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Date : 20011211

Dossier : IMM-2292-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1357

Entre :

                                                              NAWAB SINGH HEER

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                              - et -

                                                                 LE MINISTRE DE

                                       LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, contre la décision du 29 mars 2000 par laquelle Antoinette Taddeo, une agente des visas au Consulat général du Canada à Buffalo (New York), a refusé la demande de résidence permanente comme « entrepreneur » que le demandeur avait faite.

LES FAITS


[2]                 En 1998, le demandeur, qui était âgé de 48 ans et qui était colonel dans l'armée indienne, a fait une demande de visa d'immigrant comme « entrepreneur » en vue d'être évalué conformément à l'article 9 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi). La Loi prévoit qu'un agent des visas peut délivrer un visa d'immigrant à un « entrepreneur » .

[3]                 Le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration, 1978 DORS/78-172, et ses modifications (le Règlement), définit ainsi la notion d'entrepreneur :

« entrepreneur » désigne un immigrant

a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et

b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;

[4]                 Pour se qualifier à titre d'entrepreneur, le demandeur doit démontrer qu'il satisfait aux critères de la définition figurant dans le Règlement.

L'EXPÉRIENCE ET LES CAPACITÉS

[5]                 Le demandeur a prétendu que son expérience de 20 ans dans l'armée indienne démontrait qu'il était en mesure d'établir et de gérer une entreprise ou un commerce qui contribue de façon importante à l'économie et qui crée des emplois au Canada. Comme colonel, le demandeur a 1 200 hommes sous son commandement et il est chargé de la gestion d'un budget annuel d'environ 1,3 million de dollars canadiens.


LE PLAN D'AFFAIRES

[6]                 Le « plan d'affaires » présenté par le demandeur dans sa demande de visa indiquait que celui-ci voulait établir :

[Traduction] une société d'importation/agence de tourisme/station d'essence ou acheter l'une des franchises après avoir étudié l'économie et le marché au Canada.

Toutefois, à l'entrevue avec l'agente des visas à Buffalo le 17 mars 2000, soit environ deux ans après le dépôt de la demande, le demandeur a déclaré que son plan d'affaires consistait à [Traduction] « établir une société de location de camions et de camionnage, à acheter une franchise d'une rôtisserie ou à établir une entreprise d'importation et d'exportation » . Le demandeur a déclaré ceci dans l'affidavit qu'il a déposé en l'instance :

[Traduction] On m'a dit que ces genres de commerces pouvaient être lucratifs et qu'ils n'exigeaient pas une grande expérience du secteur privé.

LA RECHERCHE

[7]                 Lorsque l'agente des visas lui a demandé ce qu'il avait fait comme recherches en vue de s'établir comme entrepreneur au Canada, le demandeur a mentionné trois voyages au Canada où il avait parlé avec des parents et des amis. Quelques semaines avant l'entrevue à Buffalo, il a produit des lettres provenant de deux sociétés (une société de camionnage et une franchise de rôtisserie) et le remerciant de son intérêt. Dans l'ensemble, la preuve indiquant qu'il avait fait des recherches relatives à l'établissement d'une entreprise au Canada était très faible.


L'AVOIR NET

[8]                 Quant à la preuve de l'avoir net, le demandeur a produit des documents que l'agente des visas a jugé non crédibles. La preuve d'avoir net consistait en une liste de cinq propriétés en Inde, préparée par un [Traduction] « évaluateur certifié et ingénieur agréé » et portant une date antérieure de trois semaines à l'entrevue à Buffalo, ainsi qu'en deux livrets bancaires canadiens, montrant l'ouverture de nouveaux comptes au nom du demandeur quelques semaines avant l'entrevue. Lorsque l'agente des visas lui a demandé quelle était l'origine de cet argent, le demandeur a déclaré que celui-ci lui avait été remis par son frère vivant au Canada en contrepartie des biens qu'il lui avait donnés.

[9]                 La preuve d'avoir net était vague. Elle n'était ni claire, ni tangible, ni complète. Il incombe au demandeur de convaincre l'agente des visas qu'il a un avoir net suffisant pour « investir une somme importante » dans une entreprise ou un commerce au Canada.

LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

[10]            Dans sa décision, l'agente des visas a déclaré que :

[Traduction] Après avoir examiné attentivement et de façon exhaustive votre demande et les renseignements que vous avez fournis lors de votre entrevue, j'ai conclu que vous n'étiez pas un entrepreneur au sens de ce Règlement. À votre entrevue du 17 mars 2000 à ce bureau, vous n'avez pas réussi à me démontrer que vous étiez en mesure d'investir une somme importante dans une société au Canada et de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce.

[...]


Vous n'avez pas réussi à me convaincre que vous étiez en mesure d'établir avec succès un commerce au Canada qui créerait des possibilités d'emploi pour les citoyens canadiens ou pour les résidents permanents et qui contribuerait de manière significative à l'économie canadienne ni que vous participeriez activement à la gestion de la société. J'ai donc refusé votre demande de résidence permanente au Canada en application de l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration du Canada, ayant conclu que vous n'étiez pas en mesure de vous conformer aux dispositions de cette Loi ou du Règlement.

LA NORME DE CONTRÔLE

[11]            Dans Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1125, 2001 CFPI 751, le juge Teitelbaum a déclaré que :

La norme de contrôle applicable à ce genre de décision - c'est-à-dire la décision discrétionnaire de l'agent des visas - est celle qu'a énoncée le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

Dans Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 95 (IMM-2813-00, 25 janvier 2001), renvoyant à l'extrait qui précède de même qu'à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge Rouleau a statué que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter [non souligné dans l'original].

La norme de contrôle applicable en l'espèce est donc celle de la décision raisonnable simpliciter.

ANALYSE


[12]            L'agente des visas a le pouvoir discrétionnaire et l'expertise nécessaires pour examiner les demandes de résidence permanente. L'examen de la preuve fait ressortir que l'agente des visas n'a pas tiré ses conclusions de faits d'une manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Il n'était pas déraisonnable pour l'agente des visas de conclure que le demandeur n'était pas un « entrepreneur » au sens propre. Il n'était pas déraisonnable qu'elle conclue qu'une expérience de 20 ans dans l'armée ne se traduisait pas, en l'espèce, par la capacité d'établir une entreprise ou un commerce au Canada ou de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce. Le fait que le demandeur ait 1 200 personnes sous son commandement ne signifie pas nécessairement qu'il peut être un entrepreneur. En fait, les ensembles de compétences requis peuvent être fort différents et l'agente des visas n'a pas agi de façon déraisonnable en tirant la conclusion que l'expérience militaire ne qualifiait pas le demandeur comme « entrepreneur » .


[13]            Pour se qualifier en tant qu'entrepreneur, il faut plus qu'un avoir net. Le demandeur n'a pas réussi à convaincre l'agente des visas qu'il avait le talent ou la capacité nécessaire pour être un entrepreneur, que ce soit dans sa façon d'aborder la demande, dans son plan d'affaires ou de par sa formation. La définition d'entrepreneur ne ferme pas la porte à un demandeur qui n'a pas d'antécédents comme entrepreneur dans son pays d'origine. La définition exige toutefois que le demandeur soit « en mesure » d'être un entrepreneur au sens de la Loi. Le demandeur n'a pas convaincu l'agente des visas qu'il était « en mesure » d'être un entrepreneur. L'agente des visas pouvait raisonnablement tirer cette conclusion. L'expérience dans l'armée ne démontre pas nécessairement qu'une personne « est en mesure » d'exploiter une entreprise à but lucratif. Gérer une partie de l'armée veut dire gérer une institution ayant un objectif d'ordre public avec des fonds publics. Le profit ne constitue pas un critère d'exploitation d'une institution publique et il était loisible à l'agente des visas de conclure que le demandeur n'était pas visé par la définition d' « entrepreneur » . La décision est donc raisonnable et équitable à cet égard.

LE PLAN D'AFFAIRES ET LA RECHERCHE ÉTAIENT VAGUES

[14]            Dans son plan d'affaires, le demandeur a mentionné cinq entreprises projetées différentes. Il n'était pas déraisonnable pour l'agente des visas de conclure que le plan d'affaires était incertain et vague.

[15]            L'agente des visas n'a pas considéré comme acceptables le plan d'affaires et la recherche du demandeur. Dans Bakhshaee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 45 Imm. L.R. (2d) 196, [1998] A.C.F. no 1002 (C.F. 1re inst.), le juge Décary (siégeant en tant que juge ex officio de la Section de première instance) s'est penché sur pareille demande de résidence permanente d'une personne à titre d'entrepreneur. Dans cette affaire, l'agent des visas avait conclu que le plan d'affaires du demandeur était vague. La Cour a confirmé cette décision et a conclu ainsi au paragraphe 5 :

L'agent des visas a expliqué qu'à l'entrevue, le demandeur a été vague en ce qui concernait son entreprise projetée et la viabilité de celle-ci. Le demandeur ne savait pas s'il s'exposerait à la concurrence, n'avait aucune idée des loyers actuels ni des salaires au Canada, n'avait fait aucune recherche sur les clients éventuels, attendrait jusqu'à son admission au Canada avant de faire des enquêtes sur les besoins du pays et avait fait peu de recherche, s'il en était, sur la faisabilité de l'établissement de son entreprise projetée.


En l'espèce, le demandeur a également fourni un plan d'affaires vague. Il a d'abord proposé un certain nombre d'entreprises dans sa demande et, à l'entrevue deux ans plus tard, il a révisé le plan d'affaires et mentionné d'autres entreprises.

[16]       Le juge Décary a ajouté au paragraphe 6 :

Ces facteurs, comme l'a noté le juge Simpson dans l'affaire Chiu c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996) 121 F.T.R. 39, se rapportent, dans une très grande mesure, à l'enquête menée par un agent des visas. Ma collègue s'exprime en ces termes à la page 42 :

le texte de la définition précise que la viabilité éventuelle est une caractéristique essentielle des propositions d'un requérant. Aucun agent ne peut être obligé de décider si une entreprise peut faire une contribution économique et employer des gens à moins que, nécessairement, l'agent conclue également que l'entreprise a une chance réaliste de succès.

[17]       De même, en l'espèce, l'agente des visas ne peut pas déterminer si l'entreprise du demandeur peut faire une contribution économique et employer des gens au Canada alors que le demandeur a présenté un plan d'affaires vague se fondant sur peu ou pas de recherches. L'agente des visas a donc agi raisonnablement en considérant que le plan d'affaires du demandeur ne justifiait pas qu'on lui permette d'entrer au Canada en tant qu' « entrepreneur » .


[18]       Il n'était pas déraisonnable de la part de l'agente des visas de conclure que les documents produits par le demandeur relativement à son avoir net ne démontraient pas, selon la prépondérance des probabilité, que le demandeur était propriétaire d'immeubles particuliers et que ces immeubles avaient une valeur actuelle d'environ 16,4 millions de roupies. Pour démontrer l'existence d'un tel avoir net, au Canada ou en Inde, il faut plus qu'un [Traduction] « rapport d'évaluation » d'une seule page signé par un [Traduction] « évaluateur certifié et ingénieur agréé » . De plus, outre la valeur des immeubles mentionnés sur cette page unique, il devrait y avoir des éléments de preuve relatifs à l'identité de leur propriétaire.

L'OBLIGATION D'AGIR ÉQUITABLEMENT

[19]       Bien que l'obligation d'agir équitablement exige que le demandeur ait la possibilité de faire des observations relativement à tout renseignement préjudiciable pertinent à l'affaire, cette obligation ne relève pas le demandeur de la charge de convaincre l'agente des visas qu'il respecte les exigences prévues à la Loi et au Règlement. L'agente des visas n'a pas l'obligation de demander la production d'éléments de preuve supplémentaires meilleurs; Shaikh c.Canada (1998), 156 F.T.R. 136 (C.F. 1re inst.), à la page 140.

[20]       Dans Asghar c.Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. 1091 (C.F. 1re inst.), monsieur le juge Muldoon a conclu au paragraphe 19 que :

Dans le jugement Wai c. M.C.I., IMM-3418-95, 24 octobre 1996, [1996] A.C.F. no 1387, le juge suppléant Heald a statué que l'agent des visas n'est pas tenu de demander des éléments de preuve additionnels si les éléments déjà présentés ne le convainquent pas que le requérant avait un « emploi réservé » . Voici ce que le juge a dit :

                                  À mon avis, ces motifs sont sans fondement. Il appartient au requérant de donner tous les renseignements pertinents pour étayer sa demande. L'agent des visas n'a aucune obligation à cet égard. De même, il appartient au requérant de présenter en preuve une offre d'emploi valable.

et au paragraphe 21 :


La tâche de l'agent des visas consiste précisément à soupeser les éléments de preuve présentés par le requérant. Comme la Cour l'a dit, étant donné qu'il incombe au requérant de présenter une preuve, il n'est pas évident que l'agent des visas devrait être obligé de lui faire part du « résultat intermédiaire » à chaque stade de la procédure [Covrig v. M.C.I., (1995), 104 F.T.R. 41].

Lorsque l'agente des visas l'a interrogé au sujet des comptes bancaires, le demandeur n'a pas dissipé les doutes qu'elle a exprimés quant à l'identité du propriétaire bénéficiaire des fonds se trouvant dans les deux comptes récemment ouverts. Le demandeur a déclaré que son frère lui avait donné l'argent en contrepartie de biens. Il s'agit d'une explication vague et pratique. Le demandeur n'a pas fourni de détails et de documents permettant d'établir qu'il était propriétaire des fonds.

[21]       Le demandait savait fort bien qu'il devait fournir la preuve de son avoir net et convaincre l'agente des visas. La preuve soumise était déficiente et insuffisante, et l'agente des visas ne l'a pas considérée crédible. L'agente des visas n'est pas obligée de fournir au demandeur une conclusion préliminaire à cet égard ainsi qu'une autre possibilité de présenter une preuve plus complète. Contrairement à l'affaire Muliadi, l'agente des visas ne s'est pas fondée sur des éléments de preuve extrinsèques défavorables au demandeur sans fournir à celui-ci la possibilité de répondre. Le demandeur savait bien qu'il devait présenter une preuve d'avoir net pour relever le fardeau de preuve que lui imposaient la Loi sur l'immigration et le Règlement.


[22]       L'omission du demandeur de fournir une preuve adéquate, suffisante ou crédible relativement à l'avoir net (ses biens en Inde et ses comptes bancaires au Canada) ne donne pas lieu à une obligation, de la part de l'agente des visas, d'informer le demandeur de manière à ce qu'il puisse présenter des éléments de preuve additionnels à l'encontre de la conclusion de l'agente des visas selon laquelle la preuve est inadéquate, déficiente ou non crédible. Le paragraphe 8(1) de la Loi impose à l'immigrant le fardeau de prouver que son admission au Canada n'est pas contraire à la Loi et aux règlements. Ce paragraphe prévoit que :

8.(1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

[23]       L'alinéa 19(2)d) de la Loi prévoit qu'un immigrant ne sera pas admis au Canada s'il ne peut pas se conformer aux conditions de la Loi. L'article 2 du Règlement définit « entrepreneur » ainsi que je l'ai mentionné précédemment. L'article 8 du Règlement prévoit que l'agent des visas doit évaluer un entrepreneur suivant les facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I du Règlement, sauf ceux visés aux articles 4 et 5 de cette annexe.

[24]       En l'espèce, la loi imposait au demandeur le fardeau de convaincre l'agente des visas qu'il était un « entrepreneur » .

[25]       Le demandeur avait été suffisamment prévenu qu'il devait présenter une preuve d'avoir net. L'agente des visas l'a interrogé sur cette preuve et il n'a pas relevé son fardeau. Je n'accepte donc pas la prétention du demandeur qu'il n'a pas été traité équitablement et que la décision devrait être annulée de manière à ce qu'il puisse présenter une meilleure preuve d'avoir net.


[26]       La plus récente décision de la Cour fédérale relative à l'obligation d'équité à cet égard est celle qu'a rendue le juge Rouleau le 2 novembre 2001 dans Rong Xu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2001 CFPI 1189, [2001] A.C.F. no 1613. Le juge Rouleau a conclu au paragraphe 15 que :

Je ne suis pas convaincu qu'il y ait eu violation de l'obligation d'équité simplement parce que l'agente des visas n'a pas communiqué ses réserves à la demanderesse. L'agente des visas n'est pas tenue de faire part de ses réserves à la demanderesse. La décision est claire; l'agente n'a pas invoqué d'éléments de preuve extrinsèques et elle pouvait raisonnablement rendre cette décision en se fondant sur les faits dont elle a été saisie dans les circonstances.

  

[27]       De la même manière, dans Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 151 F.T.R. 1, [1998] A.C.F. no 468 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum a conclu aux paragraphes 19 et 20 :

[par. 19] Il semble bien que l'obligation d'informer le requérant des préoccupations de l'agent des visas est limitée. Étant donné que le requérant doit prouver qu'il remplit certaines conditions pour séjourner au Canada, le requérant devrait présumer que les préoccupations de l'agent des visas découleront directement de la Loi ou de son règlement d'application. [...] Par contre, cela veut dire, par exemple, que si la personne qui demande un visa de visiteur a fourni des éléments de preuve peu convaincants au soutien de l'affirmation qu'elle a des liens suffisants avec son pays d'origine pour garantir son retour, alors l'agent des visas n'a pas besoin d'informer le requérant de cette préoccupation. En effet, une telle préoccupation découle directement de la Loi et de son règlement d'application. Il peut être préférable que l'agent des visas en informe le requérant, mais s'il ne le fait pas, il ne viole pas l'obligation d'agir équitablement.

[par. 20] En revanche, l'exemple parfait d'une situation où un agent des visas devrait faire part de ses préoccupations au requérant est celui de l'agent des visas qui obtient des éléments de preuve extrinsèques. Dans un cas pareil, le requérant devrait avoir la possibilité de dissiper les doutes que la preuve pourrait avoir fait naître dans l'esprit de l'agent.

[28]       En l'espèce, l'agente des visas a interrogé le demandeur sur la propriété des comptes bancaires canadiens, sur la source des fonds que ceux-ci contiennent et sur son avoir net en Inde. Les réponses du demandeur n'ont pas convaincu l'agente des visas et n'ont pas non plus dissipé ses doutes quant à la crédibilité.


CONCLUSION

[29]       L'agente des visas a agi raisonnablement en concluant que le demandeur n'avait pas relevé le fardeau d'établir qu'il était un entrepreneur au sens de la Loi, et ce, pour les motifs suivants :

1.         Le demandeur n'avait aucun plan d'affaires clair.

2.         Le demandeur n'a produit aucun élément de preuve clair démontrant son avoir net.

3.        Le demandeur n'a présenté aucun élément de preuve indiquant clairement qu'il était en mesure d'établir une entreprise à but lucratif au Canada.

4.         Aucun élément de preuve clair n'indiquait que le demandeur était un entrepreneur ou qu'il était visé par la définition d'entrepreneur.

5.         Il n'y avait aucun élément de preuve clair démontrant que le demandeur avait effectué le genre de recherches qu'un entrepreneur doit faire avant d'établir un plan d'affaires viable.

6.        Aucun élément de preuve n'indiquait clairement que les 20 ans d'expérience du demandeur dans l'armée indienne était pertinents quant à sa capacité d'établir ou de gérer une entreprise à but lucratif au Canada.

En conséquence, l'agente d'immigration a agi raisonnablement, et non pas d'une façon abusive ou arbitraire, compte tenu des documents dont elle disposait et de la preuve. L'agente des visas n'a commis aucune erreur de droit et a agi dans le cadre de sa compétence en concluant que le demandeur n'était pas un entrepreneur.


                                           ORDONNANCE

[16]            Pour les motifs qui précèdent, la présente demande est rejetée.

« Michael A. Kelen »

                                                                                                             Juge                        

  

OTTAWA (ONTARIO)

LE 11 DÉCEMBRE 2001

  

Traduction certifiée conforme

  

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-2292-00

INTITULÉ :                                           Nawab Singh Heer et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 14 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

EN DATE DU :                                     11 décembre 2001

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Mme Chantal Desloges                                                     POUR LE DEMANDEUR

M. Kevin Lunney                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Green & Spiegel                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Barristers and Solicitors

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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