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Date : 20000404


Dossier : IMM-2250-99



ENTRE :

     JIANGTAO HUANG

     demanderesse


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision que Mary Coulter, Vice-consul, Immigration, au Consulat général du Canada à Hong Kong (l'agente des visas), a rendue en date du 24 mars 1999, et dans laquelle elle a refusé la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse.

[2]      La demanderesse est une ressortissante de la République populaire de Chine (RPC) âgée de 37 ans. Elle est mariée et a une fille née en 1988.

[3]      Le 27 janvier 1997, la demanderesse a soumis au Consulat général du Canada à Hong Kong une demande de résidence permanente au Canada. La demanderesse a présenté sa demande dans la catégorie des parents aidés en se fondant sur une offre d'emploi approuvée d'une entreprise familiale. Elle a demandé d'être appréciée en tant que représentante du service aux concessionnaires (CCDP 4192-114). L'époux de la demanderesse et sa fille ont été inclus en tant que personnes à charge de la demanderesse.

[4]      La soeur de la demanderesse, Bonnie Wong, une résidente permanente du Canada depuis mai 1995, exploite une entreprise d'experts-conseils en matière d'adoption nommée Tribo Services Inc., qui facilite et coordonne l'adoption d'enfants chinois par des familles canadiennes.

[5]      La demanderesse, qui a des études et une formation de pédiatre1, a commencé à travailler à temps partiel pour l'entreprise de sa soeur en janvier 1994. Son rôle consistait à contacter des orphelinats locaux et des agences locales d'adoption, et à visiter et à évaluer les candidats à l'adoption. Elle s'occupait également de nombreuses questions administratives concernant le processus d'adoption, notamment de prendre les dispositions nécessaires pour les voyages par avion, de fixer des entrevues avec diverses autorités chinoises responsables en matière d'adoption et de faciliter les entrevues entre le client et l'agence.

[6]      Le poste offert à la demanderesse est décrit comme étant un poste de « Coordonnatrice des affaires chinoises » et exige qu'elle voyage en Chine pour aider le client à compléter l'adoption, qu'elle serve de guide, d'interprète et de traductrice pour les clients, qu'elle assure la liaison avec l'orphelinat chinois ou les autorités responsables en matière d'adoption et qu'elle aide à maintenir un lien étroit avec les fonctionnaires chinois.

[7]      Le 12 février 1999, la demanderesse a subi une entrevue auprès de l'agente des visas avec l'aide d'un interprète parlant le cantonais. L'agente des visas ne savait pas au juste au regard de quelle profession elle devait apprécier la demanderesse. À l'issue de l'entrevue, l'agente des visas a indiqué qu'elle réserverait sa décision afin de déterminer la profession au regard de laquelle il convenait d'apprécier la demanderesse.

[8]      Après l'entrevue, l'agente des visas a reçu une lettre datée du 16 février 1999 dans laquelle la soeur de la demanderesse, Bonnie Wong, lui demandait que la demanderesse soit appréciée en tant qu'agente d'administration / agente de liaison aux termes de la catégorie 1211.0 de la CNP.

[9]      Le ou vers le 2 avril 1999, la demanderesse a reçu une lettre datée du 24 mars 1999 dans laquelle l'agente des visas indiquait que sa demande de résidence permanente au Canada était refusée.

[10]      La demanderesse a demandé d'être appréciée au regard de la profession d'agente d'administration (CNP 1221.0). À ce titre, la demanderesse a obtenu 62 points d'appréciation.

[11]      Vu que, pour être sélectionnée à titre de parent aidé, la partie demanderesse doit obtenir 65 points, l'agente des visas a conclu que la demanderesse n'avait pas obtenu le nombre minimum de points requis.

[12]      L'agente des visas a également apprécié la demanderesse suivant la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP)2 et a conclu que la demanderesse n'avait pas la formation nécessaire pour être admissible à la profession d'agente d'administration, qui exige de deux à quatre ans de préparation professionnelle spécifique. En conséquence, l'agente des visas a refusé la demande de résidence permanente de la demanderesse.

[13]      La demanderesse prétend que l'agente des visas a commis une erreur de droit ou tiré une conclusion de fait arbitraire quand elle a conclu que la demanderesse ne remplissait pas les exigences relatives à la préparation professionnelle spécifique (PPS) applicables à la profession d'agente d'administration. Elle soutient également que l'agente des visas a tiré une conclusion de fait abusive quand elle a conclu que les points d'appréciation accordés à la demanderesse reflétaient parfaitement sa capacité de réussir son installation au Canada.


ANALYSE

     A)      Appréciation en tant qu'agente d'administration

[14]      L'agente des visas a examiné les conditions d'accès à la profession d'agente d'administration suivant la catégorie 1221.0 de la CNP, a conclu que la demanderesse remplissait ces conditions et lui a donc accordé 7 points d'appréciation pour le facteur « études et formation » 3. L'agente des visas était également convaincue que la demanderesse, en raison de son expérience professionnelle et de ses aptitudes, possédait les compétences nécessaires pour remplir comme il convient le poste approuvé dans l'offre d'emploi de l'entreprise familiale4.

[15]      Comme la demanderesse travaillait à temps partiel en dehors des heures normales de travail depuis environ deux ans, l'agente des visas lui a accordé 4 points d'appréciation pour son expérience5. Malgré ces conclusions, l'agente des visas a conclu que la demanderesse n'obtiendrait pas suffisamment de points pour être admissible à la profession envisagée d'agente d'administration suivant le système de la CNP.

[16]      En conséquence, l'agente des visas a apprécié la demanderesse suivant le système de la CCDP6, et a conclu qu'elle n'avait pas la formation et les titres nécessaires suivant ce système parce qu'elle n'avait pas de deux à quatre ans de préparation professionnelle spécifique.

[17]      Pour la profession d'agente d'administration (CCDP-1179-182), l'exigence minimale relative à la préparation professionnelle spécifique est de 7 points7, ce qui signifie que la demanderesse doit avoir plus de deux ans et peut avoir jusqu'à quatre ans de préparation professionnelle spécifique.

[18]      Le facteur de la préparation professionnelle spécifique est mesuré suivant la période de formation professionnelle, d'apprentissage, de formation en usine ou en cours d'emploi précisée dans la CCDP, nécessaire pour acquérir les connaissances théoriques et les pratiques indispensables à l'exécution des tâches de l'emploi au regard duquel le demandeur est apprécié8.

[19]      En l'espèce, l'avocat de la demanderesse prétend que l'agente des visas devait apprécier sa cliente sur la base de tous les critères applicables au facteur de la PPS.

[20]      Un examen de la preuve indique que la demanderesse travaille « à titre occasionnel » pour l'entreprise de sa soeur depuis janvier 19949. Au cours de l'entrevue, la demanderesse a informé l'agente des visas qu'elle avait travaillé à temps partiel le soir et la fin de semaine pour l'entreprise de sa soeur10.

[21]      En conséquence, vu l'insuffisance d'éléments de preuve indiquant que la demanderesse avait effectivement travaillé l'équivalent de plus de deux ans à temps plein, qu'elle avait reçu une formation en cours d'emploi en tant qu'agente d'administration ou que ses fonctions et son expérience comme pédiatre étaient pertinentes quant à la profession d'agente d'administration, l'agente des visas a conclu que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences relatives à la préparation professionnelle spécifique prévues dans le système de la CCDP.

[22]      Je suis convaincue que la décision de l'agente des visas selon laquelle la demanderesse ne remplissait pas les exigences relatives à la préparation professionnelle spécifique applicables à la profession d'agente d'administration suivant le système de la CCDP était raisonnable et tirée en tenant compte des considérations pertinentes.

     B)      Capacité de la demanderesse de réussir son installation au Canada

[23]      L'avocat de la demanderesse prétend que l'agente des visas a apprécié sa cliente conformément au pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement et qu'elle a donc tiré une conclusion de fait abusive quand elle a refusé la demande de la demanderesse malgré ses conclusions que la demanderesse, « en raison de son expérience professionnelle et de ses aptitudes, possède les compétences nécessaires pour remplir comme il convient le poste approuvé » 11.

[24]      Comme l'a noté le juge Rothstein dans la décision Lam c. Canada (MCI)12, l'agent des visas n'est nullement tenu d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement :

Dans le cas où le demandeur a des raisons de penser qu'il pourra s'établir avec succès au Canada, abstraction faite des points d'appréciation attribués, il peut faire part de ces raisons à l'agent des visas pour lui demander d'exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au
paragraphe 11(3). [...] il n'y est nullement tenu13.

[25]      De toute évidence, un agent des visas peut de son propre chef effectuer une appréciation aux termes du paragraphe 11(3) du Règlement. Toutefois, si l'agente des visas avait procédé ainsi, je suis d'avis que, compte tenu de la nature exceptionnelle de cette disposition, elle l'aurait indiqué très clairement. Rien dans sa lettre de refus ni dans ses notes au STIDI n'indiquait que l'agente des visas avait décidé d'apprécier la demanderesse au regard du paragraphe 11(3).

[26]      En fait, l'agente des visas a refusé la demande de la demanderesse parce qu'elle a conclu que celle-ci n'avait pas obtenu le nombre requis de points d'appréciation. Les commentaires figurant dans les notes de l'agente des visas au STIDI, indiquant qu'elle est convaincue que la demanderesse, « en raison de son expérience professionnelle [...], possède les compétences nécessaires pour remplir comme il convient le poste » , se rapportent à son appréciation du facteur de l'expérience pour la profession d'agente d'administration (CNP) et non pas à son appréciation de la capacité de la demanderesse de réussir son installation au Canada aux termes du paragraphe 11(3) du Règlement, tel que l'a prétendu l'avocat de la demanderesse.

[27]      En outre, je suis d'avis que l'agente des visas a convenablement apprécié la demanderesse au regard du facteur de la personnalité en se fondant sur les critères prévus à l'annexe I du Règlement.

[28]      En conséquence, compte tenu de la preuve au dossier, je suis d'avis que l'agente des visas n'a pas tiré une conclusion de fait abusive.

[29]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 avril 2000



Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.






Date : 20000404


Dossier : IMM-2250-99

OTTAWA (ONTARIO), le 4 AVRIL 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER


ENTRE :

     JIANGTAO HUANG

     demanderesse


     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     O R D O N N A N C E



     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-2250-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      JIANGTAO HUANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE :          VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 29 mars 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :          le 4 avril 2000

ONT COMPARU :

M. Darryl Larson                      POUR LA DEMANDERESSE
Mme Rama Soud                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Darry Larson                      POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (C.-B.)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Après 5 ans d'études à l'École de médecine Zhanjiang à Guangdong, la demanderesse a obtenu un baccalauréat en médecine. Elle a travaillé comme pédiatre de 1983 à 1989 où elle a commencé un programme d'études universitaires de deuxième cycle d'un an en pédiatrie. En octobre 1990, la demanderesse a repris ses fonctions de pédiatre à l'hôpital Zhanjiang où elle est devenue chef pédiatre en 1991.

2      Tel que le prévoit le paragraphe 2.03(1) des dispositions transitoires du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-102, et ses modifications, la demande de la demanderesse pouvait être appréciée compte tenu des facteurs prévus à l'annexe I du Règlement sur l'immigration dans sa version antérieure au 1er mai 1997 (le système de classification de la CCDP), et du système de classification de la CNP, applicable après le 1er mai 1997.

3      Lettre de Mary Coulter, dossier de la demanderesse, à la page 4.

4      Notes de l'agente des visas au Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), dossier certifié de la Cour, à la page 6.

5      Ibid.

6      Conformément au paragraphe 2.03(1) des dispositions transitoires du Règlement sur l'immigration de 1978.

7      Voir la description de la profession d'agent d'administration prévue dans le système de la CCDP, dossier de la demanderesse, aux pages 21 et 22.

8      Annexe I du Règlement, dans sa version antérieure au 1er mai 1997, dossier de la demanderesse, à la page 35.

9      Lettre de recommandation, dossier certifié de la Cour, à la page 28.

10      Notes au STIDI, dossier certifié de la Cour, à la page 5.

11      Notes au STIDI, dossier certifié de la Cour, à la page 6.

12      (1998), 152 F.T.R. 316 (C.F. 1re inst.).

13      Ibid., à la page 318.

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