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     T-1322-92

OTTAWA (Ontario), le 9 avril 1997

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Campbell

ENTRE :

     HEFFCO INC.,

     demanderesse,

     - et -


DRECO ENERGY SERVICES LTD., THE DRECO GROUP OF COMPANIES LTD., DUCHARME OILFIELD RENTALS LTD. et DRECO ENERGY SERVICES LTD.,

faisant affaires sous le nom de

GRIFFITH OIL TOOL & TRUDRILL, et ladite

GRIFFITH OIL TOOL & TRUDRILL,

     défenderesses.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs ci-joints, dans le cadre de la présente requête en vue d'obtenir un jugement sommaire, je rejette dans sa totalité la prétention de Heffco. J'adjuge à Griffith les dépens prévus à la colonne III du tarif B.

                             Douglas B. Campbell

                                 Juge

Traduction certifiée conforme :             
                             C. Bélanger, LL.L.

     T-1322-92

ENTRE :

     HEFFCO INC.,

     demanderesse,

     - et -


DRECO ENERGY SERVICES LTD., THE DRECO GROUP OF COMPANIES LTD., DUCHARME OILFIELD RENTALS LTD. et DRECO ENERGY SERVICES LTD.,

faisant affaires sous le nom de

GRIFFITH OIL TOOL & TRUDRILL, et ladite

GRIFFITH OIL TOOL & TRUDRILL,

     défenderesses.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE CAMPBELL

     Pour l'observateur non averti, l'univers des aléseurs, des stabilisateurs à lames intégrées et des amortisseurs, qui sont depuis des décennies des outils standards au sein de l'industrie du forage de puits de pétrole et de gaz, est déconcertant. Toutefois, les personnes qui s'y connaissent dans le domaine comprennent que la demanderesse (Heffco) a breveté une amélioration de la façon dont ces outils sont construits. En l'espèce, il s'agit de savoir si un certain outil fabriqué par les défenderesses (Griffith) contrefait le brevet de Heffco.


I. Le bien-fondé de la détermination de la présente

affaire par voie de jugement sommaire

A. S'agit-il d'une affaire qui se prête à un jugement sommaire?

     La présente action en contrefaçon comporte deux éléments distincts : Heffco allègue que l'outil produit et largement commercialisé par Griffith (l'outil Griffith) contrefait le brevet (le " brevet ") qui vise son outil (l'outil Heffco). Elle soutient aussi qu'un autre outil censément produit par Griffith contrefait également son brevet, et, en raison de l'incertitude au sujet de l'existence de cet outil, celui-ci est appelé l'" outil fantôme ".

     (1) L'outil Heffco et l'outil Griffith

     La position de Griffith au sujet de cet élément est que les frais de la présente action sont élevés et en hausse, que les faits sont tous connus grâce aux éléments de preuve déjà produits1, et que, par conséquent, l'affaire peut être convenablement tranchée dans le cadre de la présente requête en vue d'obtenir un jugement sommaire. Heffco prétend que la configuration et la fonction de l'outil Griffith sont presque identiques à celles de l'outil Heffco, et que, par conséquent, il existe une question sérieuse à instruire au sujet de la contrefaçon. Heffco fait aussi valoir que s'il existe une différence entre les outils, il est nécessaire, pour la définir, de présenter une preuve d'expert au procès.

     J'estime que la règle 432.3(4) des Règles de la Cour fédérale s'applique à cet élément de l'action :

         Règle 432.3 (4) Lorsque le juge décide qu'il existe une question sérieuse à l'égard de la réclamation ou de la défense, il peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question ou en général, sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :         
         a) l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour qu'il puisse trancher les questions de fait ou de droit;         
         b) il estime injuste de trancher les questions dans le cadre de la requête en vue d'obtenir un jugement sommaire.         

     Après avoir étudié la preuve, je conclus qu'il n'existe aucun fait en litige concernant la configuration des outils. Même s'il y a un litige au sujet de la fonction de ces derniers et de l'incidence que celle-ci peut avoir sur la question de la contrefaçon, je suis convaincu que la production d'autres éléments de preuve d'expert n'aidera pas la Cour à interpréter les revendications du brevet.

     Par conséquent, au sujet de cet élément de l'action, même s'il existe une question sérieuse à trancher, je suis convaincu, d'après les éléments de preuve présentés, de pouvoir trouver les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit. Je conclus aussi qu'il est juste de trancher cet élément dans le cadre de la requête en vue d'obtenir un jugement sommaire, parce que retarder davantage cette affaire occasionnerait des frais tout à fait inutiles aux deux parties.

     (2) L'outil Heffco et l'outil fantôme

     J'estime que la règle 432.3(1) des Règles de la Cour fédérale s'applique à cet élément de l'action :

         Règle 432.3(1) Lorsque le juge est convaincu qu'il n'existe aucune question sérieuse à instruire à l'égard d'une réclamation ou d'une défense, il rend un jugement sommaire en conséquence.         

     Pour les raisons énoncées à la partie III ci-après, je suis convaincu qu'on ne devrait pas procéder à une instruction sur cet élément.


II. Le critère relatif à la contrefaçon de brevet

A. Quel est le critère et comment devrait-il être appliqué?

     Dans la présente affaire, les arguments ont porté sur ce qui a été appelé le " critère traditionnel à deux volets " que le juge Marceau résume et critique ensuite dans Mobil Oil Corp. c. Hercules Canada Inc. (1995), 63 C.P.R. (3d) 4732, à la page 488, comme suit :

         La distinction établie par le juge du procès découle, bien sûr, du fait que dans son examen de la question de la contrefaçon, celui-ci a adopté le critère traditionnel à deux volets selon lequel il faut d'abord se demander si les activités de la défenderesse sont clairement embrassées par le libellé des revendications et, dans la négative, si ce que la défenderesse a fait a eu pour effet de prendre la substance de l'invention définie dans les revendications (voir les commentaires du professeur Fox dans son ouvrage Canadian Patent Law and Practice (1969) à la p. 324). Je partage les doutes exprimés par le juge Pratte dans l'arrêt Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Ltd. (1989), 26 C.P.R. (3d) 1, 99 N.R. 60 sub nomine Eli Lilly & Co. v. Novopharm Ltd., 28 F.T.R. 80n (C.A.), à l'égard d'une telle façon de voir.         
         En droit canadien, comme l'a déclaré il y a longtemps le président Thorson dans la décision McPhar Engineering Co. c. Sharpe Instruments Ltd. (1960), 35 C.P.R. 105, [1956-60] R. C. de l'É. 447, 21 Fox Pat. C. 1 (C. de l'É.), [TRADUCTION] " la personne qui prend la substance d'une invention se rend coupable de contrefaçon et il importe peu qu'elle omette une caractéristique qui n'est pas essentielle ou qu'elle lui substitue un équivalent ". Cela étant, je ne vois pas l'utilité du critère traditionnel à deux volets, ni même sa pertinence. Il ne fait aucun doute qu'une violation textuelle simplifierait le problème puisqu'elle mettrait immédiatement fin à l'enquête. Mais il me semble qu'il peut s'agir d'un exercice inutile dans les affaires comme la présente espèce où il peut être difficile d'établir la distinction entre la violation textuelle et la violation de la substance.         
         [...] J'estime qu'on ne devrait pas tenter de créer une distinction entre une contrefaçon de la substance d'une invention et une contrefaçon textuelle dans une affaire comme la présente espèce; il faut interpréter les revendications afin de déterminer ce qui est exactement couvert par la portée des droits de l'inventeur. Une fois cela déterminé, la Cour peut examiner le produit de la défenderesse afin de décider s'il est embrassé par la portée de la revendication.         
         [Italiques ajoutés]         

     Ce dernier passage en italique de la décision du juge Marceau dans Mobil énonce clairement l'objectif à atteindre lorsqu'il s'agit de déterminer si un brevet a été contrefait.

     En ce qui concerne le critère exact à appliquer pour atteindre cet objectif, dans Eli Lilly & Co. c. O'Hara Manufacturing Ltd. (1989), 26 C.P.R. (3d) 1 (C.A.F.), que cite le juge Marceau à l'appui de sa remarque selon laquelle le critère traditionnel devrait être abandonné, le juge Pratte analyse soigneusement les sources fondamentales et tire la conclusion exprimée dans le passage suivant de son jugement, à la page 5 :

         La décision du juge de première instance n'est qu'une application de la théorie traditionnelle, exprimée dans bien des arrêts, au Canada comme à l'étranger, selon laquelle un défendeur peut porter atteinte au monopole de l'inventeur, soit en faisant une chose qui constitue une contrefaçon de la lettre des revendications, soit en s'appropriant la substance de l'invention définie dans les revendications. Suivant cette théorie, le tribunal, lorsqu'il doit statuer sur la question de la contrefaçon, doit tout d'abord interpréter les revendications et décider s'il y a eu contrefaçon littérale; si tel n'est pas le cas, il doit s'acquitter de la délicate tâche d'analyser les revendications pour en extraire la substance de l'invention, de façon à être en mesure de déterminer si le défendeur se l'est appropriée.         
         Or, cette approche, comme l'a fait observer lord Reid dans l'arrêt C. Van Der Lely N.V. v. Bamfords Ltd., [1963] R.P.C. 61, p. 75 (H.L.), est difficile à concilier avec le principe fondamental voulant que [TRADUCTION] " le breveté est lié étroitement à l'invention qu'il revendique, ainsi qu'à la façon de réaliser une amélioration dont il se prétend l'inventeur ". À vrai dire, [TRADUCTION] " logiquement, il paraît s'ensuivre que si une autre personne est suffisamment ingénieuse pour réaliser cette amélioration par une méthode légèrement différente, elle ne sera pas coupable de contrefaçon ". C'est peut-être bien cette difficulté qui a incité la Chambre des lords, dans l'affaire Catnic Components Ltd. v. Hill & Smith Ltd., [1982] R.P.C. 183, p. 242 et suivantes, à écarter la distinction traditionnelle entre la " contrefaçon littérale " et la contrefaçon de la " substance " de l'invention.         
         Il est opportun de reprendre la plus grande partie des observations de lord Diplock dans cette affaire, pages 242 et 243 :         
                 [TRADUCTION] Dans leurs mémoires bien raisonnés présentés à cette Chambre, comme dans leurs plaidoiries, les deux parties ont eu tendance à traiter la " contrefaçon littérale " et la contrefaçon " de la substance " d'une invention comme s'il s'agissait de causes d'action distinctes, l'existence de la première étant une pure question d'interprétation, celle de la deuxième relevant d'une notion plus large d'apparence trompeuse. À mon sens, cette dichotomie n'existe pas; il n'y a qu'une cause d'action et l'on risque de semer la confusion si l'on adopte un autre point de vue, en particulier dans les affaires du type de celle qui fait l'objet du présent appel.                 
                 [...] Le mémoire descriptif d'un brevet est une déclaration unilatérale du breveté, rédigée en ses propres mots, à l'intention de tous ceux qui, sur le plan pratique, pourront s'intéresser à l'objet de l'invention (c.-à-d. " les hommes du métier "). Par sa déclaration, le breveté informe ces personnes de ce qu'il estime être les éléments essentiels du produit ou du procédé nouveau sur lequel des lettres patentes lui accordent un monopole. Ce ne sont que ces caractéristiques originales qu'il dit essentielles qui constituent ce qu'on appelle la " substance " de la revendication. Le mémoire descriptif d'un brevet doit recevoir une interprétation utilitaire plutôt qu'une interprétation littérale résultant du genre de méticuleuse analyse verbale à laquelle les avocats, en raison de leur formation, sont trop souvent enclins. La question qui se pose dans chaque cas est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lesquels l'invention est censée être employée, concluraient que le breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre telle phrase ou tel mot descriptifs figurant dans une revendication, de sorte que toute variante échapperait au monopole revendiqué, même si elle ne pouvait avoir aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention .                 
                 [Italiques ajoutés]                 
         Après avoir fait observer que la question ne se pose pas lorsqu'il serait évident pour le lecteur renseigné, à la date de publication du mémoire descriptif, que la variante aurait un effet sensible sur le fonctionnement de l'invention, lord Diplock a poursuivi :         
                 [TRADUCTION] Lorsque les connaissances dont on dispose à une époque donnée ne sont pas de nature à rendre cela évident, le lecteur peut à bon droit supposer que le breveté a estimé au moment de la rédaction du mémoire descriptif qu'il avait de bons motifs de restreindre si strictement son monopole et que telle a été son intention, même si les travaux accomplis ultérieurement par lui ou par d'autres personnes dans le domaine dont relève l'invention peuvent démontrer l'inutilité de cette restriction. La question ne doit recevoir une réponse négative que s'il serait évident pour un lecteur qui s'y connaît dans le domaine que le breveté, s'y connaissant également, n'a pu vouloir que telle expression ou tel mot descriptifs employés dans une revendication emporte l'exclusion de variantes mineures qui, autant que lui et les lecteurs auxquels le brevet est destiné sachent, ne peuvent avoir aucune incidence sur le fonctionnement de l'invention.                 
         Si l'on applique ces principes en l'espèce, on peut formuler la question devant être tranchée en adaptant aux faits de l'espèce les termes employés par lord Diplock, à la p. 244 : au regard du mémoire descriptif, serait-il évident pour un lecteur averti qu'en décrivant l'appareil breveté comme comprenant " un collecteur d'échappement appliqué obliquement et de manière non rigide contre la paroi extérieure " du tambour, le breveté n'a pu vouloir exclure les appareils dans lesquels le collecteur d'échappement n'était pas " appliqué obliquement et de manière non rigide " contre le tambour, mais était monté en position fixe, le plus près possible de celui-ci?         
         Il faut bien comprendre que la réponse à cette question dépend de l'interprétation donnée aux revendications. Cette réponse doit par conséquent être compatible avec le texte de celles-ci. Le tribunal doit interpréter les revendications; il ne peut les récrire. Lorsqu'un inventeur a clairement déclaré dans les revendications qu'il tenait un élément pour essentiel à son invention, le tribunal ne saurait en décider autrement pour la seule raison qu'il se trompait. Je me permettrai également d'ajouter que le tribunal, dans l'interprétation des revendications, essaie simplement de dégager l'intention de l'inventeur; il ne saurait donc conclure que la stricte conformité avec un mot ou une expression utilisés dans une revendication ne constitue pas une exigence essentielle de l'invention, sauf si de toute évidence, l'inventeur savait que le fait de ne pas s'y conformer n'aurait aucun effet important sur le fonctionnement de celle-ci.         

     Je considère que la présente Cour est liée par la décision rendue par le juge Pratte dans Eli Lilly et, en conséquence, j'estime que le critère exact est la question formulée par lord Diplock dans Catnic Components, en italique ci-dessus, soit :

         La question qui se pose dans chaque cas est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lesquels l'invention est censée être employée, concluraient que le breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre telle phrase ou tel mot descriptifs figurant dans une revendication, de sorte que toute variante échapperait au monopole revendiqué, même si elle ne pouvait avoir aucune incidence importante sur le fonctionnement de l'invention.         

B. Quels éléments de preuve peuvent-ils être pris en considération pour déterminer l'intention du breveté?

     Pour répondre correctement à la question formulée par lord Diplock, il faut déterminer l'intention du breveté et, selon le juge Pratte que je viens de citer, la preuve de l'intention se trouve dans le libellé des revendications.

     Toutefois, Heffco a fait valoir que pour déterminer ce qui est protégé par le brevet, je peux légitimement prendre en considération les parties descriptives du mémoire descriptif et des dessins et, en conséquence, je ne suis pas limité à une lecture littérale des seules revendications. À l'appui de cette prétention, Heffco se fonde sur la décision du juge Dickson dans Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 qui dit à la page 520 :

         Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement [...] sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public.         

     Toutefois, il est évident que la remarque du juge Dickson ne peut être poussée aussi loin que Heffco le prétend. Dans TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc. (1991), 39 C.P.R. (3d) 176 (C.A.F.), à la page 188, le juge Stone énonce une conclusion précise sur la portée restreinte des éléments de preuve autres que le libellé des revendications :

         Si le titulaire d'un brevet définit et limite avec précision, dans un libellé qui est clair et non ambigu, ce qu'il prétend avoir inventé, les tribunaux n'ont pas à [TRADUCTION] " restreindre, élargir ou qualifier " la portée d'une invention en se référant au corps du mémoire descriptif : Electric & Musical Industries Ltd. v. Lissen Ltd. (1939), 56 R.P.C. 23 (H.L.), motifs de lord Russell of Killowen, à la page 41. Cela ne signifie pas toutefois que les revendications ne doivent jamais être interprétées à la lumière du reste du mémoire descriptif. Cela signifie que ce recours ne doit servir qu'à aider à comprendre le sens dans lequel sont employés les mots ou les expressions figurant dans la revendication : Smith Incubator, précité, à la page 260. Toutefois, il n'est pas permis à cette fin de se fonder sur des [TRADUCTION] " expressions isolées " tirées de la divulgation : Electric & Musical Industries , précité, à la page 41. De plus, la divulgation ne peut être utilisée pour transformer une revendication portant sur un objet précis en une revendication portant sur un autre objet (Ibid, à la page 39), ou pour faire dire aux mots d'une revendication " des choses qu'en fait celle-ci ne dit pas du tout " : Ingersoll Sergeant Drill Co. v. Consolidated Pneumatic Tool Co. (1908), 25 R.P.C. 61 (H.L.), motifs du lord chancelier Loreburn, à la page 84.         

     Ainsi, ce n'est que pour aider à l'interprétation du libellé précis d'une revendication que d'autres parties du mémoire descriptif peuvent être utilisées. Ainsi qu'on le verra plus loin, en l'espèce, elles sont utiles à cette fin.


III. Le bien-fondé de l'affaire en ce qui a trait

à l'outil Heffco et l'outil Griffith

A. Quel est le contexte factuel de cet élément de l'action?

     (1) Définitions

     Pour trancher la question de la contrefaçon, il est essentiel de connaître les outils utilisés dans l'industrie du pétrole et du gaz. L'affidavit de M. Jacobsen fournit les faits suivants non contestés et bien connus au sein de l'industrie :

         [TRADUCTION] Dans l'industrie du gaz et du pétrole, on utilise des longueurs de tiges et d'outils raccordés pour forer des puits de gaz ou de pétrole. Les longueurs de tiges et d'outils utilisées sont appelées " trains de tiges ". Un trépan est raccordé à l'extrémité inférieure du train de tiges. Un moteur d'entraînement communique un mouvement de rotation au trépan, qui creuse le sol. Parmi les outils qui composent habituellement les trains de tiges, on trouve un stabilisateur à lames intégrées , un aléseur et un amortisseur.         
         Le stabilisateur à lames intégrées est un outil comportant des lames verticales fixes disposées en hélice autour de l'outil. Le diamètre de l'outil en tenant compte des lames est le même que celui du trou foré, ce qui sert à maintenir l'outil (et le train de tiges) au centre du trou. Cela contribue à garder le train de tiges parfaitement vertical de sorte qu'il y ait le moins possible de déviation.         
         L'aléseur est un outil comportant des molettes disposées autour de sa circonférence. L'action des dents des molettes " élargit " le diamètre du trou pour compenser l'usure du trépan et la réduction conséquente du diamètre du trou. Comme l'aléseur occupe tout le diamètre du trou, il sert également de stabilisateur en maintenant au centre du trou le train de tiges dont il fait partie.         
         L'amortisseur est placé près du trépan et il sert à réduire la transmission des vibrations résultant de la rotation du trépan, au train de tiges situées au-dessus. Au premier coup d'oeil, l'amortisseur ressemble à un amortisseur pour automobile, bien qu'il soit beaucoup plus gros; l'amortisseur consiste en un carter dans lequel coulisse un piston appelé " mandrin ". La partie du mandrin à l'intérieur du carter est munie de cannelures qui coïncident avec des rainures dans le carter, ce qui permet au mandrin de coulisser dans le carter tout en empêchant du même coup tout glissement dans le sens de rotation. Lorsque le carter extérieur tourne, il entraîne le mandrin dans son mouvement de rotation à cause des cannelures qui sont engagées dans les rainures. De la même manière, le carter tourne en même temps que le mandrin.         
         À l'intérieur du carter de l'amortisseur, une série de disques en forme de soucoupe et agissant comme des " ressorts " opposent une résistance au déplacement du mandrin dans le carter. Lorsque le mandrin est poussé à l'intérieur du carter, les ressorts se compriment et s'opposent à ce mouvement. D'une manière réciproque, lorsque le mandrin cherche à sortir du carter les ressorts résistent à ce mouvement. Suivant ce principe, l'outil absorbe les vibrations ou les chocs du trépan, d'où le nom d'amortisseur.         
         Comme le mandrin possède un diamètre plus petit que le carter de l'amortisseur, il est moins résistant dans l'axe latéral et peut subir une déformation ou un gauchissement latéral. Le mandrin présente également une structure plus faible ce qui le rend par conséquent plus susceptible de bris.         
         Les longueurs de tubes et d'outils du train de tiges sont jointes au moyen de raccords vissés, ce qui facilite l'ajout, l'enlèvement et/ou le remplacement de tubes et d'outils. Les jonctions sont réalisées selon une norme établie par l'American Petroleum Institute (API) pour le raccordement des différents composants d'un train de tiges, y compris les outils de fond de trou. Les outils munis de raccords mâle et femelle standard de l'API peuvent être assemblés à d'autres outils ou à d'autres parties du train de tiges construites par des fabricants différents, à la condition que ces autres outils ou parties soient équipés de raccords standard API.         
         N'importe quel amortisseur peut être disposé de manière que l'extrémité mandrin de l'outil soit assemblée par un raccord standard API à un stabilisateur à lames intégrées ou à un aléseur. Cela ne constitue pas une nouveauté par rapport à l'état de la technique.         
         Il arrive parfois qu'un fabricant réalise un outil avec un raccord breveté ou de fabrication spéciale, c'est-à-dire un raccord qui s'adapte seulement sur les autres outils de ce fabricant qui sont munis du même raccord breveté.         
         Le stabilisateur à lames intégrées, l'aléseur et l'amortisseur sont utilisés depuis des décennies dans l'industrie du forage. Il arrive que les outils susmentionnés soient combinés à d'autres outils utilisant un raccord breveté ou un autre type de raccord. Les outils combinés ne sont pas exclusifs et, dans certains cas sont utilisés depuis des décennies dans l'industrie du forage. Les aléseurs-stabilisateurs, les amortisseurs-aléseurs, les moteurs-stabilisateurs fond de trou, les outils de déviation-stabilisateurs et les fraises-stabilisateurs sont autant d'exemples d'outils combinés3.         

     (2) Quel problème pratique Heffco voulait-elle résoudre et quel objectif visait-elle?

     Le problème pratique est de garder le trou de forage vertical4. D'après la preuve, il est évident que l'objectif standard pour résoudre le problème consiste à stabiliser le plus possible le train de tiges dans la zone qui fait l'objet de la plus grande déviation, soit la zone des stabilisateurs à lames intégrées et des aléseurs.

     (3) Quelle était la " façon de réaliser une amélioration5 "de Heffco pour résoudre le problème?

     La façon dont Heffco a réalisé l'amélioration en vue d'atteindre l'objectif de stabiliser le train de tiges est décrite dans la section du brevet intitulée " Résumé de l'invention " qui se lit comme suit :

         [TRADUCTION]      Selon la présente invention, les stabilisateurs à lames intégrées ou les aléseurs sont combinés avec l'amortisseur, pour ne former qu'un seul outil. Cette nouvelle configuration est sensiblement plus courte et du même coup, la partie la plus critique, c'est-à-dire le mandrin ou l'arbre apparent télescopique de l'amortisseur, se trouve désormais très près du point d'appui du stabilisateur lames intégrées (qui est en contact avec la paroi du puits lorsqu'il est en fonctionnement) ce qui contribue à réduire de façon significative le moment fléchissant à l'endroit de la section transversale la plus critique. Il en résulte un ensemble sensiblement plus rigide permettant de forer des trous plus rectilignes. À cause de la rigidité accrue de l'ensemble, il n'est pas nécessaire de réduire le poids sur l'outil, d'où la possibilité de maintenir un taux d'avancement relativement élevé et de réduire ainsi les coûts.         
              Autre avantage de cette nouvelle configuration, en combinant plusieurs outils en un seul outil, l'amortisseur est placé plus près du trépan que ne le permettait l'utilisation de plusieurs outils distincts, ce qui produit un meilleur rendement général de l'amortisseur en particulier.         
              Le nouvel outil présente un avantage supplémentaire, soit l'élimination de deux raccords (jonctions d'outils); de plus, comme les raccords sont des composants critiques susceptibles de se briser, l'élimination de ces raccords rend l'ensemble fond de trou plus sûr.         
         [Italiques ajoutés]         

     Ainsi, on peut voir que la façon dont Heffco a réalisé l'amélioration consiste à fabriquer un outil combiné unique qui raccourcit l'assemblage entier et qui situe le mandrin de l'amortisseur près du point d'appui de l'aléseur.

    

     (4) Les caractéristiques de l'outil Griffith

     Les caractéristiques de l'outil Griffith sont expliquées comme suit dans l'affidavit de M. Jacobsen :

         [TRADUCTION] Griffith Oil Tool & Trudrill (" Griffith ") a conçu et fabriqué l'outil Griffith au début des années 1980. Il s'agit d'un outil de fond de trou d'une grosseur inhabituelle à cause de son grand diamètre (l'aléseur a un diamètre de 17 1/2 po à l'endroit du carter). L'outil a été mis au point par Griffith pour les forages difficiles dans les formations en diagonale de roche dure, surtout le long du versant est des Rocheuses.         
         L'outil Griffith est composé principalement de deux parties : un amortisseur, aussi appelé raccord amortisseur, et un aléseur, appelé raccord aléseur. Ce dernier est vissé sur l'extrémité du carter du raccord amortisseur à l'aide d'un raccord fileté breveté. Le raccord aléseur est conçu de manière telle qu'une portion du mécanisme intérieur de l'amortisseur se prolonge à l"intérieur du raccord aléseur.         
         Griffith a conçu le raccord amortisseur de manière qu'il puisse être utilisé séparément par vissage d'un embout sur l'extrémité du carter du raccord amortisseur à l'aide d'un raccord fileté breveté. L'autre extrémité de l'embout comporte un raccord standard API. Lorsqu'il est équipé du raccord standard API, le raccord amortisseur devient un amortisseur de train de tiges, pas un outil combiné, mais un amortisseur distinct pouvant être utilisé avec n'importe quelle configuration d'outils dans le train de tiges. Griffith a conçu de façon similaire un embout de raccord aléseur permettant de placer un aléseur de 171/2 po dans le train de tiges plutôt que comme partie intégrante de l'outil Griffith.         
         L'outil Griffith est conçu pour être utilisé carter positionné face vers le fond de trou, le mandrin étant tourné vers le haut. Griffith recommande l'utilisation du carter côté fond du trou pour les raisons ci-après :         
                  a)      le raccord aléseur se trouve plus près du trépan, ce qui optimise la stabilité latérale et réduit la déviation latérale au minimum;         
                  b)      si le mandrin est disposé côté fond du trou, les déblais de forage restent parfois emprisonnés en dessous du raccord aléseur et peuvent rayer le piston du mandrin lorsqu'il se déplace dans le raccord amortisseur; ce risque est atténué lorsque l'extrémité carter du raccord amortisseur est placé côté fond du trou.         
                  c)      comme il est plus difficile de repêcher les bris au-dessous du raccord aléseur il est avantageux de placer le raccord aléseur le plus profond possible dans le trou;         
                  d)      bien que l'outil Griffith puisse être utilisé mandrin côté fond du trou, celui-ci devrait être adapté pour l'ajout d'un frotteur de graissage au piston pour que l'outil puisse fonctionner pendant une période prolongée.         
         Selon l'expérience de Griffith, la partie de l'amortisseur qui est la plus susceptible de se briser est le mandrin, à cause de son diamètre beaucoup plus petit que l'extrémité carter de l'amortisseur et, par conséquent, à cause de sa structure plus faible, particulièrement dans l'axe latéral. Comme l'aléseur attaque la paroi du puits, il est soumis à des efforts appréciables. Durant la mise au point de son outil, Griffith souhaitait que l'aléseur soit attaché à la partie de l'amortisseur qui serait suffisamment résistante pour encaisser les efforts mécaniques et présenter un risque minimum de bris. Ainsi, l'outil Griffith a été conçu avec aléseur assemblé à l'extrémité du carter qui a un plus grand diamètre et une résistance beaucoup plus grande que l'extrémité mandrin de l'amortisseur.         

     Étant donné qu'il s'agit d'un élément de preuve contesté, je conclus que l'outil Griffith est spécifiquement conçu pour être utilisé carter positionné vers le bas et mandrin vers le haut.

B. Quelle est la portée de la protection du monopole octroyé par le brevet?

     Ainsi qu'il a été dit précédemment, c'est le libellé des revendications qui définit la portée du brevet. Pour répondre à cette question, il est d'abord nécessaire de déterminer en quels termes le brevet définit la façon dont Heffco réalise une amélioration. Les deux seules revendications indépendantes du brevet visant l'outil Heffco sont les revendications 1 et 5. Griffith fait valoir " et après avoir étudié la transcription du contre-interrogatoire de M. Heffernan, j'arrive à cette conclusion " que, d'après le langage clair des revendications du brevet et les aveux faits par M. Heffernan au cours du contre-interrogatoire sur son affidavit, le seul élément des revendications indépendantes 1 et 5 qui n'est pas admis comme étant une réalisation antérieure est le fait d'avoir un stabilisateur ou un aléseur sur le mandrin.

     Ainsi, la revendication indépendante 1 du brevet comporte les caractéristiques suivantes, dont seule la partie en italique ne constitue pas une réalisation antérieure :

         [TRADUCTION] Un amortisseur, un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur combinés, comprenant :         
                  un carter;         
                  un mandrin placé dans le carter et qui se déplace le long de l'axe longitudinal de celui-ci en réaction aux efforts axiaux;         
                  un mandrin présentant un diamètre inférieur à celui du carter et une partie du mandrin qui se prolonge vers l'extérieur d'une extrémité du carter;         
                  un moyen d'accouplement sur une partie de l'extrémité de la partie du mandrin se prolongeant vers l'extérieur d'une extrémité du carter;         
                  un moyen d'accouplement sur le carter pour le raccordement de l'extrémité inférieure d'un train de tiges;         
                  l'extrémité du mandrin comporte un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur conçu pour attaquer le puits et être supporté par celui-ci;         
                  la partie du mandrin qui se prolonge vers l'extérieur est relativement près d'un point d'appui créé par la prise du stabilisateur à lames ou aléseur intégré, à l'extrémité du mandrin, sur la paroi du puits durant l'utilisation;         
                  ce qui contribue à éviter les moments fléchissants élevés et les déviations importantes dans la partie du mandrin qui se prolonge vers l'extérieur, en cours d'utilisation;         
                  [Italiques ajoutés]         

     De même, la revendication 5 est la seule autre revendication indépendante du brevet de Heffco qui comporte les caractéristiques suivantes, dont seulement la partie en italique ne constitue pas une réalisation antérieure :

                 
              [TRADUCTION] Pour utilisation dans un train de tiges, au-dessus d'un trépan, un amortisseur comprenant :         
                  un carter;         
                  un mandrin à l'intérieur du carter, et dont une extrémité se prolonge vers l'extérieur;         
                  un mandrin de diamètre inférieur à celui du carter et non rotatif par rapport au carter;         
                  des moyens d'accouplement sur le mandrin et sur le carter, et servant à l'accouplement de l'amortisseur entre le trépan et le train de tiges;         
                  le mandrin étant pourvu de moyens lui permettant de prendre appui sur les parois d'un puits en cours d'utilisation afin de supporter le mandrin dans l'axe latéral.         
                  [Italiques ajoutés]         

     J'estime donc que les extraits des revendications 1 et 5 en italique définissent la façon dont Heffco réalise une amélioration et, en conséquence, ces mots définissent la portée de la protection du monopole octroyé par le brevet.

C. L'outil Griffith est-il visé par le brevet?

     (1) Arguments de Heffco

     D'après les éléments de preuve et les arguments présentés par Heffco, il est très évident que celle-ci voudrait étendre la portée de la protection du monopole octroyé par son brevet au-delà du libellé apparemment étroit des revendications 1 et 5. En fait, Heffco aimerait en modifier le libellé. Précisément, elle s'efforce d'obtenir une conclusion portant que le stabilisateur à lames intégrées ou l'aléseur peut être fixé sur le carter ou sur le mandrin, ou sur les deux.

     À l'appui de cette prétention, Heffco invoque deux arguments principaux. Premièrement, elle fait valoir que toutes les revendications du brevet doivent être interprétées en vue de donner à chacune d'elles un sens véritable. Le postulat sous-jacent à cet argument est que la revendication dépendante 3 exige un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur sur le carter, et c'est ce qui appuierait l'extension de la portée du brevet pour y inclure un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur sur le carter.

     Griffith a très efficacement répondu à cet argument en soulignant qu'une telle interprétation est contraire à la Loi sur les brevets et au Règlement sur les brevets6. La revendication indépendante 1 exige, notamment, qu'un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur soit fixé sur le mandrin, et la revendication dépendante 3 (qui dépend de la revendication 2, laquelle dépend, à son tour, de la revendication 1 de sorte que la revendication 3 est indirectement dépendante de la revendication 1) exige en outre qu'un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur soit fixé sur le carter (à une extrémité du carter opposée à l'extrémité d'où le mandrin fait saillie). Il s'ensuit donc que la revendication 3 exige à la fois qu'un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur soit fixé sur le mandrin et qu'un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur soit fixé sur le carter. Toutefois, cette description ne modifie pas la portée du brevet, telle que je l'ai interprétée. En conséquence, je n'accorde aucun poids à cet argument.

     Le deuxième argument de Heffco est fondé sur le paragraphe 7 de l'affidavit supplémentaire de M. Heffernan, que voici :

         [TRADUCTION] L'outil Griffith fonctionne de la même façon que l'outil de la demanderesse et en intègre toutes les propriétés ou caractéristiques, c'est-à-dire qu'il raccourcit la longueur totale comparativement à l'utilisation de deux outils distincts; il élimine un raccord d'outil (API) et il donne un ensemble de fond de trou plus rigide. Que l'outil soit utilisé avec le mandrin vers le haut ou vers le bas n'a aucune incidence sur son fonctionnement ou son rendement.         

L'argument selon lequel la fonction pratique des deux outils est la même est étroitement lié à l'argument, fondé sur le paragraphe 14 de l'affidavit de Heffernan, selon lequel Griffith contrefait dans une large mesure " l'esprit de l'invention ".

     En ce qui concerne ces arguments, je conclus que Heffco souhaiterait maintenant que la portée du brevet ait été rédigée plus largement pour préciser que l'installation d'un stabilisateur à lames intégrées ou d'un aléseur sur le mandrin n'est pas essentielle et, qu'il pourrait ainsi être fixé sur le carter, le mandrin ou les deux. La question de savoir si Heffco a commis une erreur en rédigeant les revendications 1 et 5 n'est pas pertinente. Ainsi que l'énonce clairement le juge Pratte dans Eli Lilly, " le tribunal doit interpréter les revendications et non les récrire ". En conséquence, je n'accorde aucun poids à ces arguments.

(2) Application du critère

     Griffith a produit un outil combiné qui cherche à atteindre l'objectif de forer un trou vertical de la façon la plus économique qui soit, ce qui est aussi l'objectif poursuivi par l'outil Heffco. Aux fins des arguments relatifs à la contrefaçon, les principales caractéristiques de l'outil Griffith sont considérées comme des " variantes " des revendications de l'outil Heffco.

     Pour déterminer si les " variantes " de l'outil Griffith sont visées par le brevet, la question formulée par lord Diplock dans Catnic Components s'applique aux revendications 1 et 5 de l'espèce comme suit :

         a) En ce qui concerne la revendication 1 :
         La question est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lequel l'invention est censée être employée, concluraient que le breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre les mots descriptifs :
                 un amortisseur, un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur combinés, comprenant un carter, un mandrin placé dans le carter, et [d'après le libellé de la revendication 1] l'extrémité du mandrin comporte un stabilisateur à lames intégrées ou un aléseur conçu pour attaquer le puits et être supporté par celui-ci,         
         de sorte que la variante consistant en :
                 un outil combiné, formé d'un amortisseur et d'un aléseur, dans lequel l'aléseur est vissé sur l'extrémité du carter du raccord amortisseur à l'aide d'un raccord fileté breveté mais adaptable, un mandrin placé dans le carter, et un aléseur assemblé à l'extrémité du carter,         
         échapperait au monopole revendiqué?
         b) En ce qui concerne la revendication 5 :
         La question est de savoir si des personnes ayant des connaissances et une expérience pratiques réelles dans le domaine dans lequel l'invention est censée être employée, concluraient que le breveté a voulu poser comme exigence fondamentale qu'on suive à la lettre les mots descriptifs :
                 pour utilisation dans un train de tiges, au dessus d'un trépan, un amortisseur comprenant un carter, un mandrin à l'intérieur du carter, et [d'après le libellé de la revendication 5] le mandrin étant pourvu de moyens lui permettant de prendre appui sur les parois d'un puits en cours d'utilisation afin de supporter le mandrin dans l'axe latéral,         
         de sorte que la variante consistant en :
              un amortisseur incluant un carter, un mandrin à l'intérieur du carter et le carter étant pourvu de moyens lui permettant de prendre appui sur les parois d'un puits afin de supporter le mandrin dans l'axe latéral,         
         échapperait au monopole revendiqué?

     (3) Décision

     Selon moi, la portée des revendications du brevet est très précise et très étroite. Ainsi, compte tenu des différences très nettes et importantes entre la configuration de l'outil Heffco et celle de l'outil Griffith soulignées dans les parties en italique des questions que je viens de poser, l'interprétation juste à donner aux revendications est que, dans le cas des revendications 1 et 5, la réponse est affirmative.

     En conséquence, je conclus que l'outil Griffith n'est pas visé par le brevet et qu'il ne le contrefait donc pas.


IV. Le bien-fondé de l'affaire en ce qui concerne

l'outil Heffco et l'outil fantôme

     Le brevet a été déposé le 21 avril 1987. La présente action en contrefaçon porte sur le litige entre l'outil Heffco et l'outil Griffith, décrits ci-dessus. Toutefois, le 21 septembre 1996, une nouvelle allégation de contrefaçon a été faite, tel qu'il appert de l'extrait suivant du mémoire présenté par l'avocat de Griffith :

         [TRADUCTION] Dans le contre-interrogtoire sur son affidavit, M. Paul Heffernan a soulevé un nouveau point qui n'avait pas été soulevé dans son affidavit signé le 26 août 1996 en réponse à l'affidavit de M. Jacobsen. M. Heffernan a déclaré qu'il avait personnellement observé un outil (que nous appellerons l'outil fantôme) présenté par les requérantes dans le cadre d'une exposition pétrolière à Calgary, lequel outil était muni d'un stabilisateur fixé à l'extrémité du mandrin d'un amortisseur. C'est dans ce témoignage que l'intimée a pour la première fois allégué que les requérantes avaient présenté cet outil fantôme. Au paragraphe 6 de son affidavit, M. Heffernan déclare que c'est à l'occasion de l'exposition pétrolière de Calgary en 1988 qu'il a pour la première fois été informé que l'outil Griffith était exposé publiquement (lequel est décrit clairement dans l'affidavit de M. Jacobsen comme un amortisseur muni d'un stabilisateur ou d'un aléseur sur l'extrémité carter). Dans son affidavit, il n'indique pas du tout qu'il a vu l'amortisseur muni d'un stabilisateur fixé à l'extrémité mandrin de l'amortisseur que les requérantes présentaient.         

     Le passage suivant, tiré du mémoire supplémentaire qui, selon moi, décrit fidèlement les éléments de preuve, résume les motifs de contestation de Griffith au sujet de la preuve de Heffco sur cette question :

         [TRADUCTION] L'affidavit de M. Jacobsen a été déposé par les défenderesses le 11 juillet 1996 et signifié à la demanderesse à l'appui de la présente demande de rejet sommaire de la demande de la demanderesse. Cet affidavit inclut comme pièce C une image de l'outil Griffith. Il décrit l'outil Griffith de façon très détaillée aux pages 5 et 6. Au paragraphe 28 de l'affidavit, il est souligné qu'au mombre des différences importantes entre l'outil Griffith et l'outil Heffco figurent les suivantes :         
                 l'outil Griffith est fixé à l'extrémité carter plus large et plus forte de l'amortisseur par opposition à l'outil Heffco, qui est fixé au stabilisateur ou à l'aléseur de l'extrémité mandrin plus étroite et plus faible;                 
         Plus d'un mois après, M. Paul Heffernan a répondu par un affidavit déposé le 20 août 1996. Au paragraphe 5 de son affidavit, il fait mention de l'" outil Griffith " ainsi qu'il est défini dans l'affidavit de M. Jacobsen. Au paragraphe 6 de son affidavit, il dit qu'il a vu l'outil Griffith en montre au National Petroleum Show à Calgary en juin 1988. Bien que M. Heffernan traite de l'amortisseur combiné en détail, nulle part dans son affidavit de réponse ne mentionne-t-il que les défenderesses ont fabriqué ou commercialisé un amortisseur combiné muni d'un aléseur ou d'un stabilisateur fixé au mandrin.         
         D'après l'affidavit de M. Jacobsen, il est évident que les défenderesses prétendent que leur outil ne contrefait pas le brevet de la demanderesse parce que l'aléseur est fixé au carter de l'amortisseur et non au mandrin.         
         Mais lorsque M. Heffernan a déposé son affidavit de réponse, il n'a jamais donné à croire que les défenderesses avaient fabriqué un amortisseur muni d'un aléseur ou d'un stabilisateur fixé au mandrin.         
         Ce n'est que plus tard, lorsqu'on l'a contre-interrogé sur son affidavit et qu'on lui a montré que les seuls éléments essentiels de sa revendication était la fixation d'un aléseur ou d'un stabilisateur au mandrin, que M. Heffernan a modifié son témoignage, contrairement à ce qu'il avait déclaré dans son affidavit en réponse, et allégué pour la première fois qu'il avait vu un amortisseur combiné présenté par Griffith au National Petroleum Show de 1988, lequel était muni d'un stabilisateur fixé au mandrin. On lui a demandé s'il avait pris une photographie de cet outil. Il a répondu que les visiteurs n'étaient pas autorisés à prendre des photographies à l'exposition pétrolière.         
         Le propre témoin de M. Heffernan, M. Eskrick, a déclaré que beaucoup de gens se servent d'appareils-photo lors de l'exposition pétrolière. M. Ducharme, le président de l'une des défenderesses, a en fait pris des photographies de l'amortisseur combiné qu'il a présenté à l'exposition de 1988. Ces photographies sont jointes comme pièce à son affidavit et présentent l'outil Griffith; il ne s'agit pas d'un outil muni d'un aléseur ou d'un stabilisateur sur le mandrin. MM. Ducharme et Jacobsen ont déposé des affidavits [l'affidavit de M. Ducharme et l'affidavit supplémentaire de M. Jacobsen] dans lesquels ils déclarent que les défenderesses n'ont jamais fabriqué ni commercialisé un amortisseur combiné muni d'un aléseur ou d'un stabilisateur sur le mandrin. La demanderesse n'a jamais interrogé MM. Ducharme ou Jacobsen sur leurs affidavits.         

     Lors de l'interrogatoire sur son affidavit, M. Heffernan a déclaré qu'à l'exposition pétrolière de 1988 il avait vu [TRADUCTION] " un outil combiné amortisseur/stabilisateur et que cet outil était muni d'un stabilisateur fixé mandrin ". Il a aussi déclaré que deux autres personnes, MM. Don Snydmiller et Murray Eskrick, avaient vu le même outil. Toutefois, selon ce que dit M. Heffernan dans son affidavit supplémentaire, M. Don Snydmiller a décidé qu'il [TRADUCTION] " ne voulait pas être mêlé à cette affaire en signant un affidavit ". Qui plus est, en contre-interrogatoire sur son affidavit, M. Eskrick a donné le témoignage suivant :

         [TRADUCTION]         
         Q.      Au paragraphe 3, vous dites que vous vous souvenez d'avoir vu un amortisseur stabilisé. Est-il exact de dire qu'aujourd'hui, vous ne vous souvenez pas si l'outil était stabilisé par un stabilisateur à lames intégrées ou par un aléseur?         
         R.      Oui, ce serait exact.         
                 
         Q.      Vous reconnaissez aujourd'hui, en examinant la pièce C jointe à l'affidavit de M. Jacobsen [l'outil Griffith], que l'outil combiné particulier amortisseur/aléseur est stabilisé par un aléseur?         
         R.      Oui, c'est exact.         
         Q.      Maintenant, vous avez dit au paragraphe 3 que vous n'êtes pas certain si cet outil, celui présenté à la pièce C, est le même que celui que vous avez vu à l'exposition pétrolière de 1988.         
         R.      Oui, je ne suis pas certain que c'est celui-là. Ou, je ne peux dire s'il s'agit ou non de celui que j'ai vu en 1988.         
         [Transcription du contre-interrogatoire de M. Eskrick, page 3, lignes 10 à 27, page 4, ligne 1.]         

     Ainsi, j'estime qu'aucun élément de preuve n'appuie le témoignage de M. Heffernan au sujet de l'existence de l'outil fantôme. Je suis d'avis que, compte tenu des problèmes de preuve évoqués dans l'argument précité et, en particulier, de la preuve contraire, si cette question devait être instruite le témoignage de M. Heffernan ne suffirait certainement pas pour prouver, selon la prépondérance des probabilités que l'outil fantôme ait jamais existé.

     J'accepte l'argument de Griffith selon lequel l'expérience de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) en matière de jugements sommaires est utile pour interpréter la règle 432.3 des Règles de la Cour fédérale. Quant à l'interprétation à donner au sens des mots " aucune question sérieuse à instruire " de la règle 432.3(1), les énoncés suivants sont utiles :

         [TRADUCTION] [...] les parties doivent " faire leur travail " [dans le cadre d'une requête en vue d'obtenir un jugement sommaire] [...] Par conséquent, j'ai le droit de présumer que la défenderesse a fait son travail et que, si cette affaire devait être instruite, celle-ci ne présenterait aucun élément de preuve additionnel [...] L'exigence voulant que les parties " fassent leur travail " rejoint celle que le juge des requêtes " examine attentivement le bien-fondé de l'action à cette étape préliminaire " pour déterminer si la partie qui présente la requête a réussi à établir qu'il n'y a aucune question sérieuse à trancher [...]         
         [Le juge Borins dans Rogers Cable T.V. Limited v. 373041 Ontario Limited (1994), 22 O.R. (3d) 25 (Div. gén.), aux pages 27 et 28.]         
         [...] par conséquent, le juge des requêtes doit être en mesure d'évaluer la nature et la qualité de la preuve appuyant " une question sérieuse à trancher "; le critère n'est pas de savoir si la demanderesse ne peut éventuellement avoir gain de cause au procès; il est de savoir si la Cour tire la conclusion que l'affaire est à ce point douteuse qu'elle ne mérite pas d'être étudiée par le juge des faits lors d'un procès ultérieur; dans ce cas, " l'anxiété et les frais engendrés par un long et coûteux procès après une attente d'une durée indéterminée devraient être épargnés aux parties " [...]         
         [...] Il ne suffit pas que la partie qui répond dise que des éléments de preuve meilleurs et plus nombreux seront (ou pourront) être présentés au procès. Elle doit le faire maintenant. L'intimée doit exposer des faits précis et des éléments de preuve cohérents, structurés de manière à prouver qu'il existe une question sérieuse à trancher ".         
         [Le juge Henry dans Pizza Pizza Ltd. v. Gillespie (1990) 75 O.R. (2d) 225 (Div. gén.), à la page 238.]         

     D'après mon opinion sur les chances de succès de Heffco quant à cet élément de l'action, et compte tenu des frais élevés et en hausse du présent litige, je conclus que la preuve de Heffco sur cette question est à ce point douteuse qu'elle ne mérite pas d'être étudiée par un juge des faits dans le cadre d'un procès ultérieur. Je conclus donc que cet élément ne constitue pas une question sérieuse à trancher.

     Par conséquent, dans le cadre de la présente requête en vue d'obtenir un jugement sommaire, je rejette dans sa totalité la prétention de Heffco. J'adjuge à Griffith les dépens prévus à la colonne III du tarif B.

                         Douglas R. Campbell

                                     Juge

OTTAWA

9 avril 1997

Traduction certifiée conforme :         
                             C. Bélanger, LL.L

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-1322-92
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Heffco Inc. c. Dreco Energy Services Ltd. et al.
LIEU DE L'AUDIENCE :          Calgary (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :          30 janvier 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

EN DATE DU :              9 avril 1997

ONT COMPARU :

Me James Power                      POUR LA DEMANDERESSE
Me Robert Anderson                      POUR LES DÉFENDERESSES

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Coulter, Kerby & Power                  POUR LA DEMANDERESSE

Edmonton (Alberta)

Blake, Cassels & Graydon                  POUR LES DÉFENDERESSES

Calgary (Alberta)                 
__________________

     1 À l'appui de la demande en vue d'obtenir un jugement sommaire, Griffith se fonde sur l'affidavit de M. Klaus Jacobsen, directeur général de Griffith Oil Tool, signé le 10 juillet 1996 (l'affidavit de M. Jacobsen "). Pour s'opposer à cette demande, Heffco se fonde sur l'affidavit de M. Paul Heffernan, président de Heffco Inc., signé le 20 août 1996 (l'affidavit de M. Heffernan). Le 27 septembre 1996, Griffith a contre-interrogé M. Paul Heffernan sur son affidavit. La transcription de ce contre-interrogatoire (la transcription du contre-interrogatoire de M. Heffernan) a été versée au dossier. Pour répondre aux nouvelles questions soulevées dans cette transcription, Griffith a déposé l'affidavit supplémentaire de M. Klaus Jacobsen signé le 24 octobre 1996 (l'affidavit supplémentaire de M. Jacobsen) et un affidavit de M. Troy Ducharme, président de Ducharme Oilfield Rentals Ltd., signé le 19 novembre 1996 (l'affidavit de M. Ducharme). Le 6 janvier 1997, Heffco a déposé deux autres affidavits sur lesquels elle se fonde; un affidavit supplémentaire signé par M. Paul Heffernan le 6 janvier 1997 (l'affidavit supplémentaire de M. Heffernan) et un affidavit signé par M. Murray Eskrick, surveillant de forage auprès d'Amoco Canada Petroleum Company Ltd., le 6 janvier 1997 (l'affidavit de M. Eskrick). Le 9 janvier 1997, Griffith a contre-interrogé M. Murray Eskrick sur son affidavit. La transcription de ce contre-interrogatoire (la transcription du contre-interrogatoire de M. Eskrick) a été versée au dossier.

     2 Autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée, (1996), 66 C.P.R. (3d) vi.

     3 Même si au paragraphe 4 de son affidavit, M. Heffernan conteste que des outils combinés ont été utilisés pendant des décennies, dans son contre-interrogatoire sur cet affidavit il n'a pas contesté que certains outils combinés existent et sont utilisés depuis des décennies. Son principal argument est que cette déclaration n'est pas vraie pour ce qui est de la combinaison amortisseur/aléseur/stabilisateur.

     4 La section du brevet intitulé " Contexte " dont voici un extrait, décrit les facteurs permettant de résoudre ce problème :
     [TRADUCTION] En forages pétrolier et gazier, le train de tiges le plus courant au fond du trou, communément appelé ensemble de fond de trou, est composé comme suit, de bas en haut : trépan, raccord/réduction, amortisseur, masse-tige et tube de forage.          Il est bien connu dans le domaine que l'amortisseur fonctionne le mieux lorsqu'il est placé le plus près possible du trépan [...]      Lorsqu'il s'agit de forer dans des formations non consolidées ou lorsque les formations sont en oblique par rapport au trou, le train de tiges a tendance à s'écarter progressivement de son objectif et à dévier de la verticale. Or, dans la plupart des cas, il faut que le puits soit parfaitement vertical et si un angle se développe, on doit mettre en oeuvre une procédure particulière pour que le trou reste vertical. Pour faire face à cette situation, on utilise un ensemble de fond de trou composé des éléments suivants (de bas en haut :) trépan, raccord de trépan, stabilisateur à lames intégrées ou aléseur, masse-tige, stabilisateur à lames intégrées ou aléseur, amortisseur, masses-tiges et tubes de forage.      Le montage ci-dessus présente un inconvénient : l'amortisseur a une efficacité réduite en raison de la plus grande distance qui le sépare du trépan lorsque l'on sait que pour une performance optimale, l'amortisseur doit être placé le plus près possible du trépan. Étant donné cet inconvénient, il existe un ensemble fond de trou privilégié, qui sert à réduire quelque peu la distance entre l'amortisseur et le trépan, composé comme suit : trépan, raccord de trépan, stabilisateur à lames intégrées/aléseur, amortisseur, stabilisateur à lames intégrées/aléseur, masses-tiges, tube de forage.      Il est cependant possible de varier cette configuration particulière. Or, l'ensemble fond de trou ci-dessus mentionné est un des plus couramment utilisés. L'objectif de base est de stabiliser le train de tiges entre les deux stabilisateurs à lames intégrées ou les deux aléseurs, pour obtenir un ensemble reltivement rigide de sorte que le trou reste parfaitement vertical.      On remarquera que pour empêcher le développement d'un angle ou d'une déviation par rapport à la verticale, il faut donner au montage le maximum de rigidité. Or, cela crée une situation conflictuelle, étant donné que :      a)      l'amortisseur fonctionne mieux s'il est placé le plus près possible du trépan;      b)      l'amortisseur est l'élément le plus flexible de l'ensemble fond de trou et il est susceptible de dévier beaucoup; cela s'explique par le diamètre extérieur du mandrin ou de l'arbre télescopique inférieur à celui du reste de l'ensemble fond de trou, ce qui lui donne moins de rigidité;      c)      lorsque cet amortisseur est placé entre les deux stabilisateurs à lames intégrées et les deux aléseurs, les deux stabilisateurs à lames intégrées ou les deux aléseurs servent de support et les ensembles intercalés entre eux agissent comme une longue poutre qui est susceptible de fléchir ou de dévier. Comme les aléseurs et les stabilisateurs à lames intégrées sont relativement longs, le moment fléchissant est suffisamment important pour qu'il y ait déviation, ce qui " développe " un angle indésirable, et le trou s'écarte ainsi de la verticale.          Lorsqu'un " angle " se " développe ", il est courant de réduire le poids sur l'outil. Or, l'avance du trépan est directement proportionnelle au poids sur l'outil. Ainsi, en réduisant le poids sur l'outil, pour empêcher qu'un " angle " se développe, on diminue l'avance d'autant, ce qui signifie un temps de forage plus long accompagné d'une augmentation considérable du coût.

     5 Les mots " façon de réaliser une amélioration " sont tirés du jugement rendu par lord Reid dans C.Van Der Lely N.V. v. Bamfords, précité à la section A de la partie II.

     6 L'analyse de Griffith, à laquelle je souscris, est la suivante :L'article 8.03 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets donne la description suivante d'une revendication dépendante :      REVENDICATIONS DÉPENDANTES      Les règles 24 et 26 des Règles permettent des revendications qui se réfèrent à d'autres revendications afin de définir de façon plus restreinte une invention en ajoutant d'autres caractéristiques à celles que contient déjà la revendication à laquelle on se réfère.
Le paragraphe 8.03.01 du Recueil ajoute ce qui suit :      Forme prescrite pour les revendications dépendantes      Toute revendication peut inclure tous les aspects d'une ou plusieurs revendications en se référant, si possible au début, à l'autre ou les autres revendications. Une telle revendication, qu'on libelle revendication dépendante dans le présent texte, devra décrire les aspects additionnels revendiqués.
Par conséquent, il est évident qu'une revendication dépendante inclut tous les éléments de la revendication de laquelle elle dépend, en plus de tous les éléments de la revendication dépendante. Le principe de la dépendance de la revendication est régi par la règle 87 des Règles sur les brevets qui, dans sa forme actuelle, dispose :      87.(1) Sous réserve du paragraphe (2), la revendication qui inclut toutes les caractéristiques d'une ou de plusieurs autres revendications (appelée " revendication dépendante " au présent article) renvoie au numéro de ces autres revendications et précise les caractéristiques additionnelles revendiquées.      (2) La revendication dépendante peut seulement renvoyer à une ou plusieurs revendications antérieures.      (3) La revendication dépendante comporte toutes les restrictions contenues dans la revendication à laquelle elle renvoie ou, si elle renvoie à plusieurs revendications, toutes les restrictions figurant dans la revendication ou les revendications avec lesquelles elle est prise en considération.

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