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Date : 20040401

Dossier : IMM-2589-03

Référence : 2004 CF 506

Ottawa (Ontario), le 1er avril 2004

En présence de monsieur le juge James Russell

ENTRE :

                                                         VALENTINA PETROVA

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 11 février 2003, dans laquelle la Commission a estimé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

LES FAITS


[2]                La demanderesse est Moldave. Elle est arrivée au Canada à la faveur d'un visa de visiteur dès que son fils eut obtenu par mariage son statut de résident permanent au Canada. Son fils s'était vu refuser lui aussi le statut de réfugié en 1992. La demanderesse a séjourné au Canada pendant la durée de son visa, a demandé une prorogation, puis, la prorogation du visa lui ayant été refusée, elle a revendiqué le statut de réfugié neuf mois après être arrivée au Canada. Son fils n'est pas en mesure de la parrainer parce que son revenu n'est pas suffisant.

[3]                La demanderesse revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en alléguant une crainte fondée de persécution aux mains d'agents envoyés par ses anciens collègues qui croyaient qu'elle les avait signalés aux autorités. La demanderesse travaillait dans une entreprise où, affirme-t-elle, des fonctionnaires avaient été mentionnés par son patron et où il était question de voitures volées. Elle dit aussi que bon nombre des hommes qui venaient voir son patron au travail portaient des fusils. Elle dit qu'elle a finalement laissé son travail. La police a arrêté quelques-uns des employés, mais les a ensuite relâchés. Elle dit que, depuis les arrestations policières, ses anciens collègues l'ont menacée et que deux agressions commises par deux hommes inconnus avaient été motivées par la connaissance qu'elle avait des activités illégales menées sur son lieu de travail.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[4]                La preuve présentée à la Commission était que la demanderesse avait signalé les activités de son patron à la police. La preuve figurait dans les paragraphes 7 et 8 du FRP de la demanderesse, lequel mentionne qu'un rapport avait été présenté à un officier de police qui s'était rendu à l'hôpital pour enquêter sur une agression dont la demanderesse avait été victime. Le FRP précise aussi que la demanderesse s'était enquise des suites de l'affaire auprès de la police après avoir reçu son congé de l'hôpital. La demanderesse déclarait aussi dans son témoignage avoir dit à la police qu'elle avait entendu involontairement des conversations téléphoniques de son patron au cours desquelles avaient été mentionnés les noms de certains membres du gouvernement.

[5]                On peut lire ce qui suit dans les motifs de la Commission :

Elle a déclaré n'avoir jamais signalé les prétendues activités de son patron à quelque autorité que ce soit en Moldavie, parce qu'elle jugeait que ce serait inutile étant donné l'étendue de la corruption dans le pays...

[6]                La Commission a jugé que la crainte de persécution alléguée par la demanderesse n'était pas crédible ni digne de foi, en raison des contradictions et invraisemblances qui caractérisaient son témoignage et sa preuve. La Commission a trouvé aussi que les éléments de preuve crédibles ou dignes de foi n'étaient tout simplement pas suffisants pour donner à penser qu'elle était ciblée en raison de renseignements qu'elle aurait involontairement entendus à son travail.

POINTS LITIGIEUX

[7]                La demanderesse soulève les points suivants :

La Commission a-t-elle commis une erreur de droit parce qu'elle aurait ignoré la preuve pertinente, mal interprété la preuve qu'elle avait devant elle et tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables au point de constituer une erreur sujette à révision?

La Commission a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments qu'elle avait devant elle?

La Commission a-t-elle commis une erreur de droit dans la manière dont elle a évalué la crédibilité de la demanderesse?


Les erreurs susmentionnées produisent-elles, vues séparément ou globalement, un effet cumulatif équivalant à une erreur de droit?

ARGUMENTS

Demanderesse

Crédibilité

[8]                Selon la demanderesse, la Commission a commis une erreur de droit dans la manière dont elle a évalué sa crédibilité. Outre qu'elle fait état de deux contradictions qui pourraient être qualifiées de mineures, elle dit que la manière dont la Commission a analysé sa crédibilité ne répond pas aux normes imposées par la Cour. La demanderesse dit que les motifs qu'avait la Commission de ne pas la croire ne sont nullement des motifs.

[9]                La demanderesse relève que la Commission a dit qu'elle avait été « imprécise » dans sa description de ce qu'elle avait involontairement entendu quand certains individus peu recommandables avaient visité son patron, mais la Commission n'a donné aucune précision. Elle s'est limitée à répéter la preuve de la demanderesse concernant son emploi et elle a conclu que la preuve n'était pas crédible, sans dire jamais pourquoi.

[10]            La demanderesse relève aussi que la Commission a répété son témoignage selon lequel elle avait été agressée à deux reprises. La Commission a conclu que ces agressions, à supposer qu'elles aient eu lieu, étaient des actes criminels, mais elle n'a pas précisé comment elle est arrivée à cette conclusion, ni pourquoi elle y est arrivée.

[11]            Plus loin encore dans sa décision, la Commission répétait le témoignage de la demanderesse, qui avait dit qu'on avait mis le feu à sa porte et que des balles avaient été tirées dans sa porte. Selon la demanderesse, la Commission a conclu que la porte n'avait pas reçu de balles et que la demanderesse avait ajouté cet incident pour mettre en valeur sa revendication, bien que cette information fût contenue dans le paragraphe 11 du FRP. La Commission n'a jamais expliqué pourquoi elle était arrivée à la conclusion que la porte n'avait pas reçu de balles et à la conclusion que la demanderesse avait ajouté cet incident pour faire mousser sa revendication.

[12]            Selon la demanderesse, la Commission doit tirer des conclusions claires sur la crédibilité du témoin qui comparaît devant elle, et elle doit étayer sa conclusion par des motifs dignes de ce nom. Répéter simplement le témoignage de la demanderesse, puis conclure que les événements ne se sont pas produits ou qu'ils n'avaient aucun rapport avec la crainte de persécution qu'avait la demanderesse, et cela sans exposer de motifs, constitue une erreur de droit.

Invraisemblances et contradictions


[13]            S'agissant de ce que la Commission a qualifié de « contradictions » , la demanderesse dit qu'un meilleur vocable serait « invraisemblances » . La Commission a estimé qu'il n'était pas raisonnable pour la soeur de la demanderesse d'emménager dans un appartement peu sûr et d'y rester, si cet endroit était la cible d'individus qui recherchaient la demanderesse. La Commission a dit aussi que les témoignages de la demanderesse concernant l'occupation de l'appartement par sa soeur étaient en contradiction avec ce qui était écrit au paragraphe 13 de son FRP, mais la Commission n'a pas dit ce en quoi consistait la contradiction. Le paragraphe 13 du FRP dit simplement que la soeur de la demanderesse lui avait récemment écrit pour lui dire de ne pas venir à la maison car elle venait de recevoir un message indiquant qu'ils « feront un exemple pour les autres » . La Commission a aussi mentionné que le document médical produit par la demanderesse n'indiquait pas que les blessures qu'elle avait subies étaient le résultat d'une agression.

[14]            Selon la demanderesse, les contradictions constatées par la Commission devraient plutôt être appelées invraisemblances et elles reposent sur des critères extrinsèques tels que la propre expérience de la Commission, les connaissances qu'elle est censée avoir, le bon sens ou ce qui, d'après la Commission, n'est pas raisonnable. En présence de contradictions internes, la Commission est tenue de justifier ses conclusions en matière de crédibilité, et cela par une indication claire et précise des éléments de preuve.

[15]            Selon la demanderesse, la Commission se livrait à des conjectures lorsqu'elle a estimé que l'appartement était peu sûr du seul fait qu'il avait déjà été ciblé. L'incident au cours duquel des balles avaient été tirées dans la porte de l'appartement de la demanderesse était survenu en février 2000. La demanderesse a quitté la Moldavie en novembre 2000. La soeur de la demanderesse n'a emménagé dans l'appartement qu'après que la demanderesse eut quitté la Moldavie, c'est-à-dire presque dix mois plus tard. La soeur de la demanderesse a informé la demanderesse qu'elle avait reçu des menaces par téléphone pendant qu'elle occupait l'appartement, ainsi que des notes, adressées à la demanderesse, qui avaient été déposées dans la boîte à lettres.

[16]            Selon la demanderesse, la Commission faisait également des suppositions et faisait appel à sa propre expérience quand elle a refusé d'ajouter foi aux rapports médicaux au motif qu'ils ne disaient pas que les blessures dont ils faisaient état étaient le résultat d'une agression. Rien ne permettait à la Commission de dire que des rapports médicaux délivrés en Moldavie doivent nécessairement confirmer que des blessures sont le résultat d'une agression.

[17]            Selon la demanderesse, lorsque la Commission conclut à l'absence de crédibilité d'un revendicateur en se fondant sur sa propre idée de ce qui est vraisemblable ou invraisemblable, une telle conclusion est sujette à révision, et elle ajoute que la Commission a l'obligation formelle de justifier ses conclusions en la matière en se référant expressément à la preuve produite.

Comptes rendus inexacts

[18]            La Commission est arrivée à la conclusion que le document médical produit par la demanderesse n'était pas crédible ou digne de foi parce qu'il n'était pas daté et ne précisait pas que la demanderesse avait été hospitalisée, ainsi qu'elle le prétendait. La demanderesse dit que la Commission a fait sur ce point un compte rendu inexact de la preuve. Le document médical n'est pas, comme tel, daté à l'endroit prévu pour l'indication de la date, mais, après examen plus minutieux, on constate que le document indique clairement que, le « 26.09.1999 » , la demanderesse « avait subi une fracture de la clavicule droite, avec luxation de la clavicule... Dans un examen radiologique (19.10.1999) et (07.12.1999) reg. #3328 - fracture de la clavicule droite... Une fausse articulation s'était formée à l'endroit de la fracture. Le 26.09.1999, avait subi un traumatisme crânien... » Document daté du 7.12.1999, avec référence « Service de traumatologie, enregistrement #8687... Attestation officielle d'invalidité délivrée jusqu'au 7.03.00 » . Le document médical porte le sceau du ministère de la Santé et des Services sociaux de l'Hôpital central de la ville de Bendery.

[19]            Selon la demanderesse, le document médical contient toutes les dates pertinentes des agressions alléguées par la demanderesse et, bien qu'il ne soit pas lui-même daté, il confirme les blessures subies par la demanderesse, les dates auxquelles elles ont été subies, les actes médicaux effectués et les dates auxquelles ils ont été effectués. L'absence d'une date sur le formulaire ne l'empêche pas d'être authentique.


Mention du Bélarus

[20]            Selon la demanderesse, la Commission s'est manifestement fourvoyée lorsqu'elle a dit qu'elle (la demanderesse) avait prétendu être une ressortissante du Bélarus, et lorsqu'elle a dit qu'elle n'était pas une personne à protéger et ne serait pas soumise personnellement à un risque pour sa vie ni à un risque de subir une peine cruelle et inusitée au Bélarus. La Commission a eu tort également de dire que l'identité de la demanderesse en tant que ressortissante du Bélarus était établie par son témoignage et par les documents justificatifs déposés. Dans sa décision, la Commission mentionne à sept reprises le pays de référence. Dans six de ces mentions, la Commission parle du Bélarus. Une seule fois la Commission parle de la Moldavie, le véritable pays de référence, et elle le fait alors en s'appuyant sur un compte rendu totalement inexact du témoignage de la demanderesse.

[21]            La demanderesse court encore un risque de préjudice et un risque personnel en Moldavie, mais la décision de la Commission parle du risque qu'elle court au Bélarus.

[22]            Ces erreurs ne sauraient être considérées comme des coquilles ou comme des erreurs non essentielles pour la décision. La Commission a l'obligation d'examiner chaque dossier séparément et selon son bien-fondé, et des substitutions syntaxiques destinées à alléger le fardeau administratif ne sauraient placer la Commission au-dessus de la loi. Si la Commission est autorisée à commettre des erreurs lorsqu'elle évalue quelque chose d'aussi important et d'aussi essentiel pour une revendication, en l'occurrence le pays de référence, alors tout le système du droit d'asile risque d'être déconsidéré. En d'autres termes, lorsque la Commission interprète incorrectement la preuve qu'elle a devant elle, elle commet une erreur de droit.


Non-signalement de prétendues activités

[23]            La Commission dit que la demanderesse « n'avait jamais signalé les prétendues activités de son patron à quelque autorité que ce soit en Moldavie parce qu'elle jugeait que ce serait inutile étant donné l'étendue de la corruption dans le pays » . Au paragraphe 7 du FRP, juste après le passage où elle raconte qu'elle avait été emmenée à l'hôpital, la demanderesse dit qu' « un enquêteur s'est présenté à l'hôpital pour me poser des questions et je lui ai dit que ma vie était en danger, en lui indiquant pourquoi je pensais ainsi. Je lui ai dit aussi que j'avais des raisons de croire que des membres du gouvernement étaient en cheville avec son groupe de gens à lui » . Lors de l'audience, la demanderesse a aussi témoigné qu'elle avait informé le même agent qu'elle avait des informations sur l'entreprise et qu'elle avait entendu des conversations téléphoniques et les noms de certains membres du gouvernement, et qu'elle avait reçu des menaces par téléphone. La conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse n'avait jamais signalé les prétendues activités de son patron à aucune autorité est une conclusion qui déforme la preuve.

Conclusion

[24]            Selon la demanderesse, la Commission a commis une erreur de droit lorsqu'elle a dit que les agressions étaient des actes criminels uniquement et qu'il n'existait aucun lien avec un quelconque motif prévu par la Convention. La crainte de persécution aux mains du crime organisé, dans la mesure où les problèmes ne résultent pas d'un contexte général de conflits civils et ne mettent pas en doute le refus ou l'incapacité des autorités civiles d'offrir aux victimes d'actes criminels une protection adéquate, constitue le lien nécessaire avec un motif prévu par la Convention.


Défendeur

Norme de contrôle

[25]            Selon le défendeur, la Cour ne doit pas modifier la manière dont la Commission a évalué la crédibilité d'un revendicateur à la faveur d'une audience au cours de laquelle la Commission a eu l'avantage de voir et d'entendre les témoins, à moins que la Cour ne soit persuadée que la Commission a fondé sa décision sur des considérations hors de propos ou a ignoré des éléments de preuve pertinents. De plus, lorsque la Commission était, au vu du dossier, raisonnablement fondée à conclure comme elle l'a fait, la Cour ne doit pas intervenir, même si elle est en désaccord avec les conclusions tirées : Oduro c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 66 F.T.R. 106 (1re inst.).

[26]            Dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315, la Cour d'appel fédérale exposait le critère suivant, d'application générale :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire.

Les conclusions relatives à la crédibilité de la demanderesse étaient raisonnables

[27]            La Commission s'est exprimée sur la crédibilité de l'ensemble du témoignage de la demanderesse et elle a estimé que la demanderesse n'était pas un témoin crédible. La Commission a motivé d'une manière détaillée cette conclusion, compte tenu des contradictions que renfermaient le témoignage et la preuve de la demanderesse.

[28]            L'évaluation de la crédibilité d'un revendicateur est essentielle pour le processus décisionnel de la Commission. Le défendeur dit que la Commission a le droit de tirer une conclusion défavorable lorsqu'elle estime qu'un revendicateur n'est pas crédible.

[29]            En tant qu'arbitre principal des faits, la Commission est fondée à rejeter des témoignages, fussent-ils non contredits, si tels témoignages ne s'accordent pas avec les probabilités qui se dégagent de l'ensemble d'un dossier. Par ailleurs, la Commission est fondée à ne pas croire un revendicateur en se fondant sur la seule invraisemblance du récit du revendicateur (Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), à la page 356).

[30]            Il ressort clairement de la jurisprudence que la Commission peut tirer des conclusions fondées sur la vraisemblance, le bon sens et la raison. La demanderesse doit s'acquitter d'un fardeau rigoureux pour réfuter la conclusion de la Commission selon laquelle elle n'était pas crédible (Kahandani c. M.C.I., [1999] A.C.F. n ° 1769 (1re inst.), et l'arrêt Aguebor, précité).

[31]            Le défendeur n'admet pas l'affirmation de la demanderesse qui prétend que la Commission a refusé de la croire en se fondant sur deux contradictions mineures. Selon le défendeur, la décision globale de la Commission de ne pas croire la demanderesse reposait sur davantage que deux contradictions mineures et elle était appuyée par des explications raisonnables. La Commission a estimé que le témoignage de la demanderesse était imprécis, invraisemblable et incohérent.

Imprécision

[32]            Le paragraphe de la décision contestée qui fait état de l'imprécision du témoignage de la demanderesse est le suivant :


La revendicatrice a fait une vague description de ce qu'elle a entendu quand les personnes louches ont rendu visite à son patron. Elle a expliqué qu'il y avait, entre elle et lui, son assistant et trois autres employés. Elle a entendu prononcer le nom du maire et quelque chose au sujet de voitures volées. Elle a continué de travailler pendant environ six mois après avoir appris ce qui se passait et elle a attendu quinze mois avant de raconter à son ami ce qu'elle avait entendu.

[33]            Le témoignage de la demanderesse concernant ce qu'elle avait entendu à son travail touchait l'essentiel de sa revendication. Tout ce qu'elle a dit avoir entendu était le nom du maire et certains propos concernant des voitures volées. Elle soupçonnait aussi l'existence d'activités illégales, mais elle est demeurée imprécise également sur ce point. Ce témoignage est imprécis parce qu'il ne dit pas que qui que ce soit ait fait quoi que ce soit de malhonnête ou d'illégal.

[34]            La transcription de l'audience montre que l'information de la demanderesse sur une quelconque activité criminelle au sein de l'entreprise où elle travaillait était imprécise. La demanderesse décrit simplement comment elle avait entendu les noms de certains fonctionnaires du gouvernement, et comment elle avait surpris une conversation téléphonique où il était question de voitures volées et où le nom du maire était mentionné. Elle indiquait aussi que les hommes qui se rendaient à son lieu de travail portaient quelquefois des fusils. Se fondant sur cette information, elle est arrivée à la conclusion que les activités de son employeur étaient illégales.

[35]            Selon le défendeur, lorsque la Commission a dit dans sa décision que l'information donnée par la demanderesse dans cette affaire était imprécise, son propos était tout à fait raisonnable, au vu des faits exposés dans sa décision et dans le témoignage produit par la demanderesse.

La soeur de la demanderesse avait emménagé dans un appartement peu sûr

[36]            Après que la demanderesse eut quitté la Moldavie, sa soeur avait déménagé dans son appartement pour épargner de l'argent. La Commission s'est exprimée ainsi :


La revendicatrice a déclaré qu'après avoir quitté le pays, sa soeur a emménagé chez elle afin de pouvoir sous-louer son propre appartement et ainsi se faire un petit revenu d'appoint. Elle a ajouté que sa soeur avait reçu, dans son nouveau lieu de résidence, encore des menaces, mais qu'elle avait continué d'y habiter pendant six mois. Il ne me semble pas raisonnable que sa soeur ait persisté à demeurer dans un appartement devenu dangereux ou qu'elle ait même songé à y emménager si ce lieu était dans la mire d'individus qui s'en prenaient à la revendicatrice à cause de ce qu'elle avait prétendument entendu. Le témoignage de vive voix de la revendicatrice concernant le séjour de sa soeur dans son appartement contient également des contradictions et diffère de ce qui est écrit au paragraphe 13 du FRP.

[37]            Le FRP de la demanderesse indiquait que, après que la demanderesse eut quitté la Moldavie, sa soeur avait décidé de demeurer chez elle afin de pouvoir gagner un revenu d'appoint. La soeur a commencé de recevoir des menaces par téléphone, ainsi que des notes lui demandant où se trouvait la demanderesse. Le FRP (rédigé en 2002) indiquait aussi que la demanderesse avait « tout récemment » reçu une lettre de sa soeur lui disant qu'elle ne devrait pas venir chez elle parce qu'on lui avait dit qu'elle ferait un exemple pour d'autres.

[38]            Lorsque l'agent de protection des réfugiés a prié la demanderesse, lors de son témoignage, d'expliquer pourquoi sa soeur aurait voulu habiter à un endroit à l'entrée duquel on avait tiré et mis le feu, la demanderesse a dit qu'il était commode pour sa soeur de rester à cet endroit-là. Interrogée de nouveau sur cet aspect, la demanderesse a alors dit que sa soeur avait quitté l'endroit lorsqu'on avait commencé à la menacer :

[traduction]

L'APR : J'essaie de comprendre pourquoi votre soeur a emménagé dans votre appartement si l'on a tenté d'y mettre le feu et si quelqu'un tirait sur la porte avec un fusil? Je veux dire par là qu'il eût semblé plus raisonnable qu'elle demeure dans son propre appartement et non dans le vôtre.

LA REVENDICATRICE : C'était très commode pour elle parce que ma mère, qui est âgée, habite tout près, et parce que l'emploi de ma soeur était tout proche lui aussi, de telle sorte qu'il était très commode pour elle de rester chez moi.

L'APR : Mais vous croyez qu'on a essayé de brûler votre logement pour vous en faire sortir, et vous croyez que quelqu'un a délibérément tiré des balles dans votre porte. Il me semblerait que le danger l'emporterait sur la simple commodité, et je me demande donc bien pourquoi votre soeur voudrait courir un tel risque.

LA REVENDICATRICE : Elle a emménagé chez moi tout simplement parce que c'était commode pour elle, mais, lorsqu'ils ont commencé de proférer des menaces et de déposer des notes, alors elle a quitté l'appartement.


L'APR : Pardon, avez-vous indiqué cela dans votre Formulaire de renseignements personnels? Avez-vous écrit qu'elle avait quitté votre appartement?

LA REVENDICATRICE : Non, parce que je l'ai appris lorsque je lui ai téléphoné, et je ne l'ai donc pas inscrit dans mon FRP.

Dossier certifié du tribunal, à la page 210

[39]            La demanderesse a dit que, si elle n'avait pas écrit dans son FRP que sa soeur avait quitté l'appartement, c'était parce qu'elle ne s'était pas rendu compte que cela avait un lien quelconque avec son récit. La soeur vivait dans l'appartement depuis six mois et elle en était sortie en mars 2001. Lorsque l'APR a prié la demanderesse d'expliquer pourquoi elle avait dit dans son FRP qu'elle avait eu une récente communication avec sa soeur en 2002 à propos de ce qui se passait dans son appartement, la demanderesse avait répondu que sa soeur avait appris par les nouveaux occupants de l'appartement que les menaces continuaient et qu'elle avait transmis cette information à la demanderesse.

[40]            Si la demanderesse a quitté la Moldavie en novembre 2000 parce qu'elle se sentait en grand danger chez elle, il était raisonnable pour la Commission de conclure qu'il était insensé pour sa soeur d'emménager chez elle. Selon le témoignage de la demanderesse, sa soeur a vécu dans l'appartement durant environ six mois ou moins, et elle en est sortie en mars 2001. Cela veut dire que la soeur a emménagé tout de suite après que la demanderesse est partie pour le Canada en novembre 2000, et elle est restée dans cet endroit dangereux pendant environ cinq mois.

[41]            La demanderesse avait affirmé avec force que ses persécuteurs venaient la harceler chez elle, à tel point qu'il lui était impossible de rester à cet endroit, car elle craignait pour sa sécurité. Elle s'imaginait alors que la Commission allait trouver raisonnable que sa soeur emménage dans l'appartement après qu'elle-même l'eut quitté le 1er novembre 2000, alors qu'elle-même avait eu, depuis février 2000, trop peur d'y rester. Voici un extrait de la transcription d'audience :


LA REVENDICATRICE :      Dès que j'ai reçu l'invitation des enfants, je suis allée à Bucarest et j'ai demandé un visa de visiteur.

L'AVOCAT :                          Je vois, et durant la période où vous attendiez votre visa de visiteur, où habitiez-vous?

LA REVENDICATRICE :      Je me cachais aux endroits où vivent mes amis.

L'AVOCAT :                          S'agissait-il de plusieurs endroits? Des endroits différents?

LA REVENDICATRICE :      Oui, des endroits différents.

L'AVOCAT :                          Habitiez-vous dans votre appartement?

LA REVENDICATRICE :      Non, je ne pouvais vivre dans mon appartement après qu'on y eut mis le feu. Mon fils était inquiet pour moi, quelque chose pouvait m'arriver.

Dossier certifié du tribunal, à la page 196

[42]            Selon le défendeur, compte tenu de la preuve produite par la demanderesse à propos des risques qu'elle courait dans son appartement, il était raisonnable pour la Commission de conclure qu'il était invraisemblable que sa soeur ait emménagé dans l'appartement au début de novembre 2000 et soit devenue le témoin des menaces proférées contre la demanderesse après le départ de celle-ci. Il était raisonnable également pour la Commission de relever que la demanderesse n'avait pas précisé dans son FRP que sa soeur n'était demeurée dans son appartement que durant six mois, en raison de la persistance des menaces. Ces conclusions ne reposaient pas sur des conjectures.

Rapport médical

[43]            Le défendeur dit que le rapport médical a été validement évalué par la Commission, parce qu'il ne renfermait aucun renseignement sur les blessures subies par la demanderesse, si ce n'est le fait que la demanderesse avait été blessée.

[44]            La demanderesse elle-même a d'ailleurs été incapable d'apporter la preuve que les agressions n'étaient pas tout simplement des agressions commises au hasard. La demanderesse a simplement fait des suppositions sur l'origine des agressions et ce n'est que durant l'audience, et non dans son FRP, qu'elle a précisé que, lors de la seconde agression, son agresseur lui avait dit : « Nous allons régler ton cas » .

[45]            La Commission a relevé aussi que le rapport médical ne portait pas de date. Il n'y avait pas de date sur le rapport lui-même indiquant à quel moment il avait été rédigé. La décision contestée ne contredit nullement l'affirmation de la demanderesse selon laquelle le rapport indiquait les dates du traitement :

[traduction] Le document médical produit n'était pas daté et ne disait pas que la revendicatrice avait été hospitalisée à la première occasion, encore moins durant trente jours, comme elle l'a prétendu. Les blessures décrites par la revendicatrice concernaient toutes deux des fractures, la première à la clavicule, et la deuxième au pied. Il n'est nulle part indiqué dans le rapport médical que ces blessures étaient le résultat d'une agression.

Dossier de la demanderesse, à la page 158

[46]            La Commission n'a donc pas « refusé » , contrairement à ce que prétend la demanderesse, de s'appuyer sur le rapport médical, mais elle a plutôt noté ses lacunes et conclu qu'il ne prouvait pas que la demanderesse avait été agressée par ses prétendus persécuteurs. Puisque la demanderesse elle-même n'avait pu désigner ses assaillants, et puisqu'elle avait supposé que les agressions s'expliquaient par les renseignements qu'elle détenait, les observations de la Commission sur l'absence de précisions dans le rapport médical étaient tout à fait justifiées.

[47]            La Cour s'est déjà prononcée ainsi à propos de lettres rédigées par des médecins :

... la lettre d'un psychiatre ne prouve pas en elle-même qu'un demandeur de statut satisfait aux conditions applicables au statut de réfugié au sens de la Convention. Tout au plus, dans la présente affaire, la lettre corrobore le récit du requérant. C'est en effet la preuve factuelle qui doit servir à établir si le requérant satisfait aux conditions d'obtention du statut de réfugié au sens de la Convention.


Rosales c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. n ° 1454 (1re inst.)

.... N'empêche que pareil rapport [d'un psychiatre] ne saurait constituer une panacée pour pallier toutes les faiblesses dans le témoignage du requérant.

Rokni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. n ° 182 (1re inst.)

... l'utilisation de la preuve médicale dépend des faits à l'origine des avis médicaux. La Commission a jugé que le requérant n'était pas crédible, et la preuve médicale n'a pas persuadé la Commission que les cicatrices présentes sur le corps du requérant résultaient nécessairement d'une persécution subie au Ghana.

Boateng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. n ° 517 (1re inst.)

[48]            La Commission a tenu compte du rapport médical produit par la demanderesse, mais il était raisonnable pour elle de conclure que ce rapport ne prouvait pas qu'elle avait été persécutée.

Victime d'actes criminels

[49]            La Commission s'est exprimée en détail sur ce point dans sa décision :

La revendicatrice a affirmé avoir été attaquée à deux reprises. Dans les deux cas, elle n'a pas pu identifier ses agresseurs. La police n'a pas voulu faire enquête sur le premier incident parce que les agresseurs n'avaient pas été identifiés et parce qu'il n'y avait pas de témoins. J'estime que ces agressions, si elles ont vraiment eu lieu, ont été des actes criminels et que la revendicatrice a tout simplement supposé qu'elles avaient un lien avec ce qui, selon elle, s'était passé à son lieu de travail. Elle a aussi déclaré qu'on avait mis le feu à sa porte, mais que les autorités avaient conclu que l'incendie avait été causé par une installation électrique défectueuse. Elle a également soutenu qu'on avait tiré des balles dans sa porte alors qu'elle n'était pas chez elle. Elle n'est pas allée au poste de police à la suite de cet incident; en fait, elle n'est allée à la police qu'après le premier incident et quand on a mis le feu à sa porte. J'estime qu'on n'a pas tiré des coups dans sa porte, comme elle le prétend, et que le deuxième incident est une invention de sa part pour étoffer sa demande.

...

J'estime qu'il n'y a pas de preuve crédible ou digne de foi de ce que prétend la revendicatrice, à savoir qu'elle a été prise pour cible à cause de ce qu'elle a, selon elle, entendu à son bureau. J'estime que les agressions, si jamais elles ont eu lieu, n'ont été que des actes de nature criminelle.

Dossier de la demanderesse, aux pages 157 à 159

[50]            Le défendeur dit qu'il ressort clairement de ce passage, ainsi que d'autres observations et conclusions de la Commission, que la Commission ne croyait pas que la demanderesse avait prouvé qu'elle avait été persécutée. La Commission a clairement exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que, si la demanderesse a été agressée, il s'agissait d'agressions au hasard et non de persécution. La Commission a aussi relevé dans sa décision que la demanderesse savait peu de choses sur les présumées activités criminelles menées à son lieu de travail.

La mauvaise indication du pays était sans conséquence, vu l'absence de crédibilité de la demanderesse

[51]            Selon le défendeur, il ressort clairement d'une lecture du dossier certifié du tribunal et de la transcription d'audience que la Commission savait parfaitement que la demanderesse venait de Moldavie, et il est manifeste que l'erreur était une erreur typographique. Le défendeur dit aussi que les conclusions tirées par la Commission qui ont conduit au rejet de sa revendication résultaient du témoignage et du récit de la demanderesse et, en tant que telles, ne reposaient pas sur la preuve objective ou sur les conditions ayant cours dans le pays.

[52]            Lorsqu'une erreur est de nature typographique, la Cour ne doit pas modifier la décision, surtout si l'erreur ne semble pas être le résultat d'une incompréhension de la preuve. Dans l'affaire Sandhu c. M.C.I., le juge Nadon s'exprimait ainsi à propos d'une erreur typographique qui s'était glissée dans la décision contestée :

... Il est clair, à la lecture du dossier, que la Section du statut ne s'est pas méprise quant à la visite de deux hommes qu'aurait remarquée le demandeur. Le demandeur a témoigné que deux hommes auraient visité la chambre de Pritam Singh. Il n'a pas témoigné que ces individus l'ont visité, et je suis convaincu que le mot « claimant » que l'on retrouve dans la phrase :

The claimant told the police that on two occasions he saw two individuals whom he could not identify visiting the claimant in his room [...]


est une erreur typographique. De toute façon, s'il y a erreur, cette erreur n'est pas déterminante et ne peut certainement pas justifier une intervention de ma part.

Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2002 CFPI 134

[53]            Selon le défendeur, les erreurs qui apparaissent ici dans la décision contestée ne signifient pas que la Commission ne comprenait pas la situation. La transcription d'audience, dans le dossier certifié du tribunal, montre que, dès le début de la revendication, la Commission savait parfaitement que la demanderesse venait de Moldavie, et elle a admis qu'elle était Moldave. À aucun moment durant l'audience la Commission n'a oublié d'où venait la demanderesse. De plus, la preuve documentaire dont disposait la Commission était comme il se doit le dossier sur la situation ayant cours en Moldavie. Les documents du dossier certifié du tribunal montrent que la Commission était certaine du pays d'origine de la demanderesse. La mention du Bélarus dans sa décision était une erreur typographique et, de toute façon, cette erreur n'a pas déterminé le résultat de la revendication de la demanderesse.

ANALYSE

Quelle est la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à la décision de la Commission?

[54]            La Cour doit d'abord déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer ici.

[55]            Dans l'arrêt Aguebor, précité, la Cour d'appel fédérale examinait la norme de contrôle applicable aux décisions de la section du statut de réfugié :

4.      Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire...


[56]            La Cour ne doit pas chercher à apprécier de nouveau la preuve dont disposait la Commission, simplement parce qu'elle serait arrivée à un résultat autre. Tant que la preuve autorise la conclusion de la Commission au chapitre de la crédibilité, et si aucune erreur rédhibitoire n'a été commise, sa décision ne doit pas être modifiée.

Aspects généraux

[57]            La demanderesse a soumis plusieurs points à l'examen de la Cour. Après examen de tous ces points au regard de la décision contestée et au regard du dossier, je crois que seuls trois d'entre eux méritent d'être discutés ici.

L'erreur dans la désignation du pays

[58]            Le doute de la demanderesse qui résulte des références erronées de la Commission au Bélarus dans sa décision (une erreur admise par le défendeur) est compréhensible. Mais il s'agit de savoir si cette erreur est simplement de nature typographique ou si elle atteste une véritable incompréhension de la preuve substantielle. Le jugement Sandhu, précité, montre clairement que, pour décider ce point, il est nécessaire de lire le dossier en même temps que la décision contestée, afin de savoir s'il y a eu véritablement mauvaise compréhension de la preuve. M'étant livré à cet exercice, je suis sûr que la Commission savait parfaitement qu'elle avait affaire aux conditions ayant cours en Moldavie, et la mention de la Moldavie dans la décision elle-même (l'endroit où il est fait état de l'ampleur de la corruption) confirme cette impression : « Elle a déclaré n'avoir jamais signalé les prétendues activités de son patron à quelque autorité que ce soit en Moldavie, parce qu'elle jugeait que ce serait inutile étant donné l'étendue de la corruption dans le pays... » "

[59]            Je ne crois pas qu'il y a sur ce point erreur sujette à révision.

Comptes rendus inexacts de la preuve

[60]            La demanderesse croit qu'à plusieurs endroits la Commission a mal interprété la preuve, mais que cette mauvaise interprétation a été particulièrement abusive lorsque la Commission a dit que la demanderesse « n'avait jamais signalé les prétendues activités de son patron à quelque autorité que ce soit en Moldavie... » , et cela parce que la preuve dit clairement qu'elle les avait signalées à l'officier de police qui était venu la voir à l'hôpital. Cet aspect est particulièrement important parce qu'il avait en partie conduit la Commission à ne pas croire la demanderesse.

[61]            Mais ces propos de la Commission ne peuvent être considérés hors contexte. Sur la même page de la décision contestée, la Commission dit aussi « elle a dit... qu'elle n'était allée à la police qu'après le premier incident et quand on avait mis le feu à sa porte » .

[62]            C'était là reconnaître clairement le témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait signalé la première agression à la police. Il ressort clairement de la décision contestée, considérée globalement, que la Commission avait voulu dire que la demanderesse n'avait pas signalé certains incidents lorsqu'elle travaillait ou après qu'elle eut quitté son travail, et avant que les agressions ne soient commises.

[63]            À mon avis, la Commission n'a pas ignoré le témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait parlé à la police et lui avait communiqué tous les renseignements en sa possession, et selon lequel elle s'était même enquise des suites de l'affaire après avoir obtenu son congé de l'hôpital.


Le document médical

[64]            La demanderesse déplore aussi que le document médical utilisé pour prouver les blessures qu'elle avait subies à la suite des agressions, ainsi que les dates des soins reçus par elle, et les genres de soins, ait été rejeté par la Commission au motif que « le document médical produit n'était pas daté... »

[65]            Encore une fois, un examen de la décision tout entière révèle que le problème que voyait la Commission, ce n'était pas le fait que le document lui-même ne soit pas daté. Le problème était que, vu les doutes de la Commission à propos de l'agression, le document médical (même s'il précisait les blessures, les dates et les traitements) n'aidait pas la demanderesse à établir comment ces blessures s'étaient produites ni à prouver qu'elle avait été hospitalisée comme elle l'avait prétendu. La Commission parle expressément des blessures indiquées dans le rapport médical. Il est donc manifeste que le rapport a été pris en compte. Cependant, eu égard aux doutes fondamentaux qu'avait la Commission à propos des aspects essentiels de la revendication, le rapport médical n'a pas aidé la demanderesse à dissiper les doutes en question.

[66]            Je ne vois ici aucune erreur sujette à révision.

Dispositif


[67]            La conclusion principale de la décision contestée est qu'il n'y avait aucune preuve convaincante pouvant confirmer le récit de la demanderesse selon lequel elle avait été prise pour cible en raison de ce qu'elle avait involontairement entendu à son lieu de travail, puis raconté à une ancienne amie. Eu égard à la preuve qu'elle avait devant elle, la Commission a tiré là une conclusion qui n'était pas déraisonnable, et encore moins manifestement déraisonnable. La Commission a exposé des motifs suffisants pour arriver à cette conclusion essentielle, et la Cour ne doit pas intervenir.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Aucune question n'est certifiée.

       « James Russell »       

     Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-2589-03

INTITULÉ :                                          VALENTINA PETROVA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                    TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 10 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                          LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                         LE 1er AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

STEVE ROSENBAUM                          POUR LA DEMANDERESSE

MARY MATTHEWSPOUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Riverdale Law CentrePOUR LA DEMANDERESSE

257, avenue Danforth

Toronto (Ontario)

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

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