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                                             Date : 19990615

     Dossier : IMM-4123-98

ENTRE :

     KUMARAMOORTHY NADARAJAH,

     demandeur,

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié datée du 10 juillet 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié a décidé que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Dans cette affaire, l"avocat du demandeur fait valoir que la crédibilité du demandeur était le point le plus important.

[3]      L"avocat du demandeur fait valoir que le tribunal conclut au peu de vraisemblance du témoignage du demandeur de statut et donc qu"il ne le considère ni crédible ni digne de foi au vu de trois éléments principaux.

     -      Premièrement, une modification apportée au FRP.
     -      Deuxièmement, le tribunal a trouvé peu vraisemblable qu"au moment où des mesures de sécurité de haut niveau ont été prises en raison de l"augmentation des attaques terroristes des Tigres libérateurs d"Ealam Tamoul (TLET) à Colombo et ailleurs, le demandeur de statut ait été capable de traverser des régions sous le contrôle de l"ASL, telles que Pavatkulam et Madavachchi, où il est monté à bord d"un train, et la gare de Colombo où il est arrivé, sans ne rencontrer aucun contrôle de l"ASL.

     -      Troisièmement, le tribunal trouve peu vraisemblable que la police relâche, même sur réception d"un pot-de-vin, un jeune homme tamoul récemment arrivé du Nord sans laissez-passer indiquant à la police de Colombo que le demandeur de statut avait au moins passé les contrôles de sécurité et qu"il était autorisé à se rendre au Sud.

[4]      Je vais seulement aborder le premier élément qui concerne la modification apportée au FRP du demandeur et le fait que le demandeur allègue qu"au point d"entrée, l"agent avait pris des notes manuscrites et que l"information contenue dans ces notes pouvait démontrer que ces dernières corroborent le témoignage du demandeur.

[5]      L"avocat du demandeur a demandé qu"on lui remette ces notes manuscrites et il appert que personne n"a pu trouver ces notes avant l"audience.

[6]      Au début de l"audience, l"avocat du demandeur a mentionné :

         [TRADUCTION] AVOCAT      Le seul commentaire que je fais à ce moment-ci est que je crois que tout le monde a bien dans son dossier une copie d"une lettre que j"ai envoyée à la Commission le 26 mars 1998. Et dans cette lettre on fait référence au fait que, apparemment en tout cas, mon client avise que pendant cette entrevue au point d"entrée, l"agent d"immigration a pris des notes manuscrites de l"entrevue, et j"avais demandé que ces notes manuscrites soient divulguées et disponibles avant l"audience.
         J"ai effectivement reçu un appel téléphonique hier de l"agent de la Commission qui s"occupe du dossier m"informant que bien que l"on ait tenté d"obtenir ces notes, Immigration Canada - personne à Immigration Canada - n"était disponible pour nous fournir ces notes à ce moment-là. Et je suis d"avis que ces notes sont très importantes vu le commentaire fait par l"agent d"immigration dans les notes prises au point d"entrée, et si, en fait, la question qu"il n"y a pas eu de divulgation, le fait que M. Nadarajah a transité entre Singapour et le Canada devient litigieux, je vais exiger que ces notes soient divulguées à un moment ou l"autre préalablement à ce que soit rendue une décision dans cette affaire.
         Mais autrement, nous sommes prêts à commencer ce matin, et peut-être pourrons-nous apporter des éclaircissements juste avec le témoignage1.


[7]      À la fin de l"audience, l"avocat du défendeur a, encore une fois, soulevé la question :

         [TRADUCTION] Alors, je ne sais pas sur quel document cet agent de l"immigration en particulier s"est fié quand il a rédigé le rapport d"examen des notes de l"AIS, mais s"il a bénéficié ou non des notes manuscrites du premier agent d"immigration, celui du point d"entrée, cela reste à voir, alors, je demanderais que vous preniez cela en considération en évaluant si cela constitue ou non un problème en ce qui concerne les notes et le rapport d"examen de l"AIS. Vous avez au moins trois ou quatre agents d"immigration différents qui ne savent pas ce sur quoi ils se basent pour arriver à la présente conclusion. Et je suis toujours d"avis que si, de fait, il s"agit d"une question qui pose problème au tribunal, nous devrions à un moment donné tenter d"obtenir les notes manuscrites de l"agent d"immigration afin d"éclaircir la potentielle question de crédibilité concernant ce jeune homme qui a témoigné précisément qu"il a indiqué à l"agent d"immigration qu"il a transité par un troisième pays inconnu entre Singapour et le Canada.

         TAUB          Maître, les notes que nous avons indiquent seulement que des appels ont été faits à l"immigration, mais il n"y avait pas de réponse.
         AVOCAT      C"est exact.
         TAUB          Alors il n"y a pas de confirmation que ces notes existent ou non?

         AVOCAT      C"est exact. C"est la même chose qui est arivée -- j"ai reçu un appel d"un agent préposé aux cas hier confirmant exactement ce que vous venez de dire. Alors qu"elles existent ou non, elles peuvent exister et ne pas exister. Nous ne savons pas à ce moment-ci, parce que l"Immigration n"a pas eu la chance de rappeler.
         ...

         TAUB          Poursuivons l"audience. Les mêmes parties sont présentes à l"exception de l"ACR. Je pense que nous allons -- tenter de donner suite à la confirmation de ces notes. Nous n"allons pas attendre trop longtemps -- le 1er avril. Pâques c"est --     
         ...
         TAUB          Essayons de confirmer cela, plutôt que de spéculer dans un sens ou dans l"autre. O.K. Confirmation, point d"entrée notes manuscrites. O.K.
         ...

Et, à la toute fin,
         TAUB          [TRADUCTION] O.K. Merci. L"audience est levée, mais ajournée jusqu"au 14 avril pour que l"on confirme si certaines notes d"Immigration Canada existent. Merci beaucoup.
         AVOCAT      Merci2.


[8]      Après l"audience, l"avocat du demandeur a envoyé une lettre à la Commission le 22 avril 19983, demandant si la Commission avait obtenu les notes manuscrites, et si oui, de lui en fournir une copie.

[9]      L"avocat du demandeur a également mentionné que si la crédibilité posait problème, il voulait procéder à la réouverture de l"audience dans le but de contre-interroger l"agent d"immigration.

[10]      Un mois plus tard, le 28 mai 1998, l"avocat du demandeur a envoyé une autre lettre à la Commision, accusant réception d"un ensemble de documents et mentionnant également que les notes manuscrites qu"il cherchait ne se trouvaient pas dans les documents divulgués.

[11]      Dans cette lettre, l"avocat du demandeur fait valoir qu"il exigeait que la Commission procède à la réouverture de l"audience pour qu"il contre-interroge tous les agents d"immigration ayant traité le dossier4.

[12]      Et finalement, le 29 mai 1998, l"avocat du demandeur a confirmé dans une lettre qu"il avait reçu de la Commission le message qui suit :

         [TRADUCTION] L"affaire est close et la décision prise en délibéré. Nous ne retenons pas la thèse de l"avocat concernant les supposées notes manuscrites de l"Immigration et nous ne procéderons pas à la réouverture de l"affaire. L"affaire est close et la décision prise en délibéré5.


[13]      À mon avis, je peux conclure de ces événements que l"avocat du demandeur n"a ménagé aucun effort afin que ces notes manuscrites, si elles ont déja existé, soient déposées et a même

demandé au tribunal de procéder à la réouverture de l"audience afin qu"il puisse contre-interroger les agents du défendeur qui sont intervenus dans l"affaire.

[14]      Le tribunal a décidé de refuser la demande de réouverture de l"audience et le contre- interrogatoire d"autres témoins sur des documents qui n"ont pu être trouvés.

[15]      Je ne peux pas voir d"erreur donnant lieu à révision dans cette décision.

[16]      L"avocat du demandeur a déposé une décision du juge Gibson dans l"affaire Lin c. Canada

(Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) 1995, 101 F.T.R. 192.

[17]      Dans cette affaire, les notes du point d"entrée avaient été déposées. La situation était presque l"inverse parce que l"avocat du demandeur s"était opposé au dépôt de ces notes du point d"entrée telles qu"elles étaient et voulait avoir l"occasion d"assigner et ensuite de contre-interroger l"agent d"immigration qui avait écrit les notes et l"interprète.

[18]      Dans cette affaire, le tribunal avait rejeté la demande de contre-interrogatoire de l"avocat du demandeur et finalement, la Cour fédérale avait accueilli la demande de contrôle judiciaire.

[19]      Dans l"affaire Lin , la Cour a décidé que le fait d"avoir refusé au demandeur le droit de contre-interroger l"agent d"immigration sur ses notes du point d"entrée " a violé les principes de justice naturelle et d"équité et a privé le requérant d"une audition impartiale "6.

[20]      En l"espèce, la situation est bien différente. Nous n"avons pas les notes manuscrites que l"avocat du demandeur a réclamées.

[21]      Nous ne sommes pas en présence de notes manuscrites réelles, mais en présence d"une demande de contre-interroger un témoin sur un document qui n"a jamais pu être trouvé.

[22]      Le tribunal n"a pas commis d"erreur en ne procédant pas à la réouverture de l"audience pour permettre le contre-interrogatoire d"un agent d"immigration.

[23]      Le demandeur connaissait, et ce avant la tenue de l"audience, les documents sur lesquels la Section du statut de réfugié s"est ultérieurement fiée pour évaluer la crédibilité du demandeur.

Il était loisible au demandeur d"assigner l"auteur des documents à l"audience. Le demandeur avait la possibilité de contester la preuve sur laquelle s"est fiée la Section du statut de réfugié.

[24]      En ce qui concerne la crédibilité et la vraisemblance de la preuve soumise dans cette affaire, la Commission est habilitée à rendre une décision défavorable quant à la crédibilité d"un demandeur en se fondant sur l"incohérence et les contradictions dans le récit du demandeur et entre le récit du demandeur et d"autres preuves déposées devant la Section du statut de réfugié.

[25]      Et qui plus est, la Commission est habilitée à rendre une décision défavorable sur une question de crédibilité en se fondant uniquement sur le peu de vraisemblance du témoignage du demandeur.

[26]      Sur une question de crédibilité, la Cour doit limiter ses interventions aux cas où il est clair que la Commission a commis une erreur donnant lieu à révision. Ce n"est pas le cas en l"espèce.

[27]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[28]      Les avocats n"ont soumis aucune question pour certification.

                         Pierre Blais

                        

                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 juin 1999.



Traduction certifiée conforme


Kathleen Larochelle, LL.B.







     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :              IMM-4123-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KUMARAMOORTHY NADARAJAH

LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 3 JUIN 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE                  LE JUGE BLAIS

ET ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :

EN DATE DU :              15 JUIN 1999

COMPARUTIONS :         

STEVE W. ROSENBAUM                  POUR LE DEMANDEUR

DAVID TYNDALE                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STEVE W. ROSENBAUM                      POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG                      POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


__________________

1      Dossier du tribunal, à la page 155.

2      Dossier du tribunal, aux pages 200, 201 et 203.

3      Dossier du tribunal, à la page 57.

4      Dossier du tribunal, à la page 58.

5      Dossier du tribunal, à la page 59.

6      Lin, 1995, 101 F.T.R. 192.

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