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Date : 20000517


Dossier : IMM-3587-99

ENTRE:

     MOHAMMAD NAZMUL HUSSAIN

     Demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié, rendue le 22 juin 1999 en vertu de laquelle on a refusé au demandeur le statut de réfugié au Canada.

FAITS ALLÉGUÉS

[2]      Le demandeur est citoyen du Bangladesh. En mai 1988, il est devenu membre du Jatiya Party (JP), section de Khilagaon.

[3]      Le 10 octobre 1991, il fut blessé lorsque les membres du Bangladesh National Party (BNP) attaquèrent un camion qui transportait des membres du JP à un ralliement.

[4]      Le 28 janvier 1992, il prétend avoir été attaqué par la police et battu sévèrement avec des bâtons.

[5]      En mars 1993, les leaders du JP ont demandé au demandeur d"accepter un poste d"enseignant. À quoi il consentit. En avril 1993, un enseignant et deux élèves ont été attaqués par des membres du BNP. Le centre où il enseignait, a été, par la suite, incendié.

[6]      Le 25 août 1994, le demandeur a été blessé lors d"une autre attaque de la part du BNP. Il aurait porté une plainte à la police, mais cette dernière n"est pas intervenue.

[7]      Il fut arrêté avec onze autres membres en juin 1995 alors qu"ils participaient à une manifestation. Les policiers les ont battus. Il n"était pas en mesure de bien marcher une fois libéré et a dû subir des traitements.

[8]      Les leaders du JP se sont réunis le 1 septembre 1995, afin d"organiser une manifestation le 3 septembre 1995. La police ainsi que le BNP ont attaqué la manifestation et peu de temps après, des coups de feu se firent entendre. Trois personnes ont été tuées et plus de vingt personnes blessées, incluant le demandeur. Il a dû être hospitalisé.

[9]      Il fut informé, alors qu"il était à l"hôpital, que la police l"avait accusé d"aller à l"encontre des intérêts du pays et ont fait une rafle dans la maison. La même journée, les membres du BNP ont attaqué sa maison, menaçant de tuer le demandeur si jamais il n"arrêtait pas ses activités politiques.

[10]      Le demandeur s"est alors réfugié chez un ami pour une période de sept semaines. Le 24 octobre 1995, le demandeur s"envola vers l"Inde où il demeura jusqu"au 18 novembre 1995, date de son départ pour le Canada.

[11]      Il arrive au Canada le 20 novembre 1995, où il revendique le statut de réfugié le même jour.

[12]      Il allègue une crainte de persécution en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.

ANALYSE

[13]      La Cour d"appel fédérale a indiqué dans l"arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315:

     Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être.

[14]      En l"espèce, la Section du statut a déclaré que le demandeur n"était pas crédible.

[15]      Après vérification auprès de l"auteur de la lettre voulant confirmer le statut du demandeur en tant que membre de l"exécutif, il a été révélé que M. Salauddin n"avait en fait, ni signé, ni apposé un sceau bien que l"entête était bien celle du parti politique. De plus, M. Salauddin a affirmé à l"enquêteur que le demandeur était membre du parti mais qu"il n"occupait aucun poste.

[16]      Confronté à ce fait dommageable, le demandeur s"est empressé de demander une deuxième lettre corrigeant la première. Cette lettre indiquait que le demandeur était membre du JP mais n"indiquait pas qu"il était membre de l"exécutif, tel qu"allégué par le demandeur. M. Salauddin a expliqué qu"il se méfiait de l"enquêteur et ne voulait pas trop parler. De plus, il indique que l"enquêteur serait venu en 1996. La Section du statut n"a pas accepté les explications de M. Salauddin à l"effet qu"il tentait de protéger la sécurité du demandeur. La Section a noté que le fait de révéler qu"il était membre du JP ne protégeait en aucune façon la sécurité du demandeur. De plus, elle a signalé que ce n"est qu"en 1998 et non 1996 que l"enquête avait été commencée.

[17]      Étant le juge des faits, la Section était en mesure de jauger la crédibilité des documents et d"en établir la valeur probante. Ce qu"elle a fait avec ses deux lettres.

[18]      Suite à cette découverte, la crédibilité du demandeur était sérieusement ébranlée puisqu"il fondait sa crainte sur son appartenance à un groupe social, alors que la preuve à l"appui laissait planer un doute sérieux.

[19]      De plus, suite au témoignage du demandeur quant à ses responsabilités en tant que membre de l"exécutif, la Section était convaincue que le demandeur n"était pas ciblé. D"autant plus que la preuve documentaire corroborait cette conclusion en indiquant que les membres de l"opposition n"étaient pas ciblés. La Section a d"ailleurs fait remarquer que l"attitude du parti Awami League (AL) est très tolérante et que le secrétaire général du JP avait été nommé ministre des communications au sein du gouvernement AL.

[20]      D"ailleurs, le juge Linden a déclaré dans l"arrêt Zhou v. Canada (M.E.I.) (18 juillet 1994) A-492-91 (F.C.A.)

     The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely.

[21]      Le demandeur ne m"a pas convaincu que la Section du statut de réfugié ait commis une erreur qui justifie l"intervention de cette Cour.

[22]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[23]      Aucun des procureurs n"a soumis de question pour certification.




                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 17 mai 2000

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