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                                                                                                                                     IMM-1730-96

 

 

E n t r e :

 

 

                                                       MALIK HAMID ZAMAN,

 

                                                                                                                                            requérant,

 

 

                                                                             et

 

 

                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE GIBSON

 

            Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 6 mai 1996 par un superviseur du Centre d'Immigration du Canada à Mississauga (Ontario). Voici l'essentiel de cette décision :

 

 

[TRADUCTION]

 

                La présente fait suite à la demande que vous avez présentée en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration en vue d'être dispensé de l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration afin de pouvoir faire examiner depuis le Canada votre demande de résidence permanente. La présente fait également suite à la décision du 19 février 1994 par laquelle vous avez obtenu une approbation de principe.

 

                En raison de renseignements qui ont été reçus ultérieurement, votre cas a été réexaminé attentivement. Par suite de cet examen, nous ne croyons plus que votre mariage soit authentique. La décision antérieure par laquelle vous avez obtenu une approbation de principe est en conséquence annulée et votre permis ministériel ne sera pas prorogé.

 

            Il convient de noter que la demande de contrôle judiciaire ne concerne que l'annulation de l'approbation de principe de faire examiner une demande d'établissement depuis le Canada et qu'elle ne vise pas la partie de la décision dans laquelle la prorogation du permis ministériel du requérant a été refusée.

 

            Le requérant est un citoyen du Pakistan. Il est arrivé au Canada en novembre 1991 et a revendiqué sans succès le statut de réfugié au sens de la Convention. Il a épousé une citoyenne canadienne en avril 1993. Le mois suivant, sa femme a déposé une demande de parrainage et le requérant a déposé une demande en vue d'obtenir la résidence permanente au Canada et en vue d'être dispensé de l'obligation de présenter, sauf dans des circonstances exceptionnelles, une telle demande depuis l'extérieur du Canada.

 

            Au début de janvier 1994, le requérant et sa femme ont été reçus en entrevue. Par suite de cette entrevue, on a conclu que le mariage du requérant et de sa femme était authentique, c'est-à-dire qu'il n'avait pas été conclu principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada. En conséquence, l'approbation de principe de demander le droit d'établissement à partir du Canada dont il a déjà été question a été accordée en février 1994. D'autres mesures ont été prises pour traiter la demande.

 

            Le requérant a obtenu un permis de travail et a lancé une entreprise à titre de conseiller en immigration. En raison de la nature de son entreprise et du fait que sa demande d'établissement était toujours à l'étude, il communiquait régulièrement avec des fonctionnaires d'Immigration Canada et de Ressources humaines Canada. En raison de ses échanges et d'autres communications, certains fonctionnaires du ministère de l'intimé ont commencé à avoir des doutes au sujet de l'authenticité du mariage du requérant. En conséquence, une visite non annoncée a été effectuée au domicile du requérant et de sa femme en décembre 1995. L'entrevue faite avec le requérant et son épouse et les observations faites au cours de cette visite ont confirmé les doutes des fonctionnaires qui effectuaient la visite. La décision à l'examen s'en est suivi.

 

            Les questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire peuvent être brièvement résumées comme suit : il y a d'abord la question de la valeur qu'il convient d'accorder à la preuve par affidavit contradictoire portant sur ce qui s'est passé au cours de la visite à domicile; en deuxième lieu, il y a la question de savoir si l'auteur de la décision a commis une erreur qui justifie un contrôle judiciaire en ne donnant pas au requérant la possibilité de répondre à des « éléments de preuve extrinsèques » sur lesquels l'auteur de la décision se serait fondé pour rendre la décision à l'examen; troisièmement, il y a la question de savoir s'il existe une crainte raisonnable de partialité de la part de l'auteur de la décision du fait du zèle excessif dont certains fonctionnaires du ministère de l'intimé auraient fait preuve en faisant leurs recherches.

 

            Le requérant a produit un affidavit à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire. À cet affidavit sont annexés deux autres affidavits : le premier a été souscrit par la femme du requérant et le second, par une entreprise cliente du requérant. Le juge Reed a formulé les commentaires suivants au sujet de cette façon de procéder dans le jugement 594872 Ontario Inc. et autre c. Ministre du Revenu national (no 2)[1], aux pages 219 et 220 :

 

 

                L'affidavit de Sebold qui est produit comme une pièce jointe à l'affidavit de Kimball a la même qualité que celle de toute autre pièce jointe à un affidavit. Il n'a pas la qualité indépendante d'un affidavit signifié dans les présentes procédures auquel le contre-interrogatoire prévu à la Règle 332.1 s'applique. L'avocat des requérants soutient que si l'intimée n'est nullement tenue de citer M. Sebold, une partie pourrait toujours alors protéger un souscripteur d'affidavit contre le contre-interrogatoire en mettant l'affidavit en preuve comme une pièce jointe à un affidavit purement formel qui ne dit rien et qui est signé par quelqu'un qui a une connaissance réelle minimale des points litigieux. J'estime que cet argument n'est pas convaincant. Si une telle pratique était adoptée, elle donnerait clairement lieu à un affidavit qui avait peu ou pas de poids.

 

            L'affidavit du requérant n'est pas « purement formel » et il a été souscrit par une personne qui connaît à fond les questions en litige dans la présente affaire. On ne peut donc pas dire que son affidavit a « peu ou pas de poids ». En revanche, le requérant a effectivement protégé contre le contre-interrogatoire les deux personnes qui ont souscrit les affidavits annexés à son affidavit. Dans ces conditions, je ne suis pas disposé à accorder à ces affidavits quelque valeur que ce soit dans la présente affaire. Ainsi, pour ce qui est de ce qui s'est produit lors des visites à domicile et de certains autres aspects de la présente affaire, la preuve par affidavit de l'intimé demeure essentiellement non contredite, à l'exception de quelques brefs paragraphes de l'affidavit du requérant.

 

            Dans l'arrêt Shah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[2], le juge Hugessen a donné les lignes directrices suivantes au sujet de la nature des décisions comme celle qui est à l'examen en l'espèce et de la mesure dans laquelle notre Cour peut les contrôler. Il a déclaré :

 

 

                Cette décision relève entièrement de son jugement et de son pouvoir discrétionnaire et la Loi ne confère aucun droit au requérant en ce qui a trait au dispositif de cette décision. Il s'agit donc d'une décision différente de bien d'autres, par exemple, de celle d'un agent des visas saisi d'une demande parrainée du droit d'établissement, qui est tenu d'appliquer certains critères qui sont établis par la Loi et qui confèrent certains droits au requérant qui y satisfait.

 

                En l'espèce, le requérant ne doit pas répondre à des allégations dont il faut lui donner avis; c'est plutôt à lui de convaincre la personne investie d'un pouvoir discrétionnaire qu'il doit recevoir un traitement exceptionnel et obtenir une dispense de l'application générale de la Loi. La tenue d'une audition et l'énoncé des motifs de la décision ne sont pas obligatoires. L'agente n'a pas l'obligation d'exposer au requérant les conclusions éventuelles qu'elle est susceptible de tirer des éléments dont elle dispose, ni même les éléments en apparence contradictoires qui sèment le doute dans son esprit. Si elle entend se fonder sur des éléments de preuve extrinsèques qui ne lui sont pas fournis par le requérant, elle doit bien sûr lui donner l'occasion d'y répondre. Toutefois, lorsqu'elle décèle l'existence d'éléments contradictoires, son omission de les porter expressément à l'attention du requérant peut avoir une incidence sur le poids qu'elle doit leur accorder par la suite, mais ne porte pas atteinte au caractère équitable de sa décision. 

 

            En l'espèce, l'auteur de la décision a attesté qu'il avait examiné un résumé de l'avis rédigé par une autre agente au sujet des raisons d'ordre humanitaire relatives au requérant et il a souscrit à l'opinion ou à la recommandation de cette agente, qui estimait que la demande présentée par le requérant en vue d'être dispensé de l'obligation de présenter sa demande d'établissement depuis l'extérieur du Canada devait être rejetée. Il a en conséquence rendu la décision à l'examen en l'espèce. Rien ne permet de conclure que l'auteur de la décision s'est fondé sur des éléments de preuve extrinsèques ou qu'il a par ailleurs commis une erreur qui justifierait le contrôle judiciaire de sa décision, compte tenu de l'extrait précité de l'arrêt Shah.

 

            Il n'y a aucun doute, à la lecture du dossier du tribunal administratif, que les fonctionnaires du ministère de l'intimé qui s'occupaient du traitement de la demande du requérant avaient de sérieux doutes au sujet de sa crédibilité et de sa moralité. Certains des commentaires qui figurent dans le dossier du tribunal administratif sont loin d'être professionnels. Malgré cela, le requérant n'a pas réussi à me convaincre que le dossier de la présente affaire justifie une crainte raisonnable de partialité de la part de l'auteur de la décision. Dans le jugement Pillay c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[3], le juge Denault écrit, aux pages 153 et 154 :

 

 

                À mon avis, il ressort de la preuve qu'une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique croirait selon toute vraisemblance que l'agent d'immigration prendrait une décision juste. En l'espèce, lorsque les entrevues ont eu lieu, il y avait des éléments de preuve qu'il s'agissait d'un mariage de convenance mais la requérante a eu l'occasion de répondre aux allégations. Je ne constate aucune crainte raisonnable de partialité.

 

            Je suis convaincu qu'on peut dire précisément la même chose en l'espèce en ce qui concerne les entrevues qui ont été menées et les observations qui ont été faites au cours de la visite à domicile.

 

            Par conséquent, vu l'analyse qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni l'un ni l'autre des avocats n'a recommandé la certification d'une question. Aucune question ne sera donc certifiée.

 

 

          « Frederick E. Gibson »       

Juge

 

 

 

 

Toronto (Ontario)

Le 16 mai 1997

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                                 

 

François Blais, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-1730-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :MALIK HAMID ZAMAN

 

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :14 MAI 1997

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge McKeown le 16 mai 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Mendel M. Greenpour le requérant

 

 

Me Bridget A. O'Learypour l'intimé

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Mendel M. Greenpour le requérant

Green & Spiegel

avocats et procureurs

121, rue King Ouest

Toronto (Ontario)

M5H 3T9

 

 

Me George Thomsonpour l'intimé

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

 

                                                                                                              No du greffe : IMM-1730-96

 

 

 

E n t r e :

 

 

MALIK HAMID ZAMAN,

 

                                                                                                                                            requérant,

 

et

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE



    [1](1992), 55 F.T.R. 215 (C.F. 1re inst.).

    [2](1994), 170 N.R. 238 (C.A.F.).

    [3](1993), 22 Imm. L.R. (2d) 146 (C.F. 1re inst.).

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