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     Dossier : IMM-1679-97

Entre

     ZHEN ZHANG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     Que la transcription révisée ci-jointe des motifs de jugement que j'ai prononcés à l'audience tenue à Toronto (Ontario), le 24 mars 1998, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                             F. C. Muldoon

                             Juge

Ottawa (Ontario)

Le 1er juin 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980601

     Dossier : IMM-1679-97

ENTRE

     ZHEN ZHANG,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     (prononcés à l'audience du 24 mars 1998)

LE JUGE MULDOON

[1]      LA COUR : Bon, M. Kabateraine, vous avez occupé pour votre client aussi bien qu'on le pouvait, mais il doit être assez clair, cependant, à la suite de notre conversation et de celle que j'ai eue avec M. Tyndale, que la Cour n'est pas convaincue que l'agent des visas a commis une erreur ou fait un double comptage.

[2]      Vous avez fait valoir un solide argument, mais il ne semble tout simplement pas s'accorder avec la présente affaire.

[3]      Il est vrai que le langage est l'assise sur laquelle repose notre évaluation des qualités personnelles, mais non pas le talent linguistique comme tel, - initiative, motivation. Elle dit que son parler est horrible. [TRADUCTION] "En raison de grande difficulté, nous avons eu besoin d'un interprète."

[4]      Cette situation surgit quelquefois en matière de citoyenneté; peut-on imaginer que des gens aient besoin d'un interprète! Mais cet homme ne revendiquait pas la citoyenneté, mais le droit d'établissement au Canada. L'agent des visas lui a attribué deux points pour sa connaissance de l'anglais et zéro, pour celle du français.

[5]      Puis elle en était venue aux qualités personnelles. Personne n'allègue que le demandeur avait suivi des cours d'anglais ni qu'il souffrait d'un trouble inhérent du langage comme la dyslexie ou l'aphasie. Aucune indication là. De ce qu'on peut voir, c'est une personne apparemment normale.

[6]      L'agent des visas s'est donc posé à bon escient la question suivante : [TRADUCTION] "Étant donné que les connaissances linguistiques du demandeur sont nulles - et je ne vais pas en faire un double comptage", ou du moins elle ne semble pas l'avoir fait, "qu'a fait le demandeur pour remédier à cela ou pour s'améliorer?" Rien apparemment. Il ne lui fournit pas des attestations sur les cours qu'il a suivis. Il lui lance simplement des jurons lorsqu'elle lui dit qu'il n'en a pas suivi, tout en lui faisant des gestes obscènes.

[7]      Bon, la Cour passe outre à cela. Certaines personnes se maîtrisent plus que d'autres et elles éprouvent de la déception. Il avait mis tous ses espoirs, sans doute, dans son projet de venir au Canada, c'est pourquoi la Cour ne retiendra pas cela contre lui.

[8]      La Cour a revu et examiné, de concert avec les avocats, les précédents jurisprudentiels qu'il y aurait lieu de citer ici. Mentionnons, sans ordre préétabli, la décision Chatrova et les trois personnes à charge, peut-être y en a-t-il deux, Valery (épellation phonétique), étant peut-être le mari (voir IMM-1622-95). C'est une décision de Mme le juge Reed de cette Cour, en date du 1er avril 1996 où il est question là encore, de connaissances linguistiques. Il ne semble pas, une fois de plus, que l'agent des visas se soit trompé dans ce cas du fait qu'il doit évaluer les connaissances de l'une des deux langues officielles du Canada et dire si cette connaissance est suffisante, mais non pas si elle est parfaite. Et c'est ce que l'agent des visas a fait.

[9]      La demanderesse a dit dans sa lettre n'avoir jamais prétendu connaître parfaitement l'anglais, mais qu'elle le connaissait suffisamment.

[10]      Or, il est évident qu'en l'espèce, Zhen Zhang se situait loin, bien loin du niveau de connaissance suffisant. De plus, il n'a pas mis l'accent sur l'instruction reçue en langue anglaise ni ne l'a fait entrer en ligne de compte.

[11]      Mme le juge Reed signale dans Chatrova que la demanderesse détient un diplôme universitaire avec concentration en langue et littérature anglaise. Une fois diplômée, elle a occupé divers postes notamment ceux de professeur d'anglais et de bibliothécaire. Dans ses fonctions actuelles, de dire Mme le juge Reed, elle traduit au besoin des documents vers l'anglais.

[12]      Eh bien, les circonstances entourant l'Affaire Chatrova diffèrent tellement de l'espèce qu'elle ne s'applique tout simplement pas en l'occurrence.

[13]      Vient ensuite, par ordre chronologique, la décision Hoang Lo c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-4097-96, rendu par M. le juge Gibson de cette Cour.

[14]      Là encore, le juge Gibson prononce un jugement très étayé mais qui semble, lui aussi, n'être pas pertinent au regard des circonstances de Zhen Zhang.

[15]      Citons enfin la décision Mohammed Khalid, IMM-1565-97, une décision de M. le juge Rothstein de cette Cour, prononcée à l'audience tenue à Toronto le lundi 20 octobre 1997.

[16]      Il semblerait que, dans ce cas-là, l'agent des visas ait fait un double comptage. Au chapitre des qualités personnelles, elle a signalé que le demandeur n'avait pas de parents au Canada. Et le juge Rothstein de dire que l'on a déjà attribué un nombre de points à cet égard et que cela constituait un double comptage.

[17]      On peut citer tout simplement le texte intégral du deuxième paragraphe à la page 2 de la transcription des motifs du juge Rothstein dans cette affaire :

         Le requérant dit alors que l'agent des visas dans l'appréciation de sa personnalité a conclu qu'il n'avait pas de parents au Canada.                 

[18]      Citons aussi la décision Zeng c. Canada, (1991) 121 N.R. 252, de la Cour d'appel, et la décision Feng c. Canada, (1996) 126 F.T.R. 188, du juge Dubé :

             On ne devrait pas tenir compte de ce facteur dans l'appréciation du cas d'un requérant indépendant où pour les 70 points d'appréciation requis, ce facteur a déjà été pris en compte.                 
             En l'espèce, le requérant s'est vu attribuer 66 points avec cinq points pour la personnalité. Même si l'agent des visas n'avait pas tenu compte de ce facteur. Il est douteux que le requérant obtienne au moins neuf points pour atteindre le seuil minimum de 70 points en raison des autres facteurs affectant la personnalité examinée par l'agent des visas.                 
             Toutefois...                 

et voici le principe qui est en fait véritable,

         ... Toutefois, il n'appartient pas à la Cour de substituer son point de vue à celui de l'agent des visas quant à l'évaluation des points. Il est mathématiquement possible que si, l'agent des visas n'avait pas tenu compte de ce fait non pertinent, le requérant ait pu se voir attribuer 70 points.                 

[19]      De ce que la Cour peut inférer des faits de l'espèce, ce qui précède ne s'applique pas aussi en l'occurrence. Ici, l'agent des visas a évalué les connaissances linguistiques et a attribué deux points. C'est ce qui ressort clairement du paragraphe 11 de son affidavit.

[20]      Puis elle s'est employée à évaluer les qualités personnelles, ce qu'elle a fait en tenant pour acquise la faiblesse linguistique, sans évaluer celle-ci une nouvelle fois, mais par contre, la motivation du demandeur, son esprit d'initiative et la façon dont il planifiait sa nouvelle vie au Canada. Rien à voir avec les connaissances linguistiques à ce stade, mais elle se demandait pourquoi elles étaient aussi faibles.

[21]      Et elle a tiré la conclusion, certainement justifiable au vu du dossier, que les qualités personnelles du demandeur étaient en conséquence très faibles et leur a attribué un point, portant le total à 67 points.

JUGEMENT

[22]      En vérité, la Cour ne peut déceler aucune erreur d'évaluation du demandeur par l'agent des visas.

[23]      Comme on l'a dit précédemment, celui-ci n'a rien à redire au sujet de la compétence et de la persistance dont son avocat a fait preuve pour défendre sa cause, mais il y a une vieille expression que la Cour formulera en termes modernes et non sexistes, disant qu'on ne peut faire un sac de soie avec une oreille de pourceau. Et l'avocat est aux prises avec l'affaire qu'il a en main. Et si cette affaire est une oreille de pourceau, elle le restera et le plus brillant des talents oratoires au monde n'en tirera blanche farine, ce qui semble être le cas ici.

[24]      La Cour ne songerait pas un seul instant à injurier M. Zhen Zhang; c'est pourquoi, il faut qu'elle ait une petite latitude d'ordre littéraire au regard de ce vieil adage qui ne vise pas à offenser, mais à dire que M. Zhen Zhang a bénéficié d'une audition équitable et d'un bon avocat. Et pourtant, le cas est tel que l'on ne peut rien en faire à moins de conclure que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle. Et la Cour juge qu'une telle erreur n'existe pas.

[25]      La Cour doit maintenant demander aux avocats s'ils ont une question à certifier. Est-ce que cela serait envisageable? La Cour se demande si cela est approprié, mais elle pose la question aux avocats.

     M. KABATERAINE : Je n'ai aucune question, Votre Honneur.

     LA COUR : Merci.

     M. Tyndale?

     M. TYNDALE : Non, Votre Honneur.

     LA COUR : Nous en avons donc terminé. Le cas n'est pas exceptionnel.

     Si l'avocat n'a pas d'autres observations à formuler, la Cour s'ajournera.

     LE GREFFIER : L'audience est levée.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-1679-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      ZHEN ZHANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      24 MARS 1998

MOTIFS DU JUGEMENT      PAR M. LE JUGE MULDOON

EN DATE DU              1 er JUIN 1998

ONT COMPARU :

NKUNDA I. KABATERAINE,          POUR LE DEMANDEUR

DAVID TYNDALE,              POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

NKUNDA I. KABATERAINE          POUR LE DEMANDEUR

AVOCAT ET PROCUREUR

TORONTO (ONTARIO)

GEORGE THOMSON              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA



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