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     Date : 19980729

     Dossier : IMM-734-98

OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 29 juillet 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE F.J. MCDONALD

ENTRE :

     YANLING SU,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     " F.J. McDonald "

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     Date : 19980729

     Dossier : IMM-734-98

ENTRE :

     YANLING SU,

     Demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     Défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MCDONALD

[1]      Malgré les arguments convaincants de l'avocat du demandeur, je suis d'avis que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Voici les faits en cause en l'espèce : Une ordonnance rendue le 8 octobre 1997 a renvoyé la demande de résidence permanente du demandeur à une agente des visas. L'agente des visas a ouvert et examiné le dossier du demandeur. En examinant le dossier, elle s'est posée des questions qui, selon elle, justifiaient une entrevue personnelle. Ces questions sont énoncées dans son affidavit :

         [Traduction] Selon mon évaluation, j'ai conclu que le niveau d'études et la formation du demandeur pouvaient être sujets à caution. J'ai décidé que je devais confirmer s'il pouvait bel et bien être considéré comme qualifié pour exercer la profession qu'il entendait exercer au Canada. J'ai aussi conclu que les lettres de référence du demandeur étaient vagues et qu'elles n'établissaient pas qu'il possédait l'expérience qu'il a déclaré avoir acquise dans sa profession envisagée. J'ai décidé que je devais m'entretenir directement avec le demandeur de l'expérience professionnelle qu'il a déclaré posséder et confirmer si cette expérience pouvait être valable dans le marché du travail canadien.         
         Lors de mon évaluation, j'ai de plus conclu qu'il existait plusieurs incohérences entre les renseignements inscrits sur la demande officielle du demandeur et les renseignements donnés dans les documents qu'il a produits à l'appui. J'ai décidé que je devais clarifier ces incohérences - plus particulièrement celles qui ont une importance cruciale pour l'évaluation de ses compétences et de son expérience dans sa profession envisagée.         
         Enfin, j'ai décidé que je devais évaluer la connaissance que le demandeur a de l'anglais. L'agent du demandeur souligne - dans sa lettre du 6 janvier 1997 - " en ce qui concerne l'anglais de M. Su, je ne suis pas épaté outre mesure. Malgré les cours qu'il a suivis le jour, le soir et le dimanche, il n'est pas à l'aise lorsqu'il s'exprime en anglais, bien qu'il prétende comprendre a l'anglais parlé. Il est clair qu'il ne parle pas l'anglais couramment; quant à savoir s'il mériterait la cote " bien ", je n'en sais rien. "         

[2]      Une lettre datée du 17 octobre a été envoyée au demandeur pour lui demander de se présenter à une entrevue avec l'agente des visas le 19 novembre 1997. Le 10 novembre 1997, l'agent du demandeur a informé l'agente des visas que le demandeur ne serait pas en mesure de se présenter à l'entrevue fixée et lui a demandé de fixer une nouvelle date pour l'entrevue et d'accorder un plus long délai au demandeur. Il a été acquiescé à cette demande et une nouvelle entrevue a été fixée au 12 janvier 1998. L'agent du demandeur a demandé au directeur de programme de délivrer un permis ministériel pour qu'il soit plus facile pour le demandeur d'entrer à nouveau au Canada après l'entrevue. Il a également demandé au directeur de programme d'intervenir auprès des autorités chinoises pour faciliter l'obtention par le demandeur d'une prolongation de la période de validité de son passeport.

[3]      Le 9 janvier 1998, le demandeur a écrit à l'agente des visas pour l'aviser qu'il ne serait pas en mesure de se présenter à son entrevue personnelle le 12 janvier 1998 parce que le Consulat général de Chine refusait de renouveler son passeport sans une lettre du Consulat général du Canada attestant que sa demande de résidence permanente avait été approuvée. Cette lettre incluait plusieurs documents dont le demandeur demandait l'inclusion dans son dossier. Ces documents ont été examinés par l'agente des visas. Le consulat du Canada a refusé d'accéder à la demande du demandeur et une dernière évaluation du dossier a été effectuée. L'agente des visas a envoyé au demandeur une lettre datée du 23 janvier 1998 pour l'informer du rejet de sa demande de résidence permanente. Cette lettre disait :

         [Traduction]         
         Dans les instructions qui accompagnent les formulaires de demande établis par notre bureau, les demandeurs sont avisés qu'ils ont la responsabilité de prendre les arrangements nécessaires pour se présenter à une entrevue si cela s'avère nécessaire. Dans la lettre qui vous a convoqué à une entrevue dans nos bureaux le 12 janvier 1998, je vous ai à nouveau mis en garde en vous rappelant qu'il vous incombait de prendre les arrangements nécessaires pour vous y présenter. Je vous ai également expliqué comment demander le report de votre entrevue, dans un délai raisonnable avant l'entrevue, et je vous ai donné des instructions spécifiques sur la procédure à suivre pour transférer votre demande à un autre bureau où il vous serait possible de prendre des arrangements pour vous présenter.         
         Comme vous ne vous êtes pas présenté à votre entrevue et vous n'avez pris aucun arrangement pour faire reporter votre entrevue ou transférer votre dossier, l'évaluation prescrite par la loi n'a pas pu être effectuée. En conséquence, vous appartenez à la catégorie des personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi, que voici :         
              (2)      Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :                 
              d)      soit ne se conforment pas aux conditions prévues à la présente loi et à ses règlements ou aux mesures ou instructions qui en procèdent, soit ne peuvent le faire.                 

Le demandeur a demandé le contrôle judiciaire de cette décision.

[4]      La principale prétention du demandeur porte que le paragraphe 9(2) oblige l'agente des visas à procéder à une évaluation de sa demande. Étant donné que la demande du demandeur a été rejetée, il soutient qu'aucune évaluation de sa demande n'a été effectuée.

[5]      Je partage l'avis de l'avocat selon lequel le paragraphe 9(2) impose à l'agent d'immigration l'obligation d'évaluer une demande. Je suis toutefois convaincu qu'en l'espèce, la demande a bel et bien été évaluée (comme en témoignent les notes CAIPS) et qu'en procédant à l'évaluation, l'agente des visas a éprouvé des doutes. L'agente des visas a alors décidé, comme elle pouvait le faire, qu'il était impossible, sans entrevue, de déterminer s'il convenait de délivrer un visa d'immigrant. En fait, les agent des visas recommandent habituellement que les demandeurs se présentent à une entrevue. Comme l'a expliqué le juge Heald, dans les motifs de son ordonnance du 8 octobre 1997 en l'espèce, " À mon avis, le paragraphe 9(2) de la Loi exige clairement qu'un agent des visas évalue la demande selon son bien-fondé. Habituellement, la décision de l'agent des visas renferme une recommandation concernant la tenue d'une entrevue. "

[6]      L'article 22.1 du règlement est, selon moi, déterminant à cet égard. Il prévoit qu'un agent d'immigration peut exiger de tout demandeur qu'il subisse une entrevue " aux fins de l'examen de la demande ". Par conséquent, bien qu'un examen des documents doivent être effectué (c'est-à-dire un examen de la demande), si un agent décide au cours de l'évaluation qu'une entrevue est justifiée, le demandeur doit se présenter à l'entrevue car celle-ci fait partie de l'évaluation. La décision d'exiger que le demandeur subisse une entrevue fait partie du processus d'évaluation, à moins que ce pouvoir discrétionnaire soit exercé illégalement ou entravé que quelque manière. Si un demandeur n'est pas en mesure de se présenter à l'entrevue au bureau du consulat de son choix, ou ne peut faire transférer son dossier à un autre bureau, il ne se conforme pas à l'article 22.1 du règlement. Sa demande peut donc être rejetée par application de l'alinéa 19(2)d ) de la Loi.

[7]      À mon avis, une évaluation du dossier du demandeur a été effectuée et cette évaluation a révélé que la demande ne pouvait pas être approuvée sans une entrevue qui dissiperait certains doutes entretenus par l'agente. Il ressort clairement des notes CAIPS que les documents de la demande ont été examinés en profondeur (en fait, les arguments du demandeur portent uniquement sur la profondeur de l'examen). Compte tenu des faits et des éléments de preuve qui m'ont été communiqués, bien qu'il eût été possible qu'un autre agent tire une conclusion différente, il est clair que l'agente des visas n'a pas entravé son pouvoir discrétionnaire. Je ne suis pas convaincu non plus qu'elle l'a exercé illégalement. Rien n'indique que l'agent des visas n'a pas tenu compte de toutes les circonstances et du bien-fondé de la demande.

[8]      De plus, comme l'affirme l'intimé, le Consulat général n'a aucune obligation légale d'aider les demandeurs à obtenir l'autorisation voulue d'un État étranger pour lui permettre d'assister à une entrevue. Selon le paragraphe 22.1(3) du règlement, " L'entrevue ... est menée : a ) dans le cas d'une demande présentée à un bureau des visas, à ce bureau ou à tout autre lieu approprié indiqué par l'agent des visas. " Le demandeur a présenté sa demande à Buffalo. L'agent des visas lui a exposé la procédure à suivre pour faire transférer son dossier. Les autorités de l'Immigration n'ont pas à se préoccuper du fait que le demandeur est sans statut et qu'il choisit de continuer à résider au Canada sans statut et que le Consulat chinois refuse de renouveler son passeport. Le gouvernement canadien n'a aucune emprise sur les actes des gouvernements étrangers. Le demandeur aurait pu quitter le Canada lorsqu'il a perdu son statut. En fait, une demande de visa est habituellement présentée à partir de l'extérieur du pays.

[9]      Étant donné que le demandeur n'a pas pu se présenter à une entrevue comme l'exigeait la Loi, la décision de rejeter sa demande en vertu de l'alinéa 19(2)d) était juste. Je rejetterais donc la demande de contrôle judiciaire. Je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'un cas où l'agent des visas aurait accordé une attention minimale à la demande avant de décider de convoquer le demandeur à une entrevue. La demande du demandeur a été examinée en profondeur par l'agente des visas qui a décidé qu'une entrevue personnelle était justifiée. Une évaluation des documents de la demande a été effectuée : la demande ne pouvait pas suivre son cours sans que le demandeur se présente à une entrevue. Un autre agent des visas aurait pu tirer une conclusion différente en examinant les documents de la demande, mais l'agente des visas en cause a clairement exercé les fonctions que lui attribuent la Loi. Il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

[10]      L'avocat du demandeur a proposé que deux questions soient certifiées :

         [Traduction] 1) Le défaut d'un demandeur de se présenter à une entrevue porte-t-il atteinte à l'obligation légale de l'agent d'évaluer la demande?         
         2) Une politique exigeant que tous les demandeurs sans statut subissent une entrevue sans égard au bien-fondé réel de leur demande contrevient-elle à l'alinéa 3f) de la Loi?         

[11]      Compte tenu de mes motifs, il n'est pas nécessaire de certifier la première question, puisque j'ai conclu qu'une évaluation avait été effectuée. Cette question ne se pose donc pas dans le contexte de la présente instance. En ce qui a trait à la deuxième question, il est clair qu'elle est importante et, si des éléments de preuve laissaient croire à l'existence d'une telle politique, je la certifierais. Toutefois, aucune preuve indiquant que le Consulat général à Buffalo suit une politique exigeant que tous les demandeurs sans statut subissent une entrevue n'a été produite. Par conséquent, cette question ne se pose pas dans le contexte de la présente instance et ne peut être certifiée.

Ottawa (Ontario)      " F.J. McDonald "

29 juillet 1998                                  Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


                                                      COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
                                                      Date : 19980729
                                                      Dossier : IMM-734-98
                                                 ENTRE :
                                                      YANLING SU,
                                                      Demandeur,
                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                                      Défendeur.
                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-734-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          YANLING SU c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :          16 JUILLET 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE F.J. McDONALD

DATE DES MOTIFS :              29 JUILLET 1998

ONT COMPARU :

Me TIMOTHY LEAHY              POUR LE DEMANDEUR

Me SALLY THOMAS              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me TIMOTHY LEAHY              POUR LE DEMANDEUR

Me SALLY THOMAS     

Me Morris Rosenberg              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du canada


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