Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010601

Dossier : IMM-1309-00

Référence neutre : 2001 CFPI 563

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

KHALILULLAH HOTAKI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. ch. I-2 (la « Loi » ), à l'encontre de deux décisions rendues en date du 26 août 1999 par W.A. Sheppit, le représentant du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le « représentant du ministre » ). Le représentant du ministre a décidé que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada en application des paragraphes 70(5) et 53(1) de la Loi.

[2]                 Le demandeur sollicite une ordonnance portant annulation des décisions mentionnées précédemment.

Les faits

[3]                 Citoyen afghan, le demandeur est arrivé au Canada en mars 1993. En mai 1995, il a obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. En décembre 1996, il a présenté une demande de résidence permanente. Cette demande a par la suite été rejetée le 3 décembre 1999.

[4]                 En décembre 1997, la police a soupçonné que le demandeur se livrait au trafic d'héroïne. Au terme d'une enquête menée par le Metropolitan Toronto Police Service, le demandeur a été arrêté en mai 1998. Le 7 octobre 1998, le demandeur a plaidé coupable à trois chefs de trafic d'une substance désignée et s'est vu imposer une peine concurrente de 6 ans et 3 mois pour chaque chef. De plus, le demandeur avait déjà été déclaré coupable en 1995 de port d'arme dissimulée. En 1998, le demandeur a fait l'objet d'un rapport en application de l'alinéa 27(2)a) de la Loi sur l'immigration.


[5]                 Le 21 mai 1999, conformément au paragraphe 70(5) et à l'alinéa 53(1)d) de la Loi, le demandeur s'est vu signifier un avis de l'intention de solliciter l'avis du ministre, qu'il représentait un danger pour le public au Canada. L'avis énumérait les éléments de preuve qui allaient être examinés et indiquait que les observations du demandeur sur les raisons pour lesquelles le ministre ne devrait pas émettre d'avis devaient parvenir à Citoyenneté et Immigration Canada dans les 15 jours. Le demandeur n'a pas présenté d'observation dans le délai imparti. Le 26 août 1999, on a jugé que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada au sens du paragraphe 70(5) et de l'alinéa 53(1)d) de la Loi.

Les questions en litige

[6]                 1.       Le ministre aurait-il dû communiquer au demandeur les documents sur lesquels il se fondait pour décider que celui-ci constituait un danger pour le public?

2.       Le demandeur aurait-il dû recevoir les motifs au soutien de l'avis de danger?

3.       Les droits du demandeur garantis par la Charte ont-ils été violés (droit à un avocat)?

4.       Le demandeur avait-t-il droit à l'assistance d'un interprète pour ce qui est des procédures relatives à l'avis de danger?


Les observations du demandeur

[7]                 Le demandeur fait valoir que la norme de contrôle applicable pour déterminer si un avis de danger a été régulièrement constitué est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[8]                 Le demandeur soutient que le Danger pour le public -- Rapport concernant l'avis du ministre (le « rapport concernant l'avis du ministre » ) et la demande d'avis du ministre ne lui avaient pas été communiqués au moment où il a soumis ses observations.

[9]                 Le demandeur affirme que le rapport concernant l'avis du ministre contenait des faits litigieux auxquels il aurait voulu répondre, plus particulièrement les déclarations suivantes : (1) [TRADUCTION] « à mon avis, n'est pas crédible le fait que les actes criminels de l'intéressé, soit sa participation à la vente illégale de stupéfiants, se limitaient exclusivement aux policiers banalisés » ; (2) sa réaction [TRADUCTION] « était, selon moi, tout simplement intéressée et conçue pour le présenter sous son meilleur jour » ; (3) [TRADUCTION] « à mon sens, il a autant sinon plus d'incitatif qu'avant » à commettre des crimes en vue d'un profit financier.

[10]            Le demandeur prétend qu'il n'a commis aucune infraction violente et que les autorités correctionnelles avaient évalué qu'il ne représentait qu'un faible risque pour la sécurité publique ou qu'il n'y avait qu'un faible risque qu'il s'échappe.


[11]            Le demandeur cite l'arrêt Kane c. Conseil d'administration de l'Université de la Colombie-Britannique, [1980] 1 R.C.S. 1105, aux pages 1113 et 1114, pour appuyer sa thèse qu'un tribunal ne doit pas « entendre des témoignages en l'absence de la partie dont la conduite contestée fait l'objet de l'examen » . Le demandeur fait donc valoir que le représentant du ministre dans la présente affaire est lié par l'arrêt Kane, précité. Le défendeur, soutient le demandeur, l'a exclu d'une participation effective à l'instance en lui communiquant des documents qu'il ne comprenait pas, vu qu'on l'avait avisé qu'il ne constituerait probablement pas un danger, et dans la mesure où il n'a pu obtenir une assistance effective pour démontrer qu'il ne constituait pas un danger.

[12]            Le demandeur affirme que son niveau de scolarité, son niveau d'alphabétisation et ses compétences linguistiques sont faibles, que l'accès qu'il a aux ressources est limité, de sorte qu'il s'est retrouvé dans une situation considérablement désavantageuse au moment de soumettre ses observations sur l'avis de danger. De plus, le demandeur renvoie à l'article 30 de la Loi à l'appui de la proposition selon laquelle, dans le cadre d'une enquête en matière d'immigration, chacun a droit à l'assistance d'un avocat et à ce qu'on l'en avise.

[13]            Selon le demandeur, les procédures relatives à l'avis de danger nécessitent, entre autres choses, le dépôt d'un nombre considérable de documents ainsi que l'examen des questions relatives à la réhabilitation, du risque de récidive et du degré d'établissement au Canada. Le demandeur soutient qu'on devrait dûment tenir compte de la possibilité pour une personne assujettie à de telles procédures d'obtenir l'assistance d'un avocat.


[14]            Le demandeur fait référence à l'article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés pour étayer son argument qu'une partie dans une instance a droit à l'assistance d'un interprète. Le demandeur renvoie également à l'alinéa 2g) de la Déclaration canadienne des droits pour appuyer la proposition qu'aucune loi du Canada ne doit s'interpréter ou s'appliquer de manière à priver une personne du droit à l'assistance d'un interprète dans des procédures où elle est mise en cause devant un tribunal si elle ne comprend pas la langue dans laquelle se déroulent ces procédures.

Les observations du défendeur

[15]            Le défendeur a répondu aux questions soulevées par le demandeur, que voici :

Avant que la décision soit prise, obligation de communiquer au demandeur les documents sur lesquels le ministre se fondera pour décider de l'avis de danger.

Le défendeur cite l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, où la Cour suprême a reconnu que la possibilité d'une participation valable au processus sous-tend l'obligation d'équité procédurale. En l'espèce, le défendeur fait valoir que la procédure suivie n'est pas différente de celle suivie dans l'arrêt Baker, précité, qui est décrite au paragraphe 30 en ces termes :

La procédure en l'espèce se composait d'une demande écrite accompagnée de


documents justificatifs, résumée par l'agent subalterne (Lorenz) et transmise avec une recommandation faite par ce dernier. Le résumé, la recommandation et les documents ont alors été examinés par l'agent principal (Caden), qui a pris la décision.

[16]            Le défendeur fait valoir que cette procédure a été jugée conforme aux exigences des droits de participation requis par l'obligation d'équité procédurale, même si le résumé n'avait pas été divulgué à l'appelante dans l'arrêt Baker, précité. Le défendeur soutient que cette procédure a été suivie et acceptée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 2 C.F. 592, où était visé un avis de danger fondé sur le paragraphe 53(1).

[17]            Le défendeur cite l'arrêt Jan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 165 (C.F. 1re inst.) pour démontrer que notre Cour a récemment examiné le droit dans ce domaine et statué qu'en matière d'avis de danger, il n'est pas nécessaire de communiquer les résumés au demandeur.

[18]            L'avis de danger doit-il être motivé?

Le défendeur soutient que les motifs ne sont pas requis. Les arrêts Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 4 C.F. 407 (C.A.F.) et Baker, précité, portaient sur des demandes intérieures de résidence permanente fondées sur des raisons d'ordre humanitaire (CH) en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi qui ont été rejetées, et non pas sur des avis de danger. Le défendeur prétend en outre que rien dans le raisonnement adopté dans l'arrêt Haghighi, précité, ne donne à penser que les principes de l'arrêt Baker, précité, s'appliquent aux décisions de nature discrétionnaire.


[19]            Le défendeur s'appuie sur l'arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.F.), où il a été statué que le ministre n'avait pas l'obligation de motiver sa décision. Dans l'arrêt Williams, précité, la Cour d'appel fédérale est même allée jusqu'à énoncer, aux pages 672 et 673, que les préceptes fondamentaux de notre système juridique « n'ont jamais obligé les tribunaux à motiver leurs décisions lorsqu'une loi ne l'exige pas expressément » .

[20]            Même si dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême a reconnu au paragraphe 43 que, « dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision » , le défendeur plaide que les circonstances entourant la confection d'un avis de danger diffèrent d'une décision CH. Selon lui, un avis de danger exige donc un degré moindre d'équité procédurale et ne donne pas lieu à l'obligation de fournir des motifs.

[21]            Les motifs ont été fournis

Subsidiairement, le défendeur soutient que la demande d'avis du ministre, à laquelle est joint le rapport concernant l'avis du ministre, satisfait à l'exigence de la communication des motifs.


[22]            La norme de contrôle

Le défendeur affirme que la question de savoir si une personne constitue un « danger pour le public au Canada » est de nature factuelle. Selon lui, les termes « danger pour le public au Canada » sont des termes simples et ordinaires qui n'ont pas été investis d'un sens spécial ou technique. Le défendeur cite le passage suivant tiré de l'arrêt Williams, précité, à la page 668 :

[. . .] le sens de l'expression « danger pour le public » n'est pas un mystère: cette expression doit se rapporter à la possibilité qu'une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel [...] dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public.

[23]              En conséquence, vu que les termes « danger pour le public au Canada » ne sont pas complexes ou ne comportent aucun sens technique spécial, le défendeur prétend que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision manifestement déraisonnable. Le défendeur cite à cet égard les arrêts Powell c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) (2000), 258 N.R. 123 (C.A.F.); Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793 et Stadnyk c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration) (2000), 257 N.R. 385 (C.A.F.), où on a statué que la norme applicable au contrôle judiciaire des conclusions de fait est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[24]            Selon le défendeur, l'avis du ministre n'est pas manifestement déraisonnable et il existe suffisamment d'éléments de preuve pour étayer la conclusion que le demandeur constitue un danger pour le public.


[25]            La possibilité de retenir les services d'un avocat

Le défendeur affirme que le demandeur a parlé à un détenu qui, après avoir examiné les documents du demandeur, lui a suggéré de retenir les services d'un avocat spécialisé en droit de l'immigration. Le demandeur a alors cherché à obtenir des conseils juridiques, communiqué avec l'avocat de service et finalement présenté une demande d'aide juridique. Sur la recommandation additionnelle de son avocat spécialisé en droit criminel, le demandeur a choisi de ne pas poursuivre les démarches d'aide juridique. Il a discuté de l'avis de danger avec un agent de libération conditionnelle et a eu la possibilité de chercher conseil auprès de son mentor, M. Jaluluddin, avec qui il communiquait sur une base hebdomadaire.

[26]            Le défendeur prétend que l'obligation du ministre (en vertu de l'article 30 de la Loi) se limite à informer le demandeur de son droit de retenir les services d'un avocat et à lui donner la possibilité raisonnable d'obtenir de tels services à ses frais. Le défendeur plaide en outre que le demandeur n'a donné aucune indication des observations additionnelles qu'il aurait présentées par l'entremise d'un avocat et qui auraient pu faire changer l'avis du ministre.


[27]            La nécessité du recours à un interprète

Selon le défendeur, l'article 14 de la Charte ne s'applique pas aux faits de la présente affaire. Il fait valoir qu'on doit éviter d'interpréter cette disposition de manière suffisamment large pour y inclure l'avis de danger et que le demandeur ne jouit pas du droit à un interprète.

[28]            Dans l'arrêt R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951, la Cour suprême a analysé la common law relative à l'article 14 de la Charte et a mis l'accent sur l'exercice d'un tel droit dans le cadre d'une audition formelle devant un juge en salle d'audience. L'arrêt Tran, précité, a été appliqué restrictivement dans l'arrêt R. v. Dennie (1997), 31 O.T.C. 211 (Div. gén. Ont.), où on a statué que l'article 14 ne s'étendait pas au droit à un interprète dans le cadre des démarches interlocutoires, mais qu'il s'appliquait uniquement à la [TRADUCTION] « procédure » comme telle. Dans l'arrêt Dennie, la Cour a jugé que le terme [TRADUCTION] « procédure » se limitait à ce qui se déroulait en salle d'audience, de sorte que les démarches interlocutoires effectuées au préalable ne donnaient pas ouverture au droit à un interprète.


[29]            Malgré ce qui précède, le défendeur fait valoir que les documents portés au dossier du tribunal mettent en lumière la compétence fonctionnelle du demandeur en anglais. Plus particulièrement, le demandeur demeure au Canada depuis 1993; son avocat spécialisé en droit criminel a avisé la Cour, lors de l'audition relative au plaidoyer de culpabilité, que le demandeur n'avait pas besoin d'un traducteur puisqu'il [TRADUCTION] « se débrouillait bien en anglais » ; le demandeur a suivi des cours d'anglais langue seconde, étudie les mathématiques, l'anglais et l'informatique et, enfin, a travaillé comme chauffeur de taxi à Toronto.

Les dispositions législatives pertinentes

[30]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration prévoient :


27(2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas_:

a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);

27(2) An immigration officer or a peace officer shall, unless the person has been arrested pursuant to subsection 103(2), forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a person in Canada, other than a Canadian citizen or permanent resident, is a person who

(a) is a member of an inadmissible class, other than an inadmissible class described in paragraph 19(1)(h) or 19(2)(c);


53. (1) Par dérogation aux paragraphes 52(2) et (3), la personne à qui le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements, ou dont la revendication a été jugée irrecevable en application de l'alinéa 46.01(1)a), ne peut être renvoyée dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, sauf si, selon le cas_:

. . .

d) elle relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public au Canada.

53. (1) Notwithstanding subsections 52(2) and (3), no person who is determined under this Act or the regulations to be a Convention refugee, nor any person who has been determined to be not eligible to have a claim to be a Convention refugee determined by the Refugee Division on the basis that the person is a person described in paragraph 46.01(1)(a), shall be removed from Canada to a country where the person's life or freedom would be threatened for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion unless

. . .

(d) the person is a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed and the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada.


70(5) Ne peuvent faire appel devant la section d'appel les personnes, visées au paragraphe (1) ou aux alinéas (2)a) ou b), qui, selon la décision d'un arbitre_:

a) appartiennent à l'une des catégories non admissibles visées aux alinéas 19(1)c), c.1), c.2) ou d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;

b) relèvent du cas visé à l'alinéa 27(1)a.1) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada;

c) relèvent, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'alinéa 27(1)d) et, selon le ministre, constituent un danger pour le public au Canada.

70(5) No appeal may be made to the Appeal Division by a person described in subsection (1) or paragraph (2)(a) or (b) against whom a deportation order or conditional deportation order is made where the Minister is of the opinion that the person constitutes a danger to the public in Canada and the person has been determined by an adjudicator to be

(a) a member of an inadmissible class described in paragraph 19(1)(c), (c.1), (c.2) or (d);

(b) a person described in paragraph 27(1)(a.1); or

(c) a person described in paragraph 27(1)(d) who has been convicted of an offence under any Act of Parliament for which a term of imprisonment of ten years or more may be imposed.


[31]            L'article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés dispose :


14. La partie ou le témoin qui ne peuvent suivre les procédures, soit parce qu'ils ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue employée, soit parce qu'ils sont atteints de surdité, ont droit à l'assistance d'un interprète.

14. A party or witness in any proceedings who does not understand or speak the language in which the proceedings are conducted or who is deaf has the right to the assistance of an interpreter.


[32]            L'alinéa 2g) de la Déclaration canadienne des droits énonce :


2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s'interpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer, restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression, et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni s'appliquer comme

. . .

g) privant une personne du droit à l'assistance d'un interprète dans des procédures où elle est mise en cause ou est partie ou témoin, devant une cour, une commission, un office, un conseil ou autre tribunal, si elle ne comprend ou ne parle pas la langue dans laquelle se déroulent ces procédures.

2. Every law of Canada shall, unless it is expressly declared by an Act of the Parliament of Canada that it shall operate notwithstanding the Canadian Bill of Rights, be so construed and applied as not to abrogate, abridge or infringe or to authorize the abrogation, abridgment or infringement of any of the rights or freedoms herein recognized and declared, and in particular, no law of Canada shall be construed or applied so as to

. . .

(g) deprive a person of the right to the assistance of an interpreter in any proceedings in which he is involved or in which he is a party or a witness, before a court, commission, board or other tribunal, if he does not understand or speak the language in which such proceedings are conducted.



Analyse et décision

[33]            Question 1

Le demandeur aurait-il dû recevoir les documents sur lesquels le ministre se fondait pour décider qu'il constituait un danger pour le public?

Selon le demandeur, il y a eu manquement à l'obligation d'équité procédurale en ce qu'il n'a pas reçu communication des documents sur lesquels le ministre se fondait pour rendre son avis de danger. Avant de soumettre ses observations au ministre sur l'avis de danger, le demandeur n'a pas eu connaissance de la demande d'avis du ministre, du U.S. Department of State Country Report, ni du rapport concernant l'avis du ministre.

[34]            Le demandeur prétend qu'il aurait dû avoir la possibilité de répondre à ces rapports et que sa réponse aurait dû être envoyée au représentant du ministre avant que les décisions ne soient prises.


[35]            Je partage le point de vue du demandeur. La décision d'énoncer que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada comporte à l'égard de celui-ci des conséquences importantes, profondes et de portée très étendue. Pour cette seule raison, il est impératif que le demandeur ait l'occasion de répondre à toutes les observations faites au représentant du ministre. Étant donné que les rapports n'ont été communiqués au demandeur qu'une fois les avis de danger rendus, le demandeur s'est vu privé de la possibilité de dissiper les craintes qui y étaient soulevées. Il s'agit là d'un manquement à l'obligation d'équité.

[36]            Le juge Gibson de notre Cour est parvenu à la même conclusion dans l'affaire Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 1 C.F. 619 (C.F. 1re inst.), laquelle a été confirmée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (7 mars 2001), Dossier A-850-99 (C.A.F.).

[37]            La demande présentée par le demandeur est accueillie. Les deux décisions prises par le défendeur portant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, en application des paragraphes 70(5) et 53(1) de la Loi, sont annulées.

[38]            Compte tenu de ma décision à l'égard des documents non divulgués, il n'est pas nécessaire que je me penche sur les autres questions soulevées par le demandeur.

[39]            Aucune des parties n'a soulevé à mon attention une question grave de portée générale.


ORDONNANCE

[40]            LA COUR ORDONNE PAR LA PRÉSENTE que la demande présentée par le demandeur soit accueillie et que les deux décisions prises par le défendeur portant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, en application des paragraphes 70(5) et 53(1) de la Loi, soient annulées.

                         « John A. O'Keefe »             

J.C.F.C.                      

Ottawa (Ontario)

Le 1er juin 2001

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                         IMM-1309-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                   KHALILULLAH HOTAKI c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 12 février 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE EXPOSÉS PAR :

Monsieur le juge O'Keefe

EN DATE DU :                         1er juin 2001

ONT COMPARU :

M. Leslie H. Morley                               POUR LE DEMANDEUR

Mme Patricia Johnston                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Leslie H. Morley                               POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

M. Morris Rosenberg                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.