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Date : 19990913


Dossier : IMM-5615-98


ENTRE :



MOHAMMAD EMRAN HUSAIN,


demandeur,


et


LE MINISTRE,


défendeur.



MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision, datée du 4 août 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demandeur a soulevé deux questions litigieuses :

     a)      La Commission a-t-elle commis une erreur de droit et une erreur de fait lorsqu"elle a conclu qu"il n"était pas crédible?
     b)      La Commission a-t-elle tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle a convenablement été saisie?

LES ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[3]      Le demandeur soutient que la prédominance de la violence dans la vie politique du Bangladesh ne saurait ternir l"image de tous les individus qui y prennent part. La Commission a agi de façon déraisonnable lorsqu"elle a douté de sa crédibilité sur le seul fondement de généralités tirées de la preuve documentaire, rendant ainsi sa revendication non plausible.

[4]      Le demandeur fait valoir que même s"il a omis de fournir, outre une lettre signée par le secrétaire général du BNP datée du 5 janvier 1998, des documents concernant sa carrière politique, sa revendication peut être accueillie sur le seul fondement de son témoignage, et on ne s"attend pas à ce qu"il présente nécessairement de la preuve documentaire pour étayer sa revendication.

[5]      Il avance, d"une part, que l"analyse de la Commission n"étaye pas la conclusion qu"elle a tirée selon laquelle il n"était pas crédible et, d"autre part, que cette conclusion appelle l"intervention de la Cour. Il fait valoir que ses explications étaient raisonnables et qu"elles ne pouvaient étayer la conclusion dans laquelle la Commission attaquait sa crédibilité.

[6]      En ce qui concerne la question des demandes de visa qu"il a présentées depuis divers pays, dont le Canada et l"Angleterre, le demandeur a dit qu"il voulait obtenir des avis, vu qu"il n"est pas certain de ce qui allait se produire après l"expiration du visa, dans la perspective d"un éventuel retour au Bangladesh. Il soutient que les mesures qu"il a prises étaient raisonnables, étant donné qu"il s"efforçait d"examiner toutes les éventualités.

[7]      Pour ce qui est de la question du séjour qu"il a fait au Royaume-Uni et de sa décision de ne pas y revendiquer l"asile politique, le demandeur a dit qu"il attendait de voir comment la situation évoluerait dans son pays. Il a expliqué ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié au Royaume-Uni parce qu"il avait entendu dire qu"il y était difficile d"obtenir ce statut. Il a dit que sa période d"attente de six semaines était attribuable à l"achalandage des aéroports en raison des vacances d"été et que ces explications étaient raisonnables dans les circonstances.

[8]      En ce qui concerne son omission de déclarer qu"il ne possédait plus le montant d"argent qu"il avait dit avoir en sa possession dans sa demande de visa, le demandeur fait valoir que ce mensonge n"était pas de nature fondamentale et qu"il ne devait pas être au coeur de l"analyse.

LES ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[9]      Le défendeur fait valoir que compte tenu de la preuve dont elle disposait, la Commission n"a pas agi de façon déraisonnable lorsqu"elle a conclu que le demandeur n"était pas un réfugié au sens de la Convention.

[10]      Le défendeur soutient qu"on pourrait déduire du fait que le demandeur a séjourné au Royaume-Uni pendant six semaines sans revendiquer le statut de réfugié qu"il n"avait aucune crainte; en outre, le demandeur a passé six autres semaines au Canada avant de revendiquer le statut de réfugié.

[11]      Le défendeur avance que, compte tenu de la preuve dont elle disposait, il était raisonnable que la Commission conclue que le demandeur manquait de crédibilité.

[12]      Étant donné que le demandeur avait eu le temps de préparer son départ du Bangladesh, le manque de documentation concernant ses activités politiques était douteux dans les circonstances, vu que le demandeur possédait une imprimerie qui travaillait pour le BNP et qu"il n"a pu fournir de documents imprimés pour le compte de son parti, malgré le fait qu"il aurait été impliqué en politique pendant dix ans.

L"ANALYSE

[13]      La décision de la Commission est très bien documentée. La Commission a traité d"un nombre considérable de contradictions, d"incohérences, d"invraisemblances et même de mensonges concernant la revendication du statut de réfugié déposée par le demandeur, et notre Cour doit faire preuve d"une grande retenue à l"égard de cette décision, vu que les conclusions de la Commission dépendaient de la crédibilité du demandeur.

[14]      L"avocat du demandeur a tenté de fournir des justifications sur ces manquements, mais aucune de celles-ci ne pouvait établir que la Commission avait commis une erreur susceptible de contrôle soit en concluant que le demandeur manquait de crédibilité, soit en examinant la preuve dont elle disposait.


[15]      La Commission a bien étayé ses conclusions, qui semblent à tout le moins raisonnables.

[16]      À mon avis, la Commission n"a pas commis d"erreur susceptible de contrôle justifiant l"intervention de notre Cour.

[17]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[18]      L"avocat du demandeur a proposé que la question suivante soit certifiée :

[TRADUCTION] L"appréciation de la crédibilité étant fondée sur les opinions politiques, est-il raisonnable de mettre en doute la crédibilité d"un revendicateur sur le fondement des pratiques générales du parti politique auquel il appartient?

[19]      L"avocate du défendeur a soutenu que la question n"était pas déterminante à l"égard du présent appel vu que la Commission a rejeté la revendication du demandeur au motif qu"il manquait de crédibilité et que sa crainte n"était pas fondée. Elle a fait remarquer que la Commission avait tiré plusieurs conclusions et qu"elle ne s"était pas fondée exclusivement sur la conclusion que le demandeur avait donné une version erronée des activités de son parti.

[20]      Elle a également soulevé le fait que la question n"était pas de portée générale. Le fait de mettre en doute la crédibilité du demandeur étant une conclusion de fait liée aux faits propres à chaque affaire, la question [TRADUCTION] " ne porte pas sur des questions de portée ou d"application générale ".

[21]      Selon le par. 83(1), seule une question de portée générale peut être certifiée et, comme les arguments soulevés par le défendeur sont convaincants, aucune question ne doit être certifiée.

                         Pierre Blais

                         juge


OTTAWA (ONTARIO)

Le 13 septembre 1999.










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :                  IMM-5615-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          MOHAMMAD EMRAN HUSAIN c. MCI


LIEU DE L"AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 12 AOÛT 1999

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :                  13 SEPTEMBRE 1999



ONT COMPARU :

Me ETHAN A. FRIEDMAN                      POUR LE DEMANDEUR

Me SHERRY RAFAI FAR                          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me ETHAN A. FRIEDMAN                      POUR LE DEMANDEUR

Me SHERRY RAFAI FAR                          POUR LE DÉFENDEUR

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

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