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Date : 19990518


Dossier : IMM-637-98

ENTRE :


MARIA PIDASHEVA


Partie requérante


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE ET DE L"IMMIGRATION


Partie intimée

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision du 31 janvier 1998 de Citoyenneté et Immigration Canada. Par cette décision, un agent informait Maria Pidasheva que sa demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée était refusée pour le motif qu"elle ne satisfaisait pas au paragraphe 11. 401(f) du Règlement sur l"immigration, 1978 puisque son mari, Pavel Pidasheva, avait été déclaré coupable d"une infraction visée par l"alinéa 27(2)(d) de la Loi sur l"immigration.

[2]      Cette décision a donné lieu à une autre demande de contrôle judiciaire intentée par les requérants, Pavel et Ruslan Pidasheva, époux et fils de la requérante Maria Pidasheva, dans le dossier IMM-771-98. Toutefois, la présente décision ne vise que le dossier IMM-637-98 qui a été entendu consécutivement au dossier IMM-771-98.

FAITS

[3]      La requérante, Maria Pidasheva, née en 1947 en Ukraine, a revendiqué le statut de réfugié à son arrivé au Canada. Sa revendication a toutefois été refusée. Elle a ensuite déposé une demande de résidence permanente dans la catégorie d" "immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée" (DROC) qui aurait été acceptée en date du 30 août 1996.

Décision du 31 janvier 1998

[4]      La requérante a reçu une lettre en date du 31 janvier 1998 rejetant sa demande de résidence permanente au motif qu"elle ne satisfaisait pas au paragraphe 11.401(f) du Règlement sur l"immigration de 1978 qui prévoit qu"une personne ou les personnes à charge d"une personne faisant partie de la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi ne peuvent avoir été jugées coupables d"une infraction visée au paragraphe 27(2)(d) de la Loi sur l"immigration.

[5]      La lettre précise que le mari de la requérante a été déclaré coupable le 1er décembre 1997 d"une infraction à l"article 253(b) du Code criminel , et que par conséquent elle et les personnes à sa charge devront quitter le Canada.

REPRÉSENTATIONS

[6]      La requérante soumet les arguments suivants au soutient de sa demande en contrôle judiciaire. Elle allègue qu"on ne pouvait la forcer à inclure le nom de son mari dans sa demande de résidence permanente puisqu"ils sont séparés et qu"il a déposé sa propre demande; qu"elle aurait dû être entendue en ce qui concerne l"admissibilité de son mari; qu"une enquête aurait dû avoir lieu pour déterminer si son mari est visé par l"article 27(2)(d) de la Loi sur l"immigration; et que les dispositions du règlement contreviennent à l"article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et sont discriminatoires.

[7]      À l"audience, aucun argument n"a été présenté relativement à l"article 7 de la Charte. On a plutôt allégué l"injustice de refuser la résidence permanente à la requérante à cause d"une infraction criminelle de son ex-mari. On affirme que la requérante et son mari sont à présent divorcés, mais aucun document n"a été déposé au dossier pour attester que le divorce a été prononcé.

[8]      L"intimé soutient que le Règlement sur l"immigration de 1978 définit le conjoint comme une personne à charge et que l"agent, dans l"exercice de son pouvoir lié, n"avait d"autre choix que de rendre la décision en date du 31 janvier 1998. L"agent n"avait aucune discrétion dans l"exercice de ses fonctions.

[9]      L"intimé soumet aussi que l"application de l"alinéa 11.401(f) du Règlement est conforme à la politique d"unité de la famille et n"est pas discriminatoire. Selon l"intimé, il ne s"agit là que des conséquences d"une situation de faits. De plus, l"intimé soumet que l"article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés ne s"applique pas en l"espèce.

QUESTION EN LITIGE

[10]      La décision de Citoyenneté et Immigration Canada rendue le 31 janvier 1998 est-elle entachée d"une erreur quelconque justifiant l"intervention de cette Cour?

ANALYSE

[11]      La requérante allègue qu"elle n"aurait pas dû être obligée d"inscrire le nom de son mari dans sa demande de résidence permanente et qu"elle aurait dû être entendue en ce qui concerne l"inadmissibilité de son mari.

[12]      Les prétentions de la requérante ne semblent pas tenir compte de la réglementation d"application générale en vigueur en matière d"immigration. Selon l"article 11.401 du Règlement, un immigrant ou les personnes à charge d"un immigrant visé par une mesure de renvoi sont tenus de se conformer aux exigences relatives à l"établissement et ne peuvent avoir été déclarés coupables d"une infraction visée à l"article 27 de la Loi. Selon le paragraphe 2.(1) du Règlement sur l"immigration de 1978, une personne à charge comprend le conjoint qui désigne une personne de sexe opposée à laquelle la requérante est unie par les liens du mariage.

[13]      En l"espèce, il n"est pas pertinent qu"on ait forcé ou non la requérante à inclure le nom de son mari dans sa demande de résidence permanente, le conjoint de la requérante est automatiquement considéré "personne à charge" par l"effet de la loi qu"il soit ou non inscrit dans sa demande de résidence. L"effet juridique aurait été le même.

[14]      En ce qui concerne le droit d"être entendue concernant l"inadmissibilité de son mari, la requérante n"a soumis aucun argument permettant d"étayer ses prétentions. En fait, la requérante ne fait part à la Cour d"aucun argument pertinent qu"elle aurait souhaité soumettre concernant la décision rendue à son égard. Il appert en fait que l"application de la réglementation aux faits en l"espèce exigeait que l"agent rende une décision négative. Il ne bénéficiait d"aucun pouvoir discrétionnaire et toute soumission aurait été futile. En outre, la requérante n"a présenté aucun argument tendant à démontrer que l"agent a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve.

[15]      La requérante semble aussi prétendre, dans sa soumission écrite, que la réglementation en matière d"immigration portant sur le DROC sur laquelle se fonde la décision du 31 janvier 1997, enfreint l"article 7 de la Charte et est discriminatoire. Cette prétention est non fondée. Comme le souligne l"intimé, la décision rejetant une demande de résidence visée par le DROC n"est pas visée par l"application de l"article 7 de la Charte: Ponnampalam c. Canada (M.C.I.) , (C.F. 1re instance) (IMM-3644-95, 27 juin 1996) rapporté en anglais dans (1996) 117 F.T.R. 294. Le juge Rothstein faisait les remarques suivantes à cet égard, aux paragraphes 7- 11:

         L'article 11.401 pose des conditions de l'octroi du droit d'établissement, savoir que la personne a des documents de voyage ou d'identité, subit des examens médicaux, a occupé un emploi et n'a pas été déclarée coupable d'une infraction mentionnée dans la Loi sur l'immigration et que, bien entendu, elle doit présenter une demande dans les 120 jours après qu'elle est devenue un IMRED.                 
         Aucune de ces qualités ou exigences ne se rapporte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. Par exemple, il n'y a pas lieu à examen de la question de savoir si la requérante pourrait être persécutée dans l'éventualité de son renvoi du Canada. Cela étant, j'ai de la difficulté à voir comment le règlement prévoyant un délai fixe de présentation d'une demande et ne conférant à un agent d'immigration aucun pouvoir discrétionnaire pour proroger ce délai met en cause la protection prévue par la Charte et n'est pas conforme aux principes de justice fondamentale. En bref, bien qu'un requérant perde la possibilité de faire une demande d'établissement si aucune demande n'est déposée dans le délai de 120 jours, la perte de cette possibilité ne touche pas au droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne conféré à la requérante.                 
         L'avocat de la requérante soutient que si celle-ci ne peut demander le droit d'établissement, elle sera expulsée et cette expulsion met en cause son droit à la liberté. À supposer que l'expulsion mette effectivement en cause le droit à la liberté de la requérante, je ne crois pas que l'incapacité de demander le droit d'établissement sous le régime du règlement sur la catégorie des IMRED soit assimilable à l'expulsion. Il est vrai que la requérante peut être expulsée comme demandeuse du statut de réfugié déboutée de sa demande et sujette à renvoi, mais l'expulsion est une procédure distincte. Le processus conduisant à une mesure d'expulsion ou à l'exécution de celle-ci, et non la décision relative à la catégorie des IMRED à elle seule, peut faire entrer en jeu l'article 7 de la Charte.                 
         [...]                 
         Je conclus que le processus d'établissement sous le régime du règlement sur la catégorie des IMRED ne met pas en cause les droits que la requérante tient de la Charte, et qu'il n'existe donc aucun principe primordial de justice fondamentale qui confère à un agent d'immigration le pouvoir discrétionnaire de passer outre au délai de 120 jours prévu par l'alinéa 11.401a) du Règlement sur l'immigration pour la présentation de la demande d'établissement.                 

[16]      Quant aux allégations que les dispositions réglementaires relatives à la catégorie des immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée sont discriminatoires, le procureur de la requérante n"a soumis aucun argument permettant de soutenir sa thèse. D"ailleurs, comme le soumet l"intimé, ces dispositions reprennent les principes généraux de la Loi sur l"immigration et du Règlement sur l"immigration de 1978 concernant les demandes d"établissement et visant le principe de l"unité familiale.

CONCLUSION

[17]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

QUESTION À CERTIFIER

[18]      La demanderesse requiert la certification de la question suivante conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l"immigration, lequel prévoit :


83. (1) A judgment of the Federal Court-Trial Division on an application for judicial review with respect to any decision or order made, or any matter arising, under this Act or the rules or regulations thereunder may be appealed to the Federal Court of Appeal only if the Federal Court-Trial Division has at the time of rendering judgment certified that a serious question of general importance is involved and has stated that question.

83. (1) Le jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale rendu sur une demande de contrôle judiciaire relative à une décision ou ordonnance rendue, une mesure prise ou toute question soulevée dans le cadre de la présente loi ou de ses textes d'application " règlements ou règles " ne peut être porté en appel devant la Cour d'appel fédérale que si la Section de première instance certifie dans son jugement que l'affaire soulève une question grave de portée générale et énonce celle-ci.

[19]      Il ressort de la lecture même de ce paragraphe qu"une question ne doit être certifiée que s"il s"agit d"une question grave de portée générale.

[20]      Les questions dont la demanderesse a requis la certification sont :

         (TRADUCTION)

         La défenderesse a-t-elle l"obligation d"agir de façon équitable et de manière conforme aux principes de la justice fondamentale lorsqu"elle traite les demandes faites conformément aux dispositions réglementaires qui régissent la catégorie des immigrants visés par une M.R.E.F.?                 
         L"obligation générale de la défenderesse d"agir de façon équitable avec les demandeurs du statut de réfugié se poursuit-elle lorsque leur dossier fait l"objet d"une demande de contrôle judiciaire?                 

[21]      J"estime que ces questions ont été tranchées dans l"affirmative, en ce sens que la défenderesse a toujours l"obligation d"agir de façon équitable et de manière conforme aux principes de la justice fondamentale.

[22]      Dans la présente affaire, aucun élément de preuve n"indique que la demanderesse ait, à quelque moment, été privée de l"application des principes de la justice fondamentale.

[23]      Je ne vois aucune question grave de portée générale justifiant la certification.

[24]      Le défendeur a requis la certification de certaines questions. Étant donné que je conclus au rejet de la présente demande de contrôle judiciaire, j"estime qu"il n"est pas nécessaire de certifier ces questions.

                             "Max M. Teitelbaum"

                        

                                 J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 18 mai 1999

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