Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990325

     Dossier : IMM-1337-98

Entre :

     ABUL KASHEM MOHAMMED ALAUDDIN,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié), en date du 25 février 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié (SSR) a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

Les faits

[2]      L'audition devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a eu lieu le 19 octobre 1998.

[3]      À la toute fin de l'audience, il y a eu certaines discussions entre les deux membres de la Commission, l'agent des appels et l'avocat du demandeur au sujet de la nécessité de faire confirmer si le demandeur faisait ou non l'objet d'un mandat d'arrêt.

[4]      Le président dit ceci1 :

         [TRADUCTION]                 
         Je pense que les deux interrogatoires ont été très exhaustifs et je ne suis pas sûr que je serais plus avancé à cette étape si on me soumettait des observations. Et si nous obtenons la confirmation, alors nous pourrons procéder à partir de là.                 

                 AGENT DES APPELS : Alors (inaudible) ?

                 BARKER (avocat du demandeur) : Obtiendrez-vous la confirmation par l'ambassade ?                 
                 AGENT DES APPELS : Non. Savez-vous comment il faut s'y prendre ?                 
                 BARKER : Vous devez passer par (inaudible).                 
                 AGENT DES APPELS : Non, en fait ce n'est pas ce que nous faisons. Nous demandons à nos collègues d'Ottawa.                 
                 BARKER : Oui.                 

[5]      Toutefois, à la toute fin, le président a également dit ceci2:

         [TRADUCTION]                 
         M. Alauddin, nous arrivons à la fin de l'audience. Je voudrais vous remercier pour votre témoignage. La Commission réservera sa décision jusqu'à ce que nous obtenions une confirmation concernant la question de savoir si vous faites l'objet d'un mandat d'arrêt. Quand nous obtiendrons cette confirmation du Bengladesh, et dès que nous l'aurons reçue, nous en aviserons votre avocat.                 
         L'audience est suspendue en attendant de recevoir les renseignements demandés.                 

[6]      À la suite des discussions et de la conclusion indiquée ci-dessus, le demandeur avait l'impression que la Commission, ou l'agent des appels, obtiendrait la confirmation concernant le mandat d'arrêt.

[7]      Le 11 février 1998, l'avocat du demandeur a envoyé par télécopieur une lettre à la Commission d'immigration et du statut de réfugié. Dans cette lettre, au second paragraphe de la page 2, l'avocat dit ceci :

         [TRADUCTION]                 
         Le tribunal devait faire valider le rapport sur le complément d'information déposé en preuve. Le revendicateur qui parle très peu l'anglais avait l'impression que l'Immigration allait vérifier la validité de ce rapport sans sa participation. Ce n'est que cette semaine qu'il a envoyé à son avocat au Bengladesh un fac-similé pour lui demander de nous retourner par télécopieur une validation appropriée.                 
         Je vous demande donc, si la validation de ce rapport vous satisfait, qu'il soit décidé que le demandeur est un témoin crédible afin que l'examen de sa revendication du statut de réfugié se poursuive.                 

[8]      Le 17 février 1998, l'avocat du demandeur a envoyé une nouvelle lettre par télécopieur à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié accompagnée d'une copie de la lettre qu'il avait reçue par télécopieur le 13 février 1998 de l'avocat du demandeur au Bengladesh, indiquant qu'aux termes du rapport sur le complément d'information daté du 16 décembre 1996, le demandeur faisait l'objet d'un mandat délivré en vertu de la Loi sur les pouvoirs spéciaux.

[9]      Les avocats du demandeur et du défendeur conviennent que le tribunal n'avait pas reçu cet élément de preuve du demandeur avant de rendre sa décision.

[10]      Le 25 février 1998, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendu sa décision.

[11]      À la page 2 de cette décision, la Commission dit ceci :

         [TRADUCTION]                 
         Le tribunal avait besoin d'un complément d'information concernant le mandat d'arrêt qui, selon le demandeur, avait été délivré contre lui. Plus de trois mois se sont écoulés et aucun renseignement n'a encore été reçu. Le tribunal ne peut attendre plus longtemps ces renseignements. Nous avons accepté le témoignage du demandeur indiquant qu'un mandat d'arrêt avait été émis contre lui. Les observations de son avocat ont été soigneusement examinées dans les présents motifs.                 

[12]      À la page 4 de la décision, la Commission précise :

         [TRADUCTION]                 
         Il n'y a pas de preuve indiquant qu'il subirait des traitements indus. Si, comme il le dit, il a été accusé en vertu de la Loi sur les pouvoirs spéciaux, cela ne signifie pas que les sanctions dont il serait l'objet seraient assez graves pour équivaloir à de la persécution.                 

[13]      Dans la lettre datée du 13 février 1998, que l'avocat du Bengladesh a envoyé à M. Barker, l'avocat du demandeur, on mentionne clairement ceci :

         [TRADUCTION]                 
         [...] M. A.K.M. Alauddin peut être condamné à l'emprisonnement à perpétuité ou être pendu. La raison en est que le verdict en vertu de la Loi sur les pouvoirs spéciaux dépend totalement de la bonne volonté du gouvernement. Si l'accusé n'obtient pas la faveur du gouvernement, aucun avocat ne peut gagner la cause dans ces circonstances.                 

[14]      À la page 3 de sa décision, la Commission indique :

         [TRADUCTION]                 
         Le tribunal accepte la preuve du demandeur et reconnaît qu'elle est crédible.                 

[15]      Je suis convaincu que, si les renseignements contenus dans la lettre du 13 février de l'avocat du Bengladesh avaient été fournis à la Commission, celle-ci aurait pris une autre décision.

[16]      La Commission n'a pas examiné la totalité de la preuve en ne tenant pas compte de ce document qui leur a été fourni par le demandeur.

[17]      Nous ne savons pas et, apparemment, personne ne sait ce qui est arrivé à ces deux lettres du 11 février 1998 et du 17 février 1998 et pourquoi elles n'ont pas été remises à la Commission avant que celle-ci rende sa décision.

[18]      Le tribunal a commis une erreur susceptible de contrôle en créant de la confusion à la toute fin de l'audience en demandant une confirmation du mandat et en rendant sa décision avant d'avoir reçu ce renseignement particulier.

[19]      La Commission a enfreint son obligation d'agir équitablement en prenant une décision sans attendre la preuve du demandeur qui lui avait été expressément demandée, alors qu'elle avait été informée le 11 février 1998 que les renseignements lui seraient fournis sous peu.

[20]      Je suis convaincu que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle, et sa décision doit être infirmée.

[21]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différent pour nouvelle audience et nouvelle décision conforme au droit. Cette affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.

                         " Pierre Blais "

                                     Juge

TORONTO (ONTARIO)

le 25 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NE DU GREFFE :                      IMM-1337-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              ABUL KASHEM MOHAMMED ALAUDDIN

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 23 MARS 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          LE JUGE BLAIS

DATE :                          LE JEUDI 25 MARS 1999

ONT COMPARU :                      Janet Bomza

                                 pour le demandeur

                             Geraldine MacDonald

                                 pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:      Janet L. Bomza

                             Avocate et procureure

                             2303-180, rue Dundas Ouest

                             Toronto (Ontario)

                             M5T 1Z8

                                 pour le demandeur

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                 pour le défendeur

__________________

     1      Dossier du tribunal, p. 121

     2      Ibid, p. 123

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.