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Date : 20011129

Dossier : T-1254-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1313

ENTRE :

                              RICHARD HUDON

                                                                Demandeur

                                    et

                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                    

                                                                Défendeur

                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS :

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant à faire vérifier la légalité de la décision de la Section d'appel [ci-après la « Section d'appel » ] de la Commission nationale des libérations conditionnelles [ci-après la « CNLC » ] rendue le 12 juin 2000, par les commissaires M. Charbonneau et A. Bachand, selon laquelle la Section d'appel avait entériné la décision de la première instance.


REMARQUE PRÉLIMINAIRE

[2]                 Le défendeur demande qu'en application du paragraphe 303(2) des Règles de la Cour fédérale (1998), le Procureur général du Canada soit désigné comme partie défenderesse dans cette cause et non pas la CNLC; la demande a été acceptée et le Procureur général du Canada sera dorénavant désigné comme défendeur.

FAITS

[3]                 Le demandeur, M. Richard Hudon, a été condamné le 17 novembre 1994 à treize ans d'emprisonnement pour un complot d'importation de stupéfiants.

[4]                 Le demandeur est membre du groupe de motards des Hell's Angels.

[5]                 Le demandeur a été admissible à la semi-liberté depuis le 16 janvier 1997 et à la libération conditionnelle totale depuis le 18 mars 1999.

[6]                 Conséquemment, le 20 juillet 1999, le demandeur a été rencontré en audience par les commissaires P. Cadieux et G. Roussel.

[7]                 Durant cette audition, le demandeur a présenté un nouveau projet de sortie, soit de poursuivre un programme de formation de "briquelage". Donc, des nouvelles informations ont été demandées par la CNLC au Service Correctionnel du Canada [ci-après « SCC » ].

[8]                 Le 21 juillet et le 23 juillet 1999, il y eut transmission d'une note de service du SCC et des représentations du procureur du demandeur, respectivement, qui indiquaient que les informations demandées par la CNLC n'étaient pas disponibles.

[9]                 Le 28 juillet 1999, dans la Feuille de décision de la CNLC - processus prélibératoire, la CNLC a décidé qu'il y aurait lieu d'ajourner la décision jusqu'à la réception d'informations supplémentaires quant à la réalisation du nouveau projet de sortie du demandeur.

[10]            Ces renseignements supplémentaires furent transmis le 4 août 1999 par l'agent de gestion du cas du demandeur, Mme N. Desrosiers.

[11]            Le 15 septembre 1999, la CNLC avisa le demandeur qu'une nouvelle audition de son dossier avait été fixée pour le 30 septembre 1999.

[12]            Or, le 20 septembre 1999, le demandeur a reçu une lettre des commissaires Cadieux et Roussel indiquant que les renseignements supplémentaires en date du 4 août 1999 étaient insuffisants puisqu'il n'y avait pas de réponse précise quant à l'acceptation de la candidature du demandeur dans le programme de "briquelage".

[13]            Les commissaires ont alors demandé au SCC qu'on leur transmette d'autres précisions écrites, et entre temps, ont décidé de retirer la cause du demandeur du rôle d'audition du 30 septembre 1999.

[14]            Le 4 octobre 1999, la CNLC a reçu un nouveau rapport du SCC faisant état de l'impossibilité du demandeur de poursuivre sa formation de "briqueleur" dans le cadre d'une formation spécialisée.

[15]            Le 5 octobre 1999, la CNLC a alors avisé le demandeur qu'il serait rencontré à nouveau en audience devant les commissaires Cadieux et Roussel.

[16]            Le 8 décembre 1999, une nouvelle évaluation globale a été transmise par le SCC à la CNLC et le demandeur a encore changé son projet de sortie, cette fois vers le Nouveau-Brunswick.

[17]            Tel que promis, le 26 janvier 2000, le demandeur a été rencontré à nouveau en audience par les commissaires Cadieux et Roussel. La décision finale de la CNLC fut de refuser toute forme de libération conditionnelle au demandeur.

[18]            Le demandeur a porté cette décision en appel devant la Section d'appel devant les commissaires M. Charbonneau et A. Bachand alléguant une crainte raisonnable de partialité et une violation de l'obligation de communication de l'information pertinente avant la tenue de la deuxième audience.

[19]            Le 12 juin 2000, la Section d'appel a confirmé la décision de première instance et donc a rejeté l'appel du demandeur.

[20]            Par conséquent, le 14 juillet 2000, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire.

QUESTIONS EN LITIGE

[21]            1.          Le demandeur aurait-il dû soulever d'abord les allégations de violation des règles de justice naturelle (l'indépendance institutionnelle, la partialité et la divulgation) devant le tribunal de première instance? Si oui, est-ce que la présente demande de contrôle judiciaire doit échouer sans qu'il soit nécessaire d'aller plus loin?

2.          Y a-t-il une crainte raisonnable de partialité découlant de l'ingérence administrative?


3.          Y a-t-il eu violation de l'obligation de communication de l'information pertinente avant la tenue de la deuxième audience?

DÉCISION RECHERCHÉE

[22]            Le demandeur demande à cette Cour d'accueillir la présente demande de révision judiciaire et d'annuler la décision rendue le 12 juin 2000 par la Section d'appel.

ANALYSE

1.          Le demandeur, aurait-il dû soulever d'abord les allégations de violation des règles de justice naturelle devant le tribunal de première instance?

[23]            Oui, le demandeur aurait dû soulever les arguments de l'indépendance institutionnelle, de partialité et de divulgation devant le tribunal de première instance.


[24]            Le défendeur soumet qu'il est bien établi en droit que les questions de violation des règles de justice naturelle (l'indépendance institutionnelle, la partialité et la divulgation) doivent être soulevées devant le tribunal concerné. Selon lui, le tribunal qui entend l'affaire est mieux placé pour intervenir dès le début. En l'espèce par exemple, au sujet de l'allégation de partialité, le demandeur aurait pu demander à la CNLC de se récuser ou, en ce qui a trait à l'allégation d'un manque de divulgation, demander un délai pour que des informations lui soient communiquées. Plus précisément, en soulevant la question à la première occasion possible, le demandeur aurait alors démontré qu'il croyait réellement que sa cause avait été mise en péril.

[25]            Les questions d'indépendance institutionnelle, de partialité et de divulgation n'ont pas été soulevées pour la première fois devant les commissaires de première instance, mais plutôt en appel et maintenant en contrôle judiciaire. Le défendeur est d'avis que le demandeur, en ne soulevant pas ces arguments à la première occasion, a renoncé à ceux-ci. En effet, c'est exactement ce que la Section d'appel a conclu à la page 4 de sa décision :

Par ailleurs, à l'écoute de la reprise de l'audience du 26 janvier 2000, nous avons noté que votre procureur n'a pas cru bon de soumettre aux commissaires quelque argumentation concernant la prétendue violation des principes de justice naturelle dans le sens de celle qu'il a présentée à la Section d'appel.

[26]            Le défendeur fait référence à l'affaire Re Tribunal des Droits de la Personne et Énergie Atomique Canada Ltée, [1986] 1 C.F. 103 où le juge MacGuigan a énoncé à la page 113 :


Toutefois, même si l'on écarte cette renonciation expresse, toute la manière d'agir d'EACL devant le Tribunal constituait une renonciation implicite de toute affirmation d'une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal. La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion. En l'espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interrogé les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d'arguments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester l'indépendance de la Commission. Bref, elle a participé d'une manière complète à l'audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu'elle a implicitement renoncé à son droit de s'opposer.

(mon soulignement)

[27]            Dans l'affaire Zündel c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (re Congrès juif canadien), [1999] A.C.F. no 392, la juge Reed a suivi Re Tribunal des Droits de la Personne, supra en disant :

La décision rendue dans l'affaire In re tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada Limitée, [1986] 1 C.F. 103 (C.A.) (l'affaire EACL), est à mon avis déterminante.

[28]            De plus, le demandeur n'allègue pas de préjudice particulier résultant de la violation des règles de justice naturelle. Par exemple en ce qui concerne la divulgation, le défendeur remarque que le demandeur n'allègue pas qu'il a été pris par surprise ni qu'il a été empêché de répondre. Or, selon le défendeur, toute violation d'un principe de justice naturelledoit avoir un impact sur la décision finale pour que la Cour puisse intervenir. À ce sujet, le défendeur fait référence à l'affaire Lou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration), [2000] A.C.F. no 862 où la juge Tremblay-Lamer a dit:

[para 13] En outre, même si les règles de justice naturelle avaient effectivement été violées et même si l'avocat du demandeur s'étaient, en conséquence, objecté au dépôt de la nouvelle preuve, la violation doit, comme l'a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c. Canada-Newfoundland Offshore Petroleum Board [1994] 1 R.C.S. 202, que la Cour d'appel fédérale a appliqué dans Yassine c. Canada (MEI) (1995), 27 Imm L.R. (2d) 135 (C.A.F.), avoir une incidence sur la décision que le tribunal a finalement prise.


[29]            En somme, je pense que le demandeur aurait dû réagir à la prétendue violation des règles de justice naturelle dès "la première occasion", selon Re Tribunal des Droits de la Personne, supra, s'il croyait véritablement qu'il y avait eu une violation de ses droits. En procédant avec sa cause, le demandeur a renoncé à ces moyens. Ce premier motif doit donc être écarté.

2.        Y a-t-il une crainte raisonnable de partialité découlant de l'ingérence administrative?

[30]            Non, il n'existe pas de crainte raisonnable de partialité découlant de l'ingérence administrative.

[31]            Dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, le juge de Grandpré a énoncé le critère :


[para 40] [...] [L]a crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Ce critère consiste à se demander "à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question ... de façon réaliste et pratique?". Il n'y a pas de différence véritable entre les expressions que l'on retrouve dans la jurisprudence, qu'il s'agisse de "crainte raisonnable de partialité", "de soupçon raisonnable de partialité", ou "de réelle probabilité de partialité", mais les motifs de crainte doivent être sérieux. La question de la partialité ne peut être examinée de la même façon dans le cas d'un membre d'un tribunal judiciaire que dans le cas d'un membre d'un tribunal administratif que la loi autorise à exercer ses fonctions de façon discrétionnaire. Le principe fondamental est le même: la justice naturelle doit être respectée. En pratique cependant, il faut prendre en considération le caractère particulier du tribunal. De par la nature même de l'organisme, les membres de l'Office national de l'énergie doivent être expérimentés et compétents. Les considérations sur lesquelles se fondent ses activités sont d'ordre politique. Le principe fondamental régissant les questions de partialité doit s'appliquer à la lumière des circonstances en l'espèce.

[32]            Dans R. c. R.D.S., [1997] R.C.S. 484, paragraphe 112, le juge Cory a statué que pour déterminer s'il y a eu crainte raisonnable de partialité, il faut:

...une "réelle probabilité" de partialité, par opposition au "simple soupçon".

[33]            Je ne trouve pas qu'il y a des motifs de crainte sérieux ni une réelle probabilité de partialité en l'espèce tel que définis dans Committee for Justice and Liberty, supra. Des motifs de crainte sérieux ou une réelle probabilité de partialité serait par exemple : un commissaire qui aurait siégé non seulement en première instance mais aussi en appel dans le même dossier; ou un commissaire qui est rémunéré en fonction de la quantité des dossiers où il refuse la liberté conditionnelle; ou même un commissaire qui démontre un préjugé personnel envers les pénitenciers lors de l'audience. En l'espèce, le fait que l'audience a été ajournée pour qu'un examen du nouveau projet de sortie du demandeur soit accompli ne constitue pas une crainte fondée de partialité.

[34]            Selon l'affaire Desjardins c. Canada (National Parole Board), [1989] F.C.J. No. 910 (C.F. (1ère inst.)), la Cour ne devrait pas intervenir dans les décisions de la CNLC à moins que celles-ci soient manifestement déraisonnables :

In the case at bar, where imprisonment and privilege of parole are involved, I am of the view that the administrative decision must not be interfered with by this Court failing clear and unequivocal evidence that the decision is quite unfair and works a serious injustice on the inmate.


[35]            La Cour ne devrait pas intervenir en l'espèce, car contrairement à ce que prétend le demandeur, il n'y a aucune preuve de partialité en l'espèce. De plus, la décision de la Section d'appel ne rencontre pas le critère énoncé par le juge Pinard dans Desjardins, supra.

AJOURNEMENT DE LA DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE

[36]            Au sujet de l'ajournement, le demandeur reconnaît que la CNLC peut prendre en délibéré une décision suite à une audition et ce, en vertu du paragraphe 157(4) du Règlement dans le cas d'une demande pour semi-liberté et du paragraphe 158(4) du Règlement dans le cas de la liberté conditionnelle totale. Ces dispositions se

lisent comme suit:


157.(4) La Commission peut ajourner, pour une période d'au plus deux mois, l'examen visant une mise en semi-liberté lorsque, selon le cas, elle a besoin :

a)      de plus de renseignements pertinents;

b)      de plus de temps pour prendre une décision.

158.(4) La Commission peut ajourner, pour une période d'au plus deux mois, l'examen visant une libération conditionnelle totale lorsque, selon le cas, elle a besoin :

a)      de plus de renseignements pertinents;

b)      de plus de temps pour prendre une décision.

157.(4) The Board may adjourn a day parole review for a period of not more than two months where the Board requires

(a)     further information relevant to the review; or

(b)     further time to render a decision.

158.(4) The Board may adjourn a full parole review for a period of not more than two months where the Board requires

(a)     further information relevant to the review; or

(b)     further time to render a decision.


[37] En réalité, la cause du demandeur n'a pas été prise en délibéré après son audience. L'examen a simplement été remis pour que les vérifications quant à son projet de sortie soient faites. Il est raisonnable de croire qu'il fallait du temps pour faire les vérifications requises, car les commissaires ont trouvé que les renseignements au sujet du projet de sortie étaient insuffisants. Conséquemment, je ne trouve pas que la CNLC a fait preuve de partialité envers le demandeur. Je crois plutôt que ce dernier, en introduisant de nouvelles informations, a consenti de façon implicite à ce que les vérifications soient faites. Il aurait dû savoir que de telles vérifications causeraient nécessairement un retard dans son dossier.

[38] Il est évident que la CNLC va vouloir connaître les détails de tout nouveau projet de sortie avant de se prononcer sur la libération conditionnelle, car la CNLC veille à la protection de la société. La CNLC a le devoir de faire les vérifications nécessaires pour déterminer la validité du projet de sortie. Les commissaires Cadieux et Roussel, une fois satisfaits avec la vérification des nouveaux renseignements, allaient toujours reprendre l'audience.


[39] En somme, le demandeur, en introduisant un nouveau projet de sortie, a consenti implicitement à ce que des vérifications soient faites et qu'en conséquence la décision de la CNLC soit retardée. Compte tenu des circonstances en l'espèce, le demandeur n'a pas été victime de partialité causée par une ingérence administrative dans le processus décisionnel lorsqu'une nouvelle audience a été fixée pour le 30 septembre 1999.

[40] De plus, la Section d'appel a trouvé que le délai de 47 jours pour répondre aux renseignements et notamment à leur insuffisance, était normal compte tenu de la période estivale. À la page 4 de sa décision, la Section d'appel a statué :

Il n'y a rien de particulier au dossier qui nous permettre de répondre à cette question avec précision. L'on peut supposer que la période estivale, les vacances et autres raisons ont empêché les deux commissaires de reprendre conjointement le dossier car, c'était à eux, à personne d'autre de le faire, puisqu'ils étaient saisis du dossier.

[41] À mon avis, la Section d'appel a justifié le délai, mais le demandeur demeure toujours insatisfait. Le demandeur allègue que les commissaires Cadieux et Roussel ont été dessaisis de son dossier et que ceci est indiqué par le fait qu'il y a eu un délai de quarante-sept jours. Le demandeur a tort, car le délai n'est aucunement une indication que les commissaires Cadieux et Roussel avaient été dessaisis du dossier. La question du dessaisissement n'a aucun rapport dans la présente espèce.    Malheureusement pour le demandeur, il a simplement été victime du processus administratif en période de vacances, ce qui est compréhensible compte tenu de la période estivale, mais tout de même désagréable pour le demandeur.

3.        Y a-t-il eu violation de l'obligation de communication de l'information pertinente avant la tenue de la deuxième audience?

[42] Non, il n'y a pas eu violation de l'obligation de communication de l'information pertinente avant la tenue de la deuxième audience, car le demandeur a reçu une copie du rapport du SCC et donc il était au courant de son contenu.

[43] L'obligation de communication de l'information pertinente avant l'enquête se trouve à l'article 141 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition [ci-après la « Loi » ] reproduit ci-dessous :


141. (1) Au moins quinze jours avant la date fixée pour l'examen de son cas, la Commission fait parvenir au délinquant, dans la langue officielle de son choix, les documents contenant l'information pertinente, ou un résumé de celle-ci.

(2) La Commission fait parvenir le plus rapidement possible au délinquant l'information visée au paragraphe (1) qu'elle obtient dans les quinze jours qui précèdent l'examen, ou un résumé de celle-ci.    

141. (1) At least fifteen days before the day set for the review of the case of an offender, the Board shall provide or cause to be provided to the offender, in writing, in whichever of the two official languages of Canada is requested by the offender, the information that is to be considered in the review of the case or a summary of that information.

(2) Where information referred to in subsection (1) comes into the possession of the Board after the time prescribed in that subsection, that information or a summary of it shall be provided to the offender as soon as is practicable thereafter.


[44] D'après la législation, l'information pertinente ne doit pas être communiquée intégralement, un résumé étant suffisant. Le rapport du SCC intitulé Évaluation en vue d'une décision en date du 8 décembre, 1999 qui a été complété par Mme N. Desrosiers est un résumé au sens de la Loi. Voici les extraits pertinents du rapport du SCC :


[...] L'ÉGC se questionnait alors quant à la réelle motivation du sujet à orienter son projet de sortie vers le Nouveau-Brunswick, d'autant plus que son frère Dan, également membre des Hell's Angels, est reconnu pour y faire des "affaires" selon la Sûreté du Québec. Nous avons communiqué avec M. Louis Roger Gagné , gestionnaire des bandes criminalisées, en date du 99-12-08 et ce dernier nous signalait que d'après les informations dont il disposait en provenance des policiers du Nouveau-Brunswick, les Hell's Angels contrôlent actuellement toute cette région au niveau du trafic de stupéfiants. La venue de M. Richard Hudon serait perçue comme criminelles [sic] dans la région. Il nous fut d'ailleurs confirmé dans ce même entretien que le frère de Richard, Dan Hudon est très bien connu des policiers de cette région.

[...] Questionné à propos de l'information dont nous disposons, quant aux activités des Hell's Angels au Nouveau-Brunswick, il avance ne pas être au courant de leurs activités dans cette province. Nous émettons toutefois des réserves quant à ses propos considérant son affiliation à ceux-ci.

D'après un agent de la GRC au Nouveau-Brunswick avec lequel nous avons discuté en date du 99-12-08, le groupe criminalisé est actuellement en train de réorganiser tout son réseau dans ce secteur. Il nous confirmait également que Daniel Hudon serait vu fréquemment dans la région de même que certaines [sic] membres du groupe de motards Hell's Angels de Québec. Richard Hudon nous confirma que son frère Daniel prévoyait effectivement déménager au Nouveau-Brunswick dans un proche avenir.

[...]

À la lumière des informations dont nous disposons, le présent plan de sortie soulève certes un questionnement quant à la réelle motivation du sujet à poursuivre son cheminement dans la région de Nouveau-Brunswick. Selon la GRC, l'orientation du projet de sortie actuel de Richard Hudon au N-B ne serait pas étrangère aux activités criminelles des Hell's Angels dans la région. [...] Considérant les éléments mis à notre disposition, l'ÉGC se montre peu favorable au présent plan de sortie. D'une part, le sujet n'est pas en mesure de proposer un plan de sortie concret et basé sur des besoins précis. D'autre part, il est clair que les informations en provenance de la GRC soulèvent d'autant plus de doutes dans notre esprit quant à la probabilité qu'il s'implique à nouveau dans des activités illicites.


[45] Les faits dans l'affaire Normand c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] A.C.F. no 1628 (C.F. (1ère inst.) ressemblent énormément à ceux en l'espèce. Le requérant, M. Normand, a été incarcéré à l'établissement correctionnel Leclerc. Il a été reconnu coupable de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic, de possession de biens criminellement obtenus et d'avoir eu en sa possession une arme chargée non enregistrée. De plus, il était membre du groupe motards des Hell's Angels. Par rapport à la preuve et aux rapports soumis à la CNLC, le juge Noël a énoncé :

[25] Selon le requérant, la CNLC ne pouvait fonder sa décision sur sa connaissance propre des groupes de motards criminalisés ni sur la commune renommée que ces groupes ont acquise quant à leur comportement violent. Cette prétention se heurte d'une part au principe bien établi qu'un tribunal comme la CNLC est en droit d'utiliser l'expertise et les connaissances acquises par ses membres à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ainsi qu'à l'obligation qu'avait la CNLC d'utiliser toute l'information pertinente qui était à sa disposition pour en arriver à sa décision. À cet égard, la Cour suprême après s'être penchée sur le rôle premier de la CNLC dans l'affaire Mooring à énoncé ce qui suit :

Les facteurs prédominants que la Commission doit prendre en considération dans son évaluation du risque sont ceux qui concernent la protection de la société. L'intérêt primordial de la société l'emporte sur la protection de l'accusé visant à assurer la tenue d'un procès équitable et à préserver la considération dont jouit l'administration de la justice, laquelle protection joue un rôle si important dans l'application du par. 24(2). Dans l'évaluation du risque pour la société, l'accent est mis sur l'examen de tous les renseignements dûrs disponibles, pourvu que ceux-ci n'aient pas été obtenus irrégulièrement.

Il ressort tant de la structure et de la fonction fondamentales de la Commission que du libellé de la Loi habilitante qu'elle n'a ni l'aptitude ni la compétence pour écarter des éléments de preuve pertinents. Le texte de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition confère à la Commission un vaste mandat d'inclusion de renseignements. Non seulement elle n'est pas tenue d'appliquer les règles de preuve classiques, mais elle doit tenir compte de "toute l'information pertinente disponible". Il n'est fait mention d'aucun pouvoir d'appliquer des règles d'exclusion en matière de preuve. En fait, une telle disposition entrerait en conflit avec son obligation de prendre en considération "toute l'information pertinente disponible".


[46] Dans l'affaire Zarzour c. Canada, [2000] A.C.F. no 2070 (C.A.F.), l'intimé, M. Zarzour, était déjà en liberté conditionnelle mais a été à nouveau emprisonné pour avoir fait défaut de se présenter au Centre de détention de Montréal comme l'exigeaient les conditions de sa libération. Au sujet de la preuve, les juges Décary, Létourneau et Noël ont statué que le rôle de la Commission :

[...] est d'enquêter sur l'opportunité de remettre en liberté un individu condamné à l'emprisonnement et de s'assurer que, ce faisant, elle ne compromet pas l'objectif premier qui est d'assurer la protection de la société. Le passage suivant du juge Sopinka, extrait de la décision précitée aux pages 92 et 93, résume bien le rôle de la Commission et le mandat d'inclusion et non d'exclusion de la preuve:

En l'espèce, la Section d'appel de la Commission décrit ainsi sa fonction:

[TRADUCTION] Elle doit déterminer si le fait de garder [l'intimé] en liberté conditionnelle fait courir un risque indu à la société. Pour prendre cette décision, la Commission examine tous les renseignements dont elle dispose, dont toute information indiquant que l'intimé a repris ses activités criminelles. Cela s'applique peu importe que des accusations devant les tribunaux aient été retirées, suspendues ou rejetées.


[47] La CNLC devait consulter le rapport de la SCC pour accomplir son devoir envers la société. Le demandeur aurait pu demander un délai pour que des informations supplémentaires lui soient communiquées, mais il n'en a pas demandé. Les commissaires ont examiné le rapport du SCC comme ils devaient le faire. Il n'y a pas eu de violation de l'obligation de communication de l'information pertinente avant la tenue de la deuxième audience, car le demandeur était en possession d'une copie du rapport du SCC et donc, savait bien ce à quoi il avait à répondre (pièce A-10 du Dossier du demandeur). De plus, la qualité des renseignements contenus dans le rapport du SCC est indubitable, car ces renseignements ont été partiellement corroborés par le demandeur et non spécifiquement niés dans son affidavit. Le fait que lors de l'audition, il ait été question que son frère, membre des Hell's Angels, soit ou non impliqué dans du trafic d'armes du Nouveau-Brunswick n'est pas un élément déterminant dans la décision de la Commission.

[48] En conclusion, le demandeur ne m'a pas convaincu que la décision de la Section d'appel rendue le 12 juin 2000 était déraisonnable ou qu'elle n'avait pas respecté la Loi ou le Règlement ou encore les principes de justice naturelle.

                                           ORDONNANCE

[49] La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  

Pierre Blais                                          

Juge                       

OTTAWA, ONTARIO

Le 29 novembre 2001

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