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                                                                                                                                  Date: 20000531

                                                                                                                     Dossier: IMM-1633-99

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

QUAZI ZAKEERUL HAQUE

                                                                                                                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER

[1]         Le demandeur est un revendicateur du statut de réfugié qui vient du Bangladesh et qui s'est enfui de son pays à cause de la violence politique qui y régnait. La section du statut de réfugié (la SSR) a conclu que la revendication n'était pas crédible en se fondant uniquement sur des invraisemblances. Il n'y avait pas de contradictions dans la preuve que le demandeur avait présentée. La conclusion selon laquelle le demandeur ne disait pas la vérité est uniquement fondée sur les opinions que la SSR avaient au sujet de la vie au Bangladesh, question au sujet de laquelle la SSR affirme avoir des connaissances spéciales.


[2]         Le demandeur vient d'une famille politiquement active. Son père s'est livré à des activités politiques pendant des dizaines d'années. Il a été emprisonné à titre de prisonnier politique sous le régime Ershad. Il a été président élu de l'union[1] de Shologhar de 1964 à 1984. Il a été remplacé par une autre personne qui devait un jour se retirer. Le demandeur avait songé à se porter candidat à ce poste. Il a adhéré au PNB en 1989 et a été actif au sein du parti jusqu'à ce qu'il quitte le pays. Il a été emprisonné et torturé à cause de ses activités politiques, mais il a persisté. Lors de l'élection du 12 juin 1996, il a été victime d'actes de violence lorsque des hommes de main de la Ligue Awami, sous la direction de Lebu Gazi, ont lancé une bombe incendiaire dans les bureaux du PNB et ont tiré des coups de feu. Au cours de l'attaque, deux collègues du demandeur ont été tués. Le demandeur s'est en vain plaint à la police. Les candidats du PNB ont été élus dans le secteur du demandeur, mais c'est la Ligue Awami qui a formé le gouvernement, ce qui a donné lieu à une campagne de harcèlement contre les partisans du PNB.

[3]         Dans son Formulaire de renseignements personnels, le demandeur a fourni à ce sujet des éléments de preuve qui étaient étayés par la preuve documentaire que son avocat a soumise à la SSR. Ces éléments de preuve tendaient à démontrer ce qui suit :


-            Dans les journaux du 17 juin 1996, on relatait qu'Abdul Hye, député de Munshiganj 4, avait dit que des activistes de la Ligue Awami attaquaient les chefs, les travailleurs et les partisans du PNB et qu'ils incendiaient leurs maisons. De fausses accusations étaient portées contre les dirigeants et les travailleurs du PNB.

-            Le 20 juillet 1996, on relatait que le secrétaire général du PNB, Abdulrahman, avait dit que des travailleurs du PNB avaient été attaqués à divers endroits, dont le district du demandeur.

-            Le 13 août 1996, on a relaté qu'Abdulrahman avait dit qu'à Munshiganj, soit le district du demandeur, plusieurs milliers de logements où habitaient des travailleurs du PNB avaient été incendiés par des activistes de la Ligue Awami.

-            Dans les journaux du 5 septembre 1996, on relatait qu'Abdul Hye et d'autres personnes avaient protesté contre l'arrestation des dirigeants du PNB à Munshiganj et qu'ils exigeaient qu'on mette ceux-ci en liberté.

-            Le 25 septembre 1996, on a fait un compte rendu de l'arrestation d'un autre représentant du PNB du district de Munshiganj. On y relate que ce représentant avait allégué que le gouvernement mettait sous garde des travailleurs et des dirigeants du PNB en vertu de l'article 54 et de la Special Powers Act[2].


[4]         Le demandeur a témoigné que le 15 août 1996, une bombe incendiaire avait été lancée sur sa maison et qu'un groupe d'hommes de main sous la direction dudit Lebu Gazi avaient tenté de le tuer. Le demandeur s'est enfui; il s'est rendu chez sa soeur, à Dhaka. De là, il a communiqué, le 17 août 1996, avec son frère qui s'est renseigné auprès de la police et qui a été informé que cette dernière ne ferait rien. Le 18 août, le demandeur a lui-même appelé la police depuis Chittagong; on lui a dit encore une fois de ne pas s'attendre à ce que la police l'aide. Le 25 août, le demandeur a appris que la police était à sa recherche pour l'arrêter en vertu de l'article 54 du Code de procédure criminelle. Le demandeur a déménagé un certain nombre de fois au Bangladesh, après avoir appris que la police était encore à sa recherche. Le demandeur et sa famille se sont finalement installés en Inde au mois d'août 1997, en espérant venir au Canada, mais le passeur n'a pas réussi à obtenir des documents pour tous les membres de la famille, de sorte que le demandeur a décidé de partir seul. Avant de partir, il est retourné voir sa famille au Bangladesh au mois de novembre 1997 afin de prendre des dispositions pour que sa conjointe puisse rester chez sa belle-soeur à Dhaka. Le demandeur a quitté Dhaka le 5 décembre 1997; il est finalement arrivé au Canada le 6 janvier 1998; il a revendiqué le statut de réfugié le 22 janvier 1998.


[5]         La SSR a conclu que la revendication du demandeur n'était pas crédible à cause de diverses invraisemblances. Il y avait entre autres une lettre envoyée au demandeur par un avocat, au Bangladesh, dont la SSR n'a pas tenu compte parce que l'avocat mentionnait l'article 54 sans citer la loi dans laquelle cette disposition figurait. De plus, la SSR a jugé invraisemblable le fait que le demandeur eût appelé la police pour demander si elle pouvait l'aider alors que cette dernière était à sa recherche. De fait, ce n'est que par la suite que le demandeur a appris que la police le cherchait. La SSR ne croyait pas que le profil du demandeur, en tant qu'activiste politique, était tel que les hommes de main de la Ligue Awami s'en prendraient à lui. Enfin, la SSR estimait que la crédibilité du demandeur était affaiblie du fait que celui-ci était retourné au Bangladesh afin d'y installer sa famille avant de venir au Canada.

[6]         Des gens raisonnables pourraient ne pas souscrire aux conclusions tirées par la SSR, en particulier en ce qui concerne son appréciation de la lettre de l'avocat. Toutefois, il incombe à la SSR d'apprécier la preuve; ses conclusions ne devraient être modifiées que si elles ne sont pas raisonnablement étayées par la preuve. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

La demande présentée à la suite de la décision rendue par la SSR le 11 mars 1999, dont les motifs sont datés du 9 mars 1999, est par les présentes rejetée.

      « J.D. Denis Pelletier »       

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-1633-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                QUAZI ZAKEERUL HAQUE c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 2 MARS 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 31 mai 2000

ONT COMPARU :

PIA ZAMBELLI                                               POUR LE DEMANDEUR

SIMON RUEL                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

PIA ZAMBELLI                                               POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]               Une union est une unité politique composée d'un groupe de villages ou de districts.

[2]               Dossier du tribunal, pages 824 à 828.

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