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Date : 20060310

Dossier : IMM‑4162‑05

Référence : 2006 CF 318

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

ENTRE :

MAHMOUD CHATRI

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d’une agente d’examen des risques avant renvoi (l’agente) en date du 26 mai 2005, qui a déclaré que le demandeur s’était désisté de sa demande d’ERAR parce qu’il ne s’était pas présenté à deux audiences distinctes.

 

LES FAITS

 

[2]               Le demandeur est un Iranien âgé de 33 ans. Arrivé au Canada le 20 novembre 2001, il a déposé une demande d’asile dès son arrivée à l’aéroport de Vancouver.

 

[3]               Dans sa demande d’asile, le demandeur alléguait qu’il avait participé aux manifestations d’étudiants de juillet 2001 à l’Université de Téhéran et que sa participation était venue à l’attention des autorités iraniennes, qui avaient alors lancé un mandat d’arrêt contre lui. Le demandeur craint d’être arrêté et détenu à son retour en Iran.

 

[4]               Sa demande d’asile a été rejetée par la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) le 26 novembre 2002. Dans ses motifs, la SSR écrivait que la preuve ne permettait pas de conclure à la crédibilité de l’allégation du demandeur selon laquelle les autorités iraniennes le recherchaient activement.

 

[5]               Le demandeur a déposé en avril 2003 une demande d’ERAR, accompagnée de preuves nouvelles, notamment un mandat d’arrêt et une assignation à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire.

 

[6]               Cette demande fut rejetée par une agente d’ERAR le 10 mai 2004. Dans ses motifs, l’agente écrivait que le mandat d’arrêt et l’assignation à comparaître étaient des faux, et elle ne leur a accordé aucune valeur. Elle a rejeté la demande d’ERAR au motif que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il était exposé à des risques selon l’une des éventualités exposées aux articles 96 ou 97 de la Loi.

 

[7]               Le demandeur a présenté en juin 2004 une seconde demande d’ERAR. Il a produit une preuve d’expert attestant l’authenticité du mandat d’arrêt et de l’assignation à comparaître. Cette seconde demande d’ERAR fut rejetée le 16 juillet 2004 par une agente d’ERAR, qui a trouvé des incohérences dans les déclarations du demandeur et estimé qu’il était improbable que sa famille ait pu obtenir un double du mandat d’arrêt. L’agente a conclu que le mandat d’arrêt et l’assignation à comparaître étaient des faux, sans s’exprimer directement sur la preuve d’expert.

 

[8]               Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la seconde décision d’ERAR. Un sursis d’exécution de la mesure de renvoi lui fut accordé le 30 août 2004, et, en février 2005, le défendeur a consenti à une ordonnance disant que la demande d’ERAR présentée par le demandeur devait être examinée par une autre agente.

 

[9]               Dans son examen des prétendus risques auxquels le demandeur était exposé, l’agente a envoyé à l’ambassade du Canada à Téhéran, pour analyse, une copie du mandat d’arrêt et une copie de l’assignation à comparaître. Le conseiller juridique de l’ambassade lui a répondu que les deux documents étaient des faux.

 

[10]           L’agente a voulu notifier au demandeur l’avis du conseiller juridique de l’ambassade et lui a envoyé le 14 avril 2005 une lettre à laquelle elle annexait sa correspondance avec l’ambassade. L’agente a invité le demandeur à lui faire connaître son point de vue sur ces documents d’ici le 29 avril 2005.

 

[11]           Le défendeur a déposé devant la Cour deux affidavits établis par l’agente. Dans le premier affidavit, daté du 2 septembre 2005, l’agente écrit que sa lettre a été envoyée au demandeur par courrier ordinaire et qu’une copie a été envoyée par télécopieur à M. Bediako Buahene, l’avocat qui occupait pour lui à l’époque. Dans son deuxième affidavit, daté du 6 septembre 2005, elle écrit que son affirmation antérieure était erronée et qu’elle avait envoyé la lettre au demandeur par poste recommandée. Elle joignait l’enveloppe et la fiche de recommandation postale à son second affidavit.

 

[12]           L’agente n’a reçu ni réponse ni commentaires du demandeur à la suite de sa lettre.

 

[13]           Le 26 avril 2005, l’agente écrivait au demandeur et à son avocat pour les informer qu’elle voulait organiser une audience, dont elle fixait la date au 11 mai 2005. Elle a envoyé cette lettre au demandeur par poste recommandée, et un double de la lettre par télécopieur à M. Buahene.

 

[14]           Le 2 mai 2005, l’agente recevait de Mme Fiona Begg (qui est maintenant l’avocate du demandeur) un fax l’informant que M. Buahene était hors du pays et qu’il ne devrait plus être considéré comme l’avocat du demandeur. Mme Begg écrivait aussi qu’elle n’avait pu communiquer avec le demandeur et qu’elle n’avait donc pu l’informer des délais fixés par l’agente.

[15]           Ni le demandeur ni son avocat ne se sont présentés à l’audience du 11 mai 2005. Le 12 mai 2005, l’agente, après consultation du site Web de Postes Canada, constatait qu’une tentative avait été faite le 28 avril 2005 de livrer sa lettre datée du 26 avril 2005.

 

[16]           Également le 12 mai 2005, l’agente envoyait au demandeur, en recommandé, un second avis l’informant de la tenue d’une audience le 26 mai 2005. Elle a envoyé à M. Buahene, par télécopieur, une copie de sa lettre.

 

[17]           Ni le demandeur ni son avocat ne se sont présentés à l’audience du 26 mai 2005. Plus tard ce jour‑là, après consultation du site Web de Postes Canada, l’agente constatait qu’il y avait eu le 16 mai 2005 tentative de livrer sa lettre datée du 12 mai 2005.

 

[18]           L’agente a décidé le 26 mai 2005 que le demandeur s’était désisté de sa demande d’ERAR puisqu’il ne s’était présenté à aucune des audiences.

 

[19]           L’adresse postale du demandeur inscrite au dossier était le domicile de sa tante et de son oncle à Burnaby, en Colombie‑Britannique. Le demandeur a produit un affidavit établi par sa tante, Tahereh Khoddami, dans lequel elle écrit qu’elle était en dehors du pays entre le 11 avril 2005 et le 21 mai 2005, mais qu’elle avait prié son mari et ses enfants d’informer le demandeur immédiatement de tout courrier qui lui serait adressé. Elle ajoute qu’une seule fiche d’avis de livraison a été reçue le 3 juin 2005 ou vers cette date et qu’elle en a informé immédiatement le demandeur.

 

[20]           Le demandeur a aussi produit un affidavit établi par son oncle, Iraj Maleki, dans lequel celui‑ci écrit que, entre le 11 avril et le 21 mai 2005, il n’a reçu aucune fiche d’avis de livraison adressée au demandeur.

 

[21]           Le demandeur a aussi produit un affidavit dans lequel il écrit qu’il n’a reçu qu’un seul avis de livraison, soit le 3 juin 2005, et qu’il fut consterné d’apprendre qu’il était réputé s’être désisté de sa demande d’ERAR. Il dit qu’il voudrait contester les conclusions du conseiller juridique de l’ambassade du Canada.

 

DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

 

[22]           Les dispositions applicables du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) sont les suivantes :

160. (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi, toute personne peut faire une demande de protection après avoir reçu du ministère un avis à cet effet.

 

160. (1) Subject to subsection (2) and for the purposes of subsection 112(1) of the Act, a person may apply for protection after they are given notification to that effect by the Department.

 

(4) L’avis est donné :

 

(4) Notification is given

 

a) soit sur remise en personne du formulaire de demande de protection;

 

(a) when the person is given the application for protection form by hand; or

 

b) soit à l’expiration d’un délai de sept jours suivant l’envoi par courrier du formulaire de demande de protection à la dernière adresse fournie au ministère par la personne.

 

(b) if the application for protection form is sent by mail, seven days after the day on which it was sent to the person at the last address provided by them to the Department.

 

[…]

 

 

168. Si une audience est requise, les règles suivantes s’appliquent :

 

168. A hearing is subject to the following provisions:

 

a) un avis qui indique les date, heure et lieu de l’audience et mentionne les questions de fait qui y seront soulevées est envoyé au demandeur;

 

(a) notice shall be provided to the applicant of the time and place of the hearing and the issues of fact that will be raised at the hearing;

 

b) l’audience ne porte que sur les points relatifs aux questions de fait mentionnées dans l’avis, à moins que l’agent qui tient l’audience n’estime que les déclarations du demandeur faites à l’audience soulèvent d’autres questions de fait;

 

(b) the hearing is restricted to matters relating to the issues of fact stated in the notice, unless the officer conducting the hearing considers that other issues of fact have been raised by statements made by the applicant during the hearing;

 

c) le demandeur doit répondre aux questions posées par l’agent et peut, à cette fin, être assisté, à ses frais, par un avocat ou un autre conseil;

 

(c) the applicant must respond to the questions posed by the officer and may be assisted for that purpose, at their own expense, by a barrister or solicitor or other counsel; and

 

d) la déposition d’un tiers doit être produite par écrit et l’agent peut interroger ce dernier pour vérifier l’information fournie.

 

(d) any evidence of a person other than the applicant must be in writing and the officer may question the person for the purpose of verifying the evidence provided.

 

169. Le désistement d’une demande de protection est prononcé :

 

169. An application for protection is declared abandoned

 

a) dans le cas où le demandeur omet de se présenter à une audience, lorsqu’il omet de se présenter à une audience ultérieure dont il a reçu avis;

 

(a) in the case of an applicant who fails to appear at a hearing, if the applicant is given notice of a subsequent hearing and fails to appear at that hearing; and

 

b) dans le cas où le demandeur quitte volontairement le Canada, lorsque la mesure de renvoi est exécutée en application de l’article 240 ou lorsqu’il quitte autrement le Canada.

(b) in the case of an applicant who voluntarily departs Canada, when the applicant’s removal order is enforced under section 240 or the applicant otherwise departs Canada.

 

 

[23]           L’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) est ainsi formulé :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

POINTS LITIGIEUX

 

[24]           Le demandeur soulève les points suivants :

 

1.         Quelle est la norme d’équité procédurale que doit observer le défendeur avant de pouvoir dire que le demandeur s’est désisté de sa demande d’ERAR?

2.         L’agente a‑t‑elle manqué à la justice naturelle en envoyant les avis d’audience par poste recommandée?

 

ARGUMENTS

 

1.         Quelle est la norme d’équité procédurale que doit observer le défendeur avant de pouvoir dire que le demandeur s’est désisté de sa demande d’ERAR?

 

            Le demandeur

 

[25]           Selon le demandeur, les conséquences dans le cas présent sont pour lui extrêmement graves, d’autant plus qu’il s’est déjà adressé deux fois à la Cour fédérale pour faire infirmer des décisions d’ERAR qui lui étaient défavorables et qu’il a aussi supporté les coûts d’un rapport d’expert. Le demandeur fait donc valoir que la norme d’équité procédurale qui est applicable en l’espèce est une norme élevée.

 

[26]           Invoquant l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, le demandeur fait valoir qu’il s’agit ici d’un cas où il ne devrait pas être privé du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, un droit conféré par l’article 7 de la Charte, si ce n’est en conformité avec les principes de justice fondamentale, dont l’application ne saurait, dit‑il, dépendre du défaut de livraison d’un envoi recommandé.

 

[27]           Le demandeur fait valoir que, puisqu’il n’est pas possible selon la Loi de rouvrir la demande dès lors qu’il est réputé s’en être désisté, une déclaration de désistement équivaut à un rejet de la demande sans qu’elle soit étudiée au fond. Le demandeur soutient que cela va à l’encontre des principes d’équité exposés dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

 

[28]           Le demandeur relève aussi qu’il pourrait présenter une autre demande aux termes de l’article 165 du Règlement, mais qu’une telle demande ne donnerait pas lieu à un sursis d’exécution de la mesure de renvoi et l’exposerait donc au risque d’être renvoyé, ce qui ne devrait se faire qu’en conformité avec une norme d’équité procédurale qui s’accorde avec l’article 7 de la Charte.

 

            Le défendeur

 

[29]           Le défendeur ne présente pas d’arguments écrits particuliers sur le premier point.

 

2.         L’agente a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale en envoyant les avis d’audience par poste recommandée?

 

            Le demandeur

 

[30]           Le demandeur dit que les avis d’audience lui ont été envoyés selon une méthode non autorisée par la Loi, à savoir la poste recommandée, et que cette méthode permettait simplement au défendeur d’obtenir confirmation de la livraison au demandeur, mais non de s’assurer de cette livraison.

 

[31]           Le demandeur fait valoir que le défendeur ne lui a pas livré les avis d’audience, ce qui équivaut à un manquement à la justice naturelle de la part du défendeur.

 

[32]           Même si la Loi ne dit rien des modes de notification des audiences, le demandeur dit qu’il n’a pas « reçu avis » d’une audience ultérieure ainsi que le requiert l’article 169 du Règlement, et sa demande d’ERAR n’aurait donc pas dû faire l’objet d’une déclaration de désistement.

 

[33]           Le demandeur soutient que le défendeur a obtenu confirmation que le premier avis n’avait pas été retiré et donc n’avait pas été reçu par le demandeur, mais qu’il a ensuite employé la même méthode de livraison pour le second avis.

 

[34]           Le demandeur fait observer qu’il a reçu le second avis le 3 juin, après la date d’audience du 26 mai, et c’est alors qu’il a communiqué immédiatement avec son avocate.

 

            Le défendeur

[35]           Le défendeur dit que, puisque l’article 168 du Règlement ne dit rien du mode de notification des audiences, le moyen employé relevait de la décision discrétionnaire de l’agente et que le recours à la poste recommandée pour effectuer la notification constitue un exercice raisonnable de ce pouvoir discrétionnaire.

 

[36]           Le défendeur fait valoir que le demandeur a reçu avis des deux audiences par poste recommandée et que la confirmation reçue de Postes Canada atteste que des fiches d’avis de livraison ont été laissées à son adresse pour les deux avis d’audience. Il n’y a pas de désaccord en ce qui a trait à l’adresse du demandeur, et, selon le défendeur, [traduction] « le témoignage du demandeur donne à penser qu’il ne vivait pas toujours et quotidiennement à cette adresse ».

 

[37]           Le défendeur soutient que la confirmation reçue de Postes Canada devrait être préférée aux affidavits produits par le demandeur parce qu’elle vient d’une source désintéressée qui n’est pas partie au présent litige.

 

[38]           Le défendeur dit aussi que l’avocate a tenté de communiquer avec le demandeur avant le 2 mai pour l’informer des audiences, ainsi que l’atteste la pièce « F » de l’affidavit de l’agente.

 

[39]           Invoquant la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 908, [2005] A.C.F. n° 1150 (QL), le défendeur fait valoir que les demandeurs d’asile ont l’obligation de demeurer en contact avec leurs avocats et que le demandeur avait la même obligation en ce qui a trait à sa demande d’ERAR.

 

[40]           Le défendeur allègue donc que l’agente n’a pas manqué à l’équité procédurale lorsqu’elle a présumé, en application de l’article 169 du Règlement, que le demandeur s’était désisté de sa demande d’ERAR.

 

ANALYSE

 

[41]           Par lettre du 26 mai 2005, le demandeur fut informé que sa demande d’ERAR avait été rejetée parce que, ne s’étant pas présenté à une audience, il avait été prié de se présenter à une audience ultérieure à laquelle il ne s’est pas non plus présenté. L’agente a donc présumé qu’il s’était désisté de sa demande d’ERAR.

 

[42]           Selon l’alinéa 169a) du Règlement, le désistement d’une demande de protection est prononcé, dans le cas où le demandeur omet de se présenter à une audience, lorsqu’il omet de se présenter à une audience ultérieure dont il a reçu avis.

 

[43]           Le demandeur ne s’est pas présenté à une audience qui devait avoir lieu le 11 mai 2005. L’avis présumé de cette audience se trouvait dans la lettre de l’agente datée du 26 avril 2005 qui fut envoyée par télécopie à l’avocat du demandeur, M. Buahene, le 27 avril 2005, et envoyée au demandeur par lettre recommandée.

 

[44]           L’agente dit qu’elle a consulté le site Web de Postes Canada le 12 mai 2005 pour savoir où était sa lettre du 26 avril. Elle dit que, selon la sortie sur imprimante, Postes Canada avait tenté de livrer la lettre le 28 avril 2005 et qu’une fiche d’avis de livraison avait été laissée à l’intention du demandeur quand la lettre n’avait pu être livrée.

 

[45]           L’agente dit qu’elle a envoyé en recommandé le 27 avril 2005 sa lettre du 26 avril 2005 et que le formulaire de recommandation porte le numéro 78 651 632 572.

 

[46]           La sortie sur imprimante du site Web de Postes Canada jointe à l’affidavit de l’agente du 12 mai 2005 pour l’envoi 78 651 632 572 révèle que l’envoi devait être livré le 28 avril 2005, à New Westminster, où il y eut tentative de livraison, et qu’une fiche d’avis de livraison donnant les détails requis pour la cueillette de l’envoi fut laissée sur place. Quand l’envoi fut reçu au bureau de poste pour être retiré en tant qu’envoi annoncé par carte, l’endroit indiqué était Burnaby.

 

[47]           Tout ce que révèle cette sortie sur imprimante est donc qu’il y a eu tentative de livraison de l’envoi à New Westminster. Elle ne nous dit pas qu’il y a eu tentative de livraison à l’adresse du demandeur, qui à l’époque considérée était 6865, avenue Sperling, Burnaby (C.‑B.), V5E 2V8. Aucune explication n’est donnée par le défendeur indiquant pourquoi c’est à New Westminster que l’on a tenté de livrer l’envoi.

 

[48]           L’agente a envoyé son second avis d’audience le 12 mai 2005. Une copie de l’avis a été envoyée par télécopieur à M. Buahene le 12 mai 2005. Cet avis a aussi été envoyé en recommandé au demandeur sous le numéro 78 651 632 609 et a été accepté par Postes Canada le 13 mai 2005.

 

[49]           La sortie sur imprimante du 26 mai 2005 issue du site Web de Postes Canada pour l’envoi 78 651 632 609 montre que l’envoi a été accepté le 13 mai 2005 à Vancouver et que la livraison a été tentée le 16 mai 2005 à New Westminster. Encore une fois, la sortie sur imprimante montre clairement que l’envoi a été reçu au bureau de poste de Burnaby (C.‑B.) pour être retiré comme envoi annoncé par carte, mais tout ce qu’elle nous dit sur la tentative de livraison, c’est qu’elle a eu lieu à New Westminster, où fut laissée une fiche d’avis de livraison donnant les détails requis pour la cueillette de l’envoi.

 

[50]           Là encore, le défendeur ne peut expliquer pourquoi c’est à New Westminster qu’il y a eu tentative de livraison de l’envoi et envoi de la fiche d’avis de livraison.

 

[51]           De même, le 2 mai 2005, Mme Fiona Begg (l’actuelle conseillère juridique du demandeur) a informé l’agente, par télécopieur, que M. Buahene était en dehors du pays et qu’il ne devrait plus être considéré comme l’avocat du demandeur. Il est donc difficile de comprendre pourquoi l’agente a envoyé par télécopieur le second avis d’audience à M. Buahene le 12 mai 2005. Et, ce faisant, elle aurait dû savoir que ce n’était pas un moyen fiable d’informer le demandeur de la rencontre prévue pour le 26 mai 2005.

 

[52]           Quand l’agente s’est informée du statut des deux avis relatifs aux sorties sur imprimante du site de Postes Canada, elle devait savoir que la tentative de livraison avait eu lieu à New Westminster et non à Burnaby. On ne semble pourtant pas avoir cherché à élucider cette discordance pour savoir si la livraison avait été tentée à l’adresse du demandeur à Burnaby et/ou si la fiche d’avis de livraison avait été laissée à l’adresse du demandeur à Burnaby ou quelque part à New Westminster comme l’indique la sortie sur imprimante.

 

[53]           Autrement dit, le défendeur n’a présenté à la Cour aucune preuve montrant que l’avis d’audience a été remis à l’adresse du demandeur à Burnaby. La sortie sur imprimante de Postes Canada indique qu’il l’a été à New Westminster.

 

[54]           Le demandeur dit que le seul avis qu’il a reçu est celui qui lui a été remis le 3 juin 2005 ou vers cette date et qui l’invitait à se rendre à Middlegate Hall pour retirer une lettre recommandée. Il dit que c’est ce qu’il a fait et qu’on lui a remis la lettre du défendeur du 14 avril 2005 concernant la communication de renseignements, ainsi que l’avis du 12 mai 2005 l’informant de la seconde audience.

 

[55]           Il dit aussi que, durant toute la période d’avril et mai 2005, quand sa tante était en Iran, il a continué de recevoir du courrier ordinaire, [traduction] « y compris des lettres de l’ADRC ».

 

[56]           Il n’est pas établi que quiconque habitant à l’adresse du demandeur ait jamais reçu une fiche d’avis de livraison pour les deux avis d’audience qui, selon la sortie sur imprimante du site Web de Postes Canada, ont été déposés à New Westminster le 28 avril 2005 et le 16 mai 2005.

 

[57]           L’affidavit du demandeur est équivoque pour ce qui est de savoir comment et quand il a reçu le 3 juin 2005 ou vers cette date l’avis l’invitant à retirer une lettre recommandée. Il dit que c’est sa tante qui lui a remis la fiche, mais il ne dit pas quand elle l’a reçue. Il fait aussi la remarque suivante :

 

[traduction]

Je ne vois pas pourquoi je m’empresserais de retirer certaines lettres et pas d’autres, puisque, quand j’ai reçu les fiches de Postes Canada, elles n’indiquaient pas de quelles lettres il s’agissait.

 

 

 

[58]           La tante du demandeur écrit dans son affidavit que, entre le 11 avril 2005 et le 21 mai 2005, elle était en Iran. Toutefois, elle dit aussi que, avant de partir, elle avait indiqué à ses enfants et à son mari que, si le demandeur venait à recevoir du courrier quand il ne serait pas à la maison, ils devraient l’appeler immédiatement.

 

[59]           Elle écrit ensuite que, lorsqu’elle est rentrée d’Iran, elle a reçu un avis de Postes Canada selon lequel il y avait du courrier pour le demandeur. Elle dit que l’avis est arrivé le 3 juin 2005 ou vers cette date et qu’elle en a immédiatement informé le demandeur.

 

[60]           Le défendeur a choisi de ne pas contre‑interroger le demandeur et la tante sur leurs affidavits.

 

[61]           La Cour se trouve donc devant des récits contradictoires au sujet du moment et de l’endroit où les avis d’audience ont été donnés.

 

[62]           Le défendeur dit que les avis d’audience ont été envoyés à la bonne adresse et que [traduction] « les sorties sur imprimante du site Web de Postes Canada confirment que, pour les avis d’audience, des fiches d’avis de livraison ont été laissées à son adresse postale ». Mais les sorties sur imprimante indiquent New Westminster comme l’endroit où la livraison a été tentée et où la fiche d’avis de livraison a été laissée.

 

[63]           L’agente dit que, le 6 septembre 2005, elle a de nouveau consulté le site Web de Postes Canada pour connaître le statut des trois lettres recommandées qu’elle avait envoyées au demandeur, et elle présente une sortie sur imprimante pour les trois lettres. Là encore, le document informatisé indique New Westminster comme l’endroit où la livraison a été tentée et où la fiche d’avis de livraison a été déposée.

 

[64]           Il y a sans doute une explication simple pour ces divergences, mais elle n’a pas été donnée à la Cour. Le défendeur dit que la confirmation de Postes Canada devrait être préférée à la preuve du défendeur parce qu’elle vient d’une source désintéressée qui n’est pas partie au litige. La difficulté que me cause cette affirmation, c’est que la confirmation de Postes Canada est au mieux déroutante. Et, si l’on doit s’y fier, comme le voudrait le défendeur, elle indique que c’est à New Westminster que la livraison a été tentée et que les fiches d’avis de livraison ont été déposées.

 

[65]           La Cour ne dispose donc pas d’une preuve claire propre à réfuter ce que le demandeur et sa tante affirment à propos de la réception de l’avis.

 

[66]           Il convient de noter que, lorsque l’agente a communiqué avec le demandeur pour l’inviter à se présenter le 28 juin 2005 afin de prendre connaissance de la décision, elle a envoyé l’avis par courrier ordinaire et il n’y a eu aucun problème.

 

[67]           L’alinéa 168a) du Règlement prévoit expressément qu’un avis d’audience indiquant les date, heure et lieu de l’audience et mentionnant les questions de fait qui y seront soulevées doit être envoyé au demandeur. L’article 169 dispose que le désistement d’une demande ne peut être prononcé, dans le cas où le demandeur omet de se présenter à une audience, que « lorsqu’il omet de se présenter à une audience ultérieure dont il a reçu avis ».

 

[68]           En l’espèce, le demandeur dit qu’il n’a jamais reçu avis de l’une ou l’autre des audiences à une date qui lui aurait permis de s’y présenter. Le défendeur n’a pas donné à la Cour une preuve suffisante pour réfuter cette affirmation.

 

[69]           Dans ces conditions, laisser subsister la décision de désistement serait extrêmement périlleux, surtout compte tenu de l’enjeu si le demandeur perd la protection du sursis d’exécution de la mesure de renvoi que lui a accordé le juge Paul Rouleau.

 

[70]           Il y a plusieurs façons de qualifier ce que je crois être la conclusion qui s’impose dans cette procédure de contrôle. D’une part, la Cour juge que le demandeur n’a pas reçu avis de l’audience selon ce que prévoit l’article 168 du Règlement, de telle sorte que la décision n’a pas été prise conformément à l’article 169 et que, pour ce motif, elle est erronée en droit. D’autre part, il est également vrai que la justice naturelle et l’équité procédurale ont fait défaut dans cette affaire parce que le demandeur n’a pas reçu avis des rencontres prévues et qu’il n’a pas eu l’occasion de s’y présenter pour exposer ses arguments.

 

[71]           Il importe de préciser toutefois que ces conclusions sont le résultat des circonstances particulières de la présente affaire et du caractère confus de la preuve soumise à la Cour. La Cour ne s’exprime pas sur le mode de notification qui devrait être employé pour les avis d’audience. Au vu des circonstances de la présente affaire, la Cour ne peut tout simplement pas dire que le demandeur a reçu tels avis.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agente est annulée et l’affaire est renvoyée à une autre agente pour réexamen.

 

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          IMM‑4162‑05

 

 

INTITULÉ :                                                         MAHMOUD CHATRI

                                                                              c.

                                                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                              ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   VANCOUVER (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 15 DÉCEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                    LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 10 MARS 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Fiona Begg

 

            POUR LE DEMANDEUR

Peter Bell

 

            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fiona Beg

Vancouver (C.‑B.)

 

            POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Bureau régional de Vancouver

 

            POUR LE DÉFENDEUR

 

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