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T-1699-97

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 26 AOÛT 1997

DEVANT : LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

ENTRE


LE CONSEIL MOHAWK DE KAHNAWAKE,


requérant,


et


PETER ET TRUDY JACOBS


et


LA COMMISSION CANADIENNE

DES DROITS DE LA PERSONNE,


intimés.


ORDONNANCE

     Le dépôt de l"affidavit du 21 août 1997 du grand chef Joe Norton est autorisé.

     La requête que le requérant a présentée en vue d"obtenir une suspension d"instance est par ailleurs rejetée.

                              Richard Morneau     

                             Protonotaire

Traduction certifiée conforme _________________________

                         F. Blais, LL.L.

T-1699-97

ENTRE


LE CONSEIL MOHAWK DE KAHNAWAKE,


requérant,


et


PETER ET TRUDY JACOBS


et


LA COMMISSION CANADIENNE

DES DROITS DE LA PERSONNE,


intimés.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

     Il s"agit d"une requête visant à l"obtention d"une ordonnance provisoire, en vertu de l"article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale , enjoignant au Tribunal canadien des droits de la personne qui est chargé d"entendre la plainte présentée par les intimés Peter et Trudy Jacobs (le Tribunal) de s"abstenir de tenir d"autres audiences dans l"instance en attendant le règlement final de la demande de contrôle judiciaire présentée par le requérant.

     L"audience doit reprendre devant le Tribunal le 8 septembre 1997 et durer peut-être sept jours. Cette requête doit donc être examinée sans délai.

     La demande de contrôle judiciaire porte quant au fond sur la décision du 18 juin 1997, dans laquelle le Tribunal rejetait la requête par laquelle le requérant lui demandait de refuser d"exercer sa compétence et de ne pas continuer à entendre la plainte déposée par Peter et Trudy Jacobs, compte tenu de divers changements survenus avec le temps dans sa composition.

     Les changements susmentionnés sont survenus dans les circonstances suivantes. Le 9 juin 1994, Lise Leduc a été désignée par le président du Tribunal canadien des droits de la personne pour entendre la plainte en tant qu"unique membre du tribunal. Le 14 octobre 1994, une nouvelle formation composée de trois (3) personnes, soit Stanley Sadinsky, c.r. (président), Lise Leduc et Pundit Kachroo, a été désignée à titre de tribunal chargé d"entendre la plainte à la place de la formation composée d"une seule personne. Pundit Kachroo a démissionné le 12 avril 1995 et un nouveau tribunal composé de trois (3) membres, soit Stanley Sadinsky, Lise Leduc et Judith Alexander, a été désigné pour entendre la plainte. Le 19 mars 1997, le greffier du Tribunal des droits de la personne a informé les parties que Judith Alexander avait démissionné et leur a fait savoir que le président du Tribunal des droits de la personne avait demandé que l"affaire soit entendue par les deux (2) autres membres de la formation, soit M. Sadinsky et Mme Leduc.

     Le 22 octobre 1991, Peter et Trudy Jacobs ont porté plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) au sujet du refus du requérant de les inclure et d"inclure leurs enfants en tant que membres de la bande.

Analyse

     Au début de l"audition de cette requête, j"ai réservé ma décision sur l"admissibilité d"un affidavit du 21 août 1997 souscrit par le grand chef Joe Norton pour le compte du requérant. Ledit affidavit aurait dû être joint à l"avis de requête lorsque celui-ci a été déposé et signifié, mais je l"admettrai étant donné que l"avocate de la Commission n"a pas établi que ce dépôt tardif avait causé un préjudice à sa cliente et n"a pas demandé un ajournement en vue de contre-interroger le grand chef Norton ou de déposer un affidavit additionnel.

     Les avocats des deux parties s"entendent pour dire que la demande de suspension devrait être réglée conformément au critère à trois volets énoncé dans l"arrêt Procureur général du Manitoba c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd. , [1987] 1 R.C.S. 110. Par conséquent, le requérant doit démontrer que sa cause est défendable en ce qui concerne sa demande de contrôle judiciaire, qu"il subirait un préjudice irréparable si la suspension n"était pas accordée et que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur.

     Je suppose, uniquement aux fins du règlement de cette requête, que le requérant a une cause défendable et sérieuse en ce qui concerne sa demande de contrôle judiciaire. Quant au deuxième élément du critère auquel le requérant devait satisfaire, j"ai lu les affidavits qui ont été déposés par le requérant et j"ai entendu les arguments des deux parties, et j"estime que le requérant n"a pas prouvé qu"il subirait un préjudice irréparable si la suspension n"était pas accordée.

     Quant à la question du préjudice irréparable que le requérant subirait si la suspension n"était pas accordée, le requérant allègue plus précisément qu"il serait obligé de consacrer énormément de ressources à l"audience devant le Tribunal si l"audience reprenait et qu"en vertu de la législation applicable, il ne pourrait pas recevoir des intimés les sommes dépensées même s"il avait gain de cause devant le Tribunal.

     Dans le jugement Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l"énergie et du papier, Association canadienne des employés de téléphone, Femmes Action et la Commission canadienne des droits de la personne, décision inédite du 21 février 1997 de la Section de première instance de la Cour fédérale, dossiers du greffe T-1414-96, T-1985-96 et T-2722-96, cette cour a rejeté un argument similaire avancé par Bell Canada. À la page 16, voici ce que la Cour a dit :

              Bell Canada affirme qu"elle devra déployer des efforts considérables, subir des perturbations dans ses activités au fur et à mesure que des témoins devront se préparer à témoigner et seront appelés à témoigner. Elle affirme aussi qu"elle devra engager des frais de justice. Tous ces inconvénients découlent de la préparation aux audiences du tribunal, audiences qui seront inutiles si l"une ou l"autre de ses demandes de contrôle judiciaire est accueillie. Bell Canada affirme que, par conséquent, elle ne peut être indemnisée de ces inconvénients si elle obtient gain de cause dans l"une ou l"autre de ses demandes de contrôle judiciaire, et qu"elle ne sera même pas dédommagée des coûts monétaires engagés pour l"audience du tribunal, parce que, comme ce dernier est inexistant sur le plan juridique, il ne pourrait ordonner qu"une indemnité lui soit versée.         
              Bell Canada fait valoir qu"il est de jurisprudence constante que le fait pour un intimé d"être exposé à de tels frais et à de telles perturbations constitue un préjudice irréparable selon le second volet du critère applicable en matière de réparations provisoires.         
              Je n"accepte pas cet argument. Voici ce que le juge Rothstein a dit à ce sujet26 :         
                    L"avocat du requérant a bien cité une décision dans laquelle une cour a conclu que l"incapacité d"obtenir remboursement des coûts constituait un préjudice irréparable. Voir Re Island Telephone Company Limited (1987), 206 APR 158 (C.S.Î.-P.-É.). C"est la seule parmi les décisions qui m"ont été soumises qui semble toucher à la question en litige, mais elle porte expressément sur la relation entre une société de services publics et la commission de réglementation dont elle relève. Je ne dis pas que l"incapacité d"obtenir le remboursement des coûts ne peut jamais constituer un préjudice irréparable, mais seulement que cette incapacité n"a pas été considérée comme un élément suffisant pour satisfaire au critère du préjudice irréparable lorsque des frais sont engagés dans le cours ordinaire d"une affaire judiciaire.                 
              En l"espèce, il n"existe à mon avis aucune circonstance spéciale qui justifierait la Cour de considérer les coûts engagés ou les présumées perturbations comme un préjudice irréparable.         
         [Je souligne.]         
              Ainsi que le juge Reed l"affirme dans la décision ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Conseil d"examen du prix des médicaments brevetés)27 :         
                     Je ne suis pas convaincue que les circonstances justifient la suspension des procédures. Même si du temps et de l"argent auront été gaspillés si la procédure suit son cours et qu"il est par la suite décidé que le Conseil n"a pas compétence, il s"agit plus d"une question de désagrément que d"un préjudice irréparable. Voir D & B Companies of Canada Ltd. c. Directeur des enquêtes et recherches , (1994), 58 C.P.R. (3d) 342, à la p. 345 (C.A.F.).                 

     ____________________

                     26      Brocklebank c. Canada (ministre de la Défense nationale), (1994) no du greffe T-2333-94, 13 octobre 1994, le juge Rothstein, publié à (1994) 86 F.T.R. 23.         
                     27      No du greffe T-2541-95, 6 décembre 1995, le juge Reed, publié à (1995) 65 C.P.R. (3d) 1.         

     L"avocat du requérant a allégué qu"il y avait en l"espèce des circonstances spéciales étant donné que les frais susmentionnés seraient engagés devant un tribunal composé de deux (2) membres qui pourrait fort bien mener l"affaire à une impasse et donc à une décision non déterminante.

     Il s"agit d"un cas hypothétique qui, à mon avis, ne peut pas avoir pour effet de faire de la question des frais une circonstance spéciale telle que cette expression est employée dans le jugement Bell Canada , précité. De plus, comme l"a dit l"avocate de la Commission, même si le Tribunal rend une décision avec avis minoritaire, la possibilité d"une nouvelle audition de toute l"affaire devant un autre tribunal n"est pas éliminée. Si la création d"un second tribunal est ordonnée ou s"il en est convenu, la preuve recueillie devant le Tribunal pourrait être admissible devant le second tribunal. Le requérant ne satisfait donc pas au deuxième élément du critère.

     Étant donné l"avis que j"ai exprimé, je n"ai pas à examiner le troisième élément du critère, à savoir la prépondérance des inconvénients.

     Par conséquent, la requête que le requérant a présentée en vue d"obtenir une suspension d"instance est rejetée.

                           Richard Morneau       

                         Protonotaire

Montréal (Québec),

le 26 août 1997

Traduction certifiée conforme _________________________

                                   F. Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             T-1699-97

ENTRE

     LE CONSEIL MOHAWK DE KAHNAWAKE,


requérant,


et

     PETER AND TRUDY JACOBS

     et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES      DROITS DE LA PERSONNE,

intimés.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE




COUR FÉDÉRALE DU CANADA


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :      T-1699-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE CONSEIL MOHAWK

     DE KAHNAWAKE


requérant,

     ET

     PETER ET TRUDY

     JACOBS

     et     

     LA COMMISSION

     CANADIENNE DES

     DROITS DE LA

     PERSONNE,


intimés.

LIEU DE L"AUDIENCE :      Montréal (Québec)

DATE DE L"AUDIENCE :      le 25 août 1997

MOTIFS DE L"ORDONNANCE du protonotaire Richard Morneau en date du 26 août 1997

ONT COMPARU :

Stephen Ashkenazy      pour le requérant

Helen Beck      pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Stephen Ashkenazy      pour le requérant

Conseil mohawk de Kahnawake

Contentieux

Kahnawake (Québec)

Helen Beck      pour les intimés

Commission canadienne des

droits de la personne

Ottawa (Ontario)

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