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     Dossier : IMM-4471-97

Entre :

     DEVON ALWYN DE FREITAS,

     demandeur,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     Que la version ci-jointe de la transcription de la décision que j'ai rendue à l'audience, tenue à Winnipeg (Manitoba) le 26 octobre 1998, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                 F. C. Muldoon

                                         Juge

Ottawa (Ontario)

Le 12 novembre 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     Dossier : IMM-4471-97

     COUR FÉDÉRALE

     (SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE)

ENTRE :

     DEVON ALWYN DE FREITAS,

     demandeur,

     - et -

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

     Décision du 26 octobre 1998

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Par :

Arlene Graham

Sténographe judiciaire


     Audience tenue à la Cour fédérale, dans la salle d'audience no 1, 4e étage, 363, av. Broadway, Winnipeg (Manitoba), devant monsieur le juge F. Muldoon, le 26 octobre 1998 à 14 h.

COMPARUTIONS :

Pour le demandeur :              M e D. H. Davis

                     D'Arcy & Deacon

                     1200-330, av. St. Mary

                     Winnipeg (Man.)

Pour le défendeur :              M e T. Harwood-Jones

                     Ministère de la Justice

                     301-310, av. Broadway

                     Winnipeg (Man.)

     LA COUR : La Cour est prête à rendre sa décision. Il s'agit d'une affaire malheureuse du point de vue du demandeur qui, à cause de son immaturité d'adolescent, a fait des erreurs. Toutefois, il n'existe aucune disposition législative prévoyant que les erreurs de jeunesse sont toutes pardonnées. Le demandeur conteste au moyen d'une demande de contrôle judiciaire la décision orale en date du 15 octobre 1997 par laquelle l'arbitre Paul Tetrault a décidé que le demandeur n'était pas un résident permanent, et qu'il lui fallait donc prendre une mesure d'expulsion en vertu du paragraphe 32(6) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-28, que la Cour appelle la Loi. L'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été accordée le 5 août 1998. Le demandeur, Devon Alwyn De Freitas, est âgé de 28 ans et est un ressortissant de Saint-Vincent, petite île des Antilles située juste à l'ouest de la Barbade. Le demandeur est entré au Canada, en fait à Toronto où ses parents résidaient déjà, grâce à un visa de visiteur le 3 mars 1984. Son visa de visiteur a été prolongé jusqu'au 19 mars 1985. Le 5 février 1986, il a fait l'objet d'un rapport parce qu'il avait prolongé sans autorisation son séjour comme visiteur. Toutefois, sa mère a parrainé sa demande de résidence permanente et un décret a été pris en sa faveur le 28 novembre 1986. Ce décret lui permettait de demander la résidence permanente à partir du Canada. L'avis d'enquête a donc été retiré. Le 4 septembre 1987, sa soeur et son frère ont signé les documents leur accordant la résidence permanente au bureau du C.I.C. situé à Mississauga (Ontario). Le demandeur devait également participer à cette rencontre, ainsi qu'il est mentionné dans la déclaration solennelle de Mitsui Devra De Freitas, à la page 19 du dossier de la demande. Toutefois, le demandeur n'a pu être présent parce qu'il résidait dans un " Home For Boys " à ce moment-là, et le ministère de l'Immigration n'a jamais communiqué avec lui au sujet de la signature d'une fiche relative au droit d'établissement. Ce point n'est pas très clair. On doit supposer que quelqu'un a communiqué avec les enfants De Freitas ou leurs parents pour leur demander de passer signer les documents relatifs à la résidence permanente. Qu'est-ce qu'un " Home For Boys "? La Cour n'a guère le choix d'accepter que ce terme désigne un centre de détention pour adolescents où le demandeur a dû vivre en milieu fermé pendant douze mois. C'est ce que la soeur du demandeur, dont l'affidavit est déposé à l'appui de la demande de ce dernier, a dit, qu'il était dans un " Home For Boys " à ce moment-là. Le demandeur parle de démêlés avec la justice, c'est un autre euphémisme comme " Home For Boys ". Il veut dire qu'il a commis des infractions; tels sont ses démêlés avec la justice. Il a été reconnu coupable d'agression armée, de possession d'arme et de voies de fait causant des lésions corporelles par un tribunal pour adolescents à Toronto. C'est la raison pour laquelle il a vécu en détention. Sa condamnation a été prononcée, ainsi que le dossier l'indique, le 10 janvier 1985, ce qui explique pourquoi il a été détenu pendant douze mois à partir de cette date. S'il vivait en détention dans un " Home For Boys " le 4 septembre 1987, c'est peut-être parce qu'il a commis d'autres infractions après sa libération. Il a eu plusieurs démêlés avec la justice. Le 28 mars 1988, il a été reconnu coupable à l'égard de trois chefs de mise en circulation d'un document contrefait. Le 6 décembre 1990, il a été reconnu coupable de deux autres infractions et, le 31 janvier 1991, il a été reconnu coupable de voies de fait graves et de possession d'une arme dangereuse pour la paix publique. Ces dernières infractions font en sorte qu'il est une personne non admissible en vertu du sous-alinéa 19(1)c ) de la Loi; cette disposition prévoit que ne sont pas admissibles les personnes reconnues coupables au Canada d'infractions punissables d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans. Le demandeur est actuellement détenu à l'établissement de Stony Mountain, pénitencier situé au Manitoba. Une enquête de l'immigration visant le demandeur a été ouverte à Edmonton le 6 mars 1996 et a pris fin le 16 décembre 1996 vu la non-comparution du demandeur à cause de sa plus récente arrestation. L'enquête a par la suite été rouverte le 14 août 1997 à Winnipeg, puis ajournée jusqu'au 11 septembre et, finalement, jusqu'au 15 octobre 1997, date à laquelle l'arbitre Tetrault a rendu sa décision. Il convient aussi de faire remarquer que l'état du dossier d'immigration du demandeur est plutôt alambiqué et kafkaïen; ce sont des traces écrites qui sont kafkaïennes. Le 26 juin 1991, un certificat a été signé par le chef du Centre des demandes de renseignements, l'agent d'immigration Jean-Yves Prévost. Cet affidavit précise qu'on avait délivré au demandeur un permis de séjour pour étudiant. Le même jour, deux autres certificats ont été signés; ils indiquent que le demandeur n'avait pas été admis comme visiteur entre le 1er janvier 1980 et le 26 juin 1991, et n'avait pas obtenu le droit d'établissement. Toutefois, le 23 juillet 1996, le demandeur a reçu une réponse du Centre des demandes de renseignements situé à Hull. Le demandeur a appris qu'il n'avait jamais été un visiteur ou un étudiant inscrit, et en outre qu'il n'était pas un immigrant ayant reçu le droit d'établissement. Toutefois, il est précisé dans un autre certificat en date du 10 octobre 1997 et signé par Denis Bertrand que le demandeur n'était pas un immigrant ayant reçu le droit d'établissement pour la période du 5 février 1986 au 10 octobre 1997. Le 15 juillet 1996, M. Prévost a été mis au courant des certificats contradictoires qu'il avait signés et il a ouvert une enquête. Il a conclu que les recherches faites le 23 janvier 1996 étaient inexactes puisqu'elles avait été effectuées uniquement dans le Système de soutien des opérations des bureaux locaux, qu'il a appelé le SSOBL - comme si nous connaissions tous la signification de ce sigle sans savoir à quoi ces lettres faisaient référence -, et non dans les dossiers sur microfilms. Après avoir refait la recherche, M. Prévost a conclu, le 15 juillet 1996, que le demandeur n'était pas un visiteur, mais avait obtenu un permis de séjour comme étudiant du 22 mars 1984 au 19 mars 1985. Aucune autre prolongation n'avait été accordée. De plus, le demandeur n'avait pas reçu le droit d'établissement. Le SSOBL n'indique pas si un dossier est actif, archivé ou détruit, mais précise que le dossier portant le numéro 41336514 est un dossier du C.I.C. de Winnipeg et que le dossier portant le numéro 3296-1-68202 est un dossier du C.I.C. d'Etobicoke. Ce dernier dossier a été transféré au Centre des documents de Mississauga en juin 1990, de sorte que le C.I.C. d'Etobicoke ne l'avait pas en sa possession lorsque la demande a été faite en 1991. Il convient également de faire remarquer que ce dossier s'est vu attribuer un nouveau numéro, 3294-6-7500, lorsqu'il a été transféré à Mississauga. Les autres documents contenus dans le dossier ont été envoyés à l'avocat du demandeur en réponse à une demande d'accès à l'information, et il en ressort qu'aucune fiche relative au droit d'établissement n'a été préparée par le demandeur. Peut-être qu'on peut pardonner à la Cour d'avoir dit que ces traces écrites sont kafkaïennes. Au terme de l'audience qu'il a présidée le 15 août 1997, l'arbitre Tetrault a rendu une décision. Il a conclu que le demandeur n'était pas un résident permanent et il a pris une mesure d'expulsion en vertu du paragraphe 32(6) de la Loi. Les motifs de l'arbitre ont été versés au dossier, et il a certainement examiné la décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Dass c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui est publiée à [1996] 2 C.F. 410. L'arbitre avait des doutes à ce sujet et il a finalement rendu sa décision. Voici ce qu'il y affirme :

     [traduction] Je reconnais que quelques-unes de ces exigences ont été remplies, mais elles doivent toutes l'être, et cela n'a pas été fait dans votre cas. Le document ne vous a pas été délivré et, comme on le constate dans l'affaire Dass, aucun document n'avait été délivré dans cette affaire. Dans votre cas, aucun document semblable n'a été délivré, de sorte que la question de savoir si le document a oui ou non été effectivement préparé ne me paraît pas être le facteur le plus important. Vu ces remarques, je décide que vous n'êtes pas un résident permanent du Canada et, en ce qui concerne l'allégation, comme son bien-fondé est prouvé, je décide que vous êtes visé par l'alinéa 27(2)a) du fait de l'alinéa 19(1)c). Je dois donc ordonner votre expulsion du Canada, et j'ordonne par la présente que vous soyez expulsé.

Le demandeur prétend que l'arbitre a commis une erreur de droit en statuant qu'il n'était pas un résident permanent. Il affirme qu'il n'y a aucun empêchement prévu par la loi pour faciliter son admission au Canada à la suite de la prise du décret en novembre 1986. La décision dont le demandeur a fait l'objet en 1985 découlait de la Loi sur les jeunes contrevenants et, pour cette raison, elle n'est pas considérée comme l'équivalent des condamnations prononcées en vertu du Code criminel selon le guide de l'immigration (page 41 du dossier du demandeur). Par conséquent, l'arbitre a commis une erreur de droit en déclarant que le demandeur n'aurait pas pu obtenir le droit d'établissement parce que les condamnations prononcées contre lui le faisaient tomber dans une catégorie de personnes non admissibles. Évidemment, cela ne veut pas dire que le demandeur était un candidat parfait pour obtenir le droit d'établissement ou la résidence permanente au Canada parce qu'il était un contrevenant, parce qu'il avait contrevenu aux lois du Canada, même s'il ne pouvait pas être condamné sous le régime du Code criminel. Le demandeur soutient qu'il avait une attente légitime, soit que le ministère de l'Immigration ferait le nécessaire pour qu'un autre rendez-vous soit fixé afin de tenir compte de sa situation et de lui permettre de signer le document lui accordant la résidence permanente. Le demandeur soutient que le décret pris en novembre 1986 constitue une promesse du défendeur quant au traitement de sa demande de résidence permanente. Aucun empêchement prévu par la loi n'est invoqué pour empêcher le traitement de sa demande, de sorte que sa situation est conforme à la jurisprudence de la Cour fédérale sur cette question, et le demandeur a invoqué en particulier l'affaire Bendahmane c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, (1989) 8 Imm. L.R. (2d), à la page 20, ainsi que la décision rendue en 1979 par la Section de première instance de la Cour fédérale dans l'affaire Shankaran c. M.C.I., et l'affaire Attorney General of Hong Kong c. Ng Yuen Shiu [1983] 2 A.C. 629, décidée par le Comité judiciaire du Conseil privé. Le demandeur fait en outre valoir que les doutes que soulève son statut devraient être dissipés en sa faveur. Le demandeur soutient que le défendeur est responsable de la tenue du dossier d'immigration du demandeur, et son comportement à cet égard laisse beaucoup à désirer étant donné les renseignements contradictoires qui ont été fournis au sujet du statut du demandeur. Enfin, le demandeur affirme qu'il est injuste de tenir compte des condamnations prononcées contre lui par la suite parce que toutes les exigences nécessaires avaient été remplies relativement à l'octroi de la résidence permanente, sauf la délivrance et la signature du document. Le demandeur demande à la Cour de rendre une ordonnance de mandamus enjoignant au défendeur de mener une nouvelle enquête et de la confier à un autre arbitre, de manière à ce que soit rendue une décision sur le fond en fonction des faits tels qu'ils existaient le 4 septembre 1987, et il demande évidemment une ordonnance de certiorari et une ordonnance d'interdiction pour empêcher le Ministère d'exécuter la mesure de renvoi.

     Le défendeur soutient que les principes énoncés dans l'affaire Dass c. M.E.I., précitée, s'appliquent à l'espèce. Dans cette affaire, le juge Strayer a statué qu'on présume qu'une décision a été prise lorsqu'il en est officiellement donné avis aux parties concernées. La Cour ajoute qu'on ne peut pas demander le contrôle judiciaire d'une décision qui n'a jamais été communiquée aux parties concernées, et qu'il ne convient pas que la Cour passe à travers le dossier pour vérifier s'il a été satisfait à toutes les conditions applicables au droit d'établissement et que, par conséquent, il faut présumer que la décision d'accorder le droit d'établissement a été prise à ce moment-là. Le défendeur soutient que le C.I.C. n'a pas perdu le dossier d'immigration du demandeur. Le sort du dossier est dérisoire par rapport aux questions de fond en l'espèce et, de l'avis de la Cour, il importe peu qu'il ne se trouve pas dans un bureau ou qu'il ait été perdu ou détruit. Le défendeur soutient que l'arbitre n'est jamais parvenu à la conclusion qu'une condamnation prononcée contre un jeune contrevenant empêcherait celui-ci de présenter une demande de résidence permanente. L'arbitre a simplement déclaré qu'un agent d'immigration doit être convaincu qu'aucune condamnation n'a été prononcée contre un requérant. Bien sûr que c'est vrai et, effectivement, aucune condamnation n'avait été prononcée contre le demandeur le 4 septembre 1987, et c'est donc conforme au guide de l'immigration, qui n'est évidemment pas un texte de loi et qui ne lie pas la Cour, mais cette affirmation semble exacte. Il est précisé dans ce guide qu'en vertu de l'article 36 de la Loi sur les jeunes contrevenants, si un tribunal pour adolescents ordonne la libération inconditionnelle d'un adolescent, ou si toutes les décisions rendues à l'occasion de l'infraction, y compris une décision de détention, ont cessé de produire leurs effets, le jeune contrevenant est réputé ne jamais avoir été condamné. En revanche, la condamnation prononcée contre un jeune contrevenant qui comparaît devant un tribunal pour adultes est une condamnation au sens de la Loi sur l'immigration. Par conséquent, un agent d'immigration doit confirmer ou doit être saisi des faits relatifs à la question de savoir si l'adolescent a été jugé devant un tribunal pour adolescents, et soit a fait l'objet d'une libération inconditionnelle, soit a fini de purger sa peine, avant d'être convaincu que l'adolescent n'a pas fait l'objet de condamnations au sens de la Loi sur l'immigration. Dans chaque cas, c'est le demandeur qui a le fardeau de la preuve. Le défendeur conteste l'argument fondé sur l'attente légitime que le demandeur a invoqué. Aucun élément de preuve n'indique que le demandeur a déjà tenté de communiquer avec le C.I.C. pour faire modifier la date de son rendez-vous ou que le C.I.C. a refusé de traiter ses documents relatifs à la résidence permanente, ou encore que le demandeur a demandé une ordonnance de mandamus en 1987 ou en 1988 pour exiger que le C.I.C. complète le processus. Le C.I.C. n'a jamais dit au demandeur qu'il lui enverrait des documents, et comme il ne s'est jamais présenté pour examiner et signer ces documents, il ne pouvait pas s'attendre à ce que le C.I.C. lui délivrance la fiche relative au droit d'établissement. De plus, le fait que ça lui était tout simplement égal, qu'il semblait s'en contrebalancer ces années-là, ou qu'il était incapable d'agir parce qu'il était détenu, semblerait régler le cas de la théorie des attentes légitimes. Selon le défendeur, il n'existe en l'espèce aucune obligation de dissiper les doutes en faveur du demandeur, parce que le demandeur n'a pas comparu les mains nettes. Il a eu une conduite criminelle dans sa jeunesse, ou une conduite malfaisante, si l'emploi du mot " criminel " à l'égard d'un jeune contrevenant fait sourciller, et, depuis 1988, il a multiplié ses activités criminelles. Il a été l'artisan de son malheur. Le défendeur soutient en outre que la preuve par affidavit de l'agente principale Ingrid Pawlowsky contredit l'attente légitime qu'aurait eu le demandeur et selon laquelle il devrait avoir reçu le droit d'établissement. L'agente principale a rencontré le demandeur le 4 décembre 1991 à l'établissement de Stony Mountain pour vérifier son statut parce qu'il n'avait pas de fiche relative au droit d'établissement et qu'il avait été reconnu coupable d'une infraction criminelle grave. Il lui a dit qu'il avait décidé de cesser le traitement de sa demande de résidence permanente [traduction ] " parce qu'il s'était retrouvé dans le mauvais groupe ", et il est allé vivre à Edmonton pendant deux ans avant d'être reconnu coupable à Winnipeg le 31 janvier 1991 de voies de fait graves et de possession d'une arme dangereuse pour la paix publique.

     La Cour conclut que l'arbitre n'a pas commis d'erreur en concluant que le demandeur n'était pas un résident permanent, qu'il n'avait jamais obtenu la citoyenneté et que c'est la situation désespérée dans laquelle il s'est trouvé devant l'arbitre et devant la Cour. Un visiteur est quelqu'un qui cherche à entrer dans un pays ou qui y a déjà été admis dans un but temporaire. Pour être admis comme visiteur, il faut obtenir un visa de visiteur en présentant une demande en ce sens à une ambassade du Canada ou à un consulat canadien à l'extérieur du Canada. Toutefois, les ressortissants de certains pays sont exemptés de cette exigence. En l'espèce, le demandeur est entré au Canada muni d'un visa de visiteur qui a expiré le 19 mars 1985. Il a eu la chance de faire l'objet d'un décret, pris le 20 novembre 1986, qui lui permettait de demander la résidence permanente à partir du Canada. Le 4 septembre 1987, sa soeur et son frère ont signé les documents leur accordant la résidence permanente. Selon la soeur du demandeur, celui-ci était supposé être présent également, mais il faisait à ce moment-là l'objet d'une certaine forme de détention d'État dans un établissement appelé " Home For Boys ". L'affaire Dass est décisive à cet égard, surtout à la lumière du passage très bref dans lequel le juge Strayer affirme, et cette remarque s'applique tout particulièrement à l'espèce :

     Je ne puis non plus trouver dans la Loi aucune disposition visant une date limite au-delà de laquelle l'agent d'immigration devrait ne pas tenir compte d'un changement de circonstances. Il s'ensuit que tout nouveau fait, tel une condamnation pour un acte criminel grave, peut être pris en considération en tout temps jusqu'à ce que la décision visant l'octroi du droit d'établissement ait été effectivement prise et communiquée au requérant.

En l'espèce, il semblerait que le demandeur, qu'il ait volontairement décidé de ne pas se présenter le 4 septembre 1987 ou qu'il ait bon gré mal gré été incapable de le faire parce qu'il était détenu, comme l'a déclaré sa soeur dans son témoignage, a de toute façon abandonné, d'une manière ou d'une autre, sa demande relative au droit d'établissement, et n'avait donc certainement aucune attente légitime. Mais alors il y a la remarque suivante du juge Strayer : [traduction] " Après le changement de circonstances, après qu'il a été reconnu coupable d'infractions criminelles graves, il ne peut plus obtenir le droit d'établissement. " Tout ce que le décret a fait, c'est de permettre au demandeur de demander le droit d'établissement à partir du Canada. Il aurait pu le faire, et il l'a peut-être fait, mais il a préféré, ou il a été dans l'impossibilité de donner suite à cette demande à cause de sa propre inconduite; dans les faits, il l'a abandonnée. Par conséquent, il semble à la Cour que le demandeur n'a aucun motif de plainte légitime. Il est toujours très tragique de voir de jeunes gens, à cause de leur immaturité, poser des gestes stupides et se mettre dans le pétrin et perdre l'exercice de ce qui serait normalement des droits ordinaires, comme en l'espèce, puisque la demande de droit d'établissement a été abandonnée soit parce que le demandeur était, selon sa soeur, détenu dans un " Home For Boys ", soit parce qu'il avait décidé de ne pas y donner suite, selon ce qui ressort de son entrevue avec Mme Pawlowsky. Par la suite, il a commis des infractions criminelles graves et maintenant il ne peut plus obtenir le droit d'établissement et ne l'a jamais obtenu. Il faudrait que le Canada soit un peu imbécile pour accepter une personne comme le demandeur à titre d'immigrant reçu, statut qui lui permettrait peut-être un jour d'obtenir la citoyenneté. Il s'est avéré que le demandeur est une personne qui ne peut pas se soumettre aux lois du Canada, et au lieu de l'admettre au Canada et de l'incarcérer Dieu sait combien de fois, le Canada a le droit de lui dire : " Vous ne serez pas admis. Vous avez eu une chance, vous avez eu deux chances. Vous avez eu une chance comme jeune contrevenant et comme jeune adulte, et vous avez, dans les faits, été injuste envers le Canada. Si le Canada pouvait légitimement s'attendre à ce que vous ne troubliez pas l'ordre public et à ce que vous ayez une bonne conduite, vous avez manqué à cette attente légitime du Canada. " Bien que la Cour puisse compatir avec le demandeur, elle ne peut pas faire droit à sa demande de contrôle judiciaire, laquelle sera rejetée.

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :      IMM-4471-97

INTITULÉ :                          Devon Alwyn De Freitas c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 26 octobre 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE MULDOON

EN DATE DU :                      12 novembre 1998

COMPARUTIONS :

Davis Jones                          POUR LE DEMANDEUR

Tracey Harwood-Jones                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Davis                          POUR LE DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada              POUR LE DÉFENDEUR

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