire venir une prostituée pour que nous puissions faire l’amour à trois. Je lui ai dit que je n’accepterais aucun de ses sales trucs et que j’allais le quitter. Sigifredo est devenu furieux et m’a dit que si je croyais que j’étais mieux que lui, il m’a prise par les cheveux et m’a tirée jusque dans la chambre à coucher, puis il a commencé à arracher mes vêtements et m’a ensuite violée. J’ai tenté de me défendre cette­ fois, mais il m’a maîtrisée. Après qu’il eut terminé, il a quitté la maison et m’a dit qu’il s’en allait à l’extérieur pour être avec une vraie femme qui était contente d’être avec lui.

 

 

Le jour suivant, tôt le matin, je suis allée voir ma médecin de famille, Giovanna Ambrosio, laquelle m’a fourni de l’assistance médicale. Après avoir vu la médecin, je me suis rendue directement à la police (Guardia Rural de Tibas) et j’ai dit tout ce Sigifredo m’avait fait à l’agent de police qui m’a répondu. Après m’avoir écoutée, l’agent de police m’a dit que j’étais folle si je voulais qu’ils arrêtent un agent de la police d’enquête judiciaire, le policier m’a dit que je ferais mieux d’embaucher un avocat afin qu’il me conseille sur les solutions qui s’offraient à moi. Après que j’eus quitté le commissariat de police, je me suis sentie en danger et sans protection et je me suis rendue directement chez ma mère et je lui ai raconté tout ce qui m’arrivait, notamment ce que le policier m’avait dit.

 

 

Ma mère a recommandé que je suive les conseils du policier et, le même jour, nous sommes allées voir un avocat du nom de Carlos Azofeifa. L’avocat m’a dit qu’il était difficile d’intenter un recours judiciaire contre un membre de la police d’enquête judiciaire et que je ferais mieux de tenter de persuader Sigifredo que nous devrions avoir recours à des services de consultation familiale ou que, si j’avais à ce point peur de lui, je devrais m’en aller dans une autre ville.

 

 


Après avoir vu l’avocat, je me suis rendue chez ma mère. Vers 21 h environ, Sigifredo est arrivé avec deux hommes et, après que ma mère eut ouvert la porte, ils ont fait intrusion à l’intérieur et Sigifredo m’a immédiatement agrippée par le bras. Mon père a tenté de me défendre mais il s’est fait battre par les deux hommes qui accompagnaient Sigifredo, et, à ce moment‑là, j’ai accepté de m’en aller avec Sigifredo parce que je ne voulais pas causer de problèmes à ma famille. J’ai dit à mon père que tout irait bien et que je le contacterais plus tard. J’ai quitté la maison de mes parents avec Sigifredo et ses deux amis et nous sommes allées directement à sa maison. Sigifredo a commencé à boire et à se moquer de ce qui s’était passé chez mes parents.

 

 

Le jour suivant, Sigifredo m’a dit que j’étais sa femme et que je devrais laver mes vêtements sales ainsi que la maison et m’a dit de ne mentionner à personne ce qui se passe dans sa maison. Il m’a également dit qu’on lui avait dit que j’étais allée à la police pour le dénoncer mais il a affirmé qu’il n’était pas en colère parce qu’il craignait d’être arrêté, mais parce que ces policiers le connaissaient et que je l’avais humilié en leur faisant part de nos problèmes. Il m’a dit que si jamais je tentais de le quitter une autre fois, il me ferait du mal ainsi qu’à ma famille.

 

 

Le 30 août 2001, Sigifredo est arrivé à la maison avec ses amis policiers et se sont mis à boire. Ils se sont mis à fumer de la marihuana. Sigifredo m’a ensuite demandé de faire à manger pour ses amis. Environ 30 minutes plus tard, j’ai apporté le repas dans le salon, puis je suis retournée à la cuisine. J’ai alors remarqué que Sigifredo se trouvait derrière moi. Il m’a agrippée par le poignet, puis il m’a tordu le bras vers l’arrière. Il m’a dit que j’étais une salope et qu’il m’avait vue flirter avec ses amis. Il m’a ensuite prise par les cheveux, puis m’a emmenée dans la chambre à coucher où il a commencé à me battre puis à me violer. Il m’a ensuite dit que je devais rester dans la chambre à coucher jusqu’à ce que ses amis aient quitté.

 

 

Le jour suivant, je suis allée voir ma médecin de famille, Giovanni Ambrosio, parce que ma main était bleue et que j’avais beaucoup de mal. La médecin m’a dit que l’un de mes tendons était étiré et elle m’a prescrit des analgésiques et m’a dit de ne pas bouger mon bras.

 

 

Je savais que je ne pouvais pas continuer à vivre dans la même situation et c’est alors que j’ai commencé à planifier ma fuite.

 

 

(Affidavit supplémentaire de la demanderesse, p. 21 à 23)  

 

 

 

[3]               La CISR a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à réfuter la présomption de l’existence d’une protection d’État au Costa Rica. L’essentiel de la décision de la CISR se résume comme suit :

 

À mon avis, nonobstant le fait que la personne redoutée soit un policier, la demandeure a l’obligation de présenter une preuve claire et convaincante ou une confirmation de l’incapacité du Costa Rica à la protéger. J’estime qu’elle ne l’a pas fait, soulignant à cet effet les propos de la Cour d’appel fédérale dans Kadenko quant aux efforts attendus d’une personne qui demande l’asile, soit :

 


 

«  [...] Lorsque l’État en cause est un état démocratique comme en l’espèce, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu’il s’est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Le fardeau de preuve qui incombe au revendicateur est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l’État en cause : plus les institutions de l’État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s’offrent à lui [...] »

 

 

La preuve documentaire indique que le Costa Rica est une démocratie constitutionnelle dotée de systèmes politiques et judiciaires efficaces, certains étant spécifiquement responsables des cas de violence familiale, des droits des femmes violentées et des services qui leur sont offerts. Par conséquent, la présomption de la protection de l’État s’applique à la présente demande. J’estime que la demandeure n’a pas démontré qu’il serait irraisonnable de s’attendre à ce qu’elle déploie davantage d’efforts pour obtenir une protection au Costa Rica, et qu’elle n’a donc pas fourni d’éléments de preuve clairs et convaincants à l’effet qu’elle ne jouit pas d’une protection raisonnable au Costa Rica.

 

 

(Décision, p. 3 et 4)

 

 

 

[4]                Compte tenu de la preuve soumise par la demanderesse à la CISR, il est très difficile de comprendre ce que la demanderesse aurait pu faire de plus pour demander la protection de l’État. Il est évident que le prédateur avec lequel elle vivait jouissait de la protection des autorités. Néanmoins, la CISR a fait valoir que, selon elle, la demanderesse aurait dû faire davantage. 

 

[5]               Selon moi, pour que cette conclusion soit valide, elle doit répondre à la réalité de la situation de la demanderesse. En l’espèce, une jeune femme est la proie d’une figure autoritaire plus âgée; elle va demander de l’aide auprès de l’organisme chargé de l’application de la loi de l’État et cette demande est sommairement rejetée. Affirmer qu’elle aurait dû s’adresser une autre fois à la police ou qu’elle aurait dû s’adresser à un quelconque organisme civil pour obtenir l’application du droit pénal, c’est croire que le résultat aurait pu être différent.  Selon moi, il faudrait que certains éléments de preuve étayent cette conclusion avant que l’on s’attende à ce qu’elle fasse cet effort. 


 

[6]               Par conséquent, je conclus que la CISR était tenue de préciser quelles étaient les mesures pratiques que la demanderesse aurait dû prendre. Étant donné que cela n’a pas été fait, je conclus que la décision est manifestement déraisonnable.

 

 

 

                                       ORDONNANCE

 

Par conséquent, j’annule la décision de la CISR et je renvois l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

 

 

 

Douglas R. Campbell

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 

 


                                      COUR FÉDÉRALE

 

               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                            IMM-752-04

 

 

INTITULÉ :                                                                    ROSEMARY DE LA TRINIDAD RAMIREZ LOPEZ

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE : LE 17 JANVIER 2005

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :          LE JUGE CAMPBELL

 

 

DATE DES MOTIFS :         LE 18 JANVIER 2005

 

 

COMPARUTIONS :           

 

Byron Thomas                         POUR LA DEMANDERESSE

 

Martin Anderson                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :   

 

 

Byron Thomas

Avocat                                    POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.                   

Sous‑procureur général du Canada                 POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE

 

                                                                                Date : 20050118

 

Dossier : IMM-752-02

 

 

ENTRE :

 

 

 

ROSEMARY DE LA TRINIDAD RAMIREZ LOPEZ

 

                      demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                            défendeur

 

 

 

                                                 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

 

                                                 

 

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