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Date : 20060407

Dossier : T‑687‑05

Référence : 2006 CF 455

Toronto (Ontario), le 7 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

 

et

 

KEVIN WILLIAM MIDDLETON

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I. Introduction

 

[1]               Le ministre du Revenu national (le ministre) voudrait que soit rendue, en application des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), une ordonnance déclarant le défendeur coupable d’outrage au tribunal.

 

II.  Historique de la présente action

 

[2]               Par avis de demande déposé le 19 avril 2005, le ministre sollicitait, en application de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi), une ordonnance enjoignant au défendeur de lui fournir certains renseignements et documents, conformément au paragraphe 231.2(1) de la Loi.

 

[3]               À la suite d’une audience, une ordonnance (l’ordonnance enjoignant d’observer) fut rendue par le juge Kelen le 9 mai 2005, obligeant le défendeur à se conformer à un avis donné par le ministre conformément à la Loi. L’ordonnance prévoit :

[TRADUCTION]

LA COUR ORDONNE au défendeur, conformément à l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu, de se conformer à l’avis que lui a donné le ministre et de transmettre les renseignements et documents à un fonctionnaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada agissant sous l’autorité conférée par la Loi de l’impôt sur le revenu, ou à une autre personne désignée par le commissaire des douanes et du revenu, et cela immédiatement, et dans tous les cas 30 jours au plus après signification de la présente ordonnance.

 

LA COUR AUTORISE le ministre à faire signifier la présente ordonnance au défendeur conformément à l’article 128 des Règles des Cours fédérales.

 

LA COUR ORDONNE AUSSI que les dépens soient adjugés au ministre, pour la somme de 400 $.

 

[4]               Le 5 décembre 2005, à la requête du ministre, une autre ordonnance était rendue, qui obligeait le défendeur à comparaître le 14 février 2006 à 9 h 30 devant un juge de la Cour afin qu’il expose les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être reconnu coupable de la violation d’une ordonnance rendue par la Cour, à savoir l’ordonnance du 9 mai 2005. Par lettre datée du 10 janvier 2006, le ministre sollicitait des directives de la Cour concernant la manière de prouver le contenu du dossier du greffe. Le 23 janvier 2006, la Cour ordonnait au ministre de prouver le contenu du dossier du greffe au moyen de copies certifiées conformes des documents pertinents, c’est‑à‑dire de copies authentifiées par le sceau de la Cour.

 

[5]               Le ministre, par l’entremise de son avocat, a produit des copies de documents censément certifiées par un assistant juridique du bureau de l’avocat. Après deux brefs ajournements le 14 février 2006, l’avocat a obtenu du greffe de la Cour les copies certifiées des documents pertinents.

 

III.  Preuve

 

[6]               Au cours de son argumentation, le ministre a produit les copies certifiées suivantes de certains documents conservés au greffe dans le dossier de la présente instance :

 

1.                    Pièce 1 – copie certifiée conforme de l’ordonnance du juge Kelen en date du 9 mai 2005;

 

2.                    Pièce 2 – copie certifiée conforme de l’affidavit de Michael J. Lawless, attestant la signification de l’ordonnance du 9 mai 2005 au défendeur, dans les cellules du shérif de Victoria, le 2 août 2005;

 

3.                    Pièce 3 – copie certifiée conforme de l’ordonnance du 5 décembre 2005 obligeant le défendeur à comparaître devant un juge de la Cour fédérale à Vancouver le mardi 14 février 2006, à 9 h 30, pour entendre la preuve de l’accusation portée contre lui, à savoir la violation de l’ordonnance du juge Kelen en date du 9 mai 2005;

 

4.                    Pièce 4 – copie certifiée conforme de l’affidavit de signification de Jan Falkowski concernant la signification au défendeur, au 3620 Munns Road, Victoria, de l’ordonnance du 5 décembre 2005, en même temps qu’une copie de l’ordonnance du 9 mai 2005 et l’affidavit de Tiziana Hespe établi sous serment le 11 octobre 2005.

 

[7]               Après le dépôt des copies certifiées susmentionnées en tant que pièces 1 à 4, M. Allan Tocher fut appelé à témoigner au nom du ministre. M. Tocher, un employé de l’Agence du revenu du Canada, est un fonctionnaire chargé des ressources et des affaires complexes, qui gère l’ensemble des dossiers complexes portant sur des sommes élevées. Il est chargé du recouvrement des impôts dus par le défendeur. Il a témoigné que l’impôt à payer du défendeur est d’environ 30 000 $.

 

[8]               M. Tocher a dit que, pour se préparer à témoigner, il avait passé en revue environ 50 pages d’entrées chronologiques informatisées, ainsi que des chemises de classement contenant les certificats de la Cour fédérale, les relevés d’actif et la correspondance échangée avec le défendeur. Les pièces passées en revue par M. Tocher comprennent la copie d’une « Demande péremptoire concernant la communication de renseignements et la production de documents », qui fut adressée au défendeur le 17 septembre 2004. M. Tocher a dit qu’il avait tenté de signifier ce document au défendeur dans le vestibule de la Cour provinciale de Victoria le 17 septembre, mais que le document était tombé sur le sol et que le défendeur avait filé. La copie de la Demande péremptoire a été produite comme pièce 5.

 

[9]               Après avoir reçu la Demande péremptoire, le défendeur a envoyé une note le 23 septembre 2004 à l’Agence des douanes et du revenu du Canada à Victoria. Le défendeur s’excusait [traduction] « d’avoir manqué à la politesse envers vous le vendredi 17 septembre ». Une copie de cette note a été produite comme pièce 6.

 

[10]           M. Tocher a témoigné qu’il avait signifié de nouveau la Demande péremptoire au défendeur le 2 novembre 2004. Cette signification avait eu lieu lors de la première réunion des créanciers après que le défendeur eut fait cession de ses biens. Le défendeur n’a pas fourni les renseignements et documents demandés dans la Demande péremptoire, mais il a quand même soumis diverses pièces de correspondance à l’Agence. Ces pièces de correspondance n’ont pas été produites par le témoin.

 

[11]           Cependant, M. Tocher a dit que le défendeur avait dernièrement transmis deux documents au Bureau des services fiscaux à Victoria. Les deux documents ont été produits ensemble. Le premier est intitulé [traduction] « Avis enregistré de revendication d’une marque de commerce en common law et d’un droit d’auteur », et le second [traduction] « Contrat d’utilisation ». Les deux documents, agrafés ensemble, ont été reçus comme pièce 7.

 

[12]           M. Tocher a témoigné que, à part deux ou trois messages vocaux du défendeur au cours des dernières semaines, il n’y avait eu avec lui aucune autre communication. Pour conclure son témoignage, M. Tocher a dit que le défendeur n’avait donné aucune suite à l’ordonnance enjoignant d’observer.

 

IV.  Examen et décision

 

[13]           La question soulevée dans la requête est de savoir si le ministre a rempli son obligation de prouver que le défendeur s’est rendu coupable de violation d’une ordonnance de la Cour, plus exactement de l’ordonnance enjoignant d’observer datée du 9 mai 2005.Cette ordonnance a été rendue conformément à l’article 231.7 de la Loi, ainsi rédigé :

 

231.7. (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

231.7. (1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

a) la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

(a) the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

b) s’agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

(b) in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor‑client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

(2) La demande n’est entendue qu’une fois écoulés cinq jours francs après signification d’un avis de la demande à la personne à l’égard de laquelle l’ordonnance est demandée.

(2) An application under subsection (1) must not be heard before the end of five clear days from the day the notice of application is served on the person against whom the order is sought.

(3) Le juge peut imposer, à l’égard de l’ordonnance, les conditions qu’il estime indiquées.

(3) A judge making an order under subsection (1) may impose any conditions in respect of the order that the judge considers appropriate.

(4) Quiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d’outrage au tribunal; il est alors sujet aux procédures et sanctions du tribunal l’ayant ainsi reconnu coupable.

(4) If a person fails or refuses to comply with an order, a judge may find the person in contempt of court and the person is subject to the processes and the punishments of the court to which the judge is appointed.

(5) L’ordonnance visée au paragraphe (1) est susceptible d’appel devant le tribunal ayant compétence pour entendre les appels des décisions du tribunal ayant rendu l’ordonnance. Toutefois, l’appel n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de l’ordonnance, sauf ordonnance contraire d’un juge du tribunal saisi de l’appel.

(5) An order by a judge under subsection (1) may be appealed to a court having appellate jurisdiction over decisions of the court to which the judge is appointed. An appeal does not suspend the execution of the order unless it is so ordered by a judge of the court to which the appeal is made.

 

[14]           La procédure d’outrage introduite devant la Cour est régie par les articles 466 à 472 des Règles. L’alinéa 466b), les paragraphes 467(1), (3) et (4), l’article 469 et le paragraphe 470(2) des Règles intéressent la présente affaire. Ils prévoient ce qui suit :

 

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d’outrage au tribunal quiconque :

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who

[…]

[…]

b) désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

 

(b) disobeys a process or order of the Court;

 

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu’une personne puisse être reconnue coupable d’outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d’une personne ayant un intérêt dans l’instance ou sur l’initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt

a) de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

(a) to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

b) d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

(b) to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

c) d’être prête à présenter une défense.

(c) to be prepared to present any defence that the person may have.

[…]

[…]

(3) La Cour peut rendre l’ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d’avis qu’il existe une preuve prima facie de l’outrage reproché.

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l’ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l’appui sont signifiés à personne.

 

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

 

469. La déclaration de culpabilité dans le cas d’outrage au tribunal est fondée sur une preuve hors de tout doute raisonnable.

 

469. A finding of contempt shall be based on proof beyond a reasonable doubt.

 

470.(2) La personne à qui l’outrage au tribunal est reproché ne peut être contrainte à témoigner.

470. (2) A person alleged to be in contempt may not be compelled to testify.

 

[15]           Dans la décision Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor (2000), 5 C.P.R. (4th) 157 (C.F. 1re inst.), la Cour a jugé que les Règles codifient la common law en matière d’outrage au tribunal. La partie requérante doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’intimé avait une connaissance personnelle de l’ordonnance de la Cour, qu’il était, expressément ou implicitement, un acteur principal dans les événements en cause et qu’il avait la mens rea requise.

 

[16]           Le ministre a la charge de prouver, en premier lieu, que l’ordonnance enjoignant d’observer du 9 mai 2005 a été signifiée au défendeur. Il invoque ici l’affidavit de Michael Lawless, qui a affirmé avoir personnellement signifié l’ordonnance au défendeur, dans les cellules du shérif de Victoria, le 2 août 2005.

 

[17]           La signification à personne est régie par l’article 128 des Règles. Le paragraphe 128(1) prévoit ce qui suit :

 

128. (1) La signification à personne d’un document à une personne physique, autre qu’une personne qui n’a pas la capacité d’ester en justice, s’effectue selon l’un des modes suivants :

128. (1) Personal service of a document on an individual, other than an individual under a legal disability, is effected

a) par remise du document à la personne;

(a) by leaving the document with the individual;

b) par remise du document à une personne majeure qui réside au domicile de la personne et par envoi par la poste d’une copie du document à cette dernière à la même adresse;

(b) by leaving the document with an adult person residing at the individual's place of residence, and mailing a copy of the document to the individual at that address;

c) lorsque la personne exploite une entreprise au Canada, autre qu’une société de personnes, sous un nom autre que son nom personnel, par remise du document à la personne qui semble diriger ou gérer tout établissement de l’entreprise situé au Canada;

(c) where the individual is carrying on a business in Canada, other than a partnership, in a name or style other than the individual's own name, by leaving the document with the person apparently having control or management of the business at any place where the business is carried on in Canada;

d) par envoi par la poste du document à la dernière adresse connue de la personne, accompagnée d’une carte d’accusé de réception selon la formule 128, si la personne signe et retourne la carte d’accusé de réception;

(d) by mailing the document to the individual's last known address, accompanied by an acknowledgement of receipt form in Form 128, if the individual signs and returns the acknowledgement of receipt card or signs a post office receipt;

e) par envoi par courrier recommandé du document à la dernière adresse connue de la personne si la personne signe le récépissé du bureau de poste;

(e) by mailing the document by registered mail to the individual's last known address, if the individual signs a post office receipt; or

f) le mode prévu par la loi fédérale applicable à l’instance.

(f) in any other manner provided by an Act of Parliament applicable to the proceeding.

 

[18]           Puisqu’il n’est pas établi qu’il y a eu tentative de signification de l’ordonnance au défendeur par l’un des moyens exposés dans les alinéas 128(1)b) à e) des Règles, je dois me demander si la signification au défendeur, dans les cellules du shérif de Victoria, constitue une signification à personne valide pour l’application du paragraphe 467(4) des Règles.

 

[19]           Les Règles ne disent rien de précis sur l’endroit de la signification. Selon l’alinéa 128(1)a) des Règles, la signification à une personne physique peut se faire par remise du document à l’intéressé. Le paragraphe 144(1) prévoit que la signification d’un document aux termes des Règles peut être effectuée à tout moment. Selon l’affidavit de Michael Lawless, une copie de l’ordonnance du 9 mai 2005 a été signifiée au défendeur, dans les cellules du shérif de Victoria, le 2 août 2005, à 14 h 40. Je suis d’avis que le défendeur a reçu personnellement signification de l’ordonnance qu’il est accusé de ne pas avoir observée. Les exigences du paragraphe 467(4) des Règles ont été observées.

 

[20]           Le point suivant à décider est celui de savoir si le ministre a rempli son obligation de prouver que le défendeur, ayant connaissance de l’ordonnance enjoignant d’observer, ne s’y est pas conformé. Le ministre doit établir ce fait hors de tout doute raisonnable : voir l’arrêt Bhatnager c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 R.C.S. 217.

 

[21]           Sur la foi du témoignage de M. Tocher, je suis d’avis que le défendeur n’a pas produit les renseignements et documents demandés. M. Tocher a témoigné avec franchise et il n’y a aucune raison de ne pas le croire. Les documents produits comme pièces 6 et 7, c’est‑à‑dire une note et les copies d’un Contrat d’exploitation de droits d’auteur et d’un Contrat d’utilisation, ne répondent pas aux conditions de l’ordonnance enjoignant d’observer. Il n’est pas établi que le défendeur a remis d’autres documents au ministre ou à ses représentants.

 

[22]           La teneur des documents envoyés par le défendeur au Bureau des services fiscaux de Victoria, c’est‑à‑dire l’« Avis enregistré de revendication […] d’un droit d’auteur » et le « Contrat d’utilisation », est que le défendeur n’est pas soumis aux dispositions de la Loi. À première vue, la Loi est un texte d’application générale. Il n’est pas établi qu’elle ne s’applique pas au défendeur.

 

[23]           L’ordonnance enjoignant d’observer a été rendue conformément à l’article 231.7 de la Loi. Cette disposition permet au ministre de s’adresser à un juge, par demande sommaire, pour qu’il ordonne à une personne de fournir l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 de la Loi. Selon le paragraphe 231.2(1), le ministre peut obliger toute personne à fournir des renseignements « pour l’application et l’exécution » de la Loi, y compris à des fins de recouvrement.

 

[24]           M. Tocher a témoigné que le défendeur a un impôt à payer d’environ 30 000 $. Il a aussi témoigné que son dossier contient divers certificats de la Cour. Il n’est pas entré dans le détail sur ce point, mais je crois comprendre qu’il parlait de certificats délivrés par le ministre conformément à l’article 223 de la Loi. Un tel certificat, une fois déposé à la Cour, a la valeur d’un jugement et il peut être exécuté conformément aux Règles : voir l’arrêt Canada c. Piccott (2004), 326 N.R. 177 (C.A.F.).

 

[25]           Il me semble que le ministre a obtenu l’ordonnance enjoignant d’observer dans un dessein apparenté aux objets de la Loi. Aucune preuve n’explique l’inobservation de l’ordonnance. La validité de l’ordonnance enjoignant d’observer ne peut être contestée que par voies de droit : voir l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892.

 

[26]           Le défendeur seul était l’objet de l’ordonnance enjoignant d’observer. D’après la preuve que j’ai devant moi, il n’a pas obtempéré. Il était le principal acteur. Puisqu’il n’a pas obtempéré, il a désobéi à cette ordonnance. Les documents qu’il a présentés à l’ADRC, à savoir le Contrat d’exploitation de droits d’auteur et le Contrat d’utilisation, indiquent une intention de ne pas obéir à l’ordonnance enjoignant d’observer. J’infère de ces documents une intention de ne pas obtempérer; les éléments requis de la mens rea sont donc établis.

 

[27]           Dans ces conditions, je suis d’avis que le ministre a rempli son obligation et a satisfait au critère juridique exposé dans la décision Lyons Partnership. Une ordonnance déclarant le défendeur coupable d’outrage au tribunal sera rendue.

 

[28]           La question suivante concerne la peine à imposer. L’article 472 des Règles énumère les peines que la Cour peut imposer lorsqu’elle déclare une personne coupable d’outrage au tribunal. Elle prévoit ce qui suit :

 

472. Lorsqu’une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal, le juge peut ordonner :

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

a) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu’à ce qu’elle se conforme à l’ordonnance;

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

b) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l’ordonnance;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

c) qu’elle paie une amende;

(c) the person pay a fine;

d) qu’elle accomplisse un acte ou s’abstienne de l’accomplir;

(d) the person do or refrain from doing any act;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person's property be sequestered; and

f) qu’elle soit condamnée aux dépens.

(f) the person pay costs.

 

 

[29]           Le ministre voudrait que le défendeur soit condamné à une amende de 3 000 $ et à des dépens de 2 000 $, et qu’un emprisonnement soit également prévu s’il néglige de payer l’amende et les dépens dans un certain délai. Le ministre voudrait aussi que soit rendue une ordonnance ayant la même teneur que l’ordonnance enjoignant d’observer, et que soit imposé un emprisonnement si le défendeur ne s’y conforme pas dans un certain délai. Le ministre voudrait en fait que soit de nouveau rendue l’ordonnance enjoignant d’observer du 9 mai 2005, mais avec des conditions additionnelles, c’est‑à‑dire l’imposition d’un emprisonnement si le défendeur n’obtempère pas.

 

[30]           Dans la décision Canadian Copyright Licensing Agency c. U‑Compute, 2005 CF 1644, la Cour a recensé trois facteurs à prendre en compte dans l’imposition d’une peine pour outrage au tribunal, au paragraphe 76 :

76. Dans la décision Lyons Partnership, L.P. c. MacGregor, [2000] A.C.F. no 341, la Cour a résumé les facteurs pertinents à prendre en considération dans la détermination d’une peine. Dans l’évaluation de la peine pour outrage, la Cour doit tenir compte de la gravité de l’outrage, de la dissuasion de conduites semblables, des profits tirés de la conduite reprochée, de la question de savoir si l’infraction pour outrage constitue une première infraction, des antécédents de l’auteur de l’outrage et de l’existence de facteurs atténuants tels que la bonne foi et les excuses.

 

[31]           Eu égard aux circonstances susmentionnées, je suis d’avis que le défendeur devrait être condamné à une amende, à titre de peine pour avoir désobéi à l’ordonnance de la Cour du 9 mai 2005. Toutefois, je ne suis pas convaincue que l’amende devrait atteindre la somme de 3 000 $, en l’absence d’une preuve justifiant cette somme. Dans d’autres affaires, une amende de 3 000 $ a été imposée, mais cela ne veut pas dire que la même amende devrait être imposée ici. J’impose une amende de 2 000 $.

 

[32]           Le ministre sollicite des dépens de 2 000 $. L’adjudication de dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour : voir le paragraphe 400(1) des Règles. En l’espèce, je suis d’avis qu’une condamnation du défendeur à des dépens de 1 000 $ est adéquate.

 

[33]           Je ne crois pas qu’une autre ordonnance devrait être rendue, comme le voudrait le ministre, qui obligerait le défendeur à fournir les renseignements et documents dans un certain délai, à défaut de quoi un emprisonnement pourrait lui être imposé. L’ordonnance enjoignant d’observer du 9 mai 2005 conserve son plein effet.

 


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

              1.        Le défendeur est déclaré coupable d’avoir désobéi à l’ordonnance du 9 mai 2005, contrevenant ainsi à l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106;

 

              2.        Le défendeur est condamné à une amende de 2 000 $, payable dans un délai de trente (30) jours après que la présente ordonnance lui aura été signifiée;

 

              3.        Le défendeur est condamné à des dépens de 1 000 $, payables dans un délai de trente (30) jours après que la présente ordonnance lui aura été signifiée;

 

              4.        En cas de non‑paiement de l’amende de 2 000 $ et des dépens de 1 000 $ dans un délai de trente (30) jours après signification de la présente ordonnance, la Cour condamne le défendeur à un emprisonnement de quinze (15) jours pour non‑paiement de l’amende, et à un autre emprisonnement consécutif de quinze (15) jours pour non‑paiement des dépens.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                       T‑687‑05

 

 

INTITULÉ :                                                      LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                           c.

                                                                           KEVIN WILLIAM MIDDLETON

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                VANCOUVER (C.‑B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              LE 14 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                      LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 7 AVRIL 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Everett

 

         POUR LE DEMANDEUR

Pas de comparution

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

         POUR LE DEMANDEUR

Kevin William Middleton

Victoria (Colombie‑Britannique)

         (pas de représentant) POUR LE DÉFENDEUR

 

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