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Date : 19981014


Dossier : T-935-98

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE MULDOON

ENTRE :

     B.B. BARGOON'S (1996) CORP.,

     demanderesse,

     et

     744776 ONTARIO INC. et

     DIANNE SMITH,

     défenderesses.

     ORDONNANCE

     VU la requête en date du 6 juillet 1998 dans laquelle les défenderesses ont demandé

         1.      une ordonnance radiant les paragraphes 3, 10, 11, 24, 25 et 26 de la déclaration modifiée et ordonnant à Dianne Smith de cesser d'être partie à l'action;         
         2.      subsidiairement, une ordonnance enjoignant à la demanderesse de signifier et de déposer des précisions au sujet des allégations énoncées aux paragraphes 3, 10, 11, 24, 25 et 26 de la déclaration modifiée, notamment quant aux principaux faits établissant la responsabilité personnelle de la défenderesse Dianne Smith, dans les dix jours de l'ordonnance;         
         3.      une ordonnance enjoignant à la demanderesse de signifier une copie de l'entente de règlement à l'amiable que Dianne Smith aurait signée à titre personnel et au nom de la société défenderesse au début de l'année 1995;         
         4.      une ordonnance prorogeant le délai à l'intérieur duquel les défenderesses doivent signifier et déposer une défense jusqu'à l'expiration de sept jours suivant la décision relative à la requête ou la signification de la déclaration modifiée ou des précisions, selon le cas.         
         5.      les frais de la requête.         

     *** *** ***

laquelle requête a été entendue à Toronto en présence de l'avocat de chaque partie;

     APRÈS avoir différé sa décision, la Cour statue comme suit :

les demandes formulées aux paragraphes 1 et 2 qui précèdent sont rejetées;

la demanderesse est dispensée de se conformer à la demande exprimée au paragraphe 3 qui précède, parce que les défenderesses l'ont retirée;

les défenderesses sont tenues de déposer leur défense, le cas échéant, dans les sept jours juridiques suivant la date de la présente ordonnance, faute de quoi elles risquent d'être condamnées par défaut;

les défenderesses sont tenues de payer à la demanderesse un montant de 600 $ au titre des frais de la présente requête datée du 6 juillet 1998, y compris les débours, quelle que soit l'issue de la cause.

                             F.C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19981014


Dossier : T-935-98

ENTRE :

     B.B. BARGOON'S (1996) CORP.,

     demanderesse,

     et

     744776 ONTARIO INC. et

     DIANNE SMITH,

     défenderesses.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      Dans leur requête, les défenderesses demandent :

         1.      une ordonnance radiant les paragraphes 3, 10, 11, 24, 25 et 26 de la déclaration modifiée et ordonnant à Dianne Smith de cesser d'être partie à l'action;         
         2.      subsidiairement, une ordonnance enjoignant à la demanderesse de signifier et de déposer des précisions au sujet des allégations énoncées aux paragraphes 3, 10, 11, 24, 25 et 26 de la déclaration modifiée, notamment quant aux principaux faits établissant la responsabilité personnelle de la défenderesse Dianne Smith, dans les dix jours de l'ordonnance;         
         3.      une ordonnance enjoignant à la demanderesse de signifier une copie de l'entente de règlement à l'amiable que Dianne Smith aurait signée à titre personnel et au nom de la société défenderesse au début de l'année 1995;         
         4.      une ordonnance prorogeant le délai à l'intérieur duquel les défenderesses doivent signifier et déposer une défense jusqu'à l'expiration de sept jours suivant la décision relative à la requête ou la signification de la déclaration modifiée ou des précisions, selon le cas.         
         5.      les frais de la requête.         

Les défenderesses invoquent les alinéas 104(1)a) et 221(1)a) des Règles de 1998, qui autorisent ce type de requête.

[2]      La requête des défenderesses est appuyée par l'affidavit de Mark L. Robbins fait sous serment le 3 juillet 1998. M. Robins exerce le droit depuis février 1994 [sic] [TRADUCTION] " principalement dans le domaine des marques de commerce et des litiges s'y rapportant " et est membre du bureau d'avocats dont les défenderesses ont retenu les services. Il jure qu'il ne croit pas, compte tenu de son " expérience ", que les paragraphes susmentionnés de la déclaration modifiée relatent des faits importants établissant la responsabilité personnelle de la défenderesse Dianne Smith. Le déposant n'était pas tenu d'invoquer son " expérience " à ce sujet, même s'il exerce le droit depuis 1974 [sic ] ou même avant, étant donné surtout qu'il ne formule aucune allégation professionnelle directe, mais se fonde sur sa " conviction ", qui n'est guère pertinente : en réalité, la conviction du déposant est erronée et une lecture des paragraphes attaqués de la déclaration modifiée permet de mieux comprendre cette conclusion :

     [TRADUCTION]         
     3.      La défenderesse Dianne Smith est une femme d'affaires de l'Ontario qui est, directement ou indirectement, un mandant, un actionnaire et l'âme dirigeante de la défenderesse 744776 Ontario Inc.         
     10.      Vers le 14 juin 1989, la défenderesse Dianne Smith a conclu à titre personnel une entente de franchise au sujet des biens de B.B. Bargoon's avec B.B. Bargoon's ou ses prédécesseurs en signant l'accord daté du 14 juin 1989 avec B.B. Bargoon's Franchising Inc. (société liée à B.B. Bargoon's ou aux prédécesseurs de celle-ci) relativement à la marque de commerce B.B. Bargoon's (" l'entente "). Cette entente portait spécifiquement sur les marques de commerce; plus précisément, l'article 13 concernait le titre de propriété afférent à la marque de commerce B.B. BARGOON'S ainsi que la validité et l'opposabilité de ladite marque de commerce. La défenderesse Dianne Smith a fait affaires, directement ou indirectement, par l'entremise de la société défenderesse 744776 Ontario Inc., sous le nom de B.B. Bargoon's Property aux termes d'une licence jusqu'en 1995, conformément à cette entente. Les défenderesses savent jusqu'à quel point l'entreprise a été exploitée directement par la défenderesse Dianne Smith ou indirectement ou directement par la société 744776 Ontario Inc. B.B. Bargoon's ou son prédécesseur a autorisé cette licence et est au courant du mode d'exploitation de l'entreprise des défenderesses. Dans le seul but de régler la résiliation de ce lien de franchise et d'accorder aux défenderesses une période de transition, B.B. Bargoon's ou son prédécesseur et les deux défenderesses ont conclu, au début de 1995, une entente (l'" accord de règlement à l'amiable ") accordant aux deux défenderesses ou à la défenderesse 744776 Ontario Inc. une autorisation exclusive quant à l'utilisation du nom et de la marque de commerce B.B. BARGOON'S à Barrie pour la période se terminant le 31 mai 1997. Les deux défenderesses devaient ensuite cesser d'utiliser le nom et la marque de commerce B.B. Bargoon's même si elles pouvaient, à leur gré, utiliser le nom " B.B.'s " ou " B.B.'s of ____________ " à Barrie du 1er juin 1997 au 30 septembre 1999. Tout droit que l'une ou l'autre des défenderesses possédait quant à l'utilisation des biens de B.B. Bargoon's a pris fin le 31 mai 1997.         
     11.      Les défenderesses ont exploité leur entreprise sous licence en utilisant le nom et la marque de commerce B.B. Bargoon's à l'intérieur de la région de Barrie, conformément aux accords mentionnés au paragraphe 10 qui précède. Plutôt que de cesser cette utilisation en mai 1997, les défenderesses, conjointement ou séparément, ont continué à employer le nom et la marque de commerce B.B. Bargoon's, ce qui crée de la confusion sur le marché et nuit à B.B. Bargoon's.         
     24.      En qualité de dirigeante, d'administratrice et d'âme dirigeante de la société défenderesse, la défenderesse Dianne Smith a personnellement autorisé et ordonné tous les actes décrits ci-dessus qui sont reprochés à la société défenderesse. Elle a agi de cette façon après avoir signé l'entente et conclu l'accord de règlement à l'amiable, alors qu'elle savait que les biens de B.B. Bargoon's ne lui appartenaient pas ni à elle ni à la société défenderesse 744776 Ontario Inc. et que ni l'une ni l'autre ne pouvaient utiliser les biens de B.B. Bargoon's (sauf aux termes d'une licence).         
     25.      B.B. Bargoon's déclare que la défenderesse Dianne Smith a donc, sciemment et sans apparence de droit, incité la société défenderesse à se conduire de façon à transgresser les droits de B.B. Bargoon's sur les biens de celle-ci. La défenderesse Dianne Smith s'est comportée de cette façon dans le but d'obtenir des avantages au détriment de B.B. Bargoon's et des titulaires de licence autorisés de celle-ci. La défenderesse Dianne Smith tente d'utiliser la société défenderesse pour se protéger de la responsabilité découlant des actes illégaux et des contrefaçons allégués aux présentes.         
     26.      En raison de sa conduite décrite ci-dessus, la défenderesse Dianne Smith a incité la société défenderesse 744776 Ontario Inc. à commettre les actes reprochés aux présentes.         

[3]      La demanderesse aurait pu rédiger ses allégations de façon plus élégante et plus correcte sur le plan grammatical; néanmoins, ces allégations indiquent clairement les principaux faits sur lesquels elle se fonde et pourraient, en l'absence de défense, établir la responsabilité personnelle de Dianne Smith. Effectivement, en réponse à l'ordonnance du 15 juin par laquelle le présent juge a autorisé la demanderesse à modifier sa déclaration afin de répondre aux demandes de la défenderesse, il serait permis de dire que le paragraphe 24 va un peu loin, puisqu'il concerne des éléments de preuve non liés aux faits pertinents. Le paragraphe 24 ne doit pas être radié pour cette raison, car il n'est pas visé par les objections des défenderesses.

[4]      Ce qui lie Dianne Smith aux allégations de responsabilité personnelle de la demanderesse, c'est le fait qu'elle aurait participé à la négociation de la résiliation de la licence qui autorisait les défenderesses à utiliser la marque de la demanderesse et qu'elle aurait signé cet accord. C'est ce facteur qui permet de distinguer la présente affaire de l'arrêt Painblanc c. Kastner (1994), 58 C.P.R. (3d) 502 (C.A.F.).

[5]      Il convient ici de souligner la décision que Madame le juge Proudfoot, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a rendue et que la Cour d'appel a confirmée à l'unanimité sans la commenter dans l'affaire Visa International Service Association v. Visa Motel Corporation (1985), 1 C.P.R. (3d) 109, p. 119. Les critères que Madame le juge Proudfoot a appliqués pour conclure à la responsabilité des deux administrateurs et dirigeants de la société défenderesse en matière de contrefaçon de marque de commerce et de substitution illustrent la conclusion que la Cour a tirée en l'espèce et selon laquelle les paragraphes contestés de la déclaration modifiée ne devraient pas être radiés. Citant 29 Hals., 3e éd., p. 90, paragraphe 192, et le jugement que la Cour d'appel fédérale a rendu dans l'affaire Mentmore Mfg. Co. Ltd. et al. c. Nat'l Merchandising Mfg. Co. Inc. et al. (1978), 40 C.P.R. (2nd) 164, p. 173-174, 89 D.L.R. (3d) 195 et 22 N.R. 161, Madame le juge Proudfoot a reconnu les deux administrateurs personnellement responsables dans les circonstances de l'affaire dont elle était saisie.

[6]      Bien entendu, il ne convient pas maintenant de rendre une décision sur le fond, puisqu'il s'agit en l'espèce d'une procédure interlocutoire. Toutefois, le moment est venu pour les défenderesses de déposer leur défense, que ce soit conjointement ou séparément. Plus précisément, la déclaration modifiée énonce suffisamment de faits pertinents pour permettre à Dianne Smith d'admettre ou de nier sa responsabilité. Si elle nie, elle aura la possibilité d'interroger au préalable le dirigeant de la demanderesse pour connaître avec précision les éléments de preuve que celle-ci a accumulés contre elle.

[7]      Compte tenu de la conclusion susmentionnée, la demanderesse a donc en mains ou peut obtenir par un interrogatoire préalable toutes les précisions recherchées dans sa demande de précisions datée du 30 juin 1998, qui se trouve à l'onglet 2A de son dossier de la requête. Il est évident qu'en alléguant que Dianne Smith était en tout temps pertinent l'" âme dirigeante " de la société défenderesse, la demanderesse soutient par le fait même que cette personne a elle-même autorisé, provoqué ou ordonné toutes les contrefaçons de marque de commerce et substitutions reprochées aux défenderesses dans la déclaration modifiée. Cette demande devrait être rejetée.

[8]      De plus, comme l'indique le dossier de la requête de la demanderesse, celle-ci a déjà répondu à une demande de précisions des défenderesses, qui continuent quand même à demander des précisions. Elles doivent désormais répondre aux allégations de la déclaration ou admettre leur responsabilité.

[9]      En ce qui a trait à la demande de production d'une copie de l'" accord de règlement à l'amiable ", l'avocat des défenderesses a fait savoir à la Cour à l'audience qu'il ne réitérait pas cette demande. Par conséquent, cette partie de la requête des défenderesses a été tranchée à l'audience.

[10]      Les conclusions susmentionnées constituent une décision définitive à l'égard de la requête des défenderesses en date du 6 juillet 1998, sauf en ce qui a trait au délai relatif à la production d'une défense, le cas échéant. Les défenderesses disposent d'un délai de sept jours juridiques suivant l'ordonnance rendue en l'espèce pour produire une défense.

[11]      La requête des défenderesses est rejetée presque en entier et le délai qui leur est accordé aux présentes a été rendu nécessaire en raison des requêtes et avis qu'elles ont elles-mêmes déposés. Les défenderesses devraient payer les frais, qui sont fixés par les présentes au montant de 600 $, y compris les débours, quelle que soit l'issue de la cause.

[12]      Aucun appel n'ayant été interjeté à l'égard de l'ordonnance du présent juge en date du 15 juin 1998, les motifs attendus en plus des motifs exprimés verbalement à l'audience précédente sont intégrés aux présentes.

                             F.C. Muldoon

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 14 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  T-935-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          B.B. Bargoon's (1996) Corp. c. 744776 Ontario Inc. et Dianne Smith
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              27 juillet 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

EN DATE DU :                  14 octobre 1998

ONT COMPARU :

Me Colleen Spring Zimmerman                  POUR LA DEMANDERESSE
Me Jonathan G. Columbo                      POUR LES DÉFENDERESSES

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Campbell Godfrey                      POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Bereskin & Parr                          POUR LES DÉFENDERESSES

Toronto (Ontario)

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