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Date : 19980710


Dossier : IMM-3316-97

ENTRE:

     WALERIJ LOBZOV,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

    

     défendeur.

     MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire ne soulève qu"une seule question litigieuse importante. Lorsqu"il a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur invoquant la catégorie des entrepreneurs, l"agent des visas a-t-il commis une erreur en fondant sa décision sur le seul fait que ce dernier n"avait pas d"expérience de la pratique des affaires ni de formation en affaires?

             [2]      Le demandeur a déposé une demande invoquant la catégorie des entrepreneurs (il se présentait comme étant un cultivateur travaillant pour son propre compte, mais cela n"est pas pertinent aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire). Voici ce que prévoit la définition d"entrepreneur au paragraphe 2(1) du Règlement sur l"immigration : " Entrepreneur " désigne un immigrant             
             a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et             
             b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;             

[3]      Le demandeur voulait travailler dans le domaine de la construction d"habitations. L"agent des visas a dit, dans sa décision:[TRADUCTION] J"ai pris ma décision négative en tenant compte du fait que vous n"avez aucun antécédent important en ce qui concerne la responsabilité d"une entreprise, aucune preuve que vous avez réussi en affaires alors que vous viviez dans l"ancienne Union soviétique ou en Allemagne, et aucune formation spécialisée en affaires. À l"entrevue, vous m"avez dit, ce qu"a confirmé la lettre de vos représentants légaux datée du 14 mai 1997, que vous n"aviez jamais possédé d"entreprise commerciale dans l"ancienne Union soviétique ni en Allemagne, les deux pays où vous avez résidé. Même si vous avez supervisé la construction de plusieurs habitations de membres de votre famille au cours des vingt dernières années, vous avez dit à l"entrevue que la seule autre expérience que vous possédiez en matière de supervision de la construction d"habitations était celle que vous aviez acquise alors que vous travailliez pour M. Walter, dans l"ancienne Union soviétique. J"ai conclu que l"équivalent de ce poste au Canada était le poste de contremaître de charpentiers généraux. Pendant que vous travailliez pour M. Walter, vous supervisiez le travail de charpentiers dans le cadre de la construction de six ou huit maisons de bois, sur une période de plusieurs années. Cette expérience a pris fin en 1988 quand vous avez immigré en Allemagne. J"ai remarqué que pendant que vous travailliez pour M. Walter, c"est ce dernier qui embauchait les gens de métier que vous supervisiez1.

             [4]      Le demandeur prétend que l"agent des visas a commis une erreur lorsqu"il a rejeté sa demande sur le seul fondement qu"il n"avait pas d"expérience de la pratique des affaires et qu"en prenant sa décision, l"agent avait accordé trop d"importance à cette considération. Le demandeur se fonde sur des décisions, telle Grube c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"immigration) (1996) 34 Imm. L.R. 2d 219, dans laquelle le juge MacKay a dit, à la p. 227:Cette expérience peut très bien être un facteur qui doit être positif quand il s'agit de déterminer s'il est possible qu'un requérant s'établisse avec succès en tant que travailleur autonome au Canada, mais ce n'est pas le seul critère dont il faut tenir compte, et celui-ci doit être évalué à la lumière de l'occupation que l'immigrant entend exercer au Canada. Dans certains cas, ce critère aura plus d'importance que dans d'autres.             

[5]      Je fais d"abord remarquer que la décision Grube , de même que les autres décisions auxquelles le demandeur a renvoyé, ont été rendues dans des affaires où les demandeurs présentaient des demandes invoquant la catégorie des travailleurs autonomes et où les demandeurs, conformément à la définition de travailleur autonome, les demandeurs soutenaient qu"ils créeraient leur propre emploi et contribueraient de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada. Dans l"affaire Grube , la demanderesse avait l"intention d"être maîtresse de ballet et de chorégraphie et d"enseigner ces disciplines. Pour un tel emploi, l"expérience de la pratique des affaires est, à mon avis, beaucoup moins importante que dans le cas où la contribution du demandeur serait économique, et particulièrement lorsque le demandeur invoque la catégorie des entrepreneurs. C"est donc avec prudence qu"il faut appliquer les remarques incidentes faites dans de telles affaires dans des cas où les demandeurs invoquent la catégorie " économique " des travailleurs autonomes ou encore celle des entrepreneurs.

[6]      Cependant, je suis d"accord que l"expérience de la pratique des affaires n"est pas le seul critère dont il faut tenir compte, que ce critère doit être examiné en fonction de ce que le demandeur projette de faire au Canada, et que son importance peut varier en fonction de l"entreprise projetée.

[7]      En l"espèce, bien que l"agent des visas paraisse avoir reconnu que le demandeur avait une expérience relativement à la construction d"habitations et à divers métiers, rien n"indique que le demandeur avait une expérience de la pratique des affaires ou une formation en affaires. Il semble que pour pallier ce manque, le demandeur a soumis une lettre d"une personne qu"il avait rencontrée au Canada qui était prête à être son adjointe dans le cadre de l"entreprise de construction qu"il projetait d"établir. En outre, il semble que cette personne avait communiqué avec un autre constructeur d"habitations qui lui avait dit qu"il était prêt à discuter de la possibilité d"établir des entreprises conjointes avec le demandeur.

[8]      Cependant, ces deux lettres étaient de nature préliminaire et générale. On ne peut que faire des conjectures sur la question de savoir si une entente visant l"établissement d"une entreprise conjointe pourrait être conclue. Il ne ressort pas de la décision de l"agent des visas que celui-ci a tenu compte des observations écrites de l"avocat du demandeur, lesquelles renvoient expressément à la lettre sur l"entreprise conjointe. Il ressort également des notes de l"agent des visas que le demandeur a été invité à dire pourquoi il estimait que son entreprise fonctionnerait bien, et que ce dernier a dit ne pas se soucier de la concurrence car il estimait pouvoir obtenir des matériaux de construction à bon prix en concluant des contrats.

[9]      Le demandeur ne m"a pas convaincu que l"agent des visas avait accordé trop d"importance à l"expérience antérieure, en l"espèce. L"agent des visas est tenu d"apprécier la capacité du demandeur d"établir ou d"acheter une entreprise au Canada ou d"investir de façon importante dans une telle entreprise, et de participer de façon active et permanente à la gestion de celle-ci. Bien que l"expérience de la pratique des affaires ne soit pas le seul facteur à apprécier, il s"agit certainement d"un facteur important en ce qui concerne le domaine de la construction. Le fait que le demandeur ne se souciait pas de la concurrence démontre qu"il n"a pas d"expérience de la pratique des affaires. Toute preuve crédible de la conclusion d"une entente particulière établissant une entreprise conjointe pouvant pallier le manque d"expérience de la pratique des affaires devrait être considérée, le cas échéant. Cependant, en l"espèce, la preuve d"une telle entente qui remplacerait l"expérience de la pratique des affaires est manifestement très faible. Vu la valeur minimale de cette preuve en l"espèce, il n"est pas surprenant que l"agent des visas n"y a pas expressément renvoyé dans sa décision.

[10]      En l"absence de toute preuve probante de l"existence d"éléments remplaçant l"expérience de la pratique des affaires, l"agent des visas devait apprécier la demande sur le fondement de l"expérience du demandeur relativement à la construction d"habitations, mais du fait que celui-ci n"avait aucune expérience de la pratique des affaires ni aucune formation en affaires. Vu les circonstances de l"espèce, l"agent des visas n"a pas accordé trop d"importance sur le fait que le demandeur n"avait aucune expérience de la pratique des affaires ni aucune formation en affaires.

[11]      La demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

" Marshall Rothstein "

Juge

Toronto (Ontario)

Le 10 juillet 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

NO DU GREFFE :                      IMM-3316-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              WALERIJ LOBZOV

                             - c. -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

                            

DATE DE L"AUDIENCE :                  LE 9 JUILLET 1998

LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PAR EXPOSÉS PAR LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :                      10 JUILLET 1998

ONT COMPARU :                     

                             James Steele

                                 Pour le demandeur

                             Stephen Gold

                                 Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :             

                             Steele, Calandra & Company

                             Barristers & Solicitors

                             141, rue Adelaide ouest, pièce 410

                             Toronto (Ontario)

                             M5H 3L9

                                 Pour le demandeur

                              George Thomson

                             Sous-procureur général

                             du Canada

                                 Pour le défendeur

                            

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 19980710

                        

         Dossier : IMM-3316-97

                             Entre :

                             WALERIJ LOBZOF,

     demandeur,

                             et

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

                        

     défendeur.

                    

                            

            

                                                                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                            


__________________

1      Il ressort de la preuve que les gens de métier en question étaient des bénévoles de l"église à laquelle appartenait le demandeur, mais cette erreur de fait que contient la décision de l"agent des visas n"a aucune importance.

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