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Date : 19980625


Dossier : IMM-4906-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 25 JUIN 1998.

EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

     ABDOL MOHAMMAD ADIBI,

     demandeur,


     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


     défendeur.


     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire, renvoyée devant un comité différemment constitué pour qu'il procède à une nouvelle audition.


     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.






Date : 19980625


Dossier : IMM-4906-97



ENTRE :

     ABDOL MOHAMMAD ADIBI,


demandeur,

     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE TREMBLAY-LAMER :


[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Avant de s'enfuir de l'Iran, son pays d'origine, le demandeur a travaillé pour la Société nationale d'acier, où il assemblait de la machinerie servant à la fabrication de produits de l'acier pour l'industrie de la construction. Le demandeur et quatre autres ouvriers auraient été choisis pour ce travail à cause des problèmes qu'ils ont eus par le passé avec les autorités gouvernementales. Le demandeur a expliqué que les directeurs de l'usine ont comploté en vue d'installer de la machinerie défectueuse et se sont servis du passé tumultueux des ouvriers pour les forcer à collaborer. Les ouvriers serviraient également de bouc émissaire en cas de mise au jour du projet.

[3]      Pour éviter d'être accusés de sabotage, les ouvriers ont décidé d'écrire une lettre au président de l'Iran pour lui expliquer la situation. Le demandeur a tenté de remettre la lettre au président lors de la visite de ce dernier à l'usine, mais des agents de sécurité l'en ont empêché. Par la suite, la production sur la chaîne de montage a été interrompue en raison de défauts dans la machinerie et les ouvriers ont été accusés de sabotage. Le 1er juin 1996, les autorités se sont présentées à l'usine pour les arrêter. Le demandeur a réussi à s'échapper.

[4]      Le demandeur soutient que la Commission a enfreint les règles de justice naturelle lorsqu'elle a omis d'aborder la question de la compétence de l'interprète après que son avocat l'a soulevée. Il prétend qu'il appartenait au comité de se renseigner à ce sujet.


[5]      Bien que la compétence d'un interprète revête beaucoup d'importance lorsqu'il est question de crédibilité1, je ne suis pas convaincue qu'il y ait eu manquement à la justice naturelle en l'espèce. Comme je l'ai déjà mentionné dans l'arrêt Varaich c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration2 :

         C'est [...] en fonction du respect de l'équité que doivent être évalués la nature et le contenu de l'enquête.
         Dans l'affaire Xie, le juge MacGuigan affirme de façon non équivoque que c'est à l'arbitre que revient la responsabilité de s'assurer que l'interprète est compétent. L'arbitre étant maître du déroulement de l'instance, il peut assigner un témoin si son témoignage est nécessaire pour établir la compétence de l'interprète et pour assurer la tenue d'une audition équitable, mais il n'est pas tenu de le faire.

[6]      En l'espèce, l'avocat du demandeur a demandé une reprise de l'audience, que la Commission lui a accordée. À la reprise, la preuve présentée signalait une erreur dans la traduction. L'avocat du demandeur a demandé aux membres du comité de ne pas tenir compte de la partie du témoignage dans laquelle l'erreur avait été commise et le demandeur paraissait demeurer évasif.


[7]      Je suis convaincue que le comité a agi de façon équitable dans les circonstances. Il s'est renseigné sur la fidélité de l'interprétation et n'a pas fondé sa conclusion en matière de crédibilité sur le fait que le demandeur s'était montré évasif en témoignant relativement aux noms de ses collègues. Il est manifeste que le comité ne s'est pas fondé sur l'erreur contestée pour rejeter la revendication. Par conséquent, le demandeur n'a pas réussi à démontrer qu'il avait subi un préjudice en raison de l'erreur dans la traduction3.

[8]      Cependant, la Commission a commis une erreur de droit susceptible de contrôle judiciaire lorsqu'elle a omis de tenir compte de la preuve corroborante pertinente qui était particulière à la revendication du demandeur et qui soutenait clairement la position de ce dernier. En effet, le mandat d'arrêt n'était pas mentionné dans les motifs de la décision. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que la Commission mentionne toute la preuve dont elle dispose, elle aurait dû reconnaître l'existence de ce document qui corroborait l'histoire du demandeur et contredisait directement les conclusions auxquelles elle était parvenue4.

[9]      Vu les circonstances, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire, renvoyée devant un comité différemment constitué pour qu'il procède à une nouvelle audition.

[10]      Les avocates ont recommandé la certification de la question suivante :

         Quand le comité soulève une question d'interprétation, malgré les recours particuliers que les avocats peuvent chercher à obtenir, le comité est-il tenu de se renseigner sur la compétence de l'interprète?

[11]      La Commission s'étant renseignée sur la compétence de l'interprète, je ne vois aucune raison justifiant la certification de la question.





     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                 JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 juin 1998.




Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-4906-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              ABDOL MOHAMMAD ADIBI c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              le 22 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      Madame le juge Tremblay-Lamer


EN DATE DU :                  25 juin 1998




ONT COMPARU :

Mme Wendy Lack                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Lori Hendriks                      POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Mme Wendy Lack                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)


M. George Thomson                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


__________________

1      Boateng c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1994), 71 F.T.R. 161 à 163 (C.F. 1re inst.); Ming c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1990), 107 N.R. 296 (C.A.F.).

2      (1994), 75 F.T.R. 143 (C.F. 1re inst.).

3      Tung c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1991), 124 N.R. 388 (C.A.F.).

4      Atwal c. Canada (Secrétariat d'État) (1995), 82 F.T.R. 73 (1re inst.); Bains c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 63 F.T.R. 312 (1re inst.).

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