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Date : 19991112


Dossier : T-759-96


ENTRE :



PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


demandeur



et




AUBREY POPE


défendeur






MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      Cette demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de Robert Vaison, en sa qualité de président du Comité d"appel, par laquelle il a accueilli l"appel de Aubrey Pope de nominations proposées au poste de coordonnateur d"équipe (divers postes), PM-04, Revenu Canada (impôt).
[2]      La demande a été entendue avec trois autres demandes de contrôle judiciaire, toutes trouvant naissance dans la même question. M. Pope, qui agissait en son propre nom, n"était pas présent à l"audience.

LES FAITS

[3]      M. Pope a fait appel d"un certain nombre de nominations proposées par Revenu Canada (impôt), en vertu de l"article 21 de la Loi sur l"emploi dans la fonction publique (LEFP).
[4]      Les candidats ont été évalués avec une panoplie d"outils de sélection. Les connaissances ont été évaluées par un examen écrit. Les capacités ont été évaluées par l"utilisation de la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427). Les qualités personnelles ont été évaluées au moyen des réponses des candidats à diverses questions mettant en cause leur comportement.
[5]      Soixante (60) personnes se sont inscrites au concours. Onze (11) ont été rejetées à la présélection, au motif qu"elles ne répondaient pas au critère de l"expérience. Quatre (4) personnes ont retiré leur candidature. Dix (10) personnes ont connu un échec à l"examen écrit de connaissances. Vingt-trois (23) des trente-cinq (35) personnes restantes ont connu un échec à la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427). Les douze (12) candidats restants ont tous réussi cette partie de l"évaluation. Les neuf (9) premiers ont été placés sur une liste d"admissibilité.

LA DÉCISION DU COMITÉ D"APPEL

[6]      Le Comité d"appel n"a pu conclure que l"utilisation de la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427), telle qu"administrée en l"instance, était un outil sur lequel on pouvait s"appuyer pour dire que le candidat avait été évalué et classé de façon équitable et uniforme pour le facteur très important des capacités.
[7]      Le président du Comité d"appel s"explique ainsi :

     [traduction]

     Il est difficile de conclure que tous les candidats auraient été évalués de façon uniforme et équitable étant donné que six (6) personnes différentes ont constitué huit (8) équipes d"évaluation différentes de trois personnes pour administrer la simulation en cause.
     Le principe du mérite exige que les candidats à un poste pourvu par concours fassent l"objet d"une évaluation comparative afin d"assurer que les nominations proposées se font dans l"ordre du mérite.

LA POSITION DU DEMANDEUR

[8]      Le demandeur soutient que le Comité d"appel n"a pas tenu compte de la preuve portant, premièrement, sur l"évaluation psychométrique et son utilisation comme instrument de mesure dans le processus de sélection du personnel et, deuxièmement, quant au sens réel des concepts clés de validité et de fiabilité, et les notes y afférentes, dans l"utilisation et l"interprétation des résultats.
[9]      La conclusion du Comité d"appel constitue un point de vue personnel non fondé sur des questions au sujet desquelles il admet n"avoir aucune connaissance spécialisée.
[10]      Le demandeur soutient que la preuve non contredite, même sur contre-interrogatoire, indique qu"on admet que la Simulation pour coordonnateur d"équipe (427) est valable et possède un haut degré de fiabilité.

LA POSITION DU DÉFENDEUR

[11]      M. Pope n"était pas présent à l"audience et il n"a présenté aucune prétention écrite à la Cour.

ANALYSE

[12]      Dans Ratelle c. Canada (Commission de la Fonction publique, Direction des appels), [1975] A.C.F. no 910, la Cour d"appel a décidé que :
     ... il faut se rappeler que le rôle d"un jury de sélection et celui d"un comité saisi d"un appel en vertu de l"article 21 sont bien différents. Le jury de sélection n"est qu"un instrument utilisé par la Commission de la Fonction publique pour remplir la tâche que le législateur lui a confiée. Le rôle du jury c"est de déterminer le mérite des candidats à un poste donné en utilisant, sujet aux prescriptions de la Loi et des règlements, les moyens qu"il juge appropriés. Le rôle du Comité d"appel est bien différent. Il n"a pas, règle générale, à substituer son appréciation des candidats à celle du jury de sélection. L"appréciation du mérite de diverses personnes est bien souvent affaire d"opinion et il n"y a pas de raison de préférer, sur ce sujet, l"opinion du Comité d"appel à celle du jury de sélection. Le rôle du Comité d"appel est de faire enquête afin de déterminer si la sélection faite par le jury a été faite de façon telle qu"on puisse dire qu"elle est, comme l"exige la Loi, une " sélection établie au mérite ". Si le comité arrive à la conclusion que la sélection faite par le jury satisfait à cette exigence, il doit rejeter l"appel même s"il est d"opinion que s"il avait été lui-même chargé de la tâche confiée au jury de sélection, le résultat aurait pu être différent. Dans le cas où un jury de sélection a accompli son travail en se conformant à la Loi et aux règlements et en cherchant honnêtement par les moyens qu"il juge appropriés à choisir le candidat le plus méritant, un Comité d"appel outrepasse ses droits s"il accueille l"appel de la décision du jury pour le motif que le jury n"a pas, dans l"accomplissement de sa tâche, utilisé les moyens que le Comité d"appel juge les plus appropriés.

[13]      La Cour fédérale interviendra si la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des documents présentés en preuve.
[14]      Le Comité d"appel a-t-il outrepassé sa compétence?
[15]      Le Comité d"appel déclare qu"il ne conteste pas l"ordre de la liste en soi, mais bien la procédure utilisée. Pourtant, il conclut que les candidats ne peuvent avoir été évalués de façon uniforme et équitable. Il n"y a toutefois aucune preuve au dossier qui mènerait à cette conclusion.
[16]      La preuve démontre qu"avant que le jury de sélection prépare le processus de simulation, les évaluateurs ont passé deux jours à élaborer les critères applicables. Pendant les deux semaines de l"évaluation, il y a eu plusieurs discussions au sujet des divers candidats ainsi que du poids à donner aux questions en cause et de la façon de les aborder. Les membres des équipes d"évaluation se sont observés les uns les autres pendant qu"ils notaient les candidats et ils ont révisé un certain nombre d"évaluations pour mieux comprendre comment on évaluait les candidats.
[17]      À mon avis, le fait qu"il y ait eu un élément de subjectivité ne mène pas à un manque important d"uniformité. Cet élément de subjectivité demeure, même si chaque candidat est évalué par le même groupe. Au vu de la preuve, il semble que l"élément de subjectivité était minime.
[18]      La preuve démontre que les candidats ont été évalués de la façon suivante. Les notes de chaque candidat ont été lues à haute voix pour assurer que tous les membres de l"équipe étaient d"accord quant aux questions abordées par le candidat. Ensuite, l"équipe révisait, un élément à la fois, la définition de l"élément à évaluer ainsi que les questions du manuel de l"évaluateur relatives à cet élément, pour ensuite revenir chacun pour soi à l"échelle d"évaluation applicable à cet élément en particulier. Chaque évaluateur faisait alors sa propre évaluation de l"élément en cause. Ensuite, les évaluateurs partageaient leurs notes et en discutaient afin d"arriver à une note et à une évaluation sur lesquelles il y avait un consensus. Ce processus était repris pour chaque élément.
[19]      Les conclusions du Comité d"appel ont donc été tirées de façon abusive et arbitraire, sans tenir compte des éléments dont il disposait.
[20]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                         Pierre Blais

                         Juge



OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 novembre 1999



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-759-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le Procureur général du Canada c. Aubrey Pope
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa
DATE DE L'AUDIENCE :          le 6 octobre 1999

MOTIFS DE JUGEMENT DE :      M. le juge Blais

EN DATE DU :              12 novembre 1999



ONT COMPARU

J. Sanderson Graham

Jean Charles Ducharme                  POUR LE DÉFENDEUR


Aucune comparution                  POUR LE DÉFENDEUR





AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Morris Rosenberg                      POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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