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Date : 20040521

Dossier : IMM-9199-03

Référence : 2004 CF 752

OTTAWA (ONTARIO), LE 21e JOUR DE MAI 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

SEMMAN JOSEPH ABDOU

RIZK NAGHAM

                                                                                                                                       Demandeurs

                                                                                                                                                           

                                                                          - et -

                                       LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          Défendeur

                                                                                                                                                           

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                II s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision rendue le 6 octobre 2003, par l'agent Guylaine Fortin (l'agent ERAR) relativement à une demande d'évaluation des risques avant renvoi du demandeur Semman Joseph Abdou et de son épouse Rizk Nagham. Par cette décision, les demandeurs ont été jugés ne pas être des personnes pouvant être exposées à un risque de persécution, de torture, de menace à la vie ou de risque de traitements ou peines cruels et inusités s'ils étaient renvoyés au Liban.

[2]                Le demandeur était un membre de l'armée du Liban sud (ALS), ayant occupé un poste de gardien à la caserne de cette organisation. Dans sa demande ERAR, le demandeur alléguait craindre les membres du Hezbollah et les autorités libanaises. Ayant été exclu par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sur la base des alinéas 1 Fa) et c) de la Convention, le demandeur était visé à l'alinéa 112(3) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la Loi). L'agent ERAR a donc procédé à l'examen de la demande ERAR que sur la base de l'article 97 de la Loi, conformément au paragraphe 113d) de la Loi.


[3]                 Les demandeurs semblent prétendre qu'ils n'auraient pas eu droit à une audience équitable. Le défendeur soutient, à juste raison, que cette prétention vague et générale n'est pas fondée. En effet, les demandeurs ont eu l'occasion de faire des représentions écrites dans leurs demandes ERAR et l'agent ERAR était bien fondée de conclure qu'une audience ntait pas requise. En effet, le paragraphe 113b) de la Loi prévoit qu'une audience peut être tenue que si les facteurs réglementaires sont rencontrés. Ces facteurs apparaissant à l'article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227, indiquent que, pour qu'une audience soit tenue, il faut que la preuve révèle une question importante et cruciale eu égard à la crédibilité du demandeur. Ainsi, le droit à l'audition dans le cadre de la procédure ERAR existe en autant que la crédibilité est llément clé sur lequel l'agent fonde sa décision et que sans une conclusion déterminante concernant celle-ci, la décision n'aurait pas sa raison d'être. Or, tel n'était pas le cas en l'espèce. En effet, une étude attentive de la décision de l'agent démontre que la décision concernant la crédibilité ntait pas en soit déterminante lorsqu'on tient compte de l'ensemble des éléments considérés. L'agent ERAR n'a pas conclu à l'absence de crédibilité du demandeur mais plutôt que les risques allégués n'avait pas de fondement objectif à la lumière de la preuve documentaire et que les seuls risques qu'il pouvait encourir ne rencontraient pas les exigences de l'article 97 de la Loi.

[4]                Plusieurs raisons ont amené l'agent ERAR à conclure que les exigences de l'article 97 de la Loi n'étaient pas rencontrées. L'agent ERAR a d'abord constaté que, bien qu'il aurait été menacé par les autorités libanaises depuis 1996, le demandeur n'a quitté son pays qu'en mai 2000. Pourtant, il possédait un passeport valide depuis février 1997. Conséquemment, l'agent ERAR a conclu que ce délai à quitter allait à l'encontre de l'établissement d'une crainte subjective. Par ailleurs, l'agent ERAR a constaté que les risques allégués par le demandeur dans sa demande ERAR étaient les mêmes que ceux qu'il avait allégués dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) et lors des audiences tenues par la Commission.

[5]                L'agent ERAR a noté que le demandeur a soumis un seul élément de preuve nouveau dans le cadre de sa demande ERAR, soit un document émanant de la Direction générale des forces de sécurités intérieures. L'agent ERAR a constaté que ce document comportait des lacunes importantes qu'elle décrit de façon extensive dans ses notes. Malgré les doutes qu'elle avait concernant l'authenticité de ce document, l'agent ERAR a néanmoins examiné son contenu. Elle a déterminé que celui-ci n'était pas concluant. Elle a relevé notamment que le document indiquait seulement qu'une dépêche de l'armée avait été émise contre le demandeur, ce qui ne venait en rien confirmer l'allégation du demandeur selon laquelle un mandat d'arrestation avait été émis contre lui. Considérant l'ensemble des lacunes qu'elle avait relevées eu égard à ce document, l'agent ERAR ne lui a donc accordé aucune valeur probante. Les demandeurs ne m'ont pas convaincu que le défaut de l'agent ERAR de demander des explications concernant ledit document, dans les circonstances, soit suffisant en lui-même pour casser la décision et renvoyer l'affaire pour réexamen.


[6]                L'agent ERAR a de plus constaté que la preuve documentaire objective démontrait que le Hezbollah n'était plus une menace et que, si risques il devait y avoir à cet égard, le demandeur pourrait bénéficier de la protection des autorités libanaises. Par ailleurs, l'agent ERAR a conclu que, si le demandeur devait faire face à des accusations pour son implication dans PALS, organisme étant reconnu internationalement comme ayant commis des actes de terrorisme pendant plusieurs années, la sanction à laquelle il serait exposé ne pourrait pas être qualifiée de sanction illégitime ou de sanction appliquée au mépris des normes internationales. En effet, l'agent ERAR a conclu que la preuve documentaire révélait que les peines imposées pour avoir été membres de l'ALS ne vont pas à l'encontre de normes internationales. Les demandeurs prétendent que l'agent ERAR aurait erré en concluant que la sanction àlaquelle le demandeur serait exposé ne peut pas être qualifiée de sanction illégitime ou de sanction étant appliquée au mépris des normes internationales, ce qui contredirait les rapports préparés par Amnistie internationale. Cependant, il ressort des notes de l'agent ERAR qu'elle a pris en considération le rapport d'Amnistie internationale mais cela, à la lumière des précisions données dans le « UK Country Assessment : Lebanon 2001 » , pour arriver à sa conclusion. Cette conclusion était raisonnablement ouverte à l'agent ERAR.

[7]                Considérant les éléments de preuve devant elle, l'agent ERAR a également constaté que le demandeur bénéficiait de circonstances atténuantes et que ces circonstances seraient prises en considération lors de la détermination d'une sanction éventuelle en raison de son implication dans l'ALS. L'agent ERAR a également déterminé, toujours à la lumière de la preuve documentaire et des circonstances atténuantes pouvant jouer en faveur du demandeur, qu'il y avait une mince possibilité qu'il subisse une peine d'emprisonnement et qu'en faisant la balance des probabilités, il était peu probable qu'il subisse de la torture ou des mauvais traitement. Le caractère déraisonnable de cette conclusion n'a pas été démontré à la satisfaction de la Cour.


[8]                Compte tenu de tout ce qui précède, aucun des arguments présentés par les demandeurs ne démontre des motifs sérieux de croire que l'agent ERAR aurait erré en droit ou fondé sa décision sur des conclusions de faits erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait, et ne peut, par conséquent, justifier l'intervention cette Cour. En effet, tel que mentionné précédemment, l'agent ERAR a conclu, après avoir soupesé l'ensemble de la preuve devant elle, à l'absence de crainte subjective et objective du demandeur. L'agent ERAR a apprécié la valeur probante du seul document fourni par le demandeur, ce qui lui appartenait de faire. Elle a conclu qu'elle ne pouvait accorder aucun poids à ce document compte tenu des éléments douteux qu'elle a constatés. S'agissant donc ici fondamentalement d'une pure question d'appréciation des preuves, je dois conclure que les demandeurs n'ont pas réussi à repousser le lourd fardeau de démontrer que la décision de l'agent ERAR est manifestement déraisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                   « Luc Martineau »                  

                                                                                                                                                     Juge                                 


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       IMM-9199-03

INTITULÉ:                                       SEMMAN JOSEPH ABDOU ET AL. c. LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :               MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 20 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                    L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                     LE 21 MAI 2004

COMPARUTIONS:

ME VICKEN G. ARTINIAN                                              POUR LES DEMANDEURS

ME MARIE-CLAUDE DEMERS                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

ME VICKEN G. ARTINIAN                                              POUR LES DEMANDEURS

MONTRÉAL (QUÉBEC)

M. MORRIS ROSENBERG                                            POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                             


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