Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050920

Dossier : IMM-8774-04

Référence : 2005 CF 1295

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

DON BEDURAL ABRAZALDO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON

[1]                M. Don Bedural Abrazaldo est un citoyen philippin qui revendique au Canada le statut de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger. Malheureusement, il ne s'est pas présenté à l'audience relative à sa demande le 10 août 2004. En fait, son consultant en immigration a comparu devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission) et a présenté une note émanant de M. Abrazaldo dont le texte intégral était le suivant :

[TRADUCTION]

Je ne peux pas assister à l'audience parce que je suis malade.

Je vous prie de m'excuser pour ce contretemps.

[2]                Le 10 août 2004, la SPR a fixé une audience qui devait avoir lieu le matin du 16 septembre 2004 au cours de laquelle M. Abrazaldo devait montrer pourquoi il n'y avait pas lieu pour la Section de prononcer le désistement de la demande d'asile. Le membre qui présidait l'audience a informé le consultant qui représentait M. Abrazaldo qu'il devrait fournir une explication médicale appropriée le 16 septembre 2004.

[3]                Ni M. Abrazaldo ni son consultant ne se sont présentés à cette deuxième audience. En fait, M. Abrazaldo a envoyé par télécopie une deuxième lettre à la Commission le 15 septembre 2004 dont voici encore le texte complet :

[TRADUCTION]

       Je ne suis pas en mesure d'assister à l'audience parce que je suis malade. Je vous prie de m'excuser pour ce contretemps.

[4]                La lettre était accompagnée d'une deuxième note, écrite à la main sur un formulaire d'ordonnance d'un médecin; elle se lisait ainsi :

[TRADUCTION]

Inapte au travail pour des raisons médicales. 14 au 19 septembre 2004

[5]                L'après-midi du 16 septembre 2004, la SPR a prononcé le désistement de la demande de M. Abrazaldo. La Commission est arrivée à cette conclusion après avoir noté l'absence de toute correspondance après l'audience du 10 août 2004, l'omission du consultant de M. Abrazaldo d'aviser la Commission, l'imprécision de la note que M. Abrazaldo avait transmise le 15 septembre 2004 et l'omission de M. Abrazaldo de fournir des motifs justifiant la poursuite de l'examen de la demande.

[6]                M. Abrazaldo demande le contrôle judiciaire de cette décision.

[7]                Dès le départ, j'adopte le raisonnement qu'a tenu mon collègue, M. le juge Lemieux, dans Ahamad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 109 (1re inst.), pour conclure que la norme de contrôle applicable au prononcé du désistement d'une demande d'asile par la SPR est la décision raisonnable simpliciter. Cela veut dire que la Cour n'a pas à décider si elle souscrit à la décision prise par la SPR. La Cour ne peut modifier la décision de la SPR que si M. Abrazaldo démontre que la décision est déraisonnable.

[8]                Quant à savoir ce qu'est une décision déraisonnable, une décision est déraisonnable lorsqu'elle n'est pas justifiée par des motifs qui peuvent résister à « un examen assez poussé » , voir : Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56. Lorsqu'il existe des motifs susceptibles d'étayer la décision de la SPR, cette décision n'est pas déraisonnable. Exprimé simplement, la Cour est tenue d'apprécier si les motifs, pris dans leur ensemble, sont suffisants pour étayer une décision raisonnée.

[9]                Pour apprécier le caractère suffisant des motifs fournis par la SPR, il convient de tenir compte des dispositions légales qui guident la SPR. Le paragraphe 168(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), autorise les différentes sections de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, y compris la SPR, à prononcer le désistement si elle estime que l'intéressé omet de poursuivre l'affaire, notamment par défaut de comparution. Les facteurs que doit considérer la SPR sont exposés au paragraphe 58(3) des Règles de la section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles). Ce sont les explications données par le demandeur d'asile à l'audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d'asile est prêt à commencer ou à poursuivre la procédure. Le paragraphe 168(1) de la Loi et l'article 58 des Règles sont reproduits à l'annexe des présents motifs.

[10]            La Commission a appliqué ces principes à la décision rendue par la SPR, elle a pris en compte les explications fournies par M. Abrazaldo dans sa note et la note du médecin et elle a expliqué les raisons pour lesquelles elles les avaient trouvées insuffisantes. Elle a noté très justement que M. Abrazaldo et son consultant avaient fait défaut de comparaître le 16 septembre, et qu'ils n'ont donc pas tenté de démontrer pourquoi la SPR ne devait pas prononcer le désistement de la demande d'asile. M. Abrazaldo n'a pas établi que la SPR avait commis une erreur ou que ses motifs étaient insuffisants pour étayer la décision selon laquelle il y avait lieu de prononcer le désistement de sa demande d'asile.

[11]            M. Abrazaldo soutient ce qui suit dans ses observations écrites : il a fourni une explication raisonnable de son absence à l'audience; il avait, et a toujours, l'intention de poursuivre sa demande; sa demande est fondée; le ministre ne souffrira aucun préjudice en cas de réouverture de la demande de M. Abrazaldo. Ce sont les arguments qui auraient dû être présentés à la SPR. Ils ne démontrent pas que celle-ci a commis une erreur susceptible d'être révisée.

[12]            Au cours des plaidoiries orales, M. Abrazaldo a tenté de faire porter la responsabilité de la situation à son consultant, en soutenant qu'il ne savait pas que son consultant n'assisterait pas à l'audience du mois de septembre et que celui-ci ne l'avait pas informé que l'audience de septembre portait sur le désistement. Il déclare avoir commis l'erreur d'avoir fait confiance à son consultant.

[13]            Il est facile d'alléguer qu'un consultant n'a pas eu une conduite professionnelle. Toutefois, lorsque M. Abrazaldo a demandé à la SPR de rouvrir sa demande d'asile, il ne s'est pas plaint du comportement de son consultant, et cette question n'a pas non plus été soulevée dans l'affidavit que M. Abrazaldo a déposé à l'appui de sa demande. Ce comportement est incompatible avec l'existence, dans l'esprit de M. Abrazaldo, de doutes au sujet du comportement de son consultant. De toute façon, l'argument selon lequel le consultant aurait commis des erreurs ou des omissions n'est pas étayé par les preuves présentées à la Cour.

[14]            Quant à la connaissance qu'avait M. Abrazaldo de l'objet de l'audience du mois de septembre, l'avis de comparution, envoyé directement à M. Abrazaldo, portait le titre « Avis de convocation - désistement d'une demande d'asile » . Le premier paragraphe des instructions qui accompagnaient l'avis mentionnait : « À défaut de comparaître au moment et au lieu précisés afin d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé, la Section de la protection des réfugiés (SPR) pourra prononcer le désistement de votre demande. En d'autres termes, vous perdrez le droit de faire entendre votre demande d'asile par la SPR. » L'avis envoyé à M. Abrazaldo réfute son argument selon lequel il ne connaissait pas l'objet de l'audience de septembre.

[15]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[16]            M. Abrazaldo n'a relevé aucune question grave de portée générale dans la présente affaire et l'avocat du ministre a fait valoir que le dossier ne soulève aucune question de ce genre. Comme je suis d'accord sur ce point, aucune question n'est certifiée.

ORDONNANCE

[17]            LACOUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


ANNEXE

            Le paragraphe 168(1) de la Loi et l'article 58 des Règles sont reproduits ci-dessous :

168(1) Chacune des sections peut prononcer le désistement dans l'affaire dont elle est saisie si elle estime que l'intéressé omet de poursuivre l'affaire, notamment par défaut de comparution, de fournir les renseignements qu'elle peut requérir ou de donner suite à ses demandes de communication.

168(1) A Division may determine that a proceeding before it has been abandoned if the Division is of the opinion that the applicant is in default in the proceedings, including by failing to appear for a hearing, to provide information required by the Division or to communicate with the Division on being requested to do so.

[...]

[...]

58(1) La Section peut prononcer le désistement d'une demande d'asile sans donner au demandeur d'asile la possibilité d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé si, à la fois :

a) elle n'a reçu ni les coordonnées, ni le formulaire sur les renseignements personnels du demandeur d'asile dans les vingt-huit jours suivant la date à laquelle ce dernier a reçu le formulaire;

b) ni le ministre, ni le conseil du demandeur d'asile, le cas échéant, ne connaissent ces coordonnées.

58(1) A claim may be declared abandoned, without giving the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned, if

(a) the Division has not received the claimant's contact information and their Personal Information Form within 28 days after the claimant received the form; and

(b) the Minister and the claimant's counsel, if any, do not have the claimant's contact information.

58(2) Dans tout autre cas, la Section donne au demandeur d'asile la possibilité d'expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé. Elle lui donne cette possibilité :

a) sur-le-champ, dans le cas où il est présent à l'audience et où la Section juge qu'il est équitable de le faire;

b) dans le cas contraire, au cours d'une audience spéciale dont la Section l'a avisé par écrit.

58(2) In every other case, the Division must give the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned. The Division must give this opportunity

(a) immediately, if the claimant is present at the hearing and the Division considers that it is fair to do so; or

(b) in any other case, by way of a special hearing after notifying the claimant in writing.

58(3) Pour décider si elle prononce le désistement, la Section prend en considération les explications données par le demandeur d'asile à l'audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d'asile est prêt à commencer ou à poursuivre l'affaire.

58(3) The Division must consider, in deciding if the claim should be declared abandoned, the explanations given by the claimant at the hearing and any other relevant information, including the fact that the claimant is ready to start or continue the proceedings.

58(4) Si la Section décide de ne pas prononcer le désistement, elle commence ou poursuit l'affaire sans délai.

58(4) If the Division decides not to declare the claim abandoned, it must start or continue the proceedings without delay.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-8774-04

INTITULÉ :                                        DON BEDURAL ABRAZALDO

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 8 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :              LE 20 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Don Bedural Abrazaldo                                                             DEMANDEUR

A. Leena Jaakkimainen                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Don Bedural Abrazaldo                                                             DEMANDEUR

Agincourt (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.