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                                                    T-1605-96

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté,

                  L.R.C. (1985), ch. C-29,

 

ET un appel interjeté de la décision d'un

                   juge de la citoyenneté,

 

                             ET

 

                        HARRISON LIN,

 

                                                    appelant.

 

 

                     MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés à l'audience, à Vancouver (C.-B.) le 28 mai 1997)

 

 

 

LE JUGE WETSTON

 

 

 

           Il s'agit d'un appel interjeté par Harrison Lin de la décision en date du 13 mai 1996 par laquelle le juge de la citoyenneté n'a pas accueilli sa demande de citoyenneté.

 

           Les faits pertinents sont les suivants.  L'appelant est entré au Canada avec sa femme et ses trois enfants le 13 juillet 1992, en tant qu'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement.  Il avait une entreprise export-import à Taïwan, et il a reçu son visa en avril 1992.  Par suite de difficultés liées à la liquidation de son entreprise dans un tel bref délai, il a dû retourner à ce pays à plusieurs reprises.  En mai 1992, lorsque le requérant est arrivé au Canada, il a acheté une maison à Delta (C.-B.), et il s'y est installé avec sa famille et y demeure jusqu'à aujourd'hui.

 

           L'appelant a quitté le Canada le 13 août 1992, pour une absence de 57 jours.  La raison en est qu'il devait liquider son entreprise à Taïwan.  À la date de sa demande de citoyenneté le 19 décembre 1995, l'appelant avait, semble-t-il, été absent du Canada pendant environ 817 jours.  D'après le calcul du juge de la citoyenneté, il manquait à l'appelant 658 jours, le nombre de jours requis par la loi étant de l'ordre de 1095 jours.

 

           Bien que l'audition devant moi soit un procès de novo ou un contrôle de novo, il semblerait que le juge de la citoyenneté ait dit dans ses motifs que la seule question à trancher en l'espèce se posait de savoir si l'appelant avait satisfait à la condition de résidence énoncée à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.  Il n'existait dans la décision du juge de la citoyenneté aucun commentaire sur les motifs des absences de M. Lin du Canada pendant la période en cause.  Le juge de la citoyenneté n'a à aucun moment mis en doute la nécessité pour M. Lin de liquider son entrepris de façon ordonnée, il n'existait pas non plus aucun commentaire sur les obligations que M. Lin avait relativement aux maladies de sa belle-soeur, de son beau-père et de son père.

 

             La Cour a à trancher la question de savoir si, compte tenu des faits de l'espèce, l'appelant a satisfait à la condition de résidence posée par l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.  Divers juges de la Cour ont fait état du sens des mots «résident» ou «résidence» au Canada d'une manière qui reflète un certain nombre de différents concepts de résidence.  Tout compte fait, ces décisions conduisent à la même question, savoir si un requérant a centralisé son mode de vie au Canada.  Une autre façon de l'exposer consisterait à se demander si l'appelant vit régulièrement, normalement ou habituellement dans ce pays.  En fait, le juge de la citoyenneté, dans sa décision, s'est exprimé en posant la question de savoir si un individu a, en pensée et dans les faits, centralisé son mode de vie au Canada.

 

           À cet égard, j'ai été aidé par la jurisprudence déposée à la Cour par Mme Fisher, qui m'a renvoyé en particulier à une décision rendue par le juge Cullen de la Cour dans l'affaire Ping Huang, [1996] F.C.J. 1332 (Q.L.).  Cette décision a été citée à la Cour comme fondement de l'examen de la question de savoir si les conditions de la loi avaient été remplies par rapport à six facteurs énumérés ou soulignés dans une décision rendue par le juge Reed dans Affaire intéressant Koo, [1993] 1 C.F. 286.  Ces six facteurs sont bien connus de la Cour, et j'ai examiné les faits de l'espèce relativement à ces facteurs figurant dans cette décision.

 

           Il est allégué que les absences de M. Lin étaient temporaires et nécessaires et que, en conséquence, ces absences ne devraient pas être examinées d'une manière qui empêche M. Lin de satisfaire aux conditions de résidence posées par la Loi sur la citoyenneté.  Une de ses absences était due à la maladie de sa belle-soeur, qui est tombée malade et est décédée en juin 1995.  L'autre absence était due à la maladie de son père.  Il était nécessaire pour M. Lin de retourner à Taïwan pour s'occuper des besoins de son père avant sa mort.  En février 1996, le père de M. Lin est décédé, mais on ne l'a pas enterré immédiatement, ce qui a obligé M. Lin à demeurer à Taïwan pendant cette période.  Il ressort des faits que M. Lin s'est également trouvé à Taïwan pour assister son beau-père, qui est décédé en février 1993.

 

           J'ai pris note des faits relativement à la question de savoir si M. Lin a, en pensée ou dans les faits, centralisé son mode de vie pendant qu'il se trouvait au Canada, ou, autrement dit, si le Canada est en fait le pays dans lequel M. Lin vit régulièrement, normalement et habituellement.  Je note également que, en l'espèce, le juge de la citoyenneté n'a pas fait de commentaires sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par les paragraphes 5(4) et 15(1) de la Loi sur la citoyenneté pour recommander au gouverneur en conseil d'attribuer la citoyenneté à l'appelant, bien que ce dernier n'ait pu satisfaire aux conditions de résidence.  Je ne commenterai pas ces dispositions, bien que je reconnaisse qu'il existe une jurisprudence qui diffère quant aux pouvoirs de la Cour fédérale de faire une telle recommandation.

 

           Après avoir examiné la loi et entendu le témoignage rendu en l'espèce, je suis convaincu que l'appelant a effectivement fait du Canada son lieu de résidence permanente, et je suis d'avis d'accueillir l'appel.

 

                                              Wetston      

                                                J.C.F.C.

 

 

Ottawa (Ontario)

Le 3 juin 1997

 

 

Traduction certifiée conforme                          

                                    Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

          AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-1605-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Loi sur la citoyenneté

 

                                     c. Harrison Lin

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 28 mai 1997

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE WETSTON

 

 

EN DATE DU3 juin 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Harrison Lin                         l'appelant

 

Julie Fisher                         l'amicus curiae

                                   

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Julie Fisher

Avocate

Vancouver (c.-B.)                    l'amicus curiae

 

 

 

 

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