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Date : 20060407

Dossier : T‑1423‑05

Référence : 2006 CF 448

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM

 

 

ENTRE :

WANG SI HUAN

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée aux termes du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi), qui vise la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté canadienne présentée par la demanderesse en vertu des paragraphes 5(1) et 5(4) de la Loi. Le juge de la citoyenneté a statué que la demanderesse n’avait pas fourni suffisamment de preuve à l’égard de la condition de résidence prévue au paragraphe 5(1) de la Loi, étant donné que son dossier médical faisait état de longues périodes d’inactivité à des époques où la demanderesse affirmait se trouver au Canada.

 

[2]               La demanderesse, Wang Si Huan, est née en Chine le 16 avril 1976 et obtenu son droit d’établissement au Canada en avril 2000.

 

[3]               La demanderesse a demandé la citoyenneté le 20 février 2004.

 

[4]               Dans sa demande, la demanderesse affirme qu’elle a été absente du Canada pendant 234 jours au cours des quatre années précédant sa demande et qu’elle se trouvait donc au Canada pendant 1 167 jours. Le paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté exige 1 095 jours.

 

[5]               Le juge de la citoyenneté a examiné le dossier de la demanderesse et a statué qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve établissant sa présence physique au Canada.

 

[6]               Le juge de la citoyenneté s’appuie sur les périodes d’inactivité dont fait état le dossier de santé de la demanderesse en Ontario pour conclure qu’elle n’était pas physiquement présente pendant toute la période alléguée. Le juge de la citoyenneté a mentionné que [traduction] « le relevé des versements [effectués à la demanderesse] indique qu’au cours des neuf mois qui ont précédé votre grossesse, vous n’êtes allée qu’une seule fois allée voir un médecin et qu’il y a de longues périodes pendant lesquelles vous n’avez pas utilisé les services du ministère de la Santé et des Soins à long terme ».

 

[7]               Le juge de la citoyenneté a en outre constaté qu’aucun document n’avait été déposé en vue d’obtenir une recommandation favorable aux termes des paragraphes 5(3) ou 5(4) de la Loi et a donc décidé qu’une telle recommandation n’était pas justifiée.

 

[8]               La seule question en litige dans la présente demande est de savoir si le juge de la citoyenneté a mal interprété les faits et a, par conséquent, mal appliqué le critère juridique d’attribution de la citoyenneté.

 

[9]               J’estime que la décision du juge de la citoyenneté est raisonnable et ne devrait pas être modifiée par la Cour. La demanderesse invoque le critère exposé dans Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (1re inst.). Dans Pourghasemi, le juge Frank Muldoon a examiné le but recherché par l’analyse prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi dans les termes suivants :

 

Il est évident que l’alinéa 5(1)c) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d’acquérir, au préalable, la possibilité quotidienne de « se canadianiser ». Il l’a fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d’alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d’automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l’ascenseur, à l’église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple.

 

 

[10]           La demanderesse affirme qu’elle n’a été absente du Canada que pendant 250 jours au cours des quatre années ayant précédé sa demande. La jurisprudence, y compris Pourghasemi, précitée, et Koo (Re), [1993] A.C.F. no 1107 (1re inst.), exige cependant une présence physique importante au Canada, à savoir que le demandeur doit s’être « canadianisé », pour reprendre les termes du juge Muldoon.

 

[11]           Je suis convaincu que le juge de la citoyenneté a tenu compte de la présence physique importante de la demanderesse ainsi que des faits objectifs (son dossier médical) et en est arrivé à une décision raisonnable. La conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle il n’y avait pas suffisamment de preuve établissant la présence de la demanderesse au Canada est raisonnable – la demanderesse n’a pas réussi à établir qu’elle avait été physiquement présente au Canada pendant une période suffisamment longue. Ma consoeur Carolyn Layden‑Stevenson a précisé, dans Goudimenko c. Canada, [2002] A.C.F. no 581, au par. 13, la notion de présence en ayant recours à un critère à deux volets :

 

À la première étape, il faut décider au préalable si la résidence au Canada a été établie et à quel moment. Si la résidence n’a pas été établie, l’enquête s’arrête là. Si ce critère est respecté, la deuxième étape de l’enquête consiste à décider si le demandeur en cause a été résident pendant le nombre total de jours de résidence requis.

 

[12]           Compte tenu du critère exposé dans les décisions Pourghasemi, Goudimenko et Koo, précitées, la demanderesse doit démontrer qu’elle a été réellement physiquement présente au Canada, notamment pendant le nombre minimum de jours requis. Le juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse n’avait pas établi sa présence physique au Canada, en s’appuyant sur le dossier médical de la demanderesse, qui était volumineux et faisait état de multiples visites dans des bureaux de médecin pour des problèmes de santé récurrents. Il était raisonnable que le juge de la citoyenneté tienne compte des longues périodes pendant lesquelles la demanderesse n’avait pas demandé de soins médicaux au Canada aux fins de déterminer sa présence physique. La demanderesse, une personne souffrant de problèmes de santé, ne devrait pas avoir un dossier médical mentionnant qu’elle n’a reçu aucuns soins médicaux au Canada pendant de longues périodes et, par conséquent, la décision du juge de la citoyenneté est raisonnable, dans la mesure où il met en doute l’exactitude de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle se trouvait physiquement présente au Canada. Le juge de la citoyenneté n’a pas mal interprété les faits ou mal appliqué le critère formulé dans Pourghasemi; par conséquent, les conclusions du juge de la citoyenneté sont raisonnables.

 

[13]           Dans un appel relatif à la citoyenneté interjeté aux termes du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, la Cour ne peut modifier une conclusion si celle‑ci est raisonnable (voir, par exemple, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fu, 2004 CF 60, au par. 7). La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse doit donc être rejetée.

 

 


JUGEMENT

 

 

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Max Teitelbaum »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                          T‑1423‑05

 

 

INTITULÉ :                                                         WANG SI HUAN

                                                                              c.

                                                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                              ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 24 MARS 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                              LE JUGE TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 7 AVRIL 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Chaudhary

 

                  POUR LA DEMANDERESSE

Tamrat Gebeyehu

 

                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Chaudhary

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                  POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

                  POUR LE DÉFENDEUR

 

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