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Date : 20030131

Dossier : T-1510-99

Référence neutre : 2003 CFPI 114

ENTRE :

                    LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET

ÉDITEURS DE MUSIQUE

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                             BARRYMORE'S INC., exerçant ses activités sous le nom de

                                                    BARRYMORE'S MUSIC HALL,

EUGENE HASLAM et JOHN RANDAL LANCTOT

                                                                                                                                                     défendeurs

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (la demanderesse) a déposé une requête en jugement sommaire contre Barrymore's Inc., Eugene Haslam et John Randal Lanctot (les défendeurs) pour violation du droit d'auteur.

[2]                 La demanderesse voudrait :

1.       une ordonnance lui accordant, selon les termes suivants, un jugement sommaire contre les défendeurs pour violation du droit d'auteur :


(a)         que les défendeurs ont porté atteinte au droit d'auteur de la demanderesse sur des oeuvres musicales pour lesquelles la demanderesse détient les droits d'exécution et de représentation en public à tous les concerts du Barrymore's Music Hall, et cela au cours des périodes suivantes :

(i)           Barrymore's Inc., de 1995 à 1999 inclusivement;

(ii)          John Randal Lanctot, de 1995 au 31 octobre 1998 et d'avril 1999 au 31 décembre 1999, inclusivement; et

(iii)         Eugene Haslam, de 1995 au 14 mai 1999, inclusivement;

(b)         que les défendeurs paient à la demanderesse des dommages-intérêts pour la violation, par les défendeurs, du droit d'auteur de la demanderesse, dommages-intérêts qui seront fixés durant cette audience ou à l'occasion d'un arbitrage, où ils seront déterminés jusqu'à la date de l'arbitrage, y compris les dommages-intérêts pour préjudice moral, s'il y a lieu;

(c)         que les défendeurs paient à la demanderesse les bénéfices réalisés par les défendeurs par suite de la violation, par les défendeurs, du droit d'auteur de la demanderesse, lesdits bénéfices devant être fixés durant cette audience ou déterminés à l'occasion d'un arbitrage, jusqu'à la date de cet arbitrage;

(d)         que tout arbitrage où seront déterminées les sommes mentionnées aux alinéas (b) et/ou (c) ait lieu devant un protonotaire ou autre personne nommée par la Cour, à l'endroit, à la date et à l'heure que fixera l'arbitre sur demande écrite de la demanderesse, sous réserve de l'alinéa (h), ci-dessous;


(e)         que, en prévision de l'arbitrage, la demanderesse dépose un exposé des questions soumises à l'arbitrage, et signifie cet exposé aux défendeurs en même temps qu'une copie du présent jugement;

(f)          que les défendeurs :

(i)           dans un délai de vingt et un (21) jours à compter de la date de signification de l'exposé des questions de la demanderesse, déposent l'exposé des questions des défendeurs et le signifient à la demanderesse; et

(ii)          dans un délai de vingt-huit (28) jours à compter de la date de signification de l'exposé des questions de la demanderesse, signifient à la demanderesse leur affidavit de documents énumérant tous les documents se rapportant aux questions soumises à l'arbitrage, notamment états financiers, grands livres, contrats d'exécution et de représentation, journaux des encaissements, journaux des décaissements, talons de chèques, journaux généraux et chèques oblitérés, pour toutes les années considérées dans la présente instance; et qu'ils produisent lesdits documents sur requête de la demanderesse;

(g)         que la demanderesse signifie son affidavit de documents dans un délai de vingt et un (21) jours après que l'exposé des questions des défendeurs lui aura été signifié, et qu'elle produise lesdits documents sur requête des défendeurs;


(h)         que, si les défendeurs ne se conforment pas au paragraphe (f) ci-dessus, la demanderesse aura droit, après dépôt d'une demande, laquelle pourra être présentée ex parte, à une audience d'arbitrage à Toronto, qui pourra avoir lieu, sans avis aux défendeurs, devant un arbitre nommé par la cour ex parte, audience au cours de laquelle l'arbitre déterminera les sommes mentionnées aux alinéas (b) et (c), en se fondant sur la preuve par affidavit déposée par la demanderesse;

(i)          que, si les défendeurs ne se présentent pas à l'audience d'arbitrage après qu'un avis en ce sens leur aura été dûment signifié, l'arbitre pourra déterminer les sommes mentionnées aux paragraphes (b) et (c), en se fondant sur la preuve par affidavit déposée par la demanderesse;

(j)          que, après examen desdits comptes, la somme jugée payable par les défendeurs à la demanderesse sera payée immédiatement après confirmation du rapport de l'arbitre;

(k)         que les défendeurs, en personne ou par l'entremise de leurs dirigeants, préposés, mandataires, travailleurs ou autres, directement ou indirectement, soient empêchés d'exécuter, d'autoriser ou de faire exécuter, dans les locaux relevant de leur autorité, les oeuvres musicales sur lesquelles la demanderesse détient les droits d'exécution et de représentation, à moins que les défendeurs n'obtiennent d'abord de la demanderesse une licence de droits d'exécution et de représentation qui autorise de tels actes;

(l)          que les défendeurs, en personne ou par l'entremise de leurs dirigeants, préposés, mandataires, travailleurs ou autres, directement ou indirectement, soient empêchés d'autoriser, pour leur bénéfice personnel, qu'une salle de spectacles serve à la représentation ou à l'exécution d'oeuvres musicales sur lesquelles la demanderesse détient les droits de représentation et d'exécution, à moins que les défendeurs n'obtiennent d'abord de la demanderesse une licence de droits d'exécution et de représentation qui autorise de tels actes;


(m)        que les défendeurs paient à la demanderesse l'intérêt avant jugement sur les sommes qui seront réputées dues à la demanderesse, à l'exclusion des bénéfices;

(n)         que les défendeurs paient à la demanderesse ses dépens dans la présente action et dans l'arbitrage susmentionné, dépens qui seront taxés durant ledit arbitrage; et

(o)         que les défendeurs paient à la demanderesse l'intérêt après jugement sur toutes les sommes susmentionnées.

2.       une ordonnance obligeant les défendeurs à payer à la demanderesse les dépens de cette requête, selon une échelle que la Cour pourra juger à propos; et

3.       en outre, ou subsidiairement, une ordonnance selon la règle 218 limitant la nature et l'étendue de l'interrogatoire préalable et accordant un autre redressement;

4.       tout autre redressement que recommanderont les avocats et que la Cour trouvera juste.

[3]                 Les défendeurs, Barrymore's Inc. et John Randal Lanctot, voudraient :

1.    une ordonnance rejetant, avec dépens selon une base indemnitaire conséquente, la requête présentée contre les défendeurs Barrymore's Inc. et John Randal Lanctot; et

2.    tout autre redressement que recommanderont les avocats et que la Cour trouvera juste.

Les faits


[4]                 La demanderesse, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), est l'organisme canadien de recouvrement des droits d'auteur pour l'exécution ou la représentation publique des oeuvres musicales. La demanderesse est le détenteur et titulaire au Canada du droit exclusif d'exécution et de représentation publique, du droit de percevoir les tantièmes et de la cause d'action pour violation du droit d'auteur par exécution ou représentation publique dans la quasi-totalité des oeuvres musicales populaires existant aujourd'hui au Canada. La demanderesse détient les droits d'exécution et de représentation des oeuvres musicales qui sont en cause dans la présente action.

[5]                 La défenderesse, Barrymore's Inc., est une société organisée en vertu des lois de la province de l'Ontario. Son principal établissement est situé au 323, rue Bank, Ottawa (Ontario), où, sous l'appellation de « Barrymore's Music Hall » , elle exerce les activités d'une salle de concert ou établissement semblable. Dans ces locaux, Barrymore's Inc. présente des exécutions et interprétations publiques d'oeuvres musicales.

[6]                 Le défendeur, John Randal Lanctot, a été administrateur et dirigeant de Barrymore's Inc. d'avril 1995 jusqu'en octobre ou novembre 1998. En mars ou avril 1999, il a acheté les actions du défendeur Eugene Haslam, l'autre principal actionnaire de l'entreprise. Le 15 septembre 1997, Lanctot a demandé une licence de la SOCAN pour un club semblable qu'il exploitait.


[7]                 Le défendeur Eugene Haslam a été administrateur et dirigeant de Barrymore's Inc. jusque vers le 14 mai 1999. Il a été actionnaire de Barrymore's Inc. jusqu'en mars ou avril 1999, date à laquelle il a vendu ses actions à Lanctot. Parmi ses responsabilités, Haslam devait trouver des spectacles pour Barrymore's Music Hall.

[8]                 Lorsque l'intérêt de Haslam dans Barrymore's Inc. fut vendu à Lanctot, un accord d'indemnisation fut signé, dans lequel Barrymore's Inc. et Lanctot s'engageaient à indemniser pleinement Haslam des sommes que celui-ci pourrait être appelé à payer au titre des dettes ou obligations de Barrymore's Inc.

Conclusions de la demanderesse

[9]                 La demanderesse affirme qu'un jugement sommaire devrait être accordé parce qu'il n'y a pas de véritable point à décider.

[10]            Selon la demanderesse, chacun des défendeurs reconnaît, ou est réputé reconnaître, la majorité des éléments de la violation du droit d'auteur pour les oeuvres musicales exécutées ou interprétées au Barrymore's Music Hall. Lorsqu'une telle reconnaissance est inexistante, alors la demanderesse affirme qu'elle a déposé une preuve par affidavit qui soutient sa position.

[11]            La demanderesse affirme qu'elle détient les droits d'exécution et d'interprétation des oeuvres en cause dans la présente action et que ces oeuvres musicales ont été interprétées et exécutées publiquement au Barrymore's Music Hall.


[12]            La demanderesse affirme que les défendeurs ont effectué ou autorisé lesdites exécutions ou interprétations et qu'ils n'ont pas obtenu d'autorisation ou de consentement pour l'exécution ou l'interprétation publique de ces oeuvres musicales.

[13]            La demanderesse affirme que les défendeurs ont permis que le Barrymore's Music Hall serve pour des exécutions ou interprétations publiques, à des fins lucratives. Dans le cas des défendeurs Eugene Haslam et John Randal Lanctot, la demanderesse affirme qu'ils étaient dirigeants et administrateurs de la société défenderesse, et qu'ils étaient en position d'empêcher ou de prévenir les exécutions ou interprétations portant atteinte au droit d'auteur, mais qu'ils s'en sont sciemment abstenus.

Conclusions des défendeurs

[14]            Les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot affirment que la preuve est contradictoire et qu'il existe une question de crédibilité qui ne peut être résolue sans procès. Les défendeurs affirment que Barrymore's Inc. et Lanctot ont prouvé, par un témoignage sous serment, que les tantièmes pour nombre des interprétations ou exécutions en cause dans la présente action ont été payés. La demanderesse dit que ces tantièmes n'ont pas été payés.

[15]            Les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot affirment qu'il y a aussi entre tous les défendeurs des questions de responsabilité et de crédibilité et que ces questions ne peuvent être résolues qu'à la faveur d'un procès.

[16]            Les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot affirment qu'un jugement sommaire ne doit pas être accordé si des faits sont requis pour déterminer le niveau d'autorité qui est exercé lorsque des oeuvres musicales sont interprétées ou exécutées à divers événements, et si des interrogatoires préalables n'ont pas eu lieu dans les aspects présentant une complexité. Les défendeurs affirment que, en raison du grand nombre d'exécutions et d'interprétations ayant eu lieu au cours de plusieurs années et des rôles joués par une diversité de personnes et d'entreprises, il est nécessaire d'explorer la relation entre les parties pour savoir s'il existe une quelconque responsabilité se rapportant à la violation du droit d'auteur.

[17]            Les défendeurs affirment qu'il y a une véritable question litigieuse en ce qui concerne la responsabilité personnelle de Lanctot. D'après eux, Lanctot a prouvé qu'il n'intervenait pas dans les spectacles du Barrymore's Music Hall et qu'il n'était pas tenu de payer quoi que ce soit à la SOCAN. Ils affirment donc que Lanctot n'avait pas connaissance de la présumée violation et qu'il n'avait aucune raison de soupçonner l'existence d'une quelconque violation du droit d'auteur.

[18]            Les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot affirment qu'il y a également une véritable question litigieuse, celui de savoir si le délai de prescription prévu par le paragraphe 41(1) de la Loi sur le droit d'auteur limite ou non la réclamation de la demanderesse aux dommages postérieurs au 25 août 1996. Les défendeurs affirment que la demanderesse avait connaissance de la présumée violation au 10 mai 1995, lorsqu'ils avaient écrit à Haslam en faisant intervenir la SOCAN. Comme la déclaration de la demanderesse n'a été déposée que le 25 août 1999, les défendeurs affirment que la demanderesse ne peut réclamer de tantièmes pour des exécutions ou représentations antérieures au 25 août 1996.

[19]            Le défendeur Haslam a consenti à jugement contre lui.

[20]            Point en litige

Le critère des jugements sommaires, c'est-à-dire l'absence d'une véritable question litigieuse, est-il satisfait?

Dispositions législatives et réglementaires applicables

[21]            Les articles applicables des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, sont les suivants :



213. (1) Le demandeur peut, après le dépôt de la défense du défendeur - ou avant si la Cour l'autorise - et avant que l'heure, la date et le lieu de l'instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire sur tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

213. (1) A plaintiff may, after the defendant has filed a defence, or earlier with leave of the Court, and at any time before the time and place for trial are fixed, bring a motion for summary judgment on all or part of the claim set out in the statement of claim.

214. (1) Toute partie peut présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire dans une action en signifiant et en déposant un avis de requête et un dossier de requête au moins 20 jours avant la date de l'audition de la requête indiquée dans l'avis.

214. (1) A party may bring a motion for summary judgment in an action by serving and filing a notice of motion and motion record at least 20 days before the day set out in the notice for the hearing of the motion.

(2) La partie qui reçoit signification d'une requête en jugement sommaire signifie et dépose un dossier de réponse au moins 10 jours avant la date de l'audition de la requête indiquée dans l'avis de requête.

(2) A party served with a motion for summary judgment shall serve and file a respondent's motion record not later than 10 days before the day set out in the notice of motion for the hearing of the motion.

215. La réponse à une requête en jugement sommaire ne peut être fondée uniquement sur les allégations ou les dénégations contenues dans les actes de procédure déposés par le requérant. Elle doit plutôt énoncer les faits précis démontrant l'existence d'une véritable question litigieuse.

215. A response to a motion for summary judgment shall not rest merely on allegations or denials of the pleadings of the moving party, but must set out specific facts showing that there is a genuine issue for trial.

216. (1) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu'il n'existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

(2) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est :

(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is

a) le montant auquel le requérant a droit, elle peut ordonner l'instruction de la question ou rendre un jugement sommaire assorti d'un renvoi pour détermination du montant conformément à la règle 153;

(a) the amount to which the moving party is entitled, the Court may order a trial of that issue or grant summary judgment with a reference under rule 153 to determine the amount; or

b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.

(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.

(3) Lorsque, par suite d'une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu'il existe une véritable question litigieuse à l'égard d'une déclaration ou d'une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d'une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.

(4) Lorsque la requête en jugement sommaire est rejetée en tout ou en partie, la Cour peut ordonner que l'action ou les questions litigieuses qui ne sont pas tranchées par le jugement sommaire soient instruites de la manière habituelle ou elle peut ordonner la tenue d'une instance à gestion spéciale.

(4) Where a motion for summary judgment is dismissed in whole or in part, the Court may order the action, or the issues in the action not disposed of by summary judgment, to proceed to trial in the usual way or order that the action be conducted as a specially managed proceeding.

217. Le demandeur qui obtient un jugement sommaire aux termes des présentes règles peut poursuivre le même défendeur pour une autre réparation ou poursuivre tout autre défendeur pour la même ou une autre réparation.

217. A plaintiff who obtains summary judgment under these Rules may proceed against the same defendant for any other relief and against any other defendant for the same or any other relief.

218. Lorsqu'un jugement sommaire est refusé ou n'est accordé qu'en partie, la Cour peut, par ordonnance, préciser les faits substantiels qui ne sont pas en litige et déterminer les questions qui doivent être instruites, ainsi que :

218. Where summary judgment is refused or is granted only in part, the Court may make an order specifying which material facts are not in dispute and defining the issues to be tried, including an order

a) ordonner la consignation à la Cour d'une somme d'argent représentant la totalité ou une partie de la réclamation;

(a) for payment into court of all or part of the claim;

b) ordonner la remise d'un cautionnement pour dépens;

(b) for security for costs; or

c) limiter la nature et l'étendue de l'interrogatoire préalable aux questions non visées par les affidavits déposés à l'appui de la requête en jugement sommaire, ou limiter la nature et l'étendue de tout contre-interrogatoire s'y rapportant, et permettre l'utilisation de ces affidavits lors de l'interrogatoire à l'instruction de la même manière qu'à l'interrogatoire préalable.

(c) limiting the nature and scope of the examination for discovery to matters not covered by the affidavits filed on the motion for summary judgment or by any cross-examination on them and providing for their use at trial in the same manner as an examination for discovery.

219. Lorsqu'elle rend un jugement sommaire, la Cour peut surseoir à l'exécution forcée de ce jugement jusqu'à la détermination d'une autre question soulevée dans l'action ou dans une demande reconventionnelle ou une mise en cause.

219. In making an order for summary judgment, the Court may order that enforcement of the summary judgment be stayed pending the determination of any other issue in the action or in a counterclaim or third party claim.

[22]            Les articles applicables de la Loi sur le droit d'auteur sont les suivants :

3. (1) Le droit d'auteur sur l'oeuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l'oeuvre, sous une forme matérielle quelconque, d'en exécuter ou d'en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l'oeuvre n'est pas publiée, d'en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, . . .

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d'autoriser ces actes.

3. (1) For the purposes of this Act, "copyright", in relation to a work, means the sole right to produce or reproduce the work or any substantial part thereof in any material form whatever, to perform the work or any substantial part thereof in public or, if the work is unpublished, to publish the work or any substantial part thereof,

. . .

and to authorize any such acts.

27. (1) Constitue une violation du droit d'auteur l'accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte qu'en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d'accomplir.

27. (1) It is an infringement of copyright for any person to do, without the consent of the owner of the copyright, anything that by this Act only the owner of the copyright has the right to do.

(5) Constitue une violation du droit d'auteur le fait, dans un but de profit, de permettre l'utilisation d'un théâtre ou d'un autre lieu de divertissement pour l'exécution en public d'une oeuvre ou de tout autre objet du droit d'auteur sans le consentement du titulaire du droit d'auteur, à moins que la personne qui permet cette utilisation n'ait ignoré et n'ait eu aucun motif raisonnable de soupçonner que l'exécution constituerait une violation du droit d'auteur.

(5) It is an infringement of copyright for any person, for profit, to permit a theatre or other place of entertainment to be used for the performance in public of a work or other subject-matter without the consent of the owner of the copyright unless that person was not aware, and had no reasonable ground for suspecting, that the performance would be an infringement of copyright.

34. (1) En cas de violation d'un droit d'auteur, le titulaire du droit est admis, sous réserve des autres dispositions de la présente loi, à exercer tous les recours - en vue notamment d'une injonction, de dommages-intérêts, d'une reddition de compte ou d'une remise - que la loi accorde ou peut accorder pour la violation d'un droit.

34. (1) Where copyright has been infringed, the owner of the copyright is, subject to this Act, entitled to all remedies by way of injunction, damages, accounts, delivery up and otherwise that are or may be conferred by law for the infringement of a right.

35.(1) Quiconque viole le droit d'auteur est passible de payer, au titulaire du droit qui a été violé, des dommages-intérêts et, en sus, la proportion, que le tribunal peut juger équitable, des profits qu'il a réalisés en commettant cette violation et qui n'ont pas été pris en compte pour la fixation des dommages-intérêts.

35. (1) Where a person infringes copyright, the person is liable to pay such damages to the owner of the copyright as the owner has suffered due to the infringement and, in addition to those damages, such part of the profits that the infringer has made from the infringement and that were

not taken into account in calculating the damages as the court considers just.

41. (1) Sous réserve du paragraphe (2) le tribunal saisi d'un recours en violation ne peut accorder de réparations que si :

41. (1) Subject to subsection (2), a court may not award a remedy in relation to an infringement unless

a) le demandeur engage des procédures dans les trois ans qui suivent le moment où la violation a eu lieu, s'il avait connaissance de la violation au moment où elle a eu lieu ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il en ait eu connaissance à ce moment;

(a) in the case where the plaintiff knew, or could reasonably have been expected to know, of the infringement at the time it occurred, the proceedings for infringement are commenced within three years after the infringement occurred; or

b) le demandeur engage des procédures dans les trois ans qui suivent le moment où il a pris connaissance de la violation ou le moment où il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il en ait pris connaissance, s'il n'en avait pas connaissance au moment où elle a eu lieu ou s'il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'il en ait eu connaissance à ce moment.

(b) in the case where the plaintiff did not know, and could not reasonably have been expected to know, of the infringement at the time it occurred, the proceedings for infringement are commenced within three years after the time when the plaintiff first knew, or could reasonably have been expected to know, of the infringement.

(2) Le tribunal ne fait jouer la prescription visée aux alinéas (1)a) ou b) qu'à l'égard de la partie qui l'a invoquée.

(2) The court shall apply the limitation period set out in paragraph (1)(a) or (b) only in respect of a party who pleads a limitation period.

Analyse et décision

[23]            Point en litige

Le critère des jugements sommaires, c'est-à-dire l'absence d'une véritable question litigieuse, est-il satisfait?

La règle 216 des Règles de la Cour fédérale (1998) traite des jugements sommaires. Dans l'affaire Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd. [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), au paragraphe 8, la Cour exposait ainsi les principes généraux relatifs aux jugements sommaires :

1.              ces dispositions ont pour but d'autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu'elle n'estime pas nécessaire d'instruire parce qu'elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al),

2.              il n'existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie. Il ne s'agit pas de savoir si une partie a des chances d'obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée par le juge des faits dans le cadre d'un éventuel procès,


3.              chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feoso),

4.              les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario, [R.R.O. 1990, Règle 194]) peuvent faciliter l'interprétation (Feoso et Collie),

5.              saisie d'une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l'Ontario) (Patrick),

6.              le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s'il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman et Sears),

7.              lorsqu'une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L'existence d'une apparente contradiction de preuves n'empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l'affaire et décider s'il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes).

[24]                           S'agissant des jugements sommaires, j'écrivais dans le jugement Inhesion Industrial Co. c. Anglo Canadian Mercantile Co., [2000] A.C.F. n ° 491 (QL) (1re inst.), au paragraphe 19 :

Dans le cadre d'une requête en jugement sommaire, chaque partie doit produire sa meilleure preuve. Bien entendu, la requérante doit présenter une preuve qu'elle croit susceptible de convaincre la Cour qu'il est opportun de rendre un jugement sommaire en sa faveur. Cependant, l'intimée doit elle aussi mettre en avant sa meilleure preuve. Cette question a été examinée par le juge Evans dans la décision F. von Langsdorff Licensing Limited c. S.F. Concrete Technology, Inc. (8 avril 1999), dossier T-335-97 (C.F. 1re inst.) :

En conséquence, l'intimé doit s'acquitter du fardeau de la preuve consistant à démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le), [1995] 3 C.F. 68, aux pages 81 et 82 (C.A.F.)). Cet état de fait n'enlève rien au principe que le requérant a la charge ultime d'établir les faits nécessaires pour obtenir un jugement sommaire (Succession Ruhl c. Mannesmann Kienzle GmbH, (1997), 80 C.P.R. (3d) 190, à la page 200 (C.F. 1re inst.) et Kirkbi AG. c. Ritvik Holdings Inc. (C.F. 1re inst., T-2799-96, 23 juin 1998)). Les deux parties doivent donc « présenter leurs meilleurs arguments » pour permettre au juge saisi de la requête de déterminer s'il existe une question litigieuse qui mérite d'être instruite (Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie, (1990), 33 C.P.R. (3d) 519, aux pages 529 et 530 (Cour Ont., Div. gén.).


En m'appuyant sur les principes généraux et sur les remarques ci-dessus, j'examinerai maintenant si un jugement sommaire devrait ici être accordé à la demanderesse.

[25] La défenderesse Barrymore's Inc. exploitait une salle de concert à Ottawa, et les défendeurs Lanctot et Haslam étaient administrateurs de Barrymore's Inc.

[26] Barrymore's Music Hall présentait quatre genres de spectacles. Les quatre formules étaient les suivantes :

1.                                        le bar organisait le spectacle et versait aux interprètes et exécutants une somme fixe ou un pourcentage des recettes perçues à la porte (un « spectacle de Barrymore's » );

2.                                        un organisateur externe s'occupait du spectacle, empochait toutes les recettes perçues à la porte et payait l'interprète ou exécutant (un « spectacle d'organisateur externe » );

3.                                        un interprète ou exécutant organisait son spectacle en accord avec le bar, empochait toutes les sommes perçues à la porte et les gardait pour lui (un « spectacle de bande » );

4.                                        « Eugene's Party Central » , une société organisatrice gérée et exploitée entièrement par Eugene Haslam indépendamment du bar, organisait le spectacle musical, empochait toutes les recettes perçues à la porte et payait à l'interprète ou exécutant une somme fixe ou un pourcentage des droits d'entrée payés par les personnes présentes (un « spectacle d'Eugene's Party Central » ).

[27] Lorsque Lanctot a été contre-interrogé sur son affidavit, il a classé les spectacles en question selon les catégories susmentionnées.

[28] Sous réserve d'une défense de prescription, les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot se reconnaissent responsables des tantièmes applicables aux spectacles appelés « spectacles de Barrymore's » .

[29] Les spectacles Eugene's Party Central ont été inclus dans la catégorie « spectacles d'organisateur externe » , puisque le défendeur Haslam a consenti à ce que soit rendu un jugement contre lui.

[30] Haslam a reconnu qu'il avait fait promettre à Barrymore's Inc. de payer des droits d'exécution ou d'interprétation pour chaque concert indiqué dans le paragraphe 18 de la déclaration.

[31] Cependant, au moins deux organisateurs externes ont dit qu'ils avaient payé les droits à la demanderesse.

[32] La demanderesse réclamait des tantièmes pour 17 spectacles à l'égard desquels des tantièmes avaient déjà été payés.

[33] Lors de l'opération par laquelle Haslam avait mis fin à son intérêt dans Barrymore's Inc., Lanctot et Barrymore's Inc. s'étaient engagés à indemniser Haslam des sommes qu'il serait appelé à payer en règlement des dettes de Barrymore's Inc.

[34] Les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot reconnaissent que certains des spectacles étaient donnés ou autorisés par Barrymore's Inc. Le défendeur Haslam reconnaît que ses responsabilités consistaient notamment à trouver des interprètes et exécutants pour le Barrymore's Music Hall. Cependant, la preuve dont je dispose ne me permet pas de déterminer quel droit de regard les défendeurs exerçaient sur les spectacles encore en litige. Puisqu'il s'agit là d'une véritable question litigieuse, je ne suis pas disposé à accorder un jugement sommaire en ce qui a trait aux spectacles contestés.

[35] De plus, il faut déterminer la relation exacte entre les défendeurs Barrymore's Inc., Haslam et Lanctot afin de savoir lequel d'entre eux le cas échéant est responsable envers la demanderesse. La preuve produite dans cette requête ne permet pas de définir cette relation. Il s'agit d'une véritable question litigieuse.

[36] Deux autres points devront être décidés après que toute la preuve aura été produite :

1.                                        la responsabilité personnelle, le cas échéant, du défendeur Lanctot;


2.                                        la question de savoir si des tantièmes ont été versés par les interprètes et exécutants à la demanderesse pour l'un quelconque des autres spectacles à l'égard desquels des tantièmes sont réclamés dans la présente action.

Ces points devront être décidés par le juge du procès après audition de la preuve. Il s'agit là de véritables questions à trancher.

[37] La défenderesse Barrymore's Inc. s'est reconnue responsable des droits applicables aux spectacles classés « spectacles de Barrymore's » , sous réserve de la défense de prescription pour certains d'entre eux. Je suis disposé à rendre une ordonnance selon laquelle la défenderesse Barrymore's Inc., qui exerce ses activités sous le nom de Barrymore's Music Hall, est responsable du paiement des tantièmes applicables à ces « spectacles de Barrymore's » .

[38] Le quantum des tantièmes sera déterminé après qu'une décision aura été rendue dans le procès de cette affaire.

[39] Pour le reste, la demande de jugement sommaire est rejetée.

[40] Les dépenses suivront l'issue de la cause.


[41] La demanderesse rédigera une ordonnance, à laquelle consentiront les défendeurs Barrymore's Inc. et Lanctot, et elle présentera l'ordonnance à la Cour dans les deux semaines qui suivront la date de la présente décision. Si aucun accord ne peut être obtenu sur la forme de l'ordonnance, les avocats pourront me présenter une requête disposant de la forme de l'ordonnance.

                                                    « John A. O'Keefe »             

                                                                                   Juge                             

Ottawa (Ontario)

le 31 janvier 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :    T-1510-00

INTITULÉ : LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS DE MUSIQUE

- et -

BARRYMORE'S INC., exerçant ses activités sous le nom de BARRYMORE'S MUSIC HALL, EUGENE HASLAM

et JOHN RANDAL LANCTOT

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le lundi 23 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         M. LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        le vendredi 31 janvier 2003

COMPARUTIONS :

M. A. Kelly Gill                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Mme Colleen Stanley

M. J. Christopher Arnold                                     POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SOCAN                                                  POUR LA DEMANDERESSE

41, promenade Valleybrook

Toronto (Ontario)

M3B 2S6

Dickie & Arnold                                                   POUR LES DÉFENDEURS

Bureau 440, Place ManuVie

55, rue Metcalfe

Ottawa (Ontario)

K1P 6L5

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