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Date : 20210812

Dossier : T‑1513‑20

Référence : 2021 CF 839

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 août 2021

En présence de madame la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

PETER WILLIAM MUDIE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] M. Peter William Mudie a présenté une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse le 17 septembre 2018. Sa demande a initialement été rejetée au motif qu’il ne respectait pas le critère relatif à la résidence. Toutefois, elle a été envoyée au Bureau d’opérations internationales pour faire l’objet d’un examen plus approfondi afin de déterminer s’il remplissait les conditions relatives à la résidence prévues dans l’Accord entre le Canada et les États‑Unis sur la sécurité sociale.

[2] M. Mudie a donc reçu la confirmation qu’il était admissible à une pension; cependant, compte tenu de son lieu de résidence, il avait le choix de recevoir une pension dès qu’il remplirait les conditions ou de retarder le versement de sa pension afin d’obtenir un montant plus élevé.

[3] M. Mudie s’est opposé à la décision rendue concernant sa résidence ainsi qu’aux choix qui lui avaient été offerts. Il a donc présenté une demande de réexamen. Étant donné que Service Canada n’a pas rendu de décision de réexamen, M. Mudie a présenté une demande à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale [la division générale] pour obtenir un bref de mandamus. La division générale l’a informé que sa demande ne pouvait être acceptée étant donné qu’aucune décision de réexamen n’avait été rendue, et elle a fermé le dossier. M. Mudie a ensuite déposé un appel devant la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [la division d’appel].

[4] La division d’appel a d’abord souligné qu’il était nécessaire que M. Mudie obtienne une autorisation d’interjeter appel étant donné que la division générale n’avait pas rejeté la demande de façon sommaire au titre du paragraphe 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et de l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Elle a ensuite indiqué que l’autorisation d’appel doit être accordée, sauf si l’appel n’a aucune chance raisonnable d’être accueilli.

[5] Sur le fond de l’appel, la division d’appel a conclu que le refus de Service Canada de rendre une décision de réexamen constitue en soi une décision de réexamen qui confère à la division générale la compétence d’instruire l’affaire. Par conséquent, la division d’appel a conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis une erreur de compétence en refusant de se pencher sur la demande de M. Mudie, et elle a accordé à ce dernier l’autorisation d’interjeter appel.

[6] Même si l’appel aurait pu devenir théorique lorsque Service Canada a rendu sa décision de réexamen, la division d’appel a tenu compte des retards importants observés et a décidé que l’appel serait instruit.

[7] Toujours insatisfait, M. Mudie a demandé le contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel.

[8] Dans une requête en radiation de la demande, le procureur général du Canada [le PGC] soutient que la demande n’est pas pertinente en plus d’être redondante et théorique, et que, [traduction] « eu égard aux multiples autres procédures simultanées, son instruction constitue un abus des procédures judiciaires ». Le PGC demande également que l’intitulé soit modifié pour qu’il soit l’unique défendeur dans la demande.

[9] M. Mudie est d’avis que la requête du PGC devrait être rejetée. Il fait valoir que la requête est à première vue viciée et que les faits de l’espèce ne justifient pas un rejet sommaire de sa demande. Il affirme ce qui suit :

[traduction]

Le PGC laisse entendre qu’il y a eu abus de procédure parce que la présente demande a été intégrée à l’avis de demande de contrôle judiciaire de la décision définitive de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale qui est plus récent et qui a été déposé devant la Cour d’appel fédérale le 12 avril 2021.

La requête du PGC repose sur une preuve par affidavit, laquelle n’est généralement pas admissible à l’appui d’une requête en radiation.

La demande de contrôle judiciaire ne constitue pas un acte de procédure comme l’envisage l’article 221 des Règles des Cours fédérales.

La requête du PGC est prématurée parce que M. Mudie a déposé un avis d’appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale le 27 mars 2021 et que, sauf s’il existe des circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent pas s’adresser à la Cour fédérale avant d’avoir épuisé toutes les voies de recours adéquates prévues dans le processus administratif.

La demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique puisque la réparation recherchée est un contrôle de la décision par laquelle la division d’appel a rejeté la requête déposée par M. Mudie le 28 avril 2020. Ce dernier affirme que la division générale est saisie de l’affaire, mais pas la division d’appel. Il soutient que le litige à l’origine de la présente demande porte sur la question de son admissibilité à une pleine pension, laquelle question doit toujours être tranchée.

La demande de contrôle judiciaire soulève des questions d’intérêt public qui font en sorte qu’elle ne peut être radiée.

II. Analyse

[10] La compétence de la Cour fédérale pour radier un avis de demande découle de la compétence absolue qu’elle détient pour restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires (Canada (Revenu national) c Compagnie d’assurance vie RBC, 2013 CAF 50; Canada (Revenu national) c JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250 au para 48).

[11] Le critère à appliquer relativement à la radiation d’un acte de procédure consiste à déterminer s’il est évident et manifeste, compte tenu des faits allégués, que la demande n’a aucune possibilité raisonnable d’être accueillie. Le pouvoir de radier une demande constitue une « importante mesure de gouverne judiciaire essentielle à l’efficacité et à l’équité des procès » (R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 aux para 17 et 19).

[12] Pour déterminer si elle devrait exercer sa compétence pour radier la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle est théorique, la Cour doit tenir compte des décisions qui ont été rendues et des actions qui ont été intentées depuis que la décision faisant l’objet du contrôle a été rendue le 18 novembre 2020 :

Service Canada a rendu sa décision de réexamen le 11 décembre 2020.

Le 10 mars 2021, la division d’appel a rendu sa décision sur la question de savoir si une décision de réexamen était nécessaire pour conférer à la division générale la compétence d’instruire l’affaire. La division d’appel a conclu que l’appel était devenu théorique en raison de la décision de réexamen rendue par Service Canada et qu’elle n’avait aucune raison d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour examiner un appel théorique. Enfin, la division d’appel a rappelé à M. Mudie que l’échéance pour faire appel devant la division générale de la décision de réexamen du 11 décembre 2020 « approch[ait] à grands pas ».

Le 12 avril 2021, M. Mudie a déposé devant la Cour d’appel fédérale un avis de demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la division d’appel le 10 mars 2021 (dossier A‑105‑21).

[13] M. Mudie demande essentiellement à la Cour d’annuler une décision interlocutoire par laquelle il a obtenu l’autorisation d’aller de l’avant avec son appel au motif que la division d’appel n’a pas examiné tous les motifs qu’il avait soulevés dans son appel, notamment celui de son admissibilité à une pleine pension.

[14] M. Mudie a obtenu la réparation demandée, c’est‑à‑dire qu’il a obtenu l’autorisation d’interjeter appel et que Service Canada a rendu une décision de réexamen. Si cette décision de réexamen ne lui convenait pas, il pouvait demander réparation à la division générale.

[15] D’une part, une décision sur la demande de contrôle judiciaire en l’espèce n’aurait aucun effet pratique sur les droits de M. Mudie et donnerait lieu au dédoublement des procédures. D’autre part, la radiation de la demande de contrôle judiciaire ne signifierait pas que les questions soulevées par M. Mudie ne sont pas susceptibles de contrôle. La Cour d’appel fédérale est actuellement saisie de ces questions; elle se penchera sur la décision rendue par la division d’appel en ce qui concerne le fond de l’appel de M. Mudie.

[16] La Cour est d’avis que le fait d’autoriser l’instruction de la demande en l’espèce porterait atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice.

[17] Par conséquent, la demande sera radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier.


 

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête du défendeur est accueillie.

  2. L’intitulé est modifié de manière à ce que le procureur général du Canada soit désigné comme unique défendeur.

  3. La demande de contrôle judiciaire du demandeur est radiée dans son intégralité, sans autorisation de la modifier.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

en blanc

« Jocelyne Gagné »

en blanc

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Karine Lambert

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dossier :

T‑1513‑20

INTITULÉ :

PETER WILLIAM MUDIE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

DATE DES MOTIFS :

Le 12 août 2021

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Peter William Mudie

POUR LE DEMANDEUR

Hilary Perry

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Gatineau (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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