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Date : 19981120


Dossier : T-1721-98

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 20 NOVEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

     Action personnelle en matière d'amirauté contre

     UNISPEED GROUP INC.

ENTRE :

     ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD.,

     demanderesse,

     - et -

     UNISPEED GROUP INC.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

La requête par laquelle la défenderesse sollicite une ordonnance d'évaluation de ses dommages-intérêts est rejetée. Les frais suivront la cause.

                                 " MARC NADON "
                            
                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


Date : 19981120


Dossier : T-1721-98

     Action personnelle en matière d'amirauté contre

     UNISPEED GROUP INC.

ENTRE :

     ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD.,

     demanderesse,

     - et -

     UNISPEED GROUP INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]      Il s'agit d'une demande par laquelle la défenderesse Unispeed Group Inc. (Unispeed) sollicite une ordonnance d'évaluation de ses dommages-intérêts actuels et éventuels résultant de l'ordonnance rendue par le juge Dubé le 1er septembre 1998 dans laquelle ce dernier a accueilli la demande d'injonction interlocutoire présentée par la demanderesse contre Unispeed.

[2]      Pour les motifs qui suivent, je suis arrivé à la conclusion qu'il serait inopportun en ce moment de rendre l'ordonnance sollicitée par Unispeed.

[3]      Il convient de résumer brièvement les faits. Le 1er septembre 1998, la demanderesse a déposé une déclaration contre Unispeed. Dans ce document, la demanderesse, propriétaire du navire ALESSIA R, soutient qu'Unispeed, armateur-affréteur du navire de la demanderesse conformément à une charte-partie en date du 9 janvier 1998, a violé les conditions de cette entente en faisant défaut de payer le loyer d'affrètement. En conséquence, la demanderesse a retiré l'ALESSIA R à Unispeed.

[4]      La demanderesse soutient qu'Unispeed lui doit 546 596,91 $US. Elle déclare ensuite avoir l'intention de renvoyer son différend avec Unispeed à l'arbitrage et elle se réfère à l'article 45 de la charte-partie portant sur l'arbitrage au Canada des différends découlant de la charte-partie ou en relation avec celle-ci. La demanderesse s'en remet également aux articles 8 et 9 du Code d'arbitrage commercial, lequel constitue l'annexe de la Loi sur l'arbitrage commercial, L.C. 1985 (2e suppl.), ch. 17. Les articles 8 et 9 se lisent comme suit :



Article 8

Article 8


Arbitration Agreement and Substantive Claim before Court

Convention d'arbitrage et actions intentées quant au fond devant un tribunal


(1) A court before which an action is brought in a matter which is the subject of an arbitration agreement shall, if a party so requests not later than when submitting his first statement on the substance of the dispute, refer the parties to arbitration unless it finds that the agreement is null and void, inoperative or incapable of being performed.

1. Le tribunal saisi d'un différend sur une question faisant l'objet d'une convention d'arbitrage renverra les parties à l'arbitrage si l'une d'entre elles le demande au plus tard lorsqu'elle soumet ses premières conclusions quant au fond du différend, à moins qu'il ne constate que la convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être exécutée.


(2) Where an action referred to in paragraph (1) of this article has been brought, arbitral proceedings may nevertheless be commenced or continued, and an award may be made, while the issue is pending before the court.

2. Lorsque le tribunal est saisi d'une action visée au paragraphe 1 du présent article, la procédure arbitrale peut néanmoins être engagée ou poursuivie et une sentence peut être rendue en attendant que le tribunal ait statué.



Article 9

Article 9


Arbitration Agreement and Interim Measures by Court

Convention d'arbitrage et mesures provisoires prises par un tribunal


It is not incompatible with an arbitration agreement for a party to request, before or during arbitral proceedings, from a court an interim measure of protection and for a court to grant such measure.

La demande par une partie à un tribunal, avant ou pendant la procédure arbitrale, de mesures provisoires ou conservatoires et l'octroi de telles mesures par un tribunal ne sont pas incompatibles avec une convention d'arbitrage.

[5]      Dans la conclusion de sa déclaration, la demanderesse sollicite le redressement suivant :

             [TRADUCTION] ORDONNER la suspension de la présente action conformément à l'article 8 du Code d'arbitrage commercial et le renvoi à l'arbitrage de tous les différends entre Ordina et Unispeed qui résultent ou qui résulteront de la charte-partie;             
             DÉCLARER que toute ordonnance d'injonction interlocutoire décernée par la Cour constitue une mesure provisoire ou conservatoire conformément à l'article 9 du Code d'arbitrage commercial;             
             RÉSERVER les droits des parties de demander à la Cour de décerner une nouvelle ordonnance, soit une ordonnance d'homologation de toute sentence rendue par le tribunal d'arbitrage constitué aux fins d'entendre de tels différends;             
             RÉSERVER les droits des parties de demander à la Cour de décerner une nouvelle ordonnance, soit une ordonnance de mesures provisoires ou conservatoires, comme la Cour peut en autoriser;             
             Le tout avec dépens dans toutes les cours.             

[6]      Conformément à l'article 9 du Code d'arbitrage commercial, la demanderesse a sollicité une injonction interlocutoire contre Unispeed. Le 1er septembre 1998, le juge Dubé a fait droit à la demande et a ajourné l'affaire jusqu'au 14 septembre 1998, date à laquelle la Cour devait entendre les parties sur le renouvellement, la modification ou l'annulation de son ordonnance.

[7]      Le 14 septembre 1998, à Montréal, le juge Rouleau était saisi de l'affaire. Il a rendu l'ordonnance suivante :

             [TRADUCTION]      La Cour proroge Mareva jusqu'au lundi 21 septembre 1998. La défenderesse est tenue de présenter son affidavit au plus tard le jeudi 17 septembre 1998. Le souscripteur d'affidavit de la demanderesse et celui de la défenderesse doivent être disponibles au cours de la semaine du 21 septembre afin d'être contre-interrogés. Les contre-interrogatoires doivent être terminés d'ici le mercredi 23 septembre 1998.             
                  L'argumentation relative aux injonctions définitives ou interlocutoires sera entendue le 28 septembre 1998, si nécessaire.             
                  Les frais suivront l'issue de la cause.             

[8]      Le 17 septembre 1998, le juge McGillis a entendu deux requêtes urgentes présentées par des tierces parties dans le but de faire annuler ou de faire modifier l'injonction Mareva prononcée ex parte par le juge Dubé le 1er septembre 1998. Le même jour, le juge McGillis a modifié l'ordonnance du juge Dubé [TRADUCTION] " en vue de protéger les intérêts des tierces parties ".

[9]      Le 28 septembre 1998, j'ai rendu l'ordonnance qui suit :

             [TRADUCTION]      L'injonction Mareva décernée ex parte par le juge Dubé le 1er septembre 1998 n'est pas prorogée, parce que la demanderesse m'a informé qu'elle abandonnait sa requête en ce sens.             

[10]      Le 13 octobre 1998, j'ai suspendu l'instance conformément à l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et à l'article 8 du Code d'arbitrage commercial.

[11]      Unispeed prétend maintenant que, puisque l'instance est terminée, la Cour se doit d'ordonner l'évaluation des dommages-intérêts résultant de l'ordonnance rendue par le juge Dubé. À l'occasion de cette demande, Unispeed m'a renvoyé au paragraphe 8 de l'ordonnance du juge Dubé :

     [TRADUCTION] 8. Afin de couvrir les dommages-intérêts éventuels subis par Unispeed, Ordina [la demanderesse] s'est engagée à fournir caution sous forme d'un cautionnement de garantie, d'une lettre de garantie délivrée par une banque ou d'argent comptant au montant de 10 000 $, dans les dix jours.         

[12]      Les parties ne sont pas vraiment en désaccord au sujet des principes applicables. Elles m'ont toutes les deux renvoyé à Sharpe, Robert J., Injunctions and Specific Performance, 2e édition, Canada Law Book Inc., pages 2-28 à 2-34 et 2-52. À la page 2-28, paragraphe 2.470, l'auteur écrit :

     [TRADUCTION]      L'obligation du demandeur de prendre un engagement relatif aux dommages-intérêts est concomitante à la question de préjudice irréparable. Il est bien établi que, pour obtenir une injonction interlocutoire, le demandeur est tenu de s'engager à s'acquitter envers le défendeur des dommages-intérêts subis par ce dernier en raison de l'injonction, au cas où le demandeur perdrait au fond. Une telle obligation vise à protéger le défendeur du risque qu'on accorde une réparation avant de statuer sur les droits substantiels des parties. Si le défendeur a gain de cause au fond, l'injonction interlocutoire l'aura empêché d'agir conformément à ses droits. L'engagement relatif aux dommages-intérêts a pour effet de faire passer le risque, en tout ou en partie, à la partie qui sollicite la réparation préalable, soit le demandeur.         

[13]      En outre, les deux parties m'ont renvoyé à plusieurs décisions portant sur l'évaluation actuelle ou éventuelle des dommages-intérêts lorsque des injonctions interlocutoires ont été décernées pendant le litige. Il ressort clairement des précédents qui m'ont été soumis que, dans un telle hypothèse, il convient d'attendre que la Cour se soit prononcée sur le fond avant d'évaluer les dommages-intérêts du défendeur. La règle paraît être que la décision d'ordonner un examen des dommages-intérêts de la défenderesse est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès après que ce dernier s'est prononcé au fond.

[14]      Comme je viens juste de le mentionner, l'instance a été suspendue en vue de permettre aux parties d'entreprendre la procédure prévue par leur convention d'arbitrage. Cependant, on ne peut pas dire, à mon avis, que cette procédure soit terminée. Dans la déclaration, on entendait invoquer la compétence de la Cour relativement au différend entre les parties et solliciter l'autorisation de cette dernière afin d'entreprendre la procédure prévue par la convention d'arbitrage. Conformément à l'ordonnance que j'ai rendue le 13 octobre 1998, les parties peuvent maintenant entamer la procédure arbitrale et n'ont pas besoin de satisfaire aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106. C'est aux arbitres d'examiner le bien-fondé du différend, arbitres qui, au moment opportun, rendront une sentence. Si la sentence la favorise, la demanderesse pourra en solliciter l'homologation par la Cour et ainsi la rendre exécutoire contre Unispeed au Canada. La sentence pourrait, par contre, être défavorable à la demanderesse. Dans un cas ou dans l'autre, Unispeed pourra évidemment demander à la Cour une ordonnance d'évaluation de ses dommages-intérêts.

[15]      À mon avis, avant d'ordonner l'évaluation des dommages-intérêts d'Unispeed, le juge doit connaître le résultat du litige entre les parties. Cela lui permettra d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée. Autrement dit, il se doit de connaître tous les faits pertinents pour exercer son pouvoir discrétionnaire relativement à la demande d'Unispeed.

[16]      En conséquence, je suis d'avis que la demande d'Unispeed doit être rejetée. Les frais suivront l'issue de la cause.

Montréal (Québec)      " MARC NADON "

Le 20 novembre 1998      JUGE

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


Date : 19981120


Dossier : T-1721-98


Action personnelle en matière d'amirauté contre

UNISPEED GROUP INC.

ENTRE :

     ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD.,

     demanderesse,

     ET

     UNISPEED GROUP INC.,

     défenderesse.

    

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  T-1721-98

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :          ORDINA SHIPMANAGEMENT LTD.,

     demanderesse,

                         ET
                         UNISPEED GROUP INC.,

     défenderesse.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :          Le 13 octobre 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          LE JUGE NADON
DATE DES MOTIFS :              Le 20 novembre 1998

ONT COMPARU :

M. Peter G. Pamel                      pour la demanderesse
M. Andrew Ness                          pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McMASTER GERVAIS

Montréal (Québec)      pour la demanderesse

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK

Montréal (Québec)      pour la défenderesse

OGILVY RENAULT      pour la tierce partie

Montréal (Québec)      International Marine Services Inc.

BRISSET, BISHOP      pour la tierce partie

Montréal (Québec)      Almassa International Inc.

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