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Date : 20210809

Dossier : T-892-21

Référence : 2021 CF 830

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 9 août 2021

En présence de monsieur le juge A. D. Little

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

demandeur

 

et

 

BANQUE ROYALE DU CANADA

 

défenderesse

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Le demandeur, le ministre du Revenu national, a sollicité une ordonnance au titre des paragraphes 231.2(2) et (3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl), dans sa version modifiée (la LIR). La défenderesse est la Banque Royale du Canada (la RBC). L’ordonnance sollicitée vise à autoriser le ministre à envoyer une lettre exigeant de la défenderesse qu’elle fournisse le nom et l’adresse de certaines personnes non désignées nommément qui sont toutes titulaires de compte, signataires autorisées et détentrices d’une procuration associées à un compte bancaire précis (défini ci-après) détenu à une succursale de la RBC à Calgary (le ou les titulaires du compte).

[2] À la suite d’un échange de courriels contenant certains engagements de la part du ministre quant à la forme de la lettre exigeant de la RBC qu’elle fournisse les renseignements visés, les représentants de la RBC ont indiqué au ministre que celle-ci ne s’opposerait pas à la présente requête. Par conséquent, personne n’a comparu à l’audience pour le compte de la défenderesse.

[3] Le dossier de la requête comprenait un affidavit de Kim Lambert souscrit le 3 juin 2021, qui présentait les faits substantiels suivants.

[4] En 1997, un particulier contribuable (la contribuable) a accordé à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) l’autorisation de déposer tous les remboursements d’impôt et montants de crédit d’impôt, y compris les montants de crédit de taxe sur les produits et services (TPS) et d’Allocation canadienne pour enfants (ACE), dans un compte bancaire enregistré à la RBC (le compte). À partir de 1997, l’ARC a déposé tous les remboursements d’impôt et les montants de crédit de TPS et d’ACE de la contribuable dans le compte.

[5] En 2020, la contribuable a informé l’ARC que son remboursement d’impôt de 2019 était impayé (c.-à-d. qu’elle ne l’avait pas reçu). L’ARC a indiqué à la contribuable que le remboursement avait été déposé dans le compte. La contribuable n’a pas réussi à trouver le compte et n’avait pas souvenir d’avoir autorisé des dépôts dans le compte. La contribuable a communiqué avec la RBC au sujet du compte. La RBC a expliqué à la contribuable que le compte était actif, mais qu’il n’était pas à son nom, et qu’elle ne pouvait pas divulguer d’autres renseignements pour des raisons de confidentialité. L’ARC a ensuite versé de nouveau le remboursement d’impôt de 2019 de la contribuable et a pu rappeler le paiement du remboursement d’impôt de 2019 qui avait été versé dans le compte.

[6] Par la suite, la contribuable a communiqué avec l’ARC relativement aux montants de crédit de TPS et d’ACE versés entre 1997 et 2019 en l’informant qu’elle ne les avait pas reçus.

[7] Au terme de quelques communications additionnelles, au début de 2021, l’ARC a envoyé une demande péremptoire de renseignements à la RBC en vertu du paragraphe 231.2(1) de la LIR afin qu’elle lui fournisse des renseignements concernant les comptes détenus par la contribuable à la RBC depuis 1997 et qu’elle confirme si le compte en cause a déjà été associé à la contribuable (et dans l’affirmative, durant quelles années). Dans une lettre datée du 2 mars 2021, la RBC a répondu à l’ARC que le compte n’était pas associé à la contribuable et que celle-ci n’avait détenu aucun compte bancaire à l’institution depuis 1997.

[8] Dans son affidavit, Mme Lambert a également indiqué que, selon les dossiers de l’ARC, une dette avait été créée dans le compte d’ACE de la contribuable en 2011 en raison d’un changement à l’état matrimonial de celle-ci. L’ARC a versé un montant d’ACE en trop à la contribuable en 2011. Ce paiement en trop a été versé dans le compte. En 2016 ou par la suite, la contribuable a remboursé ce paiement en trop.

[9] Dans son affidavit, Mme Lambert a confirmé que l’ARC ne connaissait pas l’identité du ou des titulaires du compte pour la période de 1997 à aujourd’hui. Dans la présente requête, le ministre sollicite, au titre de la LIR, l’autorisation d’exiger de la RBC qu’elle lui divulgue le nom et l’adresse du ou des titulaires du compte pour cette période.

[10] Dans une lettre datée du 23 avril 2021, l’ARC a écrit à la RBC pour l’informer que le ministre avait l’intention de demander l’autorisation d’exiger la fourniture de renseignements en vertu du paragraphe 231.2(1) en obtenant une ordonnance au titre des paragraphes 231.2(2) et (3). Cette lettre contenait une ébauche de lettre présentant la demande péremptoire proposée (que j’appellerai la lettre de demande péremptoire). L’ARC a demandé à la RBC de lui faire part de sa position et/ou de lui donner son consentement à l’égard de la requête du ministre.

[11] Dans une lettre datée du 11 mai 2021, la RBC a répondu en proposant des modifications à l’ébauche de lettre de demande péremptoire. Le lendemain, l’ARC a accepté dans une lettre d’apporter les modifications. Le 3 juin 2021, la RBC a confirmé qu’elle ne prendrait pas position à l’égard de la requête, sous réserve des modifications proposées.

[12] L’article 231.2 de la LIR permet au ministre d’exiger d’une personne qu’elle fournisse des renseignements ou produise des documents, sous réserve de l’obtention d’une autorisation judiciaire à cette fin aux termes du paragraphe 231.2(3). Voici le libellé de l’article 231.2 :

231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenus ou une déclaration supplémentaire;

b) qu’elle produise des documents.

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque — appelé « tiers » au présent article — la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

(3) Sur requête du ministre, un juge de la Cour fédérale peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la fourniture de renseignements ou la production de documents prévues au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d’une personne non désignée nommément — appelée « groupe » au présent article —, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi[.]

[Non souligné dans l’original.]

[13] Dans sa requête présentée aux termes du paragraphe 231.2(3) dans le but d’obtenir l’autorisation d’exiger, au moyen de l’ébauche de lettre de demande péremptoire, que la RBC fournisse des renseignements, le ministre doit démontrer deux choses selon la LIR : a) la personne non désignée nommément ou le groupe de personnes non désignées nommément visés par l’exigence de production de renseignements du ministre est « identifiable »; et b) « la fourniture [...] est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la [LIR] » : Canada (Revenu national) c Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50 au para 5. Ces conditions prévues par la loi doivent être satisfaites : Roofmart Ontario Inc. c Canada (Revenu national), 2020 CAF 85 au para 2.

[14] Comme l’a souligné le demandeur, notre régime fiscal est un système d’autodéclaration et d’autocotisation dont le succès repose sur l’honnêteté et l’intégrité de tous les contribuables en ce qui a trait à la préparation de leurs déclarations. Pour assurer le respect de la LIR et la réalisation de ses objectifs, l’ARC doit disposer de vastes pouvoirs de vérification et d’examen des renseignements et des documents : R c McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 RCS 627 aux p 636-637 et 648; Canada (Revenu national) c Chambre immobilière du Grand Montréal, 2007 CAF 346 aux para 34 et 46-47; Roofmart, au para 55.

[15] Dans l’arrêt Roofmart, au paragraphe 55, le juge Rennie a indiqué ceci :

Le législateur a accordé au ministre des pouvoirs correspondants, afin de lui permettre de vérifier et d’évaluer le respect des obligations fiscales. Ces pouvoirs sont au cœur de la capacité du ministre à assurer le respect des lois fiscales. L’aspect de l’intérêt public au sens large en ce qui concerne le caractère exécutoire de notre système fiscal l’emporte sur les intérêts privés et commerciaux de l’appelante de ne pas divulguer les renseignements personnels de ses clients (eBay Canada Limited c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 141, au paragraphe 39 [arrêt eBay II]). La réponse de notre Cour, dans l’arrêt eBay I, à des arguments de principe concernant la protection de la vie privée des contribuables mérite d’être répétée en l’espèce (arrêt eBay I, au paragraphe 67) :

Sous un régime fiscal fondé sur l’autodéclaration, « [l]es attentes des contribuables en matière de protection de la vie privée demeurent très faibles en ce qui a trait à leurs registres commerciaux utiles à la détermination de leur assujettissement à l’impôt » [Redeemer Foundation c. Canada (Ministre du Revenu national), 2008 CSC 46, au paragraphe 25], et la mise en demeure de fournir des renseignements ou de produire des documents est « la méthode la moins envahissante pour contrôler efficacement le respect de la Loi » (R. c. McKinlay Transport Ltd. précité, à la page 649).

L’arrêt eBay I auquel le juge Rennie fait référence est l’arrêt Ebay Canada Limited c Canada (Revenu national), 2008 CAF 348.

[16] Je suis convaincu que les éléments de preuve présentés dans le cadre de la requête en l’espèce satisfont à la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)a) de la LIR. Le ou les titulaires du compte sont identifiables. La RBC tient des livres et registres contenant le nom et l’adresse des titulaires de compte, des signataires autorisés et des détenteurs de procuration associés à ses comptes. La RBC peut identifier et énumérer ces personnes pour le compte en cause. À la lumière de la preuve et des décisions de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale rendues dans l’affaire Canada (Revenu national) c Roofmart Ontario Inc., 2019 CF 506 aux para 10-11, conf par 2020 CAF 85 aux para 38-42, le ministre a satisfait à la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)a).

[17] Je me penche maintenant sur la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)b). Dans la décision Roofmart, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’au paragraphe 231.2(3), le législateur avait l’intention de permettre une vaste enquête, qualifiée de « recherche à l’aveuglette » dans l’arrêt Chambre immobilière du Grand Montréal, dans la mesure où les conditions prescrites par la loi sont satisfaites : Roofmart, au para 45; Chambre immobilière du Grand Montréal, aux para 21 et 45. Dans la seconde affaire, la juge Trudel a également déclaré que les paragraphes 231.2(2) et (3) « permettent, sous autorisation judiciaire, le contrôle fiscal de la sincérité d’une déclaration de revenus » (au para 44).

[18] Dans l’affaire Chambre immobilière du Grand Montréal, le ministre a demandé une ordonnance pour déterminer si des agents et des courtiers vivant dans une région donnée du Québec avaient dûment rempli leurs déclarations d’impôt et s’ils y avaient rapporté les commissions gagnées (au para 3). L’ARC avait reçu des documents de la Chambre lors de la vérification d’un agent immobilier. Quelques mois plus tard, elle a présenté une requête en autorisation judiciaire pour exiger de la Chambre qu’elle divulgue davantage de renseignements (au para 50). Selon la décision de la Cour fédérale, ces renseignements comprenaient une liste des membres de la Chambre, des renseignements d’identification concernant chaque membre et une liste des propriétés vendues par chacun d’eux sur une période de trois ans : Canada (Ministre du Revenu national) c Chambre immobilière du Grand Montréal, 2006 CF 1069 aux para 9-10. L’affidavit au soutien de la demande mentionnait expressément que l’objectif visé était de déterminer si les agents et les courtiers ayant gagné des commissions à la suite de la vente d’immeubles avaient respecté tous les devoirs et obligations prévus par la LIR. La Cour d’appel fédérale a conclu que cet élément de preuve satisfaisait aux conditions du paragraphe 231.2 (CAF, au para 50; CF, au para 6).

[19] Dans l’arrêt Roofmart, la Cour d’appel fédérale n’a pas modifié la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle le demandeur avait satisfait à la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)b). Le juge Rennie a indiqué qu’un témoin n’avait pas été en mesure d’expliquer précisément de quelle manière les renseignements obtenus grâce à l’autorisation serviraient effectivement à des fins de vérification. Renvoyant à la transcription du contre-interrogatoire de ce témoin, le juge Rennie a indiqué que le témoin avait donné une description générale des fins auxquelles les renseignements serviraient et que la Cour fédérale avait conclu que son témoignage était suffisant pour établir que les renseignements demandés contribueraient à déterminer si les personnes non désignées nommément avaient dûment produit leurs déclarations de revenus, avaient effectué leurs versements des retenues à la source, avaient versé la TPS/TVH, avaient déclaré la totalité du revenu provenant de la vente ou de la fourniture de matériaux de toiture ou avaient déclaré les montants des achats comme frais professionnels : 2020 CAF 85, au para 46, citant 2019 CF 506, au para 13. Le juge Rennie a conclu que les éléments de preuve présentés à la Cour fédérale étaient « suffisants pour établir le lien entre la demande et les objectifs de vérification du respect des obligations fiscales » : au para 47.

[20] À mon avis, en l’espèce, la preuve satisfait à la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)b).

[21] Sous la rubrique [traduction] « Objectif de la requête », Mme Lambert mentionne dans son affidavit, au paragraphe 26, que le ministre demande l’autorisation [traduction] « pour l’application et l’exécution » de la LIR, plus précisément pour déterminer si le ou les titulaires du compte sont associés à la contribuable, si une créance est due à la contribuable pour la période de 1997 à aujourd’hui, si le ou les titulaires du compte [traduction] « ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la LIR », et si des mesures de recouvrement peuvent être prises à l’endroit du ou des titulaires du compte. Dans son affidavit, Mme Lambert a donc suivi le libellé du paragraphe 231.2(1) et de l’alinéa 231.2(3)b) de la LIR, mais n’a établi aucun lien entre les faits qui y sont énoncés et l’objectif de vérification du respect des obligations fiscales nécessaire pour satisfaire à la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)b).

[22] Dans ses observations écrites concernant l’objectif de vérification du respect des obligations fiscales, le ministre a également suivi le libellé de la LIR et a fourni un peu de détails. Selon les observations, les renseignements demandés permettraient au ministre de déterminer si le ou les titulaires du compte ont respecté leurs devoirs et obligations prévus par la LIR, notamment si le ou les titulaires du compte sont associés à la contribuable et s’ils ont obtenu les autorisations nécessaires pour recevoir les montants déposés dans le compte au nom de la contribuable, ou si des mesures de recouvrement devraient être prises à leur endroit afin de récupérer les montants de crédit de TPS et d’ACE versés dans le compte.

[23] Dans ses observations écrites, le ministre n’a invoqué aucune disposition de la LIR qui prévoit un devoir ou une obligation dont le respect par le ou les titulaires du compte doit faire l’objet d’une vérification et a renvoyé à l’affidavit de Mme Lambert (au paragraphe 26). En réponse à une question posée lors de l’audience, le ministre a finalement mentionné les articles 160 et 160.1 de la LIR comme dispositions pertinentes, mais n’a pas présenté d’observations de fond ou n’a pas tenté de lier ces dispositions à un élément de preuve contenu dans l’affidavit de Mme Lambert.

[24] Je conclus que la preuve démontre que la demande péremptoire proposée en vue d’obtenir le nom et l’adresse du ou des titulaires du compte en cause à la RBC comporte deux objectifs différents. Le premier objectif se rapporte à la vérification du respect des obligations fiscales des titulaires du compte prévue à l’alinéa 231.2(3)b). Cet objectif découle du fait que des montants de crédit de TPS et d’ACE ont été versés dans le compte à partir de 1997, que la contribuable ne se souvient pas d’avoir autorisé les dépôts dans le compte, que la RBC a indiqué que la contribuable n’y avait détenu aucun compte depuis 1997 et que le compte n’est pas associé à la contribuable, que l’ARC a versé un paiement d’ACE en trop dans le compte en 2011 en raison d’un changement à l’état matrimonial de la contribuable, et que la contribuable a remboursé le paiement d’ACE en trop en 2016 ou par la suite. Ainsi, même si le compte n’est pas celui de la contribuable ou qu’il ne lui est pas associé, le versement d’un paiement en trop dans le compte a amené la contribuable à devoir rembourser cet argent à l’ARC. Compte tenu des vastes objectifs et pouvoirs de vérification du respect des obligations fiscales décrits dans la jurisprudence ci-dessus qui proviennent de la décision McKinlay de même que de la portée de l’exigence prévue par le libellé du paragraphe 231.2(1), la preuve démontre que l’ARC a pour objectif de vérifier si le ou les titulaires du compte ont respecté leurs devoirs et obligations prévus par la LIR en matière de production de déclarations de revenus.

[25] Le second objectif potentiel de la demande péremptoire proposée se trouve dans la lettre datée du 23 avril 2021 que l’ARC a envoyée à la RBC et dans les ébauches de lettre de demande péremptoire. Selon celles-ci, l’ARC exige les renseignements pour l’application et l’exécution de la LIR, et veut notamment déterminer si elle a une dette envers un contribuable donné. Dans la présente requête, le ministre a demandé à ce que l’ébauche de la lettre de demande péremptoire soit jointe à l’ordonnance de la Cour et que la Cour l’autorise à exiger de la RBC qu’elle fournisse des renseignements aux termes de cette lettre. La lettre prévoit essentiellement que le nom et l’adresse du ou des titulaires du compte sont [traduction] « demandés en vue de déterminer si l’Agence du revenu du Canada a une dette envers un particulier donné et sont exigés en vertu des vastes pouvoirs du ministre du Revenu national qui lui sont conférés par l’article 231.2 » de la LIR.

[26] Si l’ARC a une dette actuellement envers la contribuable, cela pourrait vouloir dire que le ou les titulaires du compte ont reçu des montants de crédit de TPS et d’ACE auxquels ils n’avaient pas droit depuis 1997 et qu’ils doivent les rembourser; cette situation semble être visée par l’exigence de fourniture de renseignements prévue au paragraphe 231.2(1) de la LIR. Cependant, ni l’affidavit à l’appui de la requête ni les observations du demandeur n’expliquent en quoi le fait de [traduction] « déterminer si l’ARC a une dette envers un particulier donné » aide le ministre à remplir la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)b), qui consiste à vérifier si le ou les titulaires du compte ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la LIR.

[27] À mon avis, la preuve relative au premier objectif ci-dessus remplit la condition prévue à l’alinéa 231.2(3)b) de la LIR, et la preuve relative au second objectif est équivoque en ce qui concerne cet alinéa.

[28] La Cour a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non l’ordonnance : Roofmart, aux para 56-57; Compagnie d’assurance vie RBC, au para 23. De plus, le libellé de la disposition liminaire au paragraphe 231.2(3) prévoit que la Cour peut rendre l’ordonnance « aux conditions [que le juge] estime indiquées ».

[29] J’ai examiné la preuve et les observations présentés dans le cadre de la présente requête, de même que le vaste objectif de collecte de renseignements de l’article 231.2 de la LIR, reconnu par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Roofmart et Chambre immobilière du Grand Montréal, la nature du témoignage à l’appui des conclusions selon lesquelles les ordonnances devaient être rendues dans ces affaires et la portée limitée des renseignements demandés à la RBC par le ministre. Plus précisément, bien que les éléments de preuve contenus dans l’affidavit à l’appui de la requête en l’espèce n’expliquent pas les objectifs de l’exigence de fourniture de renseignements de la même manière ou de façon aussi détaillée que les éléments de preuve dans les arrêts Roofmart et Chambre immobilière du Grand Montréal, le genre et la portée des renseignements demandés par le ministre en l’espèce ne sont pas les mêmes que dans ces affaires, où le ministre demandait des renseignements sur les transactions sur une période de plusieurs années ou des copies des documents personnels et professionnels de personnes non désignées nommément. Dans le cas présent, le ministre veut obtenir le nom et l’adresse de la ou des personnes non désignées nommément qui sont titulaires du compte.

[30] Dans les circonstances, je conclus que la preuve en l’espèce satisfait aux conditions de l’autorisation judiciaire prévues au paragraphe 231.2(3) de la LIR et que je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire d’accorder l’ordonnance. J’ajouterai une condition à l’ordonnance : l’ARC doit réviser la lettre de demande péremptoire à l’intention de la RBC pour retirer l’énoncé selon lequel les renseignements sont demandés pour déterminer [traduction] « si l’ARC a une dette envers un contribuable donné ».

[31] Enfin, comme je l’ai indiqué à l’avocate à l’audience, je ne crois pas que l’ordonnance de la Cour devrait autoriser une forme de lettre de demande péremptoire qui mentionne que des procédures seront engagées devant la Cour si le destinataire ne fournit pas les renseignements demandés. Dans le cas présent, l’ordonnance ne prescrira pas la forme de la demande péremptoire aux termes de l’article 231.2 (sauf pour ce qui est de la condition énoncée au paragraphe 30).


ORDONNANCE dans le dossier T-892-21

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête est accueillie.

  2. Le ministre est autorisé au titre de l’article 231.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu à envoyer une demande péremptoire à la Banque Royale du Canada pour qu’elle lui fournisse le nom et l’adresse du ou des titulaires du compte en cause, sous réserve de la condition énoncée au paragraphe 30 des présents motifs.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Andrew D. Little »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-892-21

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL c BANQUE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 juin 2021

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LITTLE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 août 2021

 

COMPARUTIONS :

Allene Kilpatrick

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Allene Kilpatrick

Rita Araujo

Procureure générale du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

 

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