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Date : 20060711

Dossier : T‑1593‑05

Référence : 2006 CF 862

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

JOANNE GANDY

demanderesse

et

 

L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

 

défenderesse

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               La Loi de l’impôt sur le revenu a peut‑être un caractère strict, mais on n’y prévoit pas de pénalité pour ceux qui produisent leurs déclarations en temps opportun ni de paiement d’intérêts sur les impôts versés en temps opportun. Cela n’a pas été compris par la demanderesse, Joanne Gandy, qui se représente elle‑même et qui demande le contrôle judiciaire de la décision prise au nom du ministre du Revenu national de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire de renoncer à la pénalité pour production tardive et à l’arriéré d’intérêts payables à l’égard d’une déclaration, avec paiement d’impôts, lesquels paiement et production, la demanderesse soutient‑elle avec insistance, auraient été effectués en temps utile.

 

[2]               Mme Gandy était désordonnée, embrouillée et mal préparée. L’assistance d’un avocat lui aurait assurément été bénéfique. Je vais maintenant exposer néanmoins sa situation, du mieux que j’ai pu la comprendre.

 

[3]               Mme Gandy a toujours eu l’habitude de produire à temps ses déclarations fiscales. Elle recourt aux services du même comptable depuis 1989. Par suite du contrôle fiscal dont a fait l’objet en 2004 une société à laquelle elle est liée, Mme Gandy et son comptable se sont rendus compte que l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’ADRC) n’avait pas consigné le fait qu’elle avait produit sa déclaration de revenus de 2001. On a produit, ou peut‑être produit à nouveau, selon le cas, cette déclaration.

 

[4]               Il y a au dossier de nombreuses allégations faites par Mme Gandy et son comptable selon lesquelles la déclaration de 2001 avait bien été produite dans les délais au printemps 2002, mais tout s’embrouille lorsqu’on en arrive aux détails. Parfois on nous dit que la déclaration a été mise à la poste, parfois qu’elle a été transmise par voie électronique. Aucun élément de preuve ne vient étayer ni l’une ni l’autre assertion.

 

[5]               Une fois la déclaration de 2001 produite, ou produite de nouveau selon ce que prétend Mme Gandy, on a délivré un avis de cotisation à cette dernière en septembre 2004. On n’a fait état dans l’avis d’aucun changement par rapport à la déclaration produite. Le montant de l’impôt net et des cotisations au Régime de pensions du Canada à payer était établi à 9 426,79 $. Dans la partie explicative de l’avis, l’ADRC a déclaré avoir établi la pénalité pour production tardive à 4 713,40 $, somme correspondant à 50 % de l’impôt non payé en date du 15 juin 2002, et l’arriéré d’intérêts à 2 539,92 $, lesquels intérêts seraient composés quotidiennement selon le taux prescrit.

 

[6]               Mme Gandy ne semble pas avoir contesté cette cotisation. Elle a plutôt demandé au ministre d’exercer, en application de la Loi et des Lignes directrices concernant le Dossier équité, son pouvoir discrétionnaire, sur lequel je reviendrai, de renoncer aux intérêts et à la pénalité parce que ceux‑ci étaient excessifs et lui occasionnaient des difficultés financières. Mme Gandy a soutenu, rien dans le dossier ne venant la contredire, qu’à l’exception de la situation confuse entourant sa déclaration de 2001, elle a toujours produit à temps ses déclarations. Comme elle est une mère qui élève seule deux adolescents, a‑t‑elle ajouté, lui demander de payer la pénalité et les intérêts lui a rendu la vie très difficile. Sa demande a été rejetée. Elle a renvoyé l’affaire au palier suivant prévu par les Lignes directrices, soit un examen par le directeur du bureau de district. Ce dernier a également refusé qu’il soit renoncé à la pénalité et aux intérêts. Mme Gandy a alors réussi à emprunter de l’argent d’une banque, elle s’est acquittée de toutes ses dettes fiscales, puis elle a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               Pendant l’audience, j’ai fait remarquer à Mme Gandy que, quoi qu’il en soit de savoir si la déclaration avait été transmise par la poste ou électroniquement, il était fait mention dans la déclaration d’impôts à payer d’un montant de 9 426,79 $. Avait‑elle payé cette somme? Mme Gandy a dit l’avoir fait au moyen d’un ou de plusieurs chèques et qu’elle devait avoir des chèques annulés permettant de le prouver.

 

LA COMPÉTENCE DE LA COUR FÉDÉRALE

[8]               Il faut souligner, pour que Mme Gandy comprenne bien, que la Cour fédérale est une entité bien distincte de la Cour canadienne de l’impôt. La Cour fédérale a compétence quant au contrôle judiciaire des décisions administratives d’un office fédéral, y compris les décisions du ministre lui‑même et de l’ADRC dans son ensemble. En vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, elle a compétence pour réviser la décision de ne pas renoncer à la pénalité et à l’arriéré d’intérêts imposés. Elle n’a toutefois pas compétence pour réviser la cotisation en tant que telle. Le protonotaire Morneau a résumé la jurisprudence sur cette question dans Beaudry c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2001 CFPI 1347, (2001), 215 F.T.R. 18.

 

[9]               Si la cotisation est erronée parce que, en fait, la déclaration a été produite et le montant d’impôt payable a été versé à temps, ou du fait que, même s’il n’y a pas eu une telle production et un tel versement en temps utile, on a établi incorrectement le montant de la pénalité, Mme Gandy pourrait s’opposer à la cotisation puis, si elle n’a pas gain de cause, interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt, à moins bien sûr qu’il n’y ait prescription.

 

[10]           La seconde question soulevée relativement à la cotisation a trait au montant de la pénalité pour production tardive, établi à 50 % de l’impôt en souffrance. L’ADRC n’a pas expliqué dans l’avis comment elle en était arrivée à ce pourcentage. La pénalité a toutefois été imposée, tel qu’il est précisé au dossier, en vertu du paragraphe 162(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, lequel s’applique aux personnes qui n’ont pas produit une déclaration et qui ont fait l’objet d’une mise en demeure, signifiée à personne ou envoyée sous pli recommandé. L’affirmation de Mme Gandy selon laquelle elle n’a pris connaissance du problème qu’au moment du contrôle fiscal de sa société est incompatible avec la signification qu’on lui aurait faite d’une demande de production de déclaration. Tel que le prévoit le paragraphe 162(1) de la Loi, la pénalité maximale pour le simple défaut de produire une déclaration correspond à 17 % et non à 50 % de l’impôt exigible. Comme je l’ai toutefois précédemment mentionné, si la cotisation est erronée, ce n’est pas à la Cour qu’il revient d’apporter un correctif.

 

[11]           Si toutefois devaient être expirés les délais habituels prévus pour produire une opposition ou pour demander une prorogation, Mme Gandy pourrait faire valoir un autre élément des dispositions d’équité. Ainsi, le paragraphe 152(4.2) de la Loi confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de faire en sorte que, malgré l’expiration des délais habituels, l’impôt à payer puisse être réduit. Et si le ministre refuse d’exercer son pouvoir discrétionnaire quant au réexamen de l’année d’imposition 2001, cette décision pourra faire l’objet d’un contrôle judiciaire nouveau et distinct devant la Cour (Maloshicky c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 978, [2005] 4 C.T.C. 12.

 

[12]           Cela dit, il était raisonnable pour l’ADRC de conclure que le défaut de production de la déclaration était dû à une erreur de la part de Mme Gandy ou de son comptable. Le présent contrôle judiciaire reposera sur cette prémisse.

LA DÉCISION À L’EXAMEN

[13]           La décision à l’examen est celle qu’a prise le directeur adjoint, Recouvrement des recettes, du Bureau des services fiscaux de Calgary, en date du 24 août 2005, et qu’il a transmise au comptable de Mme Gandy. Comme elle est brève, je vais la reproduire en entier :

[traduction]

Après examen approfondi du dossier, des agents supérieurs de l’Agence ont établi qu’il ne conviendrait pas d’annuler une partie quelconque des pénalités ou intérêts ici en cause. La situation décrite dans votre demande n’est pas visée par les lignes directrices énoncées dans la Circulaire d’information 92‑2.

 

C’est à chaque contribuable qu’il incombe de s’assurer que ses déclarations sont produites et reçues par l’Agence au plus tard à la date d’échéance. Aucune disposition des lignes directrices concernant l’équité ne permet d’annuler des pénalités ou des intérêts en raison de l’erreur d’un contribuable ou de son représentant.

 

De même, les difficultés financières éprouvées par un contribuable s’entendent de souffrances sur le plan financier ou concernant ce qui est requis pour satisfaire les besoins de subsistance de base, tels que la nourriture, les vêtements, le logis et les articles non essentiels raisonnables. L’examen attentif des renseignements fournis ne permet pas de conclure en l’incapacité de payer les intérêts courus, compte tenu du fait particulièrement que la contribuable a obtenu le financement requis pour acquitter la totalité du solde dû, y compris les pénalités et les intérêts.

 

En l’absence de preuve de difficultés financières ainsi que de facteurs indépendants de la volonté de la contribuable ayant empêché la production en temps voulu de la déclaration de revenus de 2001, je ne puis annuler les pénalités ou les intérêts qu’on vous a imposés.

 

LA NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[14]           La décision doit être révisée conformément aux normes générales du droit administratif énoncées en de nombreuses occasions par la Cour suprême du Canada et conformément au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

[15]           Pour se conformer aux principes résumés dans des arrêts tels que Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, et Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, la Cour doit réviser la décision d’un office fédéral selon une méthode pragmatique et fonctionnelle. En règle générale, aucune retenue judiciaire n’est indiquée lorsqu’il y a erreur de droit, alors que les conclusions d’autres types ne peuvent être modifiées que si elles sont déraisonnables ou manifestement déraisonnables. Une retenue considérable est de mise dans le cas des décisions discrétionnaires. Dans des décisions telles que Lanno c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 153, [2005] 2 C.T.C. 327, et Nail Centre and Esthetics Salon c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CAF 166, (2005), 335 N.R. 178, la Cour d’appel fédérale a statué que la norme de contrôle applicable à la décision prise au nom du ministre de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer aux pénalités et aux intérêts est celle de la décision raisonnable. Comme la Cour suprême l’a déclaré dans Ryan, précité, au paragraphe 48 :

 48      Lorsque l’analyse pragmatique et fonctionnelle mène à la conclusion que la norme appropriée est la décision raisonnable simpliciter, la cour ne doit pas intervenir à moins que la partie qui demande le contrôle ait démontré que la décision est déraisonnable (voir Southam, précité, par. 61). Dans Southam, par. 56, la Cour décrit de la manière suivante la norme de la décision raisonnable simpliciter :

 

Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s’il existe quelque motif étayant cette conclusion. [Je souligne.]

 

[16]            La Cour d’appel fédérale a toutefois également fait remarquer qu’il convient d’adapter la norme de contrôle selon les faits d’espèce et les questions en litige. Dans Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, (2005) 344 N.R. 257, ainsi, le juge Linden a statué comme suit :

Impossible donc de conclure qu=étant donné que, dans une affaire antérieure, une norme a été appliquée à une décision prise […], la même norme doit nécessairement s=appliquer lors de l=examen d=une autre décision […] en vertu de la même disposition législative. (par. 51)

 

Les facteurs de l=analyse pragmatique et fonctionnelle sont spécifiques à l=affaire en cause et la Cour suprême du Canada a insisté sur l=importance de ne pas y voir un * rite vide de sens + ou * machinal + (Dr Q, au paragraphe 26). (par. 50)

 

[17]           L’alinéa 18.1(4)c) de la Loi sur les Cours fédérales est également d’une grande importance à cet égard, puisqu’il autorise la Cour fédérale à accorder réparation si elle est convaincue que l’office fédéral concerné « a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle‑ci soit manifeste ou non au vu du dossier ».

 

ANALYSE

 

[18]           On a modifié la Loi de l’impôt sur le revenu au début des années 1990 pour accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de remédier aux rigueurs de la Loi. Ces modifications, communément désignées le « Dossier équité », ont donné lieu à la publication de diverses lignes directrices. La disposition législative en cause en l’espèce est le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu reproduit ci‑après :

(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

[19]           Le 18 mars 1992, l’ADRC a publié la Circulaire d’information IC‑92‑2, intitulée « Lignes directrices concernant l’annulation des intérêts et des pénalités ». On y déclare expressément : « Ce qui est énoncé ici ne constitue que des lignes directrices. La présente circulaire n’est donc pas exhaustive et ne doit pas être interprétée comme limitant l’esprit ou l’intention des mesures législatives ». Cette déclaration indique à juste titre qu’une ligne directrice n’a pas force de loi. Elle n’a pas un caractère obligatoire. Le décisionnaire a commis une erreur de droit en refusant d’envisager d’exercer son pouvoir discrétionnaire au motif qu’il ne peut y avoir renonciation à une pénalité si le dépôt tardif est attribuable à une erreur du contribuable. Le paragraphe 220(3.1) ne restreint pas de la sorte le pouvoir discrétionnaire du ministre, pas plus d’ailleurs que les lignes directrices elles‑mêmes. Cette entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire a constitué la première erreur révisable.

 

[20]           Si en outre l’on considérait que les lignes directrices sont l’équivalent d’un règlement, ce qu’elles ne sont assurément pas, le décisionnaire les a mal comprises. L’interprétation qu’il en a donnée n’était pas raisonnable. L’article 5, sous la rubrique « Lignes directrices et exemples […] », prévoit en effet qu’il « sera convenable d’annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux‑ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l’employeur ». Le décisionnaire en a déduit qu’il fallait, comme condition préalable à l’exercice du pouvoir discrétionnaire, que le défaut de produire la déclaration ait résulté d’une situation indépendante de la volonté de Mme Gandy, qu’il s’agisse d’un cas de « force majeure ». Et l’erreur commise par Mme Gandy en ne produisant pas sa déclaration ne constituait assurément pas un tel cas de « force majeure ».

 

[21]           Il faut cependant interpréter les unes au moyen des autres les dispositions des lignes directrices, y compris les articles 9 et 10 sous la rubrique « Demandes d’annulation des intérêts et des pénalités ou de renonciation à ceux‑ci ». Or, on demande, à l’article 9, au contribuable d’expliquer pourquoi les intérêts ou les pénalités établis « découlent principalement de facteurs indépendants de [sa] volonté » (non souligné dans l’original). La force majeure n’est plus ainsi le seul facteur à considérer, mais plutôt le facteur principal.

 

[22]           L’article 10 prévoit en outre ce qui suit :

10.       Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l’étude des demandes d’annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux‑ci :

 

10.       The following factors will be considered when determining whether or not the Department will cancel or waive interest or penalties:

 

a)         si le contribuable ou l’employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

 

(a)        whether or not the taxpayer or employer has a history of compliance with tax obligations;

 

b)         si le contribuable ou l’employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

 

(b)        whether or not the taxpayer or employer has knowingly allowed a balance to exist upon which arrears interest has accrued;

 

c)         si le contribuable ou l’employeur a fait des efforts raisonnables et s’il n’a pas fait preuve de négligence ni d’imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d’autocotisation;

 

(c)        whether or not the taxpayer or employer has exercised a reasonable amount of care and has not been negligent or careless in conducting their affairs under the self‑assessment system;

 

d)         si le contribuable ou l’employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

 

(d)        whether or not the taxpayer or employer has acted quickly to remedy any delay or omission.

 

Il n’est pas mentionné à cet article qu’il faut tenir compte de ces quatre éléments uniquement lorsque la force majeure est le seul ou le principal facteur en cause. Il y a toujours lieu d’en tenir compte.

 

[23]           La seconde erreur révisable, par conséquent, c’est le défaut du directeur adjoint d’avoir pris en compte les quatre facteurs énumérés à l’article 10. Quant à savoir si Mme Gandy a sciemment ou non laissé une dette fiscale exister, aucune conclusion de fait n’a été tirée que la Cour puisse réviser. Mme Gandy a pris part à un long échange de lettres pour tenter de savoir quel montant elle devait. Il y a eu une certaine confusion du côté de l’ADRC relativement à la déclaration de 2002 de Mme Gandy, confusion qui a persisté pendant un certain temps. Une fois établi le montant total de sa dette fiscale pour toutes les années d’imposition en cause, Mme Gandy a emprunté l’argent requis pour l’acquitter. Elle soutient qu’elle aurait emprunté plus tôt, mais que la banque exigeait qu’un montant précis soit indiqué. On ne peut savoir très clairement si ce fait a été évoqué devant l’agent d’évaluation en matière d’équité. Pour ce qui est maintenant de savoir si Mme Gandy a été négligente ou imprudente, on n’a procédé à aucune analyse permettant d’établir s’il était raisonnable pour elle de croire qu’elle avait bien produit sa déclaration. Aucun élément de preuve, en outre, ne contredit sa prétention d’avoir respecté, par le passé, ses obligations fiscales.

 

[24]           La troisième erreur révisable découle cette fois du concept de « difficultés ». Le décisionnaire n’était pas convaincu de l’existence de telles difficultés [traduction] « […] particulièrement compte tenu du fait que la contribuable a obtenu le financement requis pour acquitter la totalité du solde dû, y compris les pénalités et les intérêts ». Selon les notes au dossier, le solde dû en date du 29 septembre 2005, y compris pour l’année d’imposition 2003, était de 25 269,58 $. Les pénalités et les intérêts pour l’année fiscale 2001 se chiffraient alors à 8 137,71 $, plus bien sûr la dette fiscale originale de 9 426,79 $.

 

[25]           Tel qu’il a été statué dans Nail Centre, précité, un élément essentiel d’une décision en matière d’équité se rapporte aux créances dues par le contribuable à l’ADRC. Il serait erroné de simplement prendre en considération le montant des intérêts et des pénalités, et non pas celui de l’impôt payable. Ainsi que l’a déclaré le juge Evans, au paragraphe 8 :

[…] Comme il n’est pas possible de prendre une décision raisonnable quant aux difficultés financières d’un contribuable sans tenir compte du total des créances dues à l’ADRC, le ministre a commis une erreur, à notre avis, en ne prenant pas en considération le montant dû en impôt par les appelants.

 

[26]           On a demandé à Mme Gandy d’établir un relevé de ses revenus et dépenses mensuels et un relevé de la valeur nette de son patrimoine. Elle a établi la valeur de sa maison à 153 000 $, celle‑ci étant grevée d’une hypothèque de 96 000 $. L’excédent des revenus sur les dépenses était établi à 360 $ mensuellement. Il n’était toutefois pas tenu compte des dettes fiscales, non plus que de l’emprunt d’environ 25 000 $ qu’elle avait contracté. Même en supposant que l’intérêt n’ait été fixé qu’au taux légal de 5 %, tout en faisant abstraction du fait que la banque a pu exiger le paiement de capital et d’intérêts réunis, il coûterait au moins 100 $ par mois à Mme Gandy simplement pour assurer le service du prêt.

 

[27]           Le fait pour Mme Gandy d’avoir pu contracter un emprunt, grâce peut‑être à un marché immobilier à la hausse, ne doit pas amener à conclure en l’absence pour elle de difficultés financières. L’expression « hardship » (difficultés) est définie dans le Oxford English Dictionary comme s’entendant d’une [traduction] « situation exceptionnellement ardue pour qui en est touché ». Une difficulté n’équivaut pas à une impossibilité.

 

[28]           En résumé, toute erreur éventuelle dans l’avis de cotisation échappe à la portée du présent contrôle judiciaire. La demande de contrôle judiciaire doit être accueillie parce que le décisionnaire a mal interprété le droit et a entravé de manière déraisonnable l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne tenant pas compte des facteurs énoncés à l’article 10 des lignes directrices, non plus que du montant total dû en impôt par Mme Gandy et du coût pour elle du remboursement de cette dette.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La décision du directeur adjoint, Recouvrement des recettes, du Bureau des services fiscaux de Calgary, datée du 26 août 2005, est annulée. L’affaire est renvoyée pour nouvelle décision à une autre personne autorisée à exercer le pouvoir discrétionnaire de deuxième palier en application de l’article 14 des lignes directrices.

3.                  La demanderesse a droit aux dépens, sans toutefois les honoraires d’avocat.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑1593‑05

 

 

INTITULÉ :                                       JOANNE GANDY

                                                            c.

                                                            L’AGENCE DES DOUANES ET DU

                                                            REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 CALGARY

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 5 JUILLET 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 11 JUILLET 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joanne Gandy

S’est représentée elle‑même

 

POUR LA DEMANDERESSE

Darcie Charleton

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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