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     Date: 19990812

     Dossier: IMM-4090-98

Entre :

     ALEXANDER MISHAK

     JEAN MISHAK

     TATYANA MISHAK

     ALEXANDER KOVALIOV

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE

     Partie défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 8 juillet 1998 par la Section du statut de réfugié statuant que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

[2]      Alexander Mishak, son épouse, Tatyana Mishak et leur enfant, Jean Mishak, sont citoyens d'Israël. L'enfant Alexander Kovaliov est le fils de la requérante Tatyana Mishak et est né en Ukraine, d'un premier mariage de cette dernière. Les problèmes invoqués par les demandeurs, devant la Section du statut, sont tous reliés au statut de l'enfant Alexander qui, selon eux, serait apatride. Il importe de reproduire la conclusion de la Section du statut, telle qu'énoncée dans sa décision:

             En considérant l'ensemble de la preuve déposée au dossier, nous croyons que les revendicateurs ne se sont pas déchargés du fardeau de la preuve pour nous démontrer d'une façon claire et convaincante de l'incapacité de l'État d'Israël de les protéger [Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689] et qu'il n'y aurait une possibilité raisonnable [Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'immigration), [1989] 2 C.F. 680] qu'ils seraient victimes de persécution s'ils devaient retourner en Israël.                 
             L'impossibilité pour le moment d'adopter l'enfant Alexander par monsieur Alexander Mishak n'est pas un motif de persécution, à la lumière de la définition de "réfugié au sens de la Convention".                 
             En conséquence, la Section du statut déclare que monsieur Alexander MISHAK, les enfants, Jean MISHAK et Alexander KOVALIOV, ainsi que son épouse, Tatyana MISHAK, ne sont pas des "réfugiés au sens de la Convention", tel que défini à l'article 2(1) de la Loi sur l'immigration.                 

[3]      La seule question en litige soulevée par les demandeurs dans leur mémoire écrit se lit comme suit:

             La Section du Statut a-t-elle rendu une décision fondée sur des conclusions de fait et de droit erronées en considérant :                 
             QUE le demandeur Alexander Kovaliov n'est pas un apatride ?                 

[4]      Or, même en supposant, sans le décider, que l'enfant Alexander Kovaliov est apatride, cela ne suffirait pas en soi pour permettre à cette Cour de conclure que chacun des demandeurs a une crainte bien fondée de persécution en Israël ou en Ukraine pour l'un des cinq motifs de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

[5]      Dans l'affaire Arafa c. M.E.I. (1993), 70 F.T.R. 178, monsieur le juge Gibson a en effet conclu que le fait d'être apatride ne veut pas dire pour autant qu'un requérant est un réfugié; encore faut-il prouver la crainte de persécution pour l'un des cinq motifs de la Convention. L'extrait suivant est tiré des pages 179 et 180 de la décision:

             The definition of "Convention refugee" is contained in s. 2 of the Immigration Act and is in the following terms:                 
             "2. 'Convention refugee' means any person who                 
             (a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,                 
                 (i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or                 
                 (ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and                 
             (b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),                 
             but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 hereof, which sections are set out in the schedule to this Act;"                 
             Clearly from this definition, stateless persons, those not having a country of nationality, may be Convention refugees. But equally clearly, not every stateless person is a Convention refugee. (See Grahl-Madsen, Atle, The Status of Refugees in International Law, A.W. Sijthoff-Leyden, 1966, vol. 1, p. 77:                 
             [. . .])                 
         In order for a stateless person who is outside the country of his or her former habitual residence and who is unable to return to that country to be a Convention refugee, he or she must find himself or herself in that situation by reason of a well-founded fear of persecution for one or more of the reasons cited in the definition. Despite the fact that the applicant gave evidence before the CRDD to the effect that he most likely would be able to return to the UAE for short and well-defined periods to visit his family, I conclude that the applicant fits within the definition if he has a well-founded fear of persecution for one or more of the Convention reasons.                 
             [. . .]                 
             I find that the conclusion of the CRDD that the applicant did not have a well-founded fear of persecution for a Convention reason but was rather an "ordinary stateless person" and therefore not a Convention refugee was reasonably open to it on the basis of the facts before it. I find no reason, therefore, to interfere in the decision of the CRDD.                 
                     (C'est moi qui souligne.)                 

[6]      La tentative de dernière heure, faite par l'avocate de la partie demanderesse devant moi, d'ajouter à son mémoire écrit et d'argumenter la crainte bien fondée de persécution en Israël de chacun des demandeurs a fait l'objet d'une objection ferme de la part de la partie défenderesse qui a invoqué notamment l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans Sola Abel Lanlehin c. M.E.I. (2 mars 1993), A-610-90. Dans cette affaire, monsieur le juge Décary a exprimé ce qui suit:

         Ce dossier soulève des questions troublantes quant à la validité de la décision rendue par la Section du statut, notamment quant à la participation de l'un des deux membres aux motifs de la décision. Ces questions n'avaient toutefois pas été soulevées par l'appelant dans son mémoire et il se peut que l'intimée, l'eût-elle su en temps utile, aurait été en mesure d'expliquer les contradictions qui apparaissent au dossier. A ce stade, il ne nous est pas possible de supposer l'invalidité de la décision et nous sommes d'avis, dans les circonstances, de rejeter l'appel.                 

[7]      Une objection semblable a aussi été maintenue par monsieur le juge Richard qui, s'appuyant également sur la décision Lanlehin, supra, a, dans Kioroglo c. Canada (M.C.I.) (1994), 86 F.T.R. 87, exprimé ce qui suit aux pages 89 et 90:

             A l'audience le procureur des requérants a cherché à introduire un nouveau motif qui ne figurait pas dans sa demande. Le procureur de l'intimé s'est objecté à cette démarche en invoquant l'arrêt Sola Abel Lanlehin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration du Canada) (2 mars 1993), No A-610-90 (C.A.F.). Dans les motifs du jugement de la cour prononcé par le juge Décary à l'audience à Montréal, le mardi 2 mars 1993, on relève ce qui suit:                 
             [. . .]                 
             Le motif que voulait soulever le procureur des requérants à l'audience ne constitue pas un fait nouveau puisque son fondement se trouve dans le procès-verbal de l'audience de la Section du statut de réfugié où les requérants étaient représentés par un procureur et fondé également sur un arrêt de cette cour prononcé en 1993. Le procureur des requérants n'a pas livré un mémoire supplémentaire et n'a pas livré de réplique au mémoire de l'intimé alors qu'il aurait pu le faire jusqu'au 21 septembre 1994. Dans ces circonstances je maintiens l'objection du procureur de l'intimé.                 

[8]      En conséquence, je maintiens l'objection de la partie défenderesse de sorte que la demande de contrôle judiciaire, pour toutes les raisons ci-dessus, doit être rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 août 1999


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