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     Date: 19980424

     Dossier: IMM-1902-97

Entre :

     ROBERTO MANUEL OLIVARES VALDES

     MARIA ESTRELLA ARANCIBIA PAEZ

     DAVID OLIVARES ARANCIBIA

     ESTRELLA ANGELI OLIVARES ARANCIBIA

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 10 avril 1997 par la Section du statut de réfugié statuant que les requérants, Roberto Manuel Olivares Valdes, son épouse Maria Estrella Arancibia Paez et leurs deux enfants, David et Estrella Angeli Olivares Arancibia, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      Même en acceptant que les requérants aient pu souffrir "certains épisodes de discrimination de la part d'inspecteurs municipaux ou de carabiniers", la Section du statut a conclu que les requérants n'avaient pas utilisé tous les moyens et les recours disponibles au Chili avant de demander la protection du Canada, faisant ainsi défaut de démontrer l'incapacité de l'État de les protéger, tel que requis par l'arrêt Ward c. Canada (P.-G.), [1993] 2 R.C.S. 689. Dans cet arrêt, le juge LaForest s'exprime ainsi, aux pages 724-726:

         [. . .] En outre, le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d'un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l'encontre de l'objet de la protection internationale.                 
             Comme Hathaway, je préfère formuler cet aspect du critère de crainte de persécution comme suit: l'omission du demandeur de s'adresser à l'État pour obtenir sa protection fera échouer sa revendication seulement dans le cas où la protection de l'État [TRADUCTION] "aurait pu raisonnablement être assurée". En d'autres termes, le demandeur ne sera pas visé par la définition de l'expression "réfugié au sens de la Convention" s'il est objectivement déraisonnable qu'il n'ait pas sollicité la protection de son pays d'origine; autrement, le demandeur n'a pas vraiment à s'adresser à l'État.                 
         [. . .] il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.                 
             [. . .]                 
         [. . .] Une crainte subjective de persécution conjuguée à l'incapacité de l'État de protéger le demandeur engendre la présomption que la crainte est justifiée. Le danger que cette présomption ait une application trop générale est atténué par l'exigence d'une preuve claire et convaincante de l'incapacité d'un État d'assurer la protection. [. . .]                 

[3]      Il importe d'abord de rappeler qu'une conclusion de discrimination plutôt que de persécution relève directement de la compétence de la Section du statut de réfugié. Dans l'affaire Sagharichi c. Canada (M.E.I.) (1993), 182 N.R. 398, le juge Marceau a précisé ce qui suit, à la page 399:

             It is true that the dividing line between persecution and discrimination or harassment is difficult to establish, the more so since, in the refugee law context, it has been found that discrimination may well be seen as amounting to persecution. . . . It remains, however, that in all cases, it is for the Board to draw the conclusion in a particular factual context by proceeding with a careful analysis of the evidence adduced and a proper balancing of the various elements contained therein, and the intervention of this court is not warranted unless the conclusion reached appears to be capricious or unreasonable.                 

[4]      De plus, il est habituellement loisible à la Section du statut de réfugié d'accorder plus de poids à la preuve documentaire qu'au témoignage d'un requérant. C'est ce qu'a confirmé la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge Linden, dans M.E.I. c. Zhou (18 juillet 1994), A-492-91:

             We are not persuaded that the Refugee Division made any error that would warrant our interference. The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely. The other matters raised are also without merit. The appeal will be dismissed.                 

[5]      Au même effet, Monsieur le juge Noël, de cette Cour, a rendu deux décisions, dans Victorov c. M.C.I. (14 juin 1995), IMM-5170-94, et Andrade et al. c. M.C.I. (5 mai 1997), IMM-2361-96. Dans Victorov, la Cour a noté ce qui suit:

             Je rejette aussi la prétention des requérants qui reprochent au tribunal de ne pas les avoir confrontés avec la preuve documentaire qui a servi à atténuer leur crédibilité. Les documents retenus par le tribunal étaient inclus parmi ceux qui furent soumis par l'agent d'audition au début de l'audition et étaient énumérés dans l'index du cartable sur l'État d'Israël reçu par les requérants avant l'audition. Les requérants ont présenté leur propre preuve documentaire. Le tribunal était en droit de puiser à même cette preuve celle qui, à son point de vue, se conjuguait le mieux avec la réalité. C'est ce qu'il a fait.                 

[6]      Dans Andrade, où les requérants sont tous deux citoyens du Chili, Monsieur le juge Noël a écrit:

             Les Requérants ne mettent pas en question les faits tels qu'ils furent relatés par le tribunal. Il lui reproche cependant d'avoir mis de côté leur revendication à la seule lumière de la preuve documentaire. Selon les Requérants, le tribunal se devait d'accepter le témoignage non-contredit du Requérant principal.                 
             Je ne suis pas de cet avis. La décision du tribunal n'est pas fonction exclusive de la preuve documentaire. Ce sont les événements relatés par le Requérant principal qui, lorsque considérés à la lumière de cette preuve documentaire, ont poussé le tribunal à conclure à l'invraisemblance de son histoire. Après avoir considéré le témoignage du Requérant principal, j'en conclus que le tribunal était en droit de tirer cette conclusion.                 
             Les Requérants reprochent aussi au tribunal d'avoir ignoré la preuve documentaire susceptible de confirmer les événements qu'ils disent avoir vécus. Je suis plutôt d'avis que le tribunal a répondu à l'invitation qui lui fut faite par l'agent chargé de la vérification d'évaluer la logique du récit du revendicateur principal à la lumière des conditions que laissent entrevoir la prépondérance de la preuve documentaire. Rien ne laisse croire que ce faisant, le tribunal n'a pas porté une oreille attentive à toute la preuve qui était devant lui.                 

[7]      En l'espèce, je suis d'avis que les requérants ne se sont pas déchargés de leur fardeau de démontrer que les inférences tirées par le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut ne pouvaient pas raisonnablement l'être (voir Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315). Il appert de toute la preuve, incluant la transcription relative à l'audition devant le tribunal, que ce dernier a fondé sa décision sur d'importants éléments de preuve au dossier et qu'il pouvait donc raisonnablement conclure comme il l'a fait.

[8]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je ne vois pas ici matière à certification.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 avril 1998


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