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Date : 20050622

Dossier : T-2108-03

Référence : 2005 CF 881

ENTRE :

M.K. PLASTICS CORPORATION

demanderesse

et

PLASTICAIR INC.

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE


(prononcés à l'audience à Toronto, le 21 juin 2005)


LE JUGE HUGESSEN

[1]               Il s'agit d'une requête en jugement sommaire formée par la défenderesse Plasticair sous le régime de la règle 213 des Règles de la Cour fédérale dans le cadre d'une action en contrefaçon de brevet.

[2]               Le litige qui oppose les deux parties concerne deux brevets. Le premier, qui porte le numéro 2 140 163 (le brevet 163), appartient à la demanderesse, et le second, qui porte le numéro 2 413 627 (le brevet 627 ou le Skyplume), appartient à la défenderesse. Le brevet de la défenderesse n'est pas directement en litige. Les deux brevets portent sur des systèmes d'échappement, conçus pour orienter les jets d'air nocif et de gaz d'échappement vers le haut et vers l'extérieur des bâtiments, tout en diluant tous polluants que pourraient contenir ces gaz.

[3]               Les deux parties ont produit des affidavits. Ceux-ci proposent des interprétations contradictoires des éléments essentiels des brevets 163 et 627. Seule la demanderesse a produit un affidavit établi par un expert indépendant qualifié, encore que le président et principal souscripteur d'affidavit de la défenderesse soit sans aucun doute une personne versée dans l'art dont relève l'invention. L'expert de la demanderesse soutient que les brevets considérés sont essentiellement les mêmes, et que le Skyplume contrefait le brevet 163. Le souscripteur d'affidavit de la défenderesse affirme quant à lui que les éléments essentiels de ces brevets sont différents (en particulier les buses), et que les brevets sont par conséquent différents.

[4]               La défenderesse/requérante soutient que le Skyplume ne contrefait pas le brevet 163, étant donné que la revendication no 1 de celui-ci, si l'on entend ses termes dans leur sens ordinaire, porte clairement que la buse Axijet (la buse du système d'échappement qui fait l'objet du brevet 163) doit avoir des conduits physiquement séparés ([TRADUCTION] « bifurqués » ). C'est là, fait-elle valoir, un élément essentiel qui distingue le brevet de la défenderesse du Skyplume. La défenderesse poursuit en faisant observer que la revendication du Skyplume ne fait pas état d'une buse bifurquée, mais plutôt d'un conduit unique.

[5]               La revendication pertinente du brevet 163 est ainsi formulée :

[TRADUCTION] Un dispositif d'aspiration consistant en un bâti étagé en deux parties, dont la partie inférieure comprend une enveloppe de ventilateur centrifuge à parois latérales parallèles; un arbre contenu dans cette enveloppe, dont le premier axe est perpendiculaire à la paroi latérale et sur lequel est fixée une roue; l'élément moteur de l'arbre; un dispositif d'admission placé dans le prolongement du premier axe sur une paroi latérale de l'enveloppe; un orifice d'échappement partant de la spirale du ventilateur; un premier organe tubulaire - le diffuseur - communiquant avec l'orifice d'échappement du ventilateur et un second organe tubulaire s'élevant à partir du premier, ce second organe étant bifurqué pour offrir au moins deux conduits, dont les axes, sensiblement parallèles entre eux, sont sensiblement perpendiculaires au premier axe et forment un plan parallèle à celui-ci.

[6]               La défenderesse soutient qu'un jugement sommaire peut être prononcé dans la présente espèce pour deux raisons. Premièrement, le souscripteur d'affidavit de la défenderesse fait valoir que la buse est un élément essentiel des deux brevets. Deuxièmement, il ajoute que les buses des deux brevets sont différentes, puisque celle de la demanderesse est bifurquée, et que celle de la défenderesse est un organe à conduit unique.

[7]               L'expert de la demanderesse soutient quant à lui que les deux brevets, si on les interprète correctement, se rapportent à la même invention. La demanderesse affirme que le brevet de la défenderesse est contrefait et atteint de nullité, étant donné la priorité du brevet 163. La demanderesse fait en outre valoir que les deux brevets comprennent les mêmes éléments : une partie inférieure où est logé un ventilateur centrifuge, une partie supérieure qui comprend un premier organe tubulaire appelé diffuseur et un second organe tubulaire appelé buse, et enfin un déflecteur fixé au sommet de la partie supérieure. La demanderesse soutient que, malgré les arguments de la défenderesse touchant la bifurcation de la buse Axijet, les éléments essentiels des deux brevets sont les mêmes et que le brevet de la défenderesse contrefait par conséquent le sien.

[8]               L'argument avancé par la défenderesse, fondé qu'il est sur le [TRADUCTION] « sens ordinaire » des termes du brevet de la demanderesse, n'est dépourvu ni d'attrait ni de plausibilité. C'est cependant une règle de droit bien connue qu'il faut lire un brevet du point de vue d'une personne versée dans l'art dont relève l'invention (ou d'une personne du métier) afin d'en distinguer les éléments essentiels. Dans une affaire telle que la présente, étant donné les lignes directrices formulées par la Cour suprême dans les arrêts connexes Free World Trust c. Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, et Whirlpool Corp. c. Maytag Corp., [2000] 2 R.C.S. 1067, il faut repérer les éléments essentiels de chacun des brevets et comparer ceux-ci en fonction de la preuve d'expert. Vu les éléments de preuve contradictoires, l'interprétation du brevet de la demanderesse qui fait l'objet du présent différend constitue, à mon sens, une véritable question litigieuse. Cette question ne peut, ni ne doit, être tranchée sur la seule base d'affidavits (voir MacNeil Estates c. Canada, 2004 CAF 50; et Trojan Technologies Inc. c. Suntec Environmental Inc., 2004 CAF 140).

[9]               En conséquence, la requête en jugement sommaire doit être rejetée.

« James K. Hugessen »

Juge

Ottawa (Ontario),

le 22 juin 2005

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2108-03

INTITULÉ :                                        M.K. PLASTICS COPRORATION

                                                                                                            demanderesse

                                                            et

                                                            PLASTICAIR INC.

                                                                                                            défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 21 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :     LE JUGE HUGESSEN

DATE DES MOTIFS :                        LE 22 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

YVES ROBILLARD                              POUR LA DEMANDERESSE

RICHARD B. JONES

TIFFANY V. LITTLE                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bélanger Sauvé

Montréal (Québec)                                 POUR LA DEMANDERESSE

Jones, Rogers LLP

Toronto (Ontario)                                   POUR LA DÉFENDERESSE

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