Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Dossier : IMM‑187‑21

Référence : 2021 CF 866

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 24 août 2021

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

HOSSEIN AKBARISENEH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Hossein Akbariseneh, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] a rejeté son appel et a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de rejeter sa demande d’asile. Il affirme que la décision de la SAR est déraisonnable.

[2] Je suis d’accord avec le demandeur. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à la SAR pour nouvel examen.

I. Contexte

[3] Le demandeur est un citoyen iranien. Avant de venir au Canada, il était un important actionnaire d’une société de transport et il exerçait le métier de camionneur en Iran. Il affirme s’être rendu compte que l’un de ses clients agissait de façon répréhensible en expédiant des marchandises en Iraq et en collaborant avec le service du renseignement du Sepah en Iran. Le demandeur a refusé de s’adonner à cette pratique et a informé d’autres sociétés de transport de la situation, ce qui lui a valu d’être convoqué au bureau du Sepah, où il a subi un interrogatoire serré et a été agressé et forcé à signer un document par lequel il s’engageait à ne pas participer à des rassemblements politiques ou syndicaux.

[4] Le demandeur a déclaré qu’il avait par la suite été détenu par les forces de sécurité iraniennes relativement à la grève des camionneurs. Il affirme que les forces de sécurité l’ont torturé et l’ont obligé à avouer qu’il avait incité d’autres camionneurs à participer à la grève. Il soutient que les forces de sécurité ont fini par le libérer avec un avertissement après avoir évoqué sa détention antérieure et lui avoir fait signer un document par lequel il s’engageait à être à leur disposition à l’avenir.

[5] Le demandeur est venu au Canada muni d’un visa dans le but d’y étudier les occasions d’affaires. Il avait initialement prévu de rester 20 jours, mais il a appris pendant son séjour que des représentants du gouvernement avaient fouillé sa maison, interrogé sa famille et saisi des biens, y compris un CD attestant sa participation à un cours sur l’athéisme. Il déclare qu’on lui a dit que d’autres personnes ayant suivi ce cours avaient été arrêtées. Il a ensuite présenté une demande d’asile, car l’apostasie (définie en Iran comme le défaut de se conformer aux préceptes de l’islam) est un crime passible de la peine capitale.

[6] La SPR a rejeté sa demande au motif que son allégation selon laquelle il était athée et étudiait l’athéisme en Iran manquait de crédibilité. La SPR a relevé des lacunes dans le témoignage du demandeur, dont son incapacité à définir clairement l’athéisme. Elle a conclu qu’il était contraire au sens commun pour des étudiants suivant un cours sur l’athéisme de filmer leur cérémonie de remise des diplômes compte tenu de la peine à laquelle ils s’exposent. La SPR a également souligné que, bien que le demandeur ait affirmé qu’il avait étudié divers auteurs athées bien connus, il avait confondu le biologiste Richard Dawkins avec le cosmologiste et physicien Stephen Hawking, et avait ensuite eu de la difficulté à expliquer la théorie de l’évolution. La SPR a rejeté la demande d’asile au motif que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour qu’elle puisse conclure qu’elle devait lui accorder l’asile.

[7] En appel devant la SAR, le demandeur a tenté de faire admettre de nouveaux éléments de preuve concernant le risque auquel sa famille est exposée en Iran. Il a aussi fait valoir que la SPR n’avait pas tenu compte des éléments de preuve qu’il avait soumis sur la nature de l’école d’athéisme, qu’elle avait compris à tort que la vidéo de la cérémonie de remise des diplômes était un souvenir personnel, qu’elle avait établi une norme trop élevée pour les questions relatives à l’athéisme et qu’elle n’avait pas tenu compte de ses explications sur la théorie de l’évolution.

[8] La SAR a rejeté la demande visant à faire admettre de nouveaux éléments de preuve parce que les éléments de preuve en question n’étaient pas nouveaux et que, par conséquent, ils ne satisfaisaient pas aux critères énoncés dans la loi et la jurisprudence. La SAR a confirmé le bien‑fondé de la décision de la SPR et a jugé correcte la conclusion de cette dernière selon laquelle le demandeur n’était pas crédible, n’avait pas établi son profil d’athée et n’était donc pas exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté pour apostasie en Iran.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[9] La question en litige en l’espèce consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable. Le demandeur s’est concentré sur deux arguments principaux : i) la SAR n’a pas tenu compte du risque qu’il soit persécuté pour des motifs politiques en raison de son rôle de lanceur d’alerte; ii) la SAR lui a imposé une norme déraisonnablement élevée en ce qui concerne ses connaissances sur l’athéisme.

[10] Les parties conviennent que la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision raisonnable, conformément à l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16-23 [Vavilov], et je suis d’accord avec elles. La Cour a récemment confirmé qu’il s’agit bel et bien de la norme applicable : Adefisan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2021 CF 359 au para 10; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 380 au para 19.

[11] En résumé, selon le cadre de l’arrêt Vavilov concernant un contrôle judiciaire au regard de la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit « examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et […] déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 2 [Postes Canada]). Il incombe au demandeur de convaincre la Cour que « la lacune ou la déficience [invoquée] […] est suffisamment capitale ou importante pour rendre [la décision] déraisonnable » (Vavilov au para 100, cité avec approbation dans l’arrêt Postes Canada au para 33).

III. Analyse

[12] À mon avis, la question déterminante en l’espèce est celle du caractère raisonnable des conclusions de la SAR sur la crédibilité de l’allégation du demandeur selon laquelle il était exposé à un risque du fait de son athéisme. Pour cette raison, il n’est pas nécessaire d’examiner l’argument subsidiaire du demandeur.

[13] La SAR a tiré plusieurs conclusions déterminantes quant à la crédibilité du demandeur :

[14] Compte tenu de ces conclusions, la SAR a jugé que la SPR avait eu raison de conclure que le demandeur n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve crédibles à l’appui de sa demande d’asile, et elle a par conséquent conclu qu’il n’existait pas une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté en Iran.

[15] Appliquant le cadre de l’arrêt Vavilov à la présente décision, je conclus que l’analyse de la SAR est déraisonnable pour plusieurs motifs. La décision de la SAR ne démontre pas que celle‑ci s’est réellement penchée sur la principale question dont elle était saisie, à savoir la sincérité des croyances du demandeur en l’athéisme. Il s’agit de sa principale lacune. En outre, certaines conclusions de la SAR concernant la crédibilité du demandeur ne satisfont pas aux critères d’intelligibilité et de raisonnement logique qui, selon l’arrêt Vavilov, sont essentiels dans une analyse du caractère raisonnable d’une décision.

[16] En ce qui concerne la question de l’« école de pensée », la SPR a indiqué dans ses motifs que le demandeur pouvait faire référence soit à un lieu physique, soit à une autre école (autre qu’un lieu physique) organisée de manière plus officielle. Par exemple, elle a parlé de [traduction] « camarades de classe […] qui connaissaient prétendument cette école » et a indiqué que [traduction] « le demandeur se rappellerait s’il avait obtenu un diplôme de cette école d’athéisme » (décision de la SPR aux para 22, 25, 31‑32, 38). Pour cette raison, il est impossible de comprendre comment la SAR a pu conclure que, lorsque la SPR « mentionne l’absence d’une "école d’athéisme" en Iran, [elle] fait référence à ce que [le demandeur] a lui‑même désigné comme une école de pensée » (décision de la SAR au para 17). Cette conclusion n’est pas intelligible.

[17] En outre, bien que je souscrive à l’observation du défendeur selon laquelle la preuve documentaire ne mentionne pas expressément l’existence d’une « école de pensée organisée sur l’athéisme », je ne crois pas que les conclusions de la SAR devraient s’appuyer sur cette conclusion en particulier. Les documents renvoient plutôt à la présence de personnes athées en Iran et au fait qu’en général, elles ne révèlent pas leur identité et doivent prendre d’autres moyens pour cacher leurs croyances en raison des dangers auxquels elles s’exposent. La SAR n’explique pas en quoi ces éléments de preuve contredisent le témoignage du demandeur selon lequel il suivait des cours secrets qui étaient donnés à quelques semaines d’intervalles et à des endroits différents d’une fois à l’autre pour échapper à la surveillance. Elle n’explique pas non plus comment il serait raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur fournisse des éléments de preuve corroborants au sujet des cours qu’il a suivis, car, s’il le faisait ou demandait à d’autres personnes de le faire, il s’exposerait aux risques mêmes qu’il dit craindre.

[18] Comme je le précise ci‑dessous, je conclus également que la SAR est incohérente puisqu’elle semble, d’une part, reprocher au demandeur de ne pas avoir fourni d’éléments de preuve corroborant son athéisme et, d’autre part, lui reprocher d’avoir conservé un enregistrement privé d’une cérémonie attestant ses croyances, car elle considère qu’il est trop risqué de conserver un tel élément de preuve en Iran.

[19] En ce qui concerne les conclusions de la SAR sur les connaissances du demandeur concernant l’athéisme ou sur sa compréhension de la théorie de l’évolution ou des travaux d’athées célèbres, je conclus que la SAR est tombée dans un piège lorsqu’elle a évalué le témoignage du demandeur en fonction d’un niveau de connaissances déraisonnablement détaillées ou sophistiquées de la doctrine religieuse, une pratique faisant invariablement l’objet de mises en garde dans la jurisprudence de la Cour (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 685 au para 31, citant Bouarif c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 49 au para 7). La jurisprudence conclut invariablement qu’il est inacceptable de juger de la sincérité d’une croyance invoquée au moyen de ce qui équivaut à un « questionnaire » religieux. Dans Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1139, le juge Southcott a examiné la jurisprudence faisant autorité et a donné le résumé convaincant suivant :

[26] Selon mon interprétation de la jurisprudence, il n’est pas inapproprié pour la Commission de poser des questions sur la religion lorsqu’elle tente d’évaluer l’authenticité des croyances d’un demandeur d’asile, mais ces questions et l’analyse qui en a résulté doivent de fait porter sur l’authenticité de ces croyances et non sur leur exactitude théologique. Il peut s’agir d’une tâche difficile pour la Commission, car la Commission a le droit de déterminer si le demandeur d’asile a atteint un niveau de connaissance religieuse correspondant à ce à quoi il serait possible de s’attendre d’une personne se trouvant dans la situation du demandeur d’asile, mais ne doit pas tirer de conclusion défavorable fondée sur de menus détails ou sur une norme déraisonnablement élevée de connaissances religieuses.

[20] Le fait d’exiger des demandeurs un niveau de connaissances religieuses déraisonnable est problématique puisqu’il peut conduire à des détours doctrinaux infructueux et masquer la véritable question dont est saisi le décideur et qui consiste à déterminer si la personne a démontré la sincérité de ses croyances. Bon nombre d’adeptes sincères d’un vaste éventail de systèmes de croyances ne sont pas nécessairement en mesure d’expliquer les subtilités de leurs croyances. Le décideur doit expliquer pourquoi le manque de connaissances de la personne sur un sujet en particulier constitue en soi un motif de douter de la sincérité des croyances invoquées. Je conclus que la SAR ne l’a pas fait.

[21] Ce problème est exacerbé par le fait que la SAR ne s’est pas penchée sur le témoignage que le demandeur a livré devant la SPR. La SPR et la SAR critiquent avant tout le témoignage du demandeur parce que celui‑ci n’a pas défini l’athéisme comme le scepticisme à l’égard d’une force créatrice supérieure ou surnaturelle. Selon la transcription de l’audience, la SPR a posé au demandeur la question suivante : [traduction] « Que signifie l’athéisme pour vous? », et le demandeur a répondu [traduction] « la gentillesse […], l’intégrité, l’honnêteté […] [et] le soutien apporté à ses semblables, qu’ils soient musulmans ou non ». La SPR et la SAR reprochent cette réponse au demandeur, mais, à mon avis, elles font fi de façon déraisonnable de la question réellement posée. Pour dire les choses simplement, la SPR n’a pas demandé au demandeur ce que signifiait l’athéisme dans l’abstrait, mais plutôt ce que la doctrine signifiait pour lui, dans sa vie. Sa réponse est une description raisonnable de cette signification; il ne s’agit cependant pas d’une définition du concept en général. La Cour a souvent conclu qu’il est impossible de reprocher à la SAR de ne pas traiter une question qui n’a jamais été soulevée devant elle. De même, je conclus qu’il est impossible de reprocher au demandeur de ne pas avoir répondu à une question qui ne lui a pas été posée.

[22] La SAR a conclu qu’« il est déconcertant qu’un athée déclaré n’ait pas pu simplement donner la définition du mot athéisme ou ait apparemment été réticent à le faire » (au para 26). Elle souligne qu’après qu’elle lui a posé de nombreuses questions, il « a finalement répondu qu’il croyait que Dieu n’existe pas » (au para 25). Le demandeur soutient que l’interprétation de ses réponses doit tenir compte de sa situation personnelle; il est né et a grandi dans une société où l’islam est la religion officielle et où l’apostasie est passible de la peine capitale. Il affirme que sa réticence à prononcer les mots doit être interprétée dans le contexte des expériences qu’il a vécues. Il s’agit d’un argument convaincant, mais, comme le demandeur ne l’a jamais soulevé dans son témoignage ni au cours de son appel devant la SAR, je ne m’en servirai pas pour appuyer ma conclusion.

[23] Le dernier problème concernant la décision de la SAR est la façon dont elle traite les connaissances du demandeur sur la théorie de l’évolution et des athées célèbres. Comme je le mentionne plus haut, la SPR a conclu que le témoignage du demandeur à ce sujet comportait des lacunes si importantes qu’elles jetaient le doute sur sa crédibilité. La SAR affirme que le « raisonnement décousu [du demandeur] concernant l’athéisme, l’évolution et les grands scientifiques est difficile à suivre et n’est pas très érudit ». Elle a toutefois conclu que cela ne signifiait pas que le demandeur n’avait pas suivi de cours sur l’athéisme, mais plutôt qu’il avait peut‑être été peu attentif (au para 31). Cela concorde avec la conclusion antérieure de la SAR selon laquelle cette confusion n’a pas une grande incidence (au para 29).

[24] La difficulté provient de la déclaration suivante de la SAR :

[Le demandeur] a souligné l’importance de la science, de l’intégrité, de la moralité et du progrès. Je réitère la remarque faite par le tribunal de la SPR pendant l’audience, à savoir que les personnes qui ne sont pas athées partagent nombre de ces mêmes principes et qualités. Ceux‑ci ne relèvent pas exclusivement de l’athéisme et peuvent inclure les croyants.

[25] Il est très difficile de savoir en quoi cette conclusion était pertinente à la question dont était saisie la SAR. Nul n’a demandé au demandeur d’aborder dans son témoignage les différences entre les convictions des athées et celles des croyants. Celui‑ci n’a pas non plus déclaré que ces croyances étaient exclusives aux athées. Cependant, le problème consiste à comprendre comment la conclusion de la SAR selon laquelle ces croyances ne relèvent pas « exclusivement de l’athéisme » l’a poussée à conclure que le demandeur n’est pas crédible lorsqu’il affirme être athée.

[26] L’arrêt Vavilov nous enseigne qu’il existe deux principaux axes d’analyse pour déterminer si une décision est raisonnable : le premier consiste à déterminer si la décision tient compte des faits essentiels et du droit applicable; le deuxième consiste à déterminer si le décideur explique la conclusion tirée d’une façon suffisamment détaillée qui démontre un raisonnement intrinsèquement cohérent. Le défaut d’appliquer l’un de ces deux axes peut mener à la conclusion que la décision est déraisonnable. En termes simples, « la cour de révision doit être convaincue que le raisonnement du décideur "se tient" » (Vavilov au para 104).

[27] Je conclus que l’analyse de la SAR portant sur la crédibilité du demandeur ne satisfait pas à ce critère. Un examen de la transcription de l’audience confirme amplement que le témoignage du demandeur n’était pas un modèle d’érudition. La SAR souligne la confusion du demandeur, mais conclut que celle‑ci n’est pas déterminante. Cependant, elle affirme qu’elle doute de sa crédibilité, car les valeurs qu’il cite ne sont pas exclusives aux athées. À mon avis, ce raisonnement ne « se tient » pas et n’est pas un motif raisonnable justifiant la conclusion de la SAR.

[28] Dans l’ensemble, je conclus que la décision de la SAR est déraisonnable, car elle ne traite pas des principaux éléments de preuve relatifs à l’essentiel du témoignage du demandeur et ne comprend pas d’explication intrinsèquement cohérente sur son raisonnement.

[29] Par conséquent, j’annule la décision de la SAR et je renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen. Compte tenu de ma conclusion sur cette question, il n’est pas nécessaire d’examiner l’autre question soulevée par le demandeur.

[30] Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier, et l’affaire n’en soulève aucune.

 




 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.