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Date : 20040405

Dossier : IMM-3043-04

Référence : 2004 CF 527

ENTRE :

                                                       DRAHOMIRA HOLUBOVA

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                Voici les motifs d'une ordonnance par laquelle un sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi prise à l'endroit de la demanderesse a été refusé.

[2]                Mme Holubova est entrée au Canada en provenance de la République tchèque en 1997 avec son époux et ses enfants qui sont maintenant respectivement âgés de 19 et de 8 ans. Les membres de la famille revendiquaient le statut de réfugié en se fondant sur leur crainte d'être persécutés du fait de leur ethnie rom. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) a accueilli leur demande.

[3]                La demanderesse a menti dans sa demande lorsqu'elle a déclaré qu'elle n'avait pas de dossier au criminel. C'est ce qui résulte naturellement de se faire prendre à mentir qui amène la demanderesse devant la Cour aujourd'hui.

[4]                Mme Holubova avait été déclarée coupable de vol en 1995 et de vol qualifié en 1996. Lorsque les fonctionnaires canadiens ont appris ces faits, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a pris des mesures pour annuler le statut de réfugiée de la demanderesse (non celui des autres membres de la famille).

[5]                En fin de compte, la CISR a annulé le statut de réfugiée de la demanderesse bien que ses déclarations de culpabilité aient été annulées au motif qu'elle avait été reconnue coupable sans qu'elle ait été représentée par un avocat de son choix. M. le juge O'Reilly a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision de la CISR (voir la décision Holubova c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2003 CF 1386) en déclarant que l'annulation des déclarations de culpabilité ne changeait pas le fait que la demanderesse avait fait de fausses déclarations dans sa demande de statut de réfugiée.


[6]                En 1999, la demanderesse et les membres de sa famille ont présenté une demande de résidence permanente en se fondant sur leur statut de réfugié. Cette demande est encore en instance étant donné qu'elle a été retardée compte tenu de l'instance visant à annuler le statut de réfugiée de la demanderesse. La demanderesse est admissible à être incluse dans la demande de la famille même si elle a perdu son statut de réfugiée.

[7]                La demanderesse avait présenté, en octobre 2002, une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) qui a été rejetée en juillet 2003. La Cour a été informée lors de l'audience de la présente requête que la demanderesse avait présenté la veille une requête en vue d'obtenir une prorogation de délai et une demande d'autorisation à l'égard de la décision du 15 juillet 2003 rendue à la suite de l'ERAR.

[8]                Le 5 mars 2004, Louise Harvey, une agente d'expulsion (l'agente) a rencontré la demanderesse afin de prendre des dispositions pour son renvoi du Canada. La seule question soulevée par la demanderesse était celle de savoir si les enfants pouvaient rester au Canada. L'agente a par la suite remis une convocation à la demanderesse.

[9]                Le 16 mars 2004, la demanderesse a demandé que le renvoi soit reporté parce qu'elle avait des problèmes de santé à la suite d'un accident d'automobile survenu en 2003. Deux rapports médicaux étaient joints à la demande.


[10]            Le premier rapport mentionnait une blessure des tissus mous et un programme d'exercice qui devait se poursuivre pendant 3 ou 4 mois. Le deuxième rapport soulevait la question de douleurs abdominales qui faisaient l'objet d'examens. Ce rapport concluait que les projets de voyage n'étaient pas recommandés et qu'ils étaient [TRADUCTION] « contre-indiqués pour des raisons médicales » .

[11]            Le dossier établit que l'agente a transmis ces rapports à la Direction générale des services médicaux de Citoyenneté et Immigration Canada.

[12]            Le 22 mars, le Dr Gollish de cette Direction générale a signalé qu'il avait téléphoné aux deux médecins afin d'obtenir des renseignements médicaux additionnels. Compte tenu des renseignements dont il disposait, il a conclu que les blessures physiques de la demanderesse étaient des blessures courantes qui se traitaient en services externes et qui disparaissaient avec le temps. Quant aux douleurs abdominales, aucun diagnostic précis n'a été fourni. Il a conclu que l'état de santé de la demanderesse ne l'empêchait pas de se rendre à Prague.

[13]            Compte tenu de l'avis médical et d'autres renseignements, l'agente a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de motifs lui permettant d'exercer son pouvoir discrétionnaire limité de reporter le renvoi.

[14]            La demanderesse a alors transmis deux autres opinions médicales, l'une du médecin qui avait préparé le premier rapport et l'autre d'un nouveau médecin. L'agente a accepté d'examiner à nouveau sa décision et elle a transmis ces rapports à la Direction générale des services médicaux.


[15]            Cette preuve médicale la plus récente établissait que les traitements de la demanderesse ne devraient pas être interrompus et que la demanderesse était en attente d'un examen à l'égard de problèmes cardiaques. Il y a très peu de détails à l'égard de la possibilité de ces problèmes cardiaques.

[16]            Le rapport du 30 mars préparé par le Dr Gollish à l'intention de l'agente confirmait qu'il n'y avait rien de nouveau dans le rapport à l'égard des traitements de la demanderesse, que la demanderesse pourrait poursuivre ses traitements en République tchèque et qu'elle pourrait prendre des médicaments afin de ne pas souffrir pendant le voyage à Prague. Quant à ses problèmes cardiaques, rien n'indiquait qu'il y avait des facteurs de risques cardiaques, des symptômes ou des médicaments à cet égard. Par conséquent, il concluait que sans un diagnostic ferme ou sans un motif pour faire un diagnostic, il n'y avait pas de raisons énoncées dans ces lettres qui empêchaient la demanderesse de voyager.

[17]            L'agente a alors confirmé de nouveau sa décision de ne pas reporter le renvoi.

[18]            Afin de fournir un complément aux faits dans la présente affaire, la demanderesse a déposé un affidavit dans la présente instance. Dans cet affidavit, elle soulève des motifs qu'elle n'avait pas invoqués auparavant ou soulevés à l'agente. Ces motifs incluent la demande de résidence permanente en instance et le fait que son fils souffre d'épilepsie et a besoin de l'aide de ses deux parents.


[19]            Le dossier ne révèle pas de détails quant à l'état de santé du fils, une question pour laquelle on pourrait raisonnablement s'attendre à ce qu'elle ait été soulevée bien avant maintenant.

[20]            Le dossier est dénué de tout élément de preuve démontrant que des traitements médicaux, notamment des traitements pour les blessures physiques de la demanderesse, ne sont pas offerts en République tchèque. De la même façon, le dossier est démuni de preuve claire démontrant que la demanderesse ne peut pas supporter un voyage de huit heures en avion entre le Canada et la République tchèque.

[21]            Lors de l'examen d'une demande de sursis d'une mesure de renvoi, il faut qu'il soit tenu compte de l'étendue de la décision que l'agente pouvait rendre, de même que de la nature de l'instance. La demande de report et la présente demande de sursis ne sont pas des tribunes pour la contestation d'opinions médicales, la réfutation, la réponse, la re-réfutation et la re-réponse.

[22]            Le report d'une mesure de renvoi n'est pas la tribune pour une demande « préalable » à une demande fondée sur des raisons « d'ordre humanitaire » qui nécessite un examen approfondi de l'intérêt supérieur des enfants (voir la décision Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 936).

[23]            Le fait qu'il y ait des demandes en instance peut être un facteur à prendre en compte, mais ne peut, en soi, être la raison de report de l'exécution d'une mesure de renvoi. Le fait de le faire créerait un régime de sursis automatique alors que la loi ne prévoit pas une telle disposition. Il n'appartient pas à la Cour de réécrire la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, ou d'y « inclure » ce que le législateur n'a jamais eu l'intention d'inclure.

[24]            Il est bien connu en droit que le demandeur doit satisfaire au critère en trois volets énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

[25]            Dans une situation de refus de reporter le renvoi, le critère de la question grave requiert généralement qu'il soit tenu compte largement du bien-fondé de la question juridique parce que dans un cas de sursis à l'exécution d'un renvoi, le demandeur obtient effectivement la réparation même qu'il tentait d'obtenir dans la demande principale (voir la décision Padda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 1081).


[26]            La demanderesse conteste la décision de l'agente pour plusieurs motifs, y compris :        (a)         l'omission d'avoir tenu compte de l'intérêt supérieur de l'enfant - l'agente a effectivement tenu compte de la situation de l'enfant mineur, mais, comme il a été mentionné précédemment, il existe une limite à l'étendue du pouvoir discrétionnaire de l'agente. L'autre enfant est un adulte et la prétention selon laquelle il souffre d'épilepsie est nouvelle et non appuyée par des éléments de preuve;

(b)         la demande d'établissement en instance - cette question n'a pas été soulevée et, dans ces circonstances, elle n'est que l'un de plusieurs facteurs;

(c)         le manque de sensibilité à l'endroit de la demanderesse - il n'existe pas de fondement pour cette affirmation. L'agente a agi d'une façon juste, a accepté que de nouveaux documents soient présentés, a cherché à obtenir l'assistance d'un expert et a accepté d'examiner à nouveau sa décision initiale de ne pas reporter le renvoi;

(d)         l'absence de motifs - la décision comportait plus que suffisamment de détails pour permettre à la demanderesse de comprendre les raisons pour lesquelles la demande de report n'avait pas été accueillie. On ne peut pas s'attendre à ce que l'agente ait fait plus que ce qu'elle a fait dans ces circonstances;

(e)         l'omission de tenir compte de l'opinion médicale - il n'y a pas eu d'omission de tenir compte des opinions de l'autre médecin. Toutefois, il y avait dans les rapports du médecin un manque de détails. Il n'était pas déraisonnable pour l'agente de préférer l'opinion émise par la Direction générale et de s'y appuyer. Le fardeau de la preuve appartient à la demanderesse;

(f)          l'article 7 de la Charte : le danger pour la sécurité de la personne - il n'y a pas un fondement probatoire suffisant permettant de faire cette prétention.

[27]            La demanderesse ne peut pas satisfaire au premier niveau de la « question grave » .


[28]            Dans la mesure où la question du préjudice irréparable devrait être examinée de façon subsidiaire à la conclusion quant à la question grave, la force de la preuve ne satisfait pas à ce critère. Il n'y a pas de prépondérance de preuve démontrant que les traitements de la demanderesse seront interrompus, que des traitements médicaux pour des douleurs abdominales ne seront pas offerts ou que les problèmes cardiaques dont elle souffre peut-être sont si graves qu'ils l'empêchent de voyager. Par conséquent, il n'y a pas suffisamment de preuve qu'il existe un préjudice irréparable.

[29]            Un examen de la question de la prépondérance des inconvénients serait purement théorique.

[30]            Pour les motifs précédemment énoncés, la demande de sursis est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 5 avril 2004

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-3043-04

INTITULÉ :                                                     DRAHOMIRA HOLUBOVA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             OTTAWA ET TORONTO

DATE DE LA TÉLÉCONFÉRENCE :       LE 2 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                  LE 5 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Joseph S. Farkas                                          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Tamrat Gebeyehu                                          POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph S. Farkas                                          POUR LA DEMANDERESSE                    

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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