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     Date: 19980323

     Dossier: IMM-2366-97

Entre :

     POLINA GULIN,

     Partie requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     Partie intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 5 mai 1997 par la Section du statut de réfugié (la Section du statut) statuant que la requérante n'est pas une réfugiée au sens de la Convention. La requérante, une ressortissante d'Israël, allègue une crainte de persécution en raison de sa race, sa religion, sa nationalité et son appartenance à un groupe social particulier.

[2]      Bien qu'elle ait accepté comme établis les faits relatés dans le témoignage de la requérante, la Section du statut a toutefois conclu qu'elle n'avait pas réussi à établir une crainte bien fondée de persécution, et ce, essentiellement pour les raisons suivantes:

     -      la requérante est Juive, ce qui est reflété dans son passeport interne;
     -      la requérante ne risque plus d'être persécutée en raison du témoignage de son mari dans l'enquête au sujet de l'accident concerné, puisque son mari a disparu;
     -      il doit y avoir accès à la justice en Israël, puisqu'un employé arabe pourrait possiblement obtenir une importante somme d'argent si son patron est reconnu coupable de négligence; de plus, on doit craindre la justice, si on s'en est pris au mari de la requérante afin de le convaincre de retirer son témoignage dans cette dernière affaire;
     -      la requérante ne pratique pas sa religion chrétienne et, de toute façon, la preuve documentaire parle de ressentiment envers les Chrétiens, non de persécution;
     -      les problèmes de la requérante relèvent de l'expérience de son mari avec son ex-patron, et non de ses croyances religieuses.

[3]      Plus particulièrement, quant à l'inaction de la police, la Section du statut a exprimé ce qui suit:

             La police exigeait des preuves avant d'agir. Contre des appels téléphoniques anonymes faits à partir d'une boîte téléphonique, c'est difficile d'agir. Lors d'agressions, la revendicatrice et les membres de sa famille ne pouvaient dire seulement qu'ils auraient été agressés, sans plus. La police avait besoin de noms, d'adresses ou d'une bonne description des assaillants pour agir. La police n'a pas refusé d'agir, mais voulait plus d'information pour agir.                 

[4]      Après examen de la preuve au dossier, je suis d'accord avec la Section du statut lorsqu'elle infère de cette preuve que tous les incidents majeurs relatés par la requérante semblent découler du fait que les agresseurs voulaient influencer le témoignage de son mari. Il était donc loisible au tribunal de trouver que la crainte de persécution de la requérante n'était plus bien fondée suite à la disparition de son mari. Faut-il rappeler que le bien-fondé d'une crainte de persécution doit être évalué en fonction des risques de persécution au moment de l'examen de la revendication, et non en fonction des risques au moment où un revendicateur ou une revendicatrice quitte son pays (voir Mileva c. Canada (M.E.I.), [1991] 3 C.F. 398 (C.A.F.)). Je suis donc d'avis que la requérante ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer que les inférences tirées par le tribunal spécialisé qu'est la Section du statut ne pouvaient pas raisonnablement l'être (voir l'arrêt Clément Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

[5]      Quant à l'argument de la requérante basé sur l'absence de protection de la part de l'État d'Israël, la Section du statut a noté qu'un non-Juif entendait pouvoir accéder à la justice dans le cas d'un accident au travail, et que la famille de la requérante n'avait jamais réussi à fournir les renseignements nécessaires afin de permettre à la police de leur venir en aide. La Cour suprême du Canada a décrété, dans Ward c. Canada (Procureur général), [1993] 2 R.C.S. 689, qu'un revendicateur du statut de réfugié doit démontrer par une preuve claire et convaincante que l'État dont il est le ressortissant est incapable de le protéger. Plus particulièrement par rapport à la capacité d'Israël de protéger ses ressortissants, la Cour d'appel fédérale a statué dans Kadenko et al. c. Canada (Solliciteur général) (1996), 206 N.R. 272, à la page 273, comme suit:

         . . . Dès lors, en effet, qu'il est tenu pour acquis que l'État (en l'espèce Israël) possède des institutions politiques et judiciaires capables de protéger ses citoyens, il est certain que le refus de certains policiers d'intervenir ne saurait en lui-même rendre l'État incapable de le faire. La réponse eût peut-être été différente si la question avait porté, par exemple, sur le refus de l'institution policière en tant que telle ou sur un refus plus ou moins généralisé du corps policier d'assurer la protection accordée par les institutions politiques et judiciaires du pays.                 

[6]      Dans les circonstances du présent cas, la requérante n'a certes pas réussi à se décharger du fardeau de démontrer que l'État d'Israël avait failli dans son devoir de protéger ses ressortissants.

[7]      Pour toutes ces raisons, l'appel doit être rejeté.

[8]      Il n'y a pas ici matière à certification en vertu du paragraphe 18(1) des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration, 1993.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 mars 1998


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