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Date : 20010803

Dossier : T-1319-01

Ottawa, (Ontario), vendredi le 3 août 2001

En présence de :         L'honorable juge François Lemieux

ENTRE :

                                               AMÉNAGEMENT GRANRIVE INC.

                                                                                                                               Demanderesse

                                                                            et

                                            MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

                              ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA

                                                                            et

                                          PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                              POUR SA MAJESTÉ LA REINE, CHEF DU CANADA

                                                                                                                                      Défendeurs

                                                                ORDONNANCE

Une ordonnance est émise enjoignant le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada d'inviter immédiatement la demanderesse au processus de fourniture de renseignements supplémentaires au sujet de ses projets. Le ministère doit évaluer les renseignements fournis par la demanderesse sur la même base que tout autre promoteur désirant être qualifié au projet LE/SH-00-11. La demanderesse a droit à ses frais.


La demanderesse doit, en coopération avec les défendeurs, soumettre à la Cour un échéancier accéléré des procédures visant l'audition de la demande de contrôle judiciaire sur le fond et ce, au plus tard, le 13 août 2001.

                                                                                                                              "François Lemieux"      

                                                                                                                                                                                                                          

                                                                                                                                                J U G E            


Date : 20010803

Dossier : T-1319-01

Référence neutre : 2001 CFPI 853

ENTRE :

                                               AMÉNAGEMENT GRANRIVE INC.

                                                                                                                               Demanderesse

                                                                            et

                                            MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS

                              ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA

                                                                            et

                                          PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                              POUR SA MAJESTÉ LA REINE, CHEF DU CANADA

                                                                                                                                      Défendeurs


                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

Il s'agit d'une requête pour ordonnance interlocutoire demandée par Aménagement Granrive Inc. ( « Granrive » ).

Au début mai 2001, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada ( « TPSGC » ) publie dans certains journaux une demande de renseignements sur la possibilité de louer 28,000 mètres carrés utilisables de locaux à bureaux situés dans les villes de Hull et de Gatineau dans la province de Québec.

Le texte de la demande comprend les deux paragraphes suivants:

Votre réponse comprend:

a) Une description de votre projet;

b) Un plan montrant l'immeuble proposé et les artères principales et trottoirs        qui le desservent;

c) Une description cadastrale de l'immeuble;

d) La durée du bail.

Comme étape préliminaire à une éventuelle invitation à soumissionner TPSGC invitera les promoteurs retenus à soumettre des renseignements supplémentaires sur leur projet.

Le texte anglais de la demande de renseignements se lit comme suit:


Your response includes:

(a) a description of your project;

(b) a plan showing the location and main arteries and sidewalks serving it;

(c) a legal description of the land;

(d) the proposed term of the lease.

As a preparatory step to a potential invited tender, selected developers will be requested to submit additonal information.

La demanderesse Granrive, propriétaire de la Place du Centre à Hull, répond à la demande de renseignements le 28 mai 2001 et propose deux options.

Le 29 juin 2001, Daniel Champagne de la TPSGC écrivait à Granrive indiquant qu'il ne pouvait accepter « votre réponse puisqu'elle ne comprend pas un plan montrant les trottoirs qui desservent l'immeuble, et ce tant pour votre option « A » et votre option « B » , tel que requis par l'item « b » de l'annonce » .

Le 19 juillet 2001, Granrive déposa une demande de contrôle judiciaire de la décision de TPSGC du 29 juin 2001, par laquelle il refusait de l'inviter à soumettre des renseignements supplémentaires sur son projet comme étape préliminaire à une éventuelle invitation à soumissionner.


Dans sa demande de contrôle judiciaire, Granrive recherche: 1) une déclaration que sa réponse à la demande de renseignements est conforme à celle-ci; 2) d'ordonner à la TPSGC de l'inviter à soumettre des renseignements supplémentaires sur son projet comme étape préliminaire à une éventuelle invitation à soumissionner.

Le même jour, le 19 juillet 2001, Granrive dépose une requête visant l'émission d'une ordonnance enjoignant TPSGC d'inviter immédiatement la demanderesse au processus de fourniture de renseignements supplémentaires au sujet de son projet.

En pratique, ce que recherche Granrive est une ordonnance de cette cour exigeant que TPSGC lui envoie la trousse d'information afin de lui permettre d'entreprendre la prochaine étape du processus, c'est-à-dire la qualification des soumissionnaires à un éventuel appel d'offre.

La cour a été avisée que TPSGC a expédié aux promoteurs retenus la trousse d'information qui doit être complétée et reçue par lui avant le 7 septembre 2001.

ANALYSE

L'ordonnance recherchée par Granrive est régie par les principes établis dans l'arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Procureur général du Canada, [1994] 1 R.C.S. 311.


Granrive doit établir: 1) que sa demande de contrôle judiciaire soulève l'existence d'une question sérieuse à juger; 2) qu'il subira un préjudice irréparable en cas de refus de sa demande d'ordonnance interlocutoire; et 3) que la prépondérance des inconvénients le favorise.

1)         L'existence d'une question sérieuse à juger

Les juges Sopinka et Cory, au nom de la Cour dans RJR-MacDonald, précité, écrivent ceci pour l'examen de cette première étape:

Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s'il est d'avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n'est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l'affaire.

Il y a deux exceptions à cette règle générale qui ne s'appliquent pas dans les circonstances de la requête devant moi.

Le procureur de Granrive plaide que le contrôle judiciaire déposé par celui-ci soulève plusieurs questions sérieuses notamment:

a)         les plans qui accompagnent sa réponse à la demande de renseignements de TPSGC identifient les trottoirs puisque les artères principales y sont indiquées;


b)         les responsables gérant le dossier à TPSGC connaissent très bien l'emplacement proposé par Granrive puisque le TPSGC occupe des locaux avoisinants et savent très bien que les artères principales (rue Hôtel de Ville, rue Laurier, boulevard Maisonneuve, promenade du Portage et rue Verchères sont desservies par des trottoirs;

c)         les conditions énoncées par TPSGC dans sa demande de renseignements ne sont pas des conditions impératives;

d)         sur le fond, Granrive rencontre les exigences de la demande de renseignements considérant que le but de la demande de renseignements est simplement d'identifier les promoteurs intéressés;

e)         Granrive avait une expectative raisonnable que des discussions auraient eu lieu entre la demanderesse et le TPSCG s'il y avait un manquement mineur à sa réponse suite à des conversations entre les deux parties.

Tous les arguments du demandeur sont rejetés d'une façon péremptoire par l'avocat des défendeurs. Selon lui, 1) il n'y a aucune question qu'à la face même des plans soumis par Granrive que les trottoirs ne sont pas indiqués; 2) l'expectation raisonnable est niée par les affidavits de Claude Séguin et de Daniel Champagne; 3) les conditions dans la demande de renseignements sont impératives. Granrive n'a pas démontré aucune apparence de droit.


Je ne peux conclure que Granrive n'a pas démontré une ou plusieurs questions sérieuses à juger dans sa demande de contrôle judiciaire. La raisonnabilité d'exclure Granrive au stage préliminaire dans les circonstances précises de sa réponse à une demande de renseignements est une question importante comme l'est l'expectative raisonnable qui sera tranchée par une évaluation de la preuve semble-t-il contradictoire. La question de savoir si les conditions sont impératives et ont été rencontrées ne sont pas frivoles ou vexatoires.

2)         Préjudice irréparable

RJR-MacDonald, précité, explique la notion de préjudice irréparable dans ces termes:

À la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l'objet d'une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l'issue de la demande interlocutoire.

Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut pas être dédommagée par l'autre.

Je suis convaincu que Granrive subira un préjudice irréparable si l'ordonnance n'est pas émise. Sans l'ordonnance, Granrive n'aura aucune possibilité de se qualifier pour répondre à un appel d'offre.

Les dommages que Granrive puisse obtenir si sa demande de contrôle judiciaire réussie et par la suite si elle intente une action en dommages-intérêts, sont difficilement quantifiables et ne peuvent remédier adéquatement son exclusion du processus d'appel d'offre. (Voir, Glenview Corp. c. Canada, [1990] F.C.J. 242.)


c)         Prépondérance des inconvénients

Les juges Sopinka et Cory dans RJR-MacDonald, précité, écrivent que ce troisième critère, reprenant les paroles du juge Beetz dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores, [1987] 1 R.C.S. 110, consistent à déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse une injonction interlocutoire en attendant une décision sur le fond.

Il me semble évident que la balance des inconvénients favorisent Granrive. Son exclusion du processus de soumission déborde largement le préjudice, s'il y en a, que pourraient subir les défendeurs en permettant Granrive de se qualifier pour l'appel d'offre.

Si le contrôle judiciaire est rejeté, Granrive sera disqualifié et sa participation future dans le processus, terminée.

J'estime que l'ordonnance interlocutoire recherchée maintient plus effectivement le statu quo.

DISPOSITIF


Une ordonnance est émise enjoignant le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada d'inviter immédiatement la demanderesse au processus de fourniture de renseignements supplémentaires au sujet de ses projets. Le ministère doit évaluer les renseignements fournis par la demanderesse sur la même base que tout autre promoteur désirant être qualifié au projet LE/SH-00-11. La demanderesse a droit à ses frais.

La demanderesse doit, en coopération avec les défendeurs, soumettre à la Cour un échéancier accéléré des procédures visant l'audition de la demande de contrôle judiciaire sur le fond et ce, au plus tard, le 13 août 2001.

                                                                           "François Lemieux"    

                                                                                                                                                                        

                                                                                               J U G E              

Ottawa (Ontario)

le 3 août 2001

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