Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20060405

Dossier : IMM-565-06

Référence : 2006 CF 442

OTTAWA (ONTARIO), LE 5 AVRIL 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :       

ABDUL RAZZAQ

demandeur

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Il s'agit d'une requête en réexamen de la décision de la Cour rendue le 7 février 2006 (Razzaq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 148), déposée par le défendeur (le ministre) en vertu du paragraphe 397 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[2]         Ce paragraphe prévoit :

397. (1) Dans les 10 jours après qu'une ordonnance a été rendue ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant à la Cour qui a rendu l'ordonnance, telle qu'elle était constituée à ce moment, d'en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

397. (1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that:

a) l'ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;

(a) the order does not accord with any reasons given for it; or

b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

[3]         Le ministre soutient que la Cour n'avait pas la compétence pour prononcer l'ordonnance. Il s'appuie sur l'article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi), qui se lit comme suit :

18.2 La Cour fédérale peut, lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu'elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive.

[4]         Le 7 février 2006, la Cour était saisie d'une demande de sursis à la mesure de renvoi dont l'exécution était prévue pour le 3 mars 2006. Les faits, décrits dans la décision, sont les suivants :

2.              Le demandeur est venu au Canada le 28 mai 2001 à partir du Pakistan et a déposé une demande d'asile, alléguant qu'il craignait d'être persécuté parce qu'il est de religion chiite. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté sa demande le 24 juillet 2002 et la juge Snider a rejeté sa demande de contrôle judiciaire le 10 juillet 2003. Sa demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR) a été rejetée le 12 décembre 2005, bien que le demandeur n'ait reçu sa copie que le 23 janvier 2006.

3.              Le contrôle judiciaire de la décision de l'ERAR est en instance, et le demandeur demande un sursis au renvoi jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au sujet de sa demande d'autorisation. Si cette autorisation est accordée, le demandeur souhaite que le sursis au renvoi s'étende jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au sujet du contrôle judiciaire.

4.              Se fondant sur l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302, le demandeur tente d'établir l'existence d'une question sérieuse, d'un préjudice irréparable et d'une prépondérance des inconvénients de la façon suivante.

[5]         La Cour a conclu qu'il n'existait pas de question sérieuse aux termes de l'arrêt Toth, mais a tout de même accueilli la demande pour les motifs suivants :

9.              Entre-temps, le demandeur s'est marié à une citoyenne canadienne d'origine pakistanaise le 30 juillet 2004, et il a déposé une demande de prise en compte de considérations humanitaires (demande CH) le 15 juillet 2005 afin de pouvoir présenter une demande de résidence permanente de l'intérieur du Canada, parce que son épouse le parrainait. Cette demande est toujours en instance, et en raison d'une confusion dans les adresses, l'entrevue qui avait été prévue n'a pas eu lieu.   

10.            Je ne vois pas de raison de renvoyer le demandeur, qui est pourvu d'un emploi rémunéré et qui n'a pas de dossier criminel, avant audition de sa demande CH. Si cette demande devait être accueillie, le renvoi à la date prévue causerait au demandeur et à son épouse des difficultés considérables, sans qu'il y ait d'avantage sensible pour les défendeurs. Par conséquent, j'accorderai un sursis au renvoi jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au sujet de la demande CH.

[6]         Le ministre allègue que la Cour n'avait pas le pouvoir de prononcer une telle ordonnance parce qu'il s'agit d'une cour créée par une loi et que, par conséquent, elle n'a pas de compétence inhérente. Elle a seulement la compétence qui lui est attribuée par la Loi. L'article 18.2 de la Loi restreint la prise de mesures provisoires aux affaires qui sont en attente de « sa décision définitive » . Cependant, le sursis en l'espèce n'a pas été accordé en attendant qu'une décision soit rendue au sujet de la demande en instance de contrôle judiciaire de la décision défavorable de l'examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur, en d'autres mots, qu'une décision finale soit rendue au sujet de la demande de contrôle judiciaire. En fait, le sursis porte sur la demande en instance de prise en compte de motifs d'ordre humanitaire (demande CH), dont la Cour n'était pas saisie.

[7]         En vue de répondre aux préoccupations de la Cour en ce qui a trait à un renvoi inutile et aux difficultés qu'un tel renvoi créerait pour le demandeur, le ministre a énoncé dans ses actes de procédure :

[TRADUCTION]

38.            Le défendeur n'est pas insensible aux préoccupations de la Cour en ce qui a trait à la demande CH en instance. Cependant, l'accueil de la requête du défendeur n'entraînera pas le renvoi du demandeur. Le demandeur peut demander le report du renvoi en raison, notamment, de sa demande CH en instance. Si cette demande est rejetée, il peut présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision, et le défendeur ne soulèvera aucune objection si le demandeur souhaite que le même juge instruise et juge l'affaire.

[8]         Le demandeur (la partie intimée en l'espèce) allègue que a) l'article 397 des Règles ne s'applique pas en l'espèce et que b) la Cour, en vertu de l'article 44 de la Loi, avait le pouvoir de prononcer l'ordonnance qu'elle a prononcée.

[9]         Après examen de la question, il me semble que le ministre a raison. L'affaire dont la Cour était saisie portrait sur une demande de sursis à l'exécution d'une décision d'un agent de renvoi, en attendant qu'une décision soit rendue au sujet d'une demande d'autorisation et, si l'autorisation était accordée, d'une demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable au sujet de l'ERAR. La Cour n'était pas saisie de la question de la demande CH. Il s'agit là d'une question de compétence qui a échappé à la Cour. Elle peut donc alors réexaminer sa décision en vertu de l'article 397.

[10]       En ce qui a trait aux arguments du demandeur fondés sur l'article 44 de la Loi sur les Cours fédérales, je ne relève rien dans cet article qui permettrait à la Cour d'accorder un sursis au sujet d'une affaire dont elle ne serait pas saisie.

[11]       Par conséquent, après réexamen de l'affaire, l'ordonnance du 7 février 2006 sera annulée et la demande de sursis sera rejetée. En raison du temps qui s'est écoulé, la première ordonnance de sursis n'a plus, bien entendu, qu'un intérêt théorique. Si une nouvelle ordonnance de sursis devait être rendue avant qu'une décision soit prise au sujet de la demande CH, il serait sage de la part du demandeur de respecter la procédure décrite dans les actes de procédure du ministre et à laquelle j'ai renvoyé ci-dessus au paragraphe 7.

[12]       Le ministre a demandé à la Cour de certifier une question si la décision n'était pas révisée. Comme la Cour a révisé sa décision, cette demande n'a plus d'objet.

[13]       Le demandeur a demandé à la Cour, si la requête en réexamen était accueillie, qu'elle accueille sa demande d'autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision défavorable d'ERAR. Comme la demande d'autorisation ne faisait pas partie de la procédure initiale de demande de sursis au renvoi instruite le 6 février 2006, elle ne peut pas faire partie du présent réexamen.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE

Après réexamen de l'affaire, conformément au paragraphe 397 :

1.       L'ordonnance du 7 février 2006 octroyant la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est annulée.

2.       Par les présentes, la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, datée du 31 janvier 2006 et déposée le 1er février 2006, est rejetée.

3.       Aucun dépens ne sont adjugés.

                                                                                                            « K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                 IMM-565-06

INTITULÉ :                                ABDUL RAZZAQ

                                                                       c.           

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :               LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :              LE 5 AVRIL 2006

OBSERVATIONS ÉCRITES :

LANI GOZLAN                                                                 POUR LE DEMANDEUR

NEGAR HASHEMI                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LANI GOZLAN                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Toronto (Ontario)

                                                                                         

JOHN H. SIMS, c.r.                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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