Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19971125

     Dossier : T-2026-97

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 1997

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MULDOON

Entre :

     ALEC ALBERT, *** MAGGIE

     MYRNA GABLIN, *** BRYAN

     ALLAN HART, *** et WILLIAM

     YORK, S.R., et al.,

     requérants,

     - et -

     *** le CHEF ET LE CONSEIL

     DE LA NATION CRIE

     DE NORWAY HOUSE,

     intimés.

     ORDONNANCE

     SUR PRÉSENTATION par les requérants d'un avis de requête introductive d'instance modifié en vue d'obtenir :

         1.      une injonction empêchant les intimés ou toute autre partie de tenir un second référendum en vue de faire ratifier la convention cadre d'application (CCA);                 
         2.      une injonction empêchant les intimés, le chef et le conseil, de s'appuyer sur une décision prise par voie de référendum, où la norme est la majorité simple, dans une affaire de cette importance;                 
         3.      une injonction empêchant les intimés, le chef et le conseil, de s'appuyer sur les résultats du second référendum, dont il est question en l'espèce, et d'utiliser ces résultats à quelque fin que ce soit;                 
         4.      une déclaration attestant que toutes les mesures prises par les intimés aux fins de la tenue d'un second référendum portant sur la la ratification de la CCA sont nulles;                 

après avoir entendu cette requête à Winnipeg, les 29 et 30 septembre 1997, en présence des avocats des parties principales et de ceux du Manitoba, du Canada et d'Hydro Manitoba, respectivement; et

     APRÈS avoir réservé sa décision en attendant la transcription des audiences et après réflexion,

LA COUR ORDONNE que l'avis de requête introductif d'instance des requérants, mentionné ci-dessus, soit rejeté sans adjudication des dépens pour ou contre les parties ou les intervenants.

                         F.C. Muldoon

                                     Juge

Traduction certifiée conforme         
                                 F. Blais, LL.L.

     Date : 19971125

     Dossier : T-2026-97

Entre :

     ALEC ALBERT, *** MAGGIE

     MYRNA GABLIN, *** BRYAN

     ALLAN HART, *** et WILLIAM

     YORK, S.R., et al.,

     requérants,

     - et -

     *** le CHEF ET LE CONSEIL

     DE LA NATION CRIE

     DE NORWAY HOUSE,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MULDOON

[1]      L'intitulé de la cause, qui était d'une telle longueur que le titre des documents était reporté à la troisième page, a été abrégé en vertu d'une ordonnance de la Cour, pour des raisons pratiques. L'intitulé original n'a pas été supprimé et les personnes intéressées peuvent toujours s'y référer.

[2]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et d'injonction, comme l'ont indiqué les requérants dans leur avis de requête introductive d'instance (document 1), dans laquelle ils réclament :

         1.      une injonction empêchant les intimés ou toute autre partie de tenir un second référendum en vue de faire ratifier la convention cadre d'application (ci-après la CCA);                 
         2.      une déclaration attestant que toutes les mesures prises par les intimés aux fins de la tenue d'un second référendum portant sur la la ratification de la CCA sont nulles;                 
         3.      les dépens sur la base des frais entre procureur et client;                 
         4.      ***                 

[3]      Les moyens invoqués par les requérants se fondent sur ce qui suit :

         1.      l'article 44 de la Loi sur la Cour fédérale;                 
         2.      la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, et le Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957, modifié par DORS/94-369;                 
         3.      les intimés ont outrepassé leurs pouvoirs en ordonnant la tenue d'un second référendum pour faire ratifier la CCA;                 
         4.      les intimés n'ont pas respecté les dispositions du Règlement sur les référendums des Indiens ayant trait à la tenue d'un second référendum;                 
         5.      l'avis de scrutin ne représente pas dans les faits les résultats et les conséquences du premier référendum;                 
         6.      ***                 

[4]      La requête est appuyée par

         1.      l'affidavit de M. Bryan Hart déposé à l'audience;                 
         2.      l'article 14 de la convention cadre d'application, et                 
         3.      ***                 

[5]      L'avis de requête introductive d'instance a été déposé le 15 septembre 1997. La première audience a eu lieu le 19 septembre 1997 par voie de conférence téléphonique avec le juge Teitelbaum qui a ordonné ce qui suit :

         [TRADUCTION]                 
             En raison des nombreuses questions que soulève cette affaire et de la date tardive à laquelle les requérants se présentent devant la Cour, l'audition de la présente requête est reportée jusqu'au 29 septembre 1997 à 10 h et se déroulera sur deux jours à Winnipeg (Manitoba).                 
             Les requérants ont jusqu'à 16 h 30 le 23 septembre 1997 pour modifier leur avis de requête introductive d'instance, et en signifier une copie à toutes les autres parties.                 

[6]      Par conséquent, les requérants ont déposé un avis de requête introductive d'instance (document 8) modifié qui demande essentiellement les redressements suivants :

         1.      [identique]                 
         2.      une injonction empêchant les intimés, le chef et le conseil, de s'appuyer sur toute décision prise par voie de référendum, où la norme est la majorité simple, dans une affaire de cette importance;                 
         3.      une injonction empêchant les intimés, le chef et le conseil, de s'appuyer sur les résultats du second référendum, dont il est question en l'espèce, et d'utiliser ces résultats à quelque fin que ce soit;                 
         4.      une déclaration attestant que toutes les mesures prises par les intimés aux fins de la tenue d'un second référendum portant sur la ratification de la CCA sont nulles;                 
         5.      une déclaration attestant que le référendum prévu pour le 23 septembre 1997 est nul;                 
         6.      une déclaration attestant que le vote pris par voie de référendum est nul;                 
         7.      les dépens sur la base des frais entre procureur et client;                 
         8.      ***                 

[7]      Les moyens sur lesquels ils s'appuient sont les suivants :

         1.      [identique]                 
         2.      [identique]                 
         3.      les intimés, le chef et le conseil de bande, sont un office fédéral au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale;                 
         4.      le ou vers le 21 août 1997, les intimés, le chef et le conseil, ont décidé de tenir un second référendum afin de faire ratifier la CCA;                 
         5.      les intimés ont outrepassé leurs pouvoirs en ordonnant la tenue d'un second référendum pour faire ratifier la CCA;                 
         6.      les intimés n'ont pas respecté les dispositions du Règlement sur les référendums des Indiens ayant trait à la tenue d'un second référendum;                 
         7.      l'avis de scrutin ne représente pas dans les faits les résultats et les conséquences du premier référendum;                 
         8.      une affaire de cette importance ne devrait pas être décidée par voie de référendum où la norme est la majorité simple;                 
         9.      les requérants subiraient un préjudice irréparable qui ne peut être compensé par l'octroi de dommages-intérêts;                 
         10.      les requérants n'ont pas suffisamment de moyens pour être raisonnablement en mesure de prendre des engagements en vue du paiement de dommages-intérêts;                 
         11.      ***                 

Les documents à l'appui sont demeurés les mêmes.

[8]      L'ajournement accordé par le juge Teitelbaum a donc permis aux intimés de tenir, bon gré mal gré, le second référendum contesté parce qu'aucune ordonnance judiciaire ne les empêchait de le faire.

[9]      Les parties ont déposé une véritable pléthore de documents qu'il a fallu à la Cour beaucoup de temps pour assimiler. Une animosité personnelle palpable entre les parties et, malheureusement, leurs avocats respectifs, n'a fait que ralentir la procédure de règlement, et n'était alimentée que par des enfantillages, comme il ressort des pages 298 à 300 de la transcription.

[10]      Le lecteur non informé des détails de ce conflit pourrait penser qu'il est arbitraire et même despotique de tenir un deuxième [et peut-être d'autres] référendums sur la même question jusqu'à ce que le résultat souhaité soit obtenu. Toutefois, ce n'est pas ce que les faits révèlent. L'affidavit, aussi imparfait soit-il, de Fred Muskego, qui a été établi sous serment le 18 septembre 1997, et qui a été déposé au nom des intimés, est très utile. L'avocat des requérants a fait quelques observations désobligeantes au sujet de cet affidavit, qui sont d'ailleurs justifiées (c'est-à-dire que le paragraphe 33 est de la pure spéculation et devrait être complètement ignoré), mais il n'a pris aucune mesure pour le faire radier en totalité ou en partie.

[11]      M. Muskego définit sa position dans les passages suivants :

         [TRADUCTION]                 
         3.      Avant d'être élu comme conseiller de la Nation Crie de Norway House, j'étais employé par la Nation Crie de Norway House comme négociateur de la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Dans le cadre de mes fonctions, je participais à la négociation de la convention cadre d'application (ci-après la CCA). Je continue de participer à ce processus de négociation.                 
         4.      Aux environs de 1978, le gouvernement du Canada, aux termes de l'article 35 de la Loi sur les Indiens, a ratifié la Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba (ci-après la CITNM), qui est entrée en vigueur par la suite.                 
         5.      Une copie de la CITNM est jointe aux présentes sous la pièce A.                 
         6.      Les parties à la CITNM étaient le gouvernement du Canada (ci-après le CANADA), le gouvernement du Manitoba (ci-après le MANITOBA), la Régie de l'hydroélectricité du Manitoba (ci-après HYDRO MANITOBA) et la Nation Crie de Norway House, qui était auparavant représentée, aux fins de la CITNM, par le Comité de l'inondation des terres du nord du Manitoba.                 
         7.      Vers le mois d'octobre 1994, et pour concrétiser la volonté des membres de la Nation Crie de Norway House exprimée au cours d"une réunion des membres, la Nation Crie de Norway House a accepté d"entreprendre des négociations avec les autres parties à la CITNM, soit le CANADA, le MANITOBA et HYDRO MANITOBA, afin de conclure une convention cadre d"application.                 
         8.      Une version préliminaire de la CCA proposée, préparée vers le mois de mai 1997, est jointe aux présentes sous la pièce B. Des modifications à l'article 14 ont ensuite été acceptées par les parties, et une copie de la version actuelle de cet article est jointe aux présentes sous la pièce C.                 

[12]      La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba susmentionnée (CITNM) a été signée le 16 décembre 1977 par quatre parties, soit le gouvernement du Manitoba, Hydro Manitoba, le Comité sur l'inondation des terres du nord du Manitoba et le gouvernement du Canada. Le comité susmentionné est décrit, à la page 1, comme [TRADUCTION] "une société financée par le Canada, qui a été constituée par les bandes indiennes de Nelson House, Norway House, Cross Lake, Split Lake et York Factory pour négocier en leur nom" (le Comité).

[13]      Le préambule de la CITNM en fait ressortir la portée et l"importance :

         [TRADUCTION]                 
         A.      Hydro Manitoba et le Manitoba ont pris l'engagement d'aménager les ressources hydroélectriques en mettant en oeuvre des projets collectivement désignés sous le nom de Projet de régularisation du lac Winnipeg et de dérivation de la rivière Churchill (le Projet défini aux présentes);                 
         B.      Dans le cadre de ce Projet, le régime hydrologique de certains cours d'eau, lacs et rivières a été ou sera modifié;                 
         C.      La modification de ce régime hydrologique a entraîné et continuera d'entraîner des effets défavorables au niveau des terres, des entreprises, des activités et du mode de vie des résidents de la région, soit les réserves de Cross Lake, de Nelson House, de Norway House, de Split Lake et de York Landing (les réserves définies aux présentes);                 
         D.      Les parties souhaitent s'assurer que toutes les personnes définies aux présentes, qui peuvent être ou qui ont été directement ou indirectement touchées de façon défavorable par le Projet, seront traitées de façon équitable;                 
         E.      En raison de l'incertitude concernant les effets du Projet, non seulement dans l'état dans lequel il se trouve à la date de la présente convention, mais également pour ce qui a trait à son évolution, il n'est pas possible de prévoir tous les effets défavorables ni de déterminer toutes les personnes qui risquent de subir un préjudice et, par conséquent, il est souhaitable d'établir une procédure d'arbitrage permanente administrée par un arbitre unique, auquel toute personne ayant subi un préjudice pourra présenter ses revendications, et de donner à cet arbitre pleins pouvoirs pour déterminer les redressements justes et appropriés;                 
         F.      Le Canada et le Manitoba reconnaissent la nécessité d"énoncer les principes sur lesquels sera fondée l'indemnisation ayant trait aux questions dont il est question dans la convention;                 
         G.      Le Canada, du fait de sa responsabilité envers les Indiens et les terres qui leur sont réservées, a un rôle actif à jouer pour assurer la viabilité continue des collectivités, notamment, mettre à leur disposition les ressources et les connaissances spécialisées nécessaires à la planification et l'amélioration de leurs conditions sociales et économiques et à la protection adéquate des droits spéciaux des Indiens, y compris ceux découlant du Traité 5;                 
         H.      Le Canada reconnaît qu'il est nécessaire de coordonner ses responsabilités normales à l'égard des bandes ou de leurs membres avec les avantages et les mesures prévus par la présente convention ou qui en découlent.                 

[14]      Dans les circonstances actuelles, il est important de mentionner les dispositions de l"article 25 de la CITNM. Elles sont rédigées comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         25.1      La convention, à l'exception des dispositions de l"article 24, demeurera en vigueur et liera les parties pendant toute la durée du Projet, et s'appliquera aussi à tout réaménagement sensiblement semblable du Projet. Il est entendu que la présente disposition demeurera en vigueur et liera les successeurs des parties aux présentes, de même que les héritiers, exécuteurs et ayants droit de toutes les personnes qui présentent des revendications.                 
         25.2      Là où dans la présente convention des droits, pouvoirs ou obligations sont attribués au Comité à titre de partie à la convention, et advenant que le Comité cesse de représenter les bandes, ces droits, pouvoirs et obligations seront dévolus aux bandes ou à toute nouvelle entité qu'elles désigneront pour les représenter.                 

[15]      Comment a-t-on su que le Comité avait cessé "de représenter les bandes", c"est-à-dire les cinq bandes désignées? Quand l'une des cinq bandes a conclu que le Comité avait cessé de la représenter de façon adéquate ou pour quelque question que ce soit, ou qu'elle a cherché à affirmer son indépendance à l'égard de cette représentation, il faut que ce soit lorsque l'événement prévu à l'article 25.2 s'est produit. Le paragraphe 7 de l'affidavit de Fred Muskego révèle que cet événement serait survenu aux environs d'octobre 1994, quand la Nation Crie de Norway House a exprimé sa volonté de conclure une convention cadre d'application (CCA) dont une version préliminaire figure à la pièce B, comme il est indiqué à la page 2.

[16]      La version préliminaire de la CCA renferme une disposition préliminaire sur la manière et les formalités qui devront être respectées pour que la CCA entre en vigueur au moment de la signature, si tant est que la CCA entre un jour en vigueur. La Nation Crie de Norway House, qui est composée d'un groupe de personnes, ne peut demander à ses membres d'avaliser un document en obtenant démocratiquement la signature de la majorité d'entre eux. C'est une formalité impossible à appliquer. Donc les négociateurs des parties ayant l'intention de signer la CCA ont mis au point des formalités pour permettre à la Nation Crie de Norway House d'accepter la CCA sans qu'il soit nécessaire de demander à la majorité des membres leur signature individuelle. Contrairement à la démocratie directe qui se pratiquait dans la Grèce ancienne, il s'agit d'une forme de démocratie par représentation, qui exige naturellement qu'une majorité des membres adultes donne son approbation avant que les représentants soient autorisés à signer la CCA au nom de la Nation Crie de Norway House (NCNH).

[17]      Dans la version préliminaire, la disposition relative aux formalités à respecter pour que la signature de la NCNH soit valide est exposée à l"article 14, qui porte le titre de Ratification et signature. Si la NCNH figure parmi les signataires de la CCA, on saura que ses représentants ont obligatoirement respecté la manière et la forme (le fond et les formalités) prévues à l'article 14. C'est une condition préliminaire. Ces formalités ne diffèrent guère de la clause de certains contrats qui prévoit que [TRADUCTION] "*** l'acceptation de la convention par [une personne morale quelconque] doit être attestée par la signature de ses dirigeants et porter le sceau de la société". C'est une disposition qui prévoit la manière et la forme dont cette convention particulière sera validement signée. Si les représentants appropriés signent et que le sceau de la société est apposé, alors on sait que la signature de la personne morale est valide pour les fins visées, et uniquement pour celles-ci. En arrière-plan, cela signifie probablement qu'il faut obtenir l'approbation des administrateurs de la personne morale, ou même de ses actionnaires et de ses membres, au moyen d"une résolution.

[18]      Une telle disposition n'a rien d'irrégulier, particulièrement en l'espèce, puisqu'elle est fondée sur la règle démocratique de la majorité. La règle de la majorité est en fait la norme, comme il ressort des paragraphes 8, 9 et 10 de l'affidavit non contredit de Fred Muskego :

         [TRADUCTION]                 
         8.      Une version préliminaire de la CCA proposée, préparée vers le mois de mai 1997, est jointe aux présentes sous la pièce B. Des modifications à l'article 14 ont ensuite été acceptées par les parties, et une copie de la version actuelle de cet article est jointe aux présentes sous la pièce C.                 
         9.      Les parties à la CCA sont le CANADA, le MANITOBA, HYDRO MANITOBA et la Nation Crie de Norway House.                 
         10.      Aucun des requérants dans la présente cause devant la Cour fédérale n'est partie à la CITNM ou à la CCA.                 

Les rédacteurs de la version préliminaire de la CCA, déposée sous la pièce B, se sont ultérieurement entendus pour modifier l'article 14 qui, dans sa version actuelle figurant à la pièce C, renferme les dispositions pertinentes suivantes :

         14.2.1.      Premier référendum                 
         e)      Un référendum sera tenu sur la réserve et les bureaux de scrutin seront installés au Multiplex de Norway House le mardi 29 juillet 1997, et à Winnipeg au Aboriginal Centre situé au 181, avenue Higgins le samedi 26 juin 1997, de 9 h à 20 h, les deux jours, conformément à la procédure de vote au scrutin secret énoncée aux articles 4 à 20 du Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957, modifié par DORS/94-369 (le Référendum), à l'exception de ce qui suit :                 
             (i)      le terme "électeur" utilisé dans ce Règlement s'entend d'un "membre adulte",                 
             (ii)      la date du référendum est réputée être "la date fixée pour la votation" pour les fins du paragraphe 4(1) dudit Règlement,                 
             (iii)      au moins deux semaines avant la date du référendum, il y aura possibilité de voter par anticipation sur la réserve et à Winnipeg; le vote par anticipation à Winnipeg aura lieu un samedi au Aboriginal Centre,                 
             (iv)      le jour du vote par anticipation sera fixé dans l'avis affiché par le président d'élection en vertu du paragraphe 4(1) dudit Règlement, et                 
             (v)      le vote par anticipation se déroulera essentiellement en conformité avec les formalités prévues pour le vote le jour du référendum, en y apportant toutes les modifications raisonnablement nécessaires;                 
         f)      tous les membres adultes sont habiles à voter au référendum. Une liste des "électeurs" au sens de la Loi sur les Indiens (Canada) sera établie séparément de la liste des autres membres adultes et les votes de chaque liste d'électeurs seront présentés et inscrits séparément;                 
         g)      La présente Convention sera approuvée par le référendum si                 
             (i)      une majorité des membres adultes habiles à voter votent,                 
             (ii)      la Convention est approuvée à la majorité des votes, et                 
             (iii)      une majorité des "électeurs" au sens de la Loi sur les Indiens (Canada) habiles à voter approuvent cette Convention.                 

[19]      Le nouvel article 14 de la version préliminaire de la CCA, auquel s'opposent si farouchement les requérants, continue ainsi :

         14.2.2 Second référendum.      Si les conditions des sous-alinéas 14.2.1g)(i) et (ii) sont respectées mais que, d'après le relevé des résultats établi conformément à l'alinéa 14.2h), la condition énoncée au sous-alinéa 14.2.1g)(iii) n'est pas respectée, alors, pourvu qu'une majorité des "électeurs" au sens de la Loi sur les Indiens (Canada) ayant voté, aient approuvé cette Convention, les résultats du référendum qui s'est tenu en vertu de l'article 14.2.1 seront incorporés en annexe au présent article 14 et si les parties sont convaincues que le référendum tenu en vertu de l'article 14.2.1 démontre que la Convention est très largement appuyée, un autre référendum (le second référendum) se tiendra le plus tôt possible après le premier référendum de la manière suivante :                 
         a)      un second référendum sera tenu sur la réserve et les bureaux de scrutin seront établis au Multiplex de Norway House, et à Winnipeg, au Aboriginal Centre situé au 181, avenue Higgins, conformément à la procédure de vote au scrutin secret énoncée aux articles 4 à 20 du Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957, modifié par DORS/94-369, à l'exception de ce qui suit :                 
             (i)      le terme "électeur" utilisé dans ce Règlement s'entend d'un "membre adulte", et                 
             (ii)      la date du second référendum est réputée être "la date fixée pour la votation" pour les fins du paragraphe 4(1) dudit Règlement,                 
         b)      tous les membres adultes sont habiles à voter au second référendum. Une liste des "électeurs" au sens de la Loi sur les Indiens (Canada) sera établie séparément de la liste des autres membres adultes et les votes de chaque liste d'électeurs seront présentés et inscrits séparément;                 
         c)      pour ce qui a trait aux résultats du référendum tenu en vertu de l'article 14.2.1, et nonobstant l'alinéa 14.2.1g), cette Convention sera approuvée par le second référendum si :                 
             (i)      une majorité des membres adultes qui vote au second référendum approuve cette Convention, et                 
             (ii)      une majorité des "électeurs" au sens de la Loi sur les Indiens (Canada) qui vote au second référendum, approuve cette Convention;                 
         d)      le second référendum sera tenu par le Canada, qui fournira au chef et au conseil, au Manitoba et à Hydro Manitoba, un relevé sous une forme semblable à celle qui est exigée à l'article 19 du Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957, modifié par DORS/94-369, indiquant les votes de chaque liste d'électeurs présentés et inscrits séparément; et                 
         e)      tous les appels ayant trait au second référendum seront traités conformément aux dispositions des articles 31 et 32 du Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957.                 
         14.2.3 Bulletins de vote      Les bulletins de vote pour le premier et le second référendum seront rédigés en anglais et en écriture syllabique Crie.                 
         14.2.4 Conditions préalables      L'approbation de cette Convention par référendum en vertu du présent article 14 est une condition préalable à cette Convention et à la ratification et à la signature de celle-ci.                 
         14.2.5 Nullité de la Convention      Cette Convention est nulle et ne lie aucunement les parties tant qu'elle n'a pas été dûment ratifiée et signée par toutes les parties, en même temps que l'Acte qui l'atteste.                 
             EN FOI DE QUOI les parties ont signé cette Convention aux dates indiquées ci-dessous.                 
         Signé, scellé et remis en                 
         présence de :                  Nation Crie de Norway House                 

                            

                             Chef

                            

                             Conseiller

                            

                             Conseiller

                            

                             Conseiller

                            

                             Conseiller

                                      

         témoin                      Conseiller

                            

                             Conseiller

                             ce jour de , 1997

                             Sa majesté la Reine du chef de la

                             province du Manitoba

                             pp :

                             ce jour de , 1997

                             La Régie de l'hydroélectricité du Manitoba

                             pp :

                             ce jour de , 1997



                             Sa Majesté la Reine du chef du Canada

                             pp :

                             ce jour de , 1997

[20]      Au paragraphe 10 de l'affidavit de Fred Muskego, ce dernier affirme qu'aucun des requérants en l'espèce n'est partie à la CITNM ni à la CCA, et cela est formellement exact, mais la Cour présume que la totalité ou la majeure partie des requérants sont des électeurs adultes habiles à voter aux deux référendums. Il convient de noter que les parties éventuelles à la version préliminaire de la CCA ont choisi et adopté, à l'article 14, certains des mécanismes de vote prévus dans le Règlement sur les référendums des Indiens, C.R.C. 1978, ch. 957, modifié par DORS/94-369. Il n'y a rien d'illégal à cela. Toutefois, il faut aussi faire observer que le référendum qui est l'une des conditions de manière et de forme fixées pour adopter la CCA, n'est pas un référendum aux termes de ce Règlement, puisque certains mécanismes seulement ont été adoptés dans la version préliminaire de la CCA. Les requérants prétendent que les intimés étaient obligés de suivre exclusivement la procédure énoncée au Règlement, et que la Cour doit les débouter parce qu'ils n'ont pas suivi cette procédure.

[21]      Le Règlement sur les référendums des Indiens a un but avoué. Ce règlement s'applique quand, à la discrétion du ministre ou d'un conseil de bande, il est décidé de demander l'avis des électeurs de la bande, par voie de scrutin, sur "une proposition de cession à titre absolu ou de désignation" aux termes du paragraphe 3(1) du Règlement. Il n'est pas indiqué que c'est le seul but qui puisse faire l'objet d'un vote par les électeurs, dont la manière et la forme sont démocratiques.

[22]      Quoi qu'il en soit, les dispositions de la version préliminaire de l'article 14.2.2 de la CCA ont été rédigées après le premier référendum. Le second référendum, qui s'est tenu le 23 septembre 1997, avant l'audition de la présente cause, était favorable à la ratification de la CCA.

[23]      Dans leur mémoire, les requérants font valoir ceci :

         [TRADUCTION]                 
         5.      En vertu de la CCA, les requérants seront pour toujours assujettis à cette Convention et leurs droits contre Hydro Manitoba et autres parties en vertu de la CITNM seront éteints. Cet état de fait sera ultérieurement confirmé par la loi que prévoit la CCA. Cette loi disposera que les requérants devront présenter leurs revendications en vertu de la procédure énoncée dans la CCA et non plus en vertu de la CITNM. L'article 10.8.1 de la CCA dispose comme suit :                 
             Recommandation. Le Canada et le Manitoba recommandent l'adoption d'une loi prévoyant qu'une demande d'indemnisation qui peut être présentée soit en vertu de la CITNM, soit en vertu de la présente Convention ne soit présentée que conformément à la présente Convention.                         

[24]      Les requérants affirment que la CCA est une mesure imprévoyante qui ne protège pas de façon adéquate les intérêts de la NCNH, non plus que leurs propres intérêts; la Cour ne peut ni confirmer ni nier la justesse de cette affirmation. La suffisance des mesures prévues par la CCA ne peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire, non plus que la décision de tenir un deuxième ou un troisième référendum, étant donné que le texte modifié de l'article 14 et la disposition qui prévoit la tenue d'un second référendum aux termes de cet article ne renferment aucun aspect illégal qui pourrait être annulé par la Cour.

[25]      L'essentiel des arguments présentés verbalement par les requérants se trouve aux pages 75 à 105 de la transcription. Les requérants font principalement valoir que, puisque la disposition relative au référendum, c'est-à-dire l'article 14.2.2 et les dispositions suivantes, sont incorporées dans la version préliminaire de la CCA à titre de modification, et que cette version préliminaire n'a pas encore été signée, les articles 14.2.2 et suivants ne peuvent avoir aucun effet. Bien entendu, cet article n'a pas par lui-même d'effet. C'est une disposition relative à la manière et à la forme dont la Nation Crie de Norway House, démocratiquement représentée par son chef et son conseil, se prépare à signer la CCA en respectant les exigences prévues dans la CCA pour l'acceptation de la convention par la Nation Crie de Norway House. L'expression démocratique de la volonté de la population a été entièrement respectée dans l'application de cette procédure, dont l'initiative a été prise par le chef et le conseil. Si la population, c'est-à-dire les électeurs adultes, l'avait voulu, elle aurait tout aussi bien pu rejeter la CCA que la ratifier.

[26]      Les requérants vont encore plus loin. Ils prétendent que ni la Loi sur les Indiens, ni le Règlement sur les référendums des Indiens ni aucune autre loi ou tradition ne confère au chef et au conseil le pouvoir de tenir des référendums. Ils soutiennent que toute personne qui n'était pas satisfaite du premier référendum devait interjeter appel en vertu de l'article 31 du Règlement ou en prendre son parti.

[27]      Les requérants ont demandé une injonction mais, puisque le second référendum a déjà eu lieu le 23 septembre 1997, cette requête n'a plus de fondement. Ils peuvent au mieux demander un bref de certiorari pour annuler le référendum et un bref de prohibition pour empêcher le chef et le conseil d'y donner suite. Mais ils demandent aussi une déclaration, et celle-ci a toujours sa raison d'être.

[28]      Les intimés citent la décision Corbière c. Ministre des Affaires indiennes (1993) 67 F.T.R. 196, une décision dans laquelle le juge MacKay écrit ceci :

         Aucun processus n'est prévu dans la loi ni la réglementation pour ratifier l'entente de règlement d'une revendication territoriale. En l'espèce, la marche à suivre est exposée dans l'entente elle-même.                 

     (paragraphe [11])

L'avocat des intimés fait ensuite valoir que même si la CCA était une entente de règlement d'une revendication territoriale, il n'y a pas de processus prescrit dans la loi ou la réglementation, mais que cela ne fait pas échec à la ratification, si celle-ci est prévue dans la convention elle-même, c'est-à-dire la CCA. De sorte que la convention en l'espèce prévoit comment le chef et le conseil - c'est-à-dire de quelle manière et sous quelle forme - peuvent, avant la ratification, signer la convention et donc la ratifier.

[29]      Les intimés soutiennent également à bon droit que, puisque la CCA n'est pas une "proposition de cession absolue ou de désignation" dont il est question au paragraphe 3(1) du Règlement, il n'est pas obligatoire de suivre le Règlement sur les référendums des Indiens , mais que rien n'empêche les intimés "d'utiliser" ce Règlement en adoptant ou en empruntant certaines de ses dispositions aux fins de la tenue d'un scrutin démocratique. En l'espèce, la preuve démontre que le chef et le conseil ont effectivement demandé un deuxième scrutin, un scrutin de confirmation - si tel est le résultat qui sera obtenu - que le ministre a jugé souhaitable d'accorder, et que le vote a eu lieu. Donc, selon l'argument des intimés, même si le Règlement était applicable en l'espèce (ce qu'ils nient à bon droit), il n'y avait rien d'inapproprié ou d'illégal dans la tenue de ce second référendum. Il est important de noter que le paragraphe 30(2) du Règlement, qui imposait un délai de deux ans avant la tenue d'un second référendum, a été abrogé.

[30]      L'avocat des intimés soutient qu'il est tout simplement naturel que la NCNH exprime sa volonté par l'entremise de son chef et de son conseil - ce qui est d'autant plus vrai après un vote en faveur de la proposition de ratification de la CCA. La partie est la NCNH, le chef et le conseil sont, dans les faits, les représentants de la NCNH au même titre que le gouvernement du Canada qui a tenu les référendums. À cet égard, les intimés citent la décision Six Nations Traditional Hereditary Chiefs c. Minister of Indian Affairs (1991) 43 F.T.R. 132, une décision du juge Rouleau, qui confirme le pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu, notamment, de l'article 4 de la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, L.R.C. (1985), ch. I-6, de même qu'en vertu des articles 3 et 74 de la Loi sur les Indiens. Ce jugement est instructif, y compris le renvoi à l'arrêt R. c. Sparrow [1990] 1 R.C.S. 1075, 111 N.R. 241. Dans cette décision, le juge Rouleau a statué que "le résultat d'un référendum n'est qu'une opinion exprimée de la part des autochtones et non une atteinte à des droits ancestraux" (paragraphe [28]).

[31]      La CCA constitue-t-elle une atteinte aux droits ancestraux de la NCNH, comme le soutiennent les requérants? Elle ne l'est pas, à moins que l'on croit qu'une majorité d'autochtones qui vote pour ratifier la CCA porte atteinte à ses droits ancestraux. Il suffit d'énoncer cette proposition pour se rendre compte qu'elle ne tient pas.

[32]      Ci-dessus, la Cour a déclaré qu'elle ne peut rien faire si une personne n'est pas d'accord avec la CCA ou qu'elle croit que la ratification de cette convention ne protège pas adéquatement les intérêts des autochtones. Toutefois, la Cour est obligée de défendre la Constitution, notamment l'article 35 qui confirme les droits existants des peuples autochtones qu'ils soient ancestraux ou issus de traités. Les requérants prétendent que la CCA porte atteinte à leurs droits issus de traités. Toutefois, l'article 13.13.3 de la CCA dispose comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         13.13.3 Droits issus de traités      Aucune disposition de la présente Convention n'a pour but de modifier les droits ancestraux ou issus de traités de la Nation Crie de Norway House ou d'autres peuples autochtones qui ont été reconnus et confirmés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Aux termes de la présente Convention, les parties donnent effet à la CITNM en indemnisant et en prévoyant une indemnisation future :                 
         a)      en espèces ou en nature; et                 
         b)      par la mise en oeuvre de mesures d'indemnisation et d'allégement pour atténuer les effets défavorables qui peuvent en découler pour :                 
             (i)      la Nation Crie de Norway House,                 
             (ii)      un membre,                 
             (iii)      un groupe de membres, ou                 
             (iv)      les biens ou ressources respectifs de la Nation Crie de Norway House, des membres ou des groupes de membres, ou l'exercice de leurs droits.                 

     (Affidavit Muskego - annexe B)

Au vu de la disposition ci-dessus, la Cour est convaincue que l'article 35 ne sera pas enfreint, et cela suffit dans les circonstances.

[33]      À tout prendre, la Cour estime que les arguments des intimés - c'est-à-dire ceux qui sont pertinents aux questions en litige - sont probants. L'avis de requête des requérants, ainsi que leurs demandes de redressements sont rejetés. Aucune des parties ne mérite que lui soient adjugés les dépens de cette cause.

                         F.C. Muldoon

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 25 novembre 1997

Traduction certifiée conforme         
                                 F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :          T-2026-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ALEC ALBERT, *** MAGGIE MYRNA GABLIN,

                 *** BRYAN ALLAN HART, *** et WILLIAM YORK, S.R., et al.

                 - et -

                 *** le CHEF ET LE CONSEIL DE LA NATION CRIE

                 DE NORWAY HOUSE

LIEU DE L'AUDIENCE :      Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :      les 29 et 30 septembre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE M. LE JUGE MULDOON

DATE :              le 25 novembre 1997

ONT COMPARU :

Donald N. MacIver                      POUR LES REQUÉRANTS

John A. MacIver

J.R. Norman Boudreau

Harley Schachter                      POUR LES INTIMÉS

Craig J. Henderson                      POUR SA MAJESTÉ LA REINE

Lynne M. Arnason                      POUR LE GOUVERNEMENT DU MANITOBA

Kathleen C. Murphy                      POUR HYDRO MANITOBA

Robert J.M. Adkins

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

D.N. MacIVER & ASSOCIATES              POUR LES REQUÉRANTS

WINNIPEG (MANITOBA)

DUBOFF, EDWARDS, HAIGHT & SCHACHTER      POUR LES INTIMÉS

WINNIPEG (MANITOBA)

GEORGE THOMSON                      POUR SA MAJESTÉ LA REINE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

FILLMORE & RILEY                      POUR LE GOUVERNEMENT DU MANITOBA

WINNIPEG (MANITOBA)

THOMPSON DORFMAN                  POUR HYDRO MANITOBA

WINNIPEG (MANITOBA)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.