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     Date : 19980320

     Dossier : T-337-97

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 20 MARS 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE McGILLIS

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de contrôle et d'annulation présentée en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, concernant la décision en date du 27 janvier 1997 par laquelle l'enquêteuse Rachel Dionne a rejeté la plainte du requérant au sujet d'une mutation (dossier de la C.F.P. no 96-HDR-068)         

ENTRE :

     DAN LABRÈCHE,

     requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'enquêteuse est annulée et l'affaire est renvoyée à la Commission de la fonction publique pour qu'elle procède à un nouvel examen.

     Il n'y a pas de circonstances spéciales au sens de la règle 1618 des Règles de la Cour fédérale qui justifient l'attribution des dépens.

                                 D. McGillis

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     Date : 19980320

     Dossier : T-337-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de contrôle et d'annulation présentée en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, modifiée, concernant la décision en date du 27 janvier 1997 par laquelle l'enquêteuse Rachel Dionne a rejeté la plainte du requérant au sujet d'une mutation (dossier de la C.F.P. no 96-HDR-068)         

ENTRE :

     DAN LABRÈCHE,

     requérant,

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McGILLIS

LES FAITS

[1]      Le requérant conteste par voie de contrôle judiciaire la décision d'une enquêteuse nommée pour examiner une plainte au sujet d'une mutation effectuée par Développement des ressources humaines Canada (le Ministère) en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, modifiée (la Loi). Dans sa décision, l'enquêteuse a rejeté la plainte du requérant et a recommandé le maintien de la mutation.

[2]      Au printemps 1996, le Ministère a obtenu l'autorisation de créer un poste supplémentaire de conseiller principal en communications (IS-05). Pour différentes raisons, le Ministère a décidé de doter ce nouveau poste par voie de mutation. En octobre 1996, un employé de Revenu Canada a accepté d'être muté dans ce poste. Par lettre datée du 28 octobre 1996, le requérant a déposé une plainte au sujet de la mutation en vertu des dispositions de la Loi. En particulier, le requérant a prétendu que la mutation n'avait pas été faite en conformité avec la Loi, au motif que le Ministère n'avait pas donné d'avis de la possibilité de mutation.

[3]      En réponse à la plainte, le Ministère a adopté le point de vue que les employés avaient été avisés de la mutation dans une note de service en date du 23 août 1995 intitulée [traduction] " Préférences pour les postes de IS-04 dans la nouvelle organisation ". La note de service précisait entre autres choses ce qui suit :

     [traduction]         
     Préférences pour les postes de IS-04 dans la nouvelle organisation         
     La présente fait suite à la dernière réunion de tous les employés et a pour objet de vous demander d'indiquer vos premier, deuxième et troisième choix au sujet des postes suivants au sein de la nouvelle organisation. Vous trouverez ci-joint, à titre documentaire, un résumé des descriptions de travail.         
     Veuillez ordonner vos choix en indiquant les numéros un, deux et trois dans les cases situées à gauche et apposer votre signature au bas de la note de service. Vous devez choisir trois cases dans cette liste et leur donner un rang. Les résultats de cette démarche seront examinés par le Comité de réaffectation des effectifs et seront utilisés à des fins de placement dans la nouvelle organisation.         

[4]      Cette note de service mentionnait également plusieurs postes au sujet desquels un employé pouvait indiquer une préférence. Cette liste ne comprenait toutefois pas le poste de conseiller principal en communications (IS-05) qui a fait l'objet de la plainte du requérant au sujet d'une mutation.

[5]      En ce qui concerne le point de vue du requérant selon lequel le Ministère n'a pas donné d'avis de la possibilité de mutation pour le poste de conseiller principal en communications (IS-05), l'enquêteuse est arrivée à la conclusion suivante dans sa décision :

     [traduction] Selon la preuve documentaire soumise par le Ministère, un avis aurait été adressé aux employés. De plus, il ressort de la preuve que les gestionnaires ont tenu les employés au courant des questions de dotation les concernant par l'entremise du comité patronal-syndical         
     Il est également vrai que les employés devraient prendre l'initiative d'informer les gestionnaires de l'intérêt qu'ils portent à des possibilités de mutation. La direction a bien précisé qu'elle est parfaitement au courant du fait que M. Labrèche est intéressé par un poste de IS-05.         
     Il n'incombe pas au Ministère de démontrer qu'il a agi en conformité avec la loi. Le plaignant doit prouver que la mutation était illégale ou abusive.         

LA QUESTION EN LITIGE

[6]      La principale question litigieuse consiste à savoir si le Ministère était tenu par la Loi d'adresser un avis de la possibilité de mutation dans le poste de IS-05 et, dans l'affirmative, si cet avis a été adressé.

ANALYSE

[7]      La question de savoir s'il faut adresser un avis concernant une possibilité de mutation a été examinée dans l'arrêt Nieboer et autres c. Canada (Procureur général) (1996), 121 F.T.R. 21 (1re inst.). Dans cette décision, le juge en chef adjoint a exposé en ces termes le cadre qui régit les mutations, aux pages 32 et 33 :

     [11]      Le paragraphe 34.2(1) de la Loi dispose :         
         34.2 (1) Les mutations sont effectuées selon les modalités fixées par le Conseil du Trésor.                 
     [12] Le Conseil du Trésor a publié des Directives en matière de mutations et de recours. Il a également établi une politique et des lignes directrices en matière de mutations, dans lesquelles est expliqué ce qu'est une mutation et comment elle doit être effectuée :         
         On entend par " mutation " l'affectation d'un fonctionnaire à un autre poste à l'intérieur d'un même groupe professionnel ou, dans les cas prévus par le règlement de la Commission de la fonction publique, à un poste d'un autre groupe professionnel. Contrairement à ce qui se passe dans les cas d'" affectations " ou de " détachement ", le fonctionnaire muté devient titulaire du poste auquel il est muté et, par conséquent, assume le niveau de classification de son nouveau poste. Aucune mutation ne peut avoir pour résultat la promotion du fonctionnaire ou la modification de la durée de ses fonctions. Le fonctionnaire peut être muté pour une période indéterminée ou pour une période déterminée. Une mutation ne peut être effectuée sans le consentement du fonctionnaire, sauf si l'acceptation de mutations fait partie des conditions d'emploi du poste qu'il occupe avant la mutation.                 
         Les mutations doivent être faites d'une manière juste, raisonnable, transparente, et qui tienne compte tant des besoins de l'organisation que des intérêts et aspirations professionnels légitimes des fonctionnaires.                 
     [13]      La politique du Conseil du Trésor exige également que les divers ministères établissent des politiques en matière de mutations. Elle énonce également les exigences de ces politiques :         
     EXIGENCES DE LA POLITIQUE         
     1. Les ministères sont tenus d'élaborer des politiques et procédures concernant les mutations qui respectent les directives établies par le Conseil du Trésor conformément aux paragraphes 34.2(1), 34.3(1) et 34.3(3) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (voir l'annexe A), de même que tout règlement pris en conformité avec le paragraphe 37.1(1), et qui         
         [...]         
     1.3 prévoient que les avis de possibilités de mutation doivent être adressés au moins aux employés des unités de travail dans lesquelles des mutations ont lieu; [...]         

[Voir aussi l'arrêt Vavrecka c. Canada (Procureur général) (1996), 110 F.T.R. 115, aux pages 117 et 118 (1re inst.).]

[8]      Après avoir analysé la marche à suivre pour effectuer une mutation, le juge en chef adjoint a confirmé qu'il fallait adresser un avis aux employés de l'unité de travail. À cet égard, il a déclaré ceci aux pages 33 et 34 :

     [...] il est évident que les ministères sont tenus de procéder à des mutations en conformité avec les lignes directrices établies par le Conseil du Trésor. Ces lignes directrices exigent à leur tour explicitement que des avis de possibilités de mutation soient adressés à tout le moins aux employés des unités de travail dans lesquelles des mutations doivent avoir lieu.         

[9]      Dans sa décision, le juge en chef adjoint a également rejeté l'argument de l'intimé selon lequel le défaut de les informer à l'avance des possibilités de mutation ne privait pas des employés admissibles de la possibilité de poser leur candidature pour la mutation.

[10]      À mon avis, les principes énoncés par le juge en chef adjoint dans l'affaire Nieboer et autres c. Canada (Procureur général) précitée s'appliquent directement à l'espèce. Je suis donc arrivé à la conclusion que le Ministère était tenu d'informer à l'avance de la possibilité de mutation les employés de l'unité de travail dans laquelle la mutation devait avoir lieu. Je remarque également que, dans son manuel sur la gestion des ressources humaines publié en avril 1996, le Ministère a confirmé qu'il s'engageait à adresser " [...] les avis de possibilités de mutation [...] au moins aux employés des unités de travail dans lesquelles des mutations auront lieu ".

[11]      La dernière question à trancher consiste à savoir si le Ministère a donné un avis en l'espèce.

[12]      L'avocate de l'intimé a soutenu que la note de service en date du 25 août 1995 constituait l'avis exigé. Je ne puis accepter cette prétention. La note de service que l'intimé a qualifié d'" avis " a été distribuée environ quatorze mois avant la période pertinente et on n'y mentionne nullement une possibilité de mutation, sans parler de la possibilité en question. La note de service invoquée par l'intimé ne renferme tout simplement rien qui puisse, même vaguement, être considéré comme un avis de la possibilité de mutation dans l'unité de travail du requérant. Puisqu'il en est ainsi, je suis arrivé à la conclusion que le Ministère n'a pas adressé l'avis voulu aux employés de l'unité de travail visée.

DISPOSITIF

[13]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'enquêteuse est annulée et l'affaire est renvoyée à la Commission de la fonction publique pour qu'elle procède à un nouvel examen.

[14]      L'avocat du requérant a soutenu que des dépens devraient être adjugés au motif que l'intimé n'aurait pas dû contester l'espèce, vu le caractère inéluctable du résultat. Je comprends son point de vue, mais l'avocat ne m'a pas convaincue qu'il existe des circonstances spéciales au sens de la règle 1618 des Règles de la Cour fédérale qui justifient l'attribution des dépens.

                                 D. McGillis

                                     Juge

OTTAWA

Le 20 mars 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              T-337-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Dan Labrèche c. Le procureur général du Canada

                        

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 18 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE McGILLIS

EN DATE DU 20 MARS 1998

ONT COMPARU :

M. Andrew J. Raven              pour le requérant

Mme Josephine A. L. Palumbo      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Raven Jewitt & Allen

Ottawa (Ontario)              pour le requérant

M. George Thomson

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)              pour l'intimé

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